Présentation de Marie

La Présentation de la Vierge Marie au Temple,

Présentation de Marie au Temple BN Latin 18014 fol.142v | DR
Présentation de Marie au Temple BN Latin 18014 fol.142v | DR

c’est le symbole de la consécration que la Vierge Immaculée a fait d’elle-même au Seigneur dès sa vie consciente.

Contemplons en Marie « comblée de grâces » le modèle exemplaire de la vie consacrée, valable pour tout chrétien que le baptême incorpore au Christ et qui désire vivre plus fortement l’appel de l’Évangile, notamment celui qui se consacre pour toujours dans le sacrement de l’Ordre au service du Christ et de son Église.

Et pour commencer cette contemplation, nous pouvons lire la séquence Altissima dans les Prières mariales du site, puis une méditation sur la fête.

MÉDITATION SUR LA FÊTE

Quelques jours après le commencement de l’Avent, l’Église célèbre la fête de la Présentation de la Sainte Vierge au Temple (21 Novembre). Il est juste qu’au début du temps de préparation à Noël notre pensée se porte vers la Mère de Dieu, dont l’humble et silencieuse attente doit être le modèle de notre propre attente pendant l’Avent. Plus nous nous rapprocherons de Marie par notre prière, notre docilité, notre pureté, plus se formera en nous Celui qui va naître.

Que Marie, toute petite enfant, ait été présentée au Temple de Jérusalem pour y vivre, désormais appartient au domaine de la légende, non à celui de l’histoire [1]. Mais cette légende constitue un gracieux symbole dont nous pouvons tirer les plus profonds enseignements spirituels.

Les trois lectures de l’Ancien Testament lues aux vêpres, le soir du 20 novembre ont rapport au Temple. La première leçon (Ex, 40) évoque les ordres donnés par Dieu à Moïse concernant la construction et l’arrangement intérieur du tabernacle. La deuxième leçon (1 R 7, 51 – 8, 11) décrit la dédicace du Temple de Salomon. La troisième leçon (Ez 43, 27 – 44, 4) nous parle de la porte du sanctuaire, fermée à tout homme et par laquelle Dieu seul entre. Ces trois textes ont symboliquement pour objet la Mère de Dieu elle-même, temple vivant et parfait.

L’épître lue en ce jour (He 9, 1-7) rappelle l’arrangement du sanctuaire et du « saint des saints » : ce texte lui aussi se rapporte symboliquement à Marie.

Le sens spirituel de la fête de la Présentation est développé dans les divers chants de l’office et de la liturgie. Les deux thèmes principaux que nous y trouvons sont les suivants. D’abord la sainteté de Marie. La petite enfant séparée du monde et introduite au Temple pour y demeurer évoque l’idée d’une vie séparée, consacrée, « présentée au Temple », une vie d’intimité avec Dieu : « Aujourd’hui la Toute Pure et toute sainte entre dans le Saint des Saints ».

Il est évident que l’Église fait ici une allusion spéciale à la virginité, mais toute vie humaine, dans des mesures diverses, peut être une vie « présentée au Temple », une vie sainte et pure avec Dieu.

Le deuxième thème est la comparaison entre le Temple de pierre et le Temple vivant : « Le Temple très pur du Sauveur… est conduite aujourd’hui dans la maison du Seigneur, apportant avec elle la grâce de l’Esprit divin ». Marie, qui portera le Dieu-Homme dans son sein, est un temple plus sacré que le sanctuaire de Jérusalem ; il convenait que ces deux temples se rencontrassent, mais ici c’est le temple vivant qui sanctifie le temple bâti.

La supériorité du temple vivant sur le temple de pierre est vraie d’une manière spéciale de Marie, parce qu’elle était l’instrument de l’Incarnation. Mais, d’une manière plus générale, cela est vrai de tout homme uni à Dieu : « Ne savez-vous que vous êtes le temple de Dieu ( 1 Co 3,16) ? … Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint-Esprit ( 1 Co 6,19) ? ».

D’autres pensées nous sont suggérées par cette fête. Si notre âme est un temple où Dieu veut demeurer, il convient que Marie y soit « présentée » : il faut que nous ouvrions notre âme à Marie, afin qu’elle vive dans ce temple, – notre temple personnel.

D’autre part, puisque l’Église entière, puisque toute l’assemblée des fidèles est le corps du Christ et le Temple de Dieu, considérons cette fête comme la Présentation de Marie dans ce Temple, – la sainte Église universelle. Ce Temple qu’est l’Église catholique rend aujourd’hui hommage à ce Temple qu’est Marie.

NOTES

[1] D’après les évangiles apocryphes (le pseudo-Jacques, le pseudo-Matthieu, etc.), Marie aurait été amenée au temple par ses parents, à l’âge de trois ans, et elle y serait demeurée. La fête de la Présentation a d’abord été célébrée en Syrie (qui est justement le pays des apocryphes) vers le VIe siècle. Au VIIe ou VIIIe siècle, des poèmes liturgiques grecs étaient composés en l’honneur de la Présentation. Néanmoins le ménologe de Constantinople, au VIIe siècle, ne mentionne pas encore cette fête. Elle était cependant célébrée à Constantinople au XIe siècle. Les papes d’Avignon, au XIVe siècle, introduisirent la Présentation dans l’Occident latin. C’est en vain que le Pape Pie V, plus soucieux de vérité historique, la raya du bréviaire et du calendrier romains, au XVIe siècle. Le pape Sixte V, au même siècle, l’y remit. 

Extrait du livre L’An de grâce du Seigneur, signé « Un moine de l’Église d’Orient », Éditions AN-NOUR (Liban)

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A propos de cette fête, il est bon aussi de jeter un coup d’œil, même si un siècle nous en sépare, sur le texte de Dom Guéranger, abbé de Solesmes, rédigé en 1900, dans son « Année Liturgique », au tome VI du temps après la Pentecôte :

LE XXI NOVEMBRE : LA PRÉSENTATION DE LA TRÈS SAINTE VIERGE

Inférieure en solennité aux autres fêtes de Notre-Dame, tardivement inscrite au Cycle sacré, la Présentation semble de préférence réserver chez nous le culte de ses mystères à la contemplation silencieuse. Dans le silence de leur prière ignorée, les justes gouvernent la terre ; la Reine des saints, la première, fit plus par ses mystères cachés que tous les faux grands hommes dont les gestes bruyants prétendent constituer la trame des annales du monde.

L’Orient chantait depuis sept siècles au moins (1) l’entrée de la Mère de Dieu dans le temple de Jérusalem (2), quand pour la première fois (3), en 1372, Grégoire XI permit qu’elle fût célébrée à la cour romaine d’Avignon. Or en réponse, Marie brisait les chaînes qui depuis soixante-dix ans retenaient la Papauté captive, et bientôt Grégoire XI rendait à Rome le successeur de Pierre.

Ainsi déjà, au Cycle d’Occident, la Visitation nous était apparue comme le monument de l’unité reconquise sur le schisme qui suivit l’exil (4).

Dès l’année 1373, à l’imitation du Pontife suprême, Charles V de France introduisait la fête de la Présentation dans sa chapelle du palais. Par lettres en date du 10 novembre 1374, aux maîtres et écoliers du collège de Navarre, il exprimait le désir qu’elle fût célébrée dans le royaume entier :

« Charles, par la grâce de Dieu roi des Francs, à nos bien-aimés : salut en Celui qui ne cesse point d’honorer sa Mère sur la terre. Entre les autres objets de notre sollicitude, souci journalier et diligente méditation, le premier qui occupe à bon droit nos pensées est que la bienheureuse Vierge et très sainte Impératrice soit honorée par nous d’un très grand amour et louée comme il convient à la vénération qui lui est due. Car c’est un devoir pour nous de lui rendre gloire ; et nous qui élevons vers elle en haut les yeux de notre âme, nous savons quelle protectrice incomparable elle est pour tous, quelle puissante médiatrice auprès de son béni Fils pour ceux qui l’honorent avec un cœur pur… Et c’est pourquoi, voulant exciter notre fidèle peuple à solenniser ladite fête comme Nous-même nous proposons de le faire, Dieu aidant, chacune des années de notre vie, nous en adressons l’Office à votre dévotion à cette fin d’augmenter vos joies. (5) »

Ainsi parlaient les princes dans ces temps. Or on sait comment dans ces mêmes années le sage et pieux roi, poursuivant l’œuvre inaugurée à Brétigny par la Vierge de Chartres, sauvait une première fois la France vaincue et démembrée. Dans l’Etat donc comme dans l’Eglise, à cette heure si critique pour les deux, Notre-Dame en sa Présentation commandait à l’orage, et le sourire de Marie enfant dissipait la nue.

La nouvelle fête, enrichie d’indulgences par Paul II, s’était peu à peu généralisée, quand saint Pie V, voulant alléger d’un certain nombre d’Offices le calendrier universel, crut devoir la comprendre en ses suppressions.

Mais Sixte-Quint la rétablissait au Bréviaire romain dès l’année 1585, et peu après, Clément VIII l’élevait au rang des Doubles-majeurs. Bientôt clercs et réguliers prenaient pour coutume de renouveler leurs engagements sacrés en ce jour où leur commune Reine ouvrit devant eux la voie qui conduit par le sacrifice aux prédilections du Seigneur.

Ecoute, ma fille, et vois, et prête l’oreille ; oublie ton peuple et la maison de ton père, et le Roi convoitera ta beauté (6). Ainsi, formulant les vœux des filles de Tyr (7), chantait au sommet de Moriah l’Eglise de l’attente; et son regard inspiré perçant l’avenir, elle ajoutait : A sa suite viendront les vierges, ses compagnes ; elles s’avanceront dans la joie et l’allégresse; elles entreront dans le temple du Roi (8).

Or donc, salué d’avance comme le plus beau des fils des hommes (9), ce Roi, qui est le Très Puissant (10), prélude à ses conquêtes en ce jour; et son début, selon le mot du Psaume, est admirable (11). Par la gracieuse enfant qui à cette heure franchit les degrés du temple, il prend possession de ce temple, dont le sacerdoce le reniera vainement plus tard ; car cette enfant qu’accueille aujourd’hui le temple est son trône (12).

Dès maintenant, son parfum le précède et l’annonce en la mère au sein de laquelle l’huile d’allégresse, coulant à flots, doit le faire Christ entre ses frères (13); en elle déjà les Anges saluent la Reine dont la virginité féconde enfantera toutes ces âmes consacrées qui réservent à l’Epoux la myrrhe et l’encens de leurs holocaustes, ces filles des rois qui feront l’honneur de sa cour (14).

Mais la Présentation de Notre-Dame ouvre encore à l’Eglise d’autres horizons. Au Cycle des Saints, dépourvu des frontières précises qui délimitent celui du Temps, le mystère du séjour de Marie dans le sanctuaire de l’ancienne alliance prélude, mieux que n’aurait pu faire aucun autre, à la saison si prochaine de l’Avent liturgique.

Marie, conduite au temple pour s’y préparer dans la retraite, l’humilité, l’amour, à ses incomparables destinées, eut aussi pour mission d’y parfaire, au pied des autels figuratifs, la prière de l’humanité trop impuissante à faire pleuvoir des cieux le Sauveur (15).

Elle fut, dit saint Bernardin de Sienne, le bienheureux couronnement de toute attente et demande de l’avènement du Fils de Dieu ; en elle, comme en un sommet, tous les désirs des saints qui l’avaient précédée eurent leur consommation et leur terme (16).

Par son admirable intelligence des Ecritures, par sa conformité de chaque jour, de toute heure, aux moindres enseignements et prescriptions du rituel mosaïque, Marie découvrait, adorait partout le Messie sous la lettre ; elle s’unissait à lui, s’immolait avec lui dans chacune des victimes immolées sous ses yeux ; et ainsi rendait-elle au Dieu du Sinaï l’hommage, vainement attendu jusque-là, de la Loi comprise, pratiquée, fécondée selon la plénitude qu’elle comportait pour le Législateur.

Alors Yahvé put dire en toute vérité : Comme la pluie descend du ciel et n’y retourne point, mais enivre la terre et lui fait produire ses fruits; ainsi sera ma parole : elle ne me reviendra pas inféconde, mais aura heureusement tous les effets que j’ai voulus (17).

Supplément béni de la gentilité non moins que de la synagogue, Marie dès lors vit dans l’Épouse du Cantique sacré l’Eglise à venir. En notre nom à tous elle adressait à Celui qu’elle savait devoir être l’Époux, sans connaître encore qu’elle l’aurait pour fils, les appels d’un amour qui, sur ses lèvres, était bien fait pour obtenir du Verbe divin l’oubli des infidélités passées, des dérèglements où le monde dévoyé s’abîmait toujours plus (18).

Arche de l’alliance universelle, combien avantageusement ne remplaçait-elle pas celle des Juifs, disparue avec le premier temple! C’était pour elle sans le savoir qu’Hérode, le Gentil, avait repris la construction du second, demeuré comme désert et comme vide depuis Zorobabel ; car le temple, aussi bien que le tabernacle qu’il remplaçait, n’était que l’asile de l’arche destinée à porter Dieu lui-même : mais garder la réalité fut pour le second temple une gloire plus grande (19) que d’abriter comme le premier la figure.

Les Grecs ont fait choix, comme Leçons de ce jour, des passages de l’Écriture qui rappellent l’entrée de l’arche dans le tabernacle au désert (20), et plus tard dans le temple à Jérusalem (21). Le synaxaire, ou Leçon historique de la solennité, résume les traditions qui nous montrent la bienheureuse Vierge offerte par ses saints parents dans la troisième année de son âge au temple de Dieu, pour y demeurer jusqu’aux jours où, après douze années écoulées, devait s’accomplir en elle le mystère du salut.

Au VIe siècle de notre ère, l’empereur Justinien fit élever en l’honneur de la Présentation une église grandiose dans la partie méridionale de la plate-forme qui avait porté le temple et ses annexes (22).

Le siècle suivant nous donne les strophes litur­giques ci-après, qui témoignent de l’antiquité de la fête.