Il faut repenser Noël. Comme l’ont fait les bergers qui, convoqués par l’Ange pour constater que Jésus était né, furent les premiers témoins de l’événement. Ils allèrent donc à Bethléem, trouvèrent Jésus avec Marie et Joseph et, au retour, « ils firent connaître ce qui leur avait été dit de cet enfant; et tous ceux qui les entendirent furent émerveillés de ce que leur racontaient les bergers » (Lc 2, 18).
Et nous pouvons dire que c’est ainsi que l’Évangile a commencé à se faire connaître, à se répandre discrètement et secrètement, et à contribuer à la formation de cette conscience populaire messianique qui fera accueil à la prédication de Jean-Baptiste, le Précurseur, puis à celle du Christ lui-même.

Mais il est une autre circonstance qui nous conseille de méditer le fait de Noël évoqué par la fête liturgique afin d’y découvrir le sens, la signification transcendante qui s’y cache et qu’il manifeste. Noël a un contenu secret que seul peut découvrir celui qui le cherche.
Pensons à la Vierge elle-même, à l’extase de son âme d’une extraordinaire limpidité, consciente déjà du mystère de sa divine maternité (cf. Lc 1, 28 et sv.), et toute absorbée dans la méditation de ce qui s’accomplissait en elle et autour d’elle.
C’est encore l’Évangile de Saint Luc qui nous dit, pour conclure son récit des événements de la nuit de Noël: « Quant à Marie, elle conservait avec soin tous ces événements et les méditait en son cœur » (Lc 2, 19).
Cette attitude de recueillement, de réflexion, de méditation de la Vierge nous est rapportée également dans un autre passage de l’Évangile qui est en quelque sorte une conclusion du récit évangélique au sujet des douze premières années de la vie de l’Enfant Jésus: « Et sa mère gardait fidèlement tous ces souvenirs en son cœur » (Lc 2, 51).
Et ainsi nous est proposé, le premier exemple de vie contemplative dans l’histoire évangélique: l’exemple est merveilleux et riche d’enseignements. La présence du Christ dans le monde est certes une lumière qui l’éclaire, avec le diaphragme du mystère: un mystère qui exige de chacun de nous une attention, une exploration.
La révélation n’est pas seulement un fait sensible et extérieur; c’est une révélation enrobée dans la parabole (Cf Mt 13, 13). Voit celui qui veut voir, voit celui qui regarde, voit celui qui veut pénétrer le sens, les fins de la révélation.
Celle-ci est sans limites dans son contenu divin et elle justifie ainsi l’effort contemplatif des fidèles auquel le divin Maître dira: « Quant à vous, heureux vos yeux parce qu’ils voient, heureuses vos oreilles parce qu’elles entendent » (Mt 13, 16).
C’est pourquoi, si nous voulons que Noël ait une influence positive et efficace, nous ne devons pas le ranger parmi les moments passés de notre vie spirituelle, mais il doit rester ! Avant tout comme événement déterminant de notre conscience religieuse : Le Verbe de Dieu s’est fait homme! Ceci est un fait qui doit soutenir comme un authentique pivot notre manière de penser et de vivre.
D’ailleurs, le fait d’être chrétien, ce n’est pas quelque chose de secondaire, de discutable, d’inconstant; il ne s’agit pas d’une idéologie subjective et adaptable à des courants facultatifs de l’esprit historique ou de la mentalité ambiante. C’est la vérité heureusement contraignante, transfigurante et vivifiante. « La vérité vous rendra libres » (Jn 8, 32).
La crèche, oui, nous force à nous agenouiller devant le mystère de l’Incarnation, mystère d’humilité infinie, mais mystère de gloire infinie pour le Christ et de salut pour nous (cf. Ph 2, 1-11).
Et puis comme école : l’exemple de la crèche n’épuise pas ses enseignements en une leçon passagère de merveille idyllique et de poésie pastorale : la crèche est un miroir de la vie conçue selon l’Évangile, une vie dans laquelle ne sont pas éteintes les énergies de l’action, ni les valeurs de l’activité humaine, mais plutôt énergies et valeurs, engagées dans un effort total de l’humble amour.
Tâchons donc de repenser Noël comme un point de départ, une ligne qui veut être la trajectoire pour la démarche d’une vie chrétienne authentique.
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« Il faut repenser Noël », nous le répétons encore, convaincu, comme nous le sommes, que, de ce fait évangélique, — et il vaut mieux dire ce ‘mystère » évangélique — découle une manière de penser et de vivre qui qualifie notre fidélité au Noël lui-même, comme une joyeuse nouveauté, c’est-à-dire notre christianisme.
Et ce prolongement de notre réflexion sur cet événement peut se faire sur deux voies, diversement orientées, mais substantiellement égales, parce qu’elles partent l’une et l’autre de ce Jésus dont nous célébrons la naissance, c’est-à-dire la venue en ce monde. L’une de ces voies est guidée, pourrait-on dire, par l’aspect narratif et moral de la célébration de la Nativité et elle nous conduit à la crèche de Bethléem.
L’autre, au contraire, fixe notre attention sur l’aspect doctrinal et théologique de la célébration elle-même. Elle nous met à l’école de l’analyse du mystère de l’Incarnation auquel l’Église Catholique a principalement appliqué sa contemplation spéculative avec ses premiers Conciles, célébrés en Orient.
La première voie est caractérisée par la liturgie de notre Noël illuminé par son foyer central, c’est-à-dire la naissance de Jésus dans le monde, comme il est raconté dans l’Évangile ; la seconde voie est celle qui trouve une expression caractéristique dans l’Épiphanie, c’est-à-dire dans le « mystère » de l’Incarnation, du Verbe de Dieu, donc, qui s’est fait homme.
PAUL VI, AUDIENCES GÉNÉRALES, Mercredis 28 décembre 1977 et 4 janvier 1978