L’Annonciation Bernardo Daddi vers1335 école de Florence Louvre
Le 25 mars a lieu la solennité de l’Annonciation de la Bienheureuse Vierge Marie. Je voudrais m’arrêter sur ce merveilleux mystère de la foi, que nous contemplons chaque jour dans la récitation de l’Angélus. L’Annonciation, racontée au début de l’Évangile de saint Luc, est un événement humble, caché – personne ne l’a vu, personne ne l’a connu, sauf Marie – mais en même temps décisif pour l’histoire de l’humanité.
Lorsque la Vierge prononça son « oui » à l’annonce de l’Ange, Jésus fut conçu et avec Lui commença la nouvelle ère de l’histoire, qui devait ensuite être scellée par la Pâque comme « Alliance nouvelle et éternelle ».
En réalité, le « oui » de Marie est le reflet parfait de celui du Christ lui-même lorsqu’il entra dans le monde, comme affirme la Lettre aux Hébreux en interprétant le Psaume 39 : « Alors j’ai dit : Voici, je viens, car c’est de moi qu’il est question dans le rouleau du livre, pour faire, Dieu, ta volonté » (He 10, 7).
L’obéissance du Fils se reflète dans l’obéissance de sa Mère et ainsi, grâce à la rencontre de ces deux « oui », Dieu a pu prendre un visage d’homme. C’est la raison pour laquelle l’Annonciation est également une fête christologique, parce qu’elle célèbre un mystère central du Christ: son Incarnation.
« Je suis la servante du Seigneur ; qu’il m’advienne selon ta parole ! ». La réponse de Marie à l’Ange se prolonge dans l’Église, appelée à rendre le Christ présent dans l’histoire, en offrant sa propre disponibilité afin que Dieu puisse continuer à visiter l’humanité par sa miséricorde.
Le « oui » de Jésus et de Marie se renouvelle ainsi dans le « oui » des saints, spécialement des martyrs qui sont tués à cause de l’Évangile… Ils n’ont pas cherché le martyre, mais ont été prêts à donner leur vie pour demeurer fidèles à l’Évangile. Le martyre chrétien se justifie uniquement comme acte d’amour suprême pour Dieu et nos frères.
En ce temps de Carême, nous contemplons plus fréquemment la Vierge Marie qui scelle sur le Calvaire son « oui » prononcé à Nazareth. Unie à Jésus, le Témoin de l’amour du Père, Marie a vécu le martyre de l’âme. Invoquons avec confiance son intercession, afin que l’Église, fidèle à sa mission, donne au monde entier un témoignage courageux de l’amour de Dieu.
Que la Vierge Marie, dont nous fêterons demain l’Annonciation, la disponibilité totale à l’œuvre de Dieu en elle, vous soutienne dans votre démarche chrétienne.
BENOÎT XVI ANGÉLUS Place Saint-Pierre, veille de l’Annonciation 2007
Texte présenté par l’Association de la Médaille Miraculeuse
Henri Vincenot (1912-1985), cheminot et artiste bourguignon aux multiples talents (à la. fois écrivain, peintre, sculpteur), reconnu sur le tard, a été rendu célèbre par ses passages à l’émission littéraire de télévision Apostrophes dans les années 70. Il est l’auteur de nombreux romans et de récits d’enfance (tels La Billebaude, Le Pape des escargots, Psaumes à Notre-Dame en faveur de notre fils [décédé} ou Mémoires d’un enfant du rail), qui ont pour théâtre la Bourgogne, ses coutumes, ses légendes et son franc-parler puisant à la fois au patois bourguignon et au bon sens paysan.
Jean-François Millet l’Angélus Musée d’Orsay 1859
Et puis, tout en marchant (marcher stimule la pensée), je me permets de développer ce paradoxe qui ne fait de mal à personne :
En somme, le progrès industriel dont je dis tant de mal en toutes occasions, a eu au moins pour résultat, et ce n’est pas le moindre, cet ensauvagement de mes campagnes qui donne bien du bonheur à ceux qui ont la bonne idée d’y rester … ou d’y retourner.
Comme j’arrive à cette conclusion, l’Angélus se met à sonner dans un des villages de la vallée, à mes pieds. L’Angélus justement : carillon de trois fois trois coups, suivi de la volée de la babillarde, et qui salue la Femme, la génitrice, l’être choisi pour être l’origine du fils de l’homme.
C’est un plaisir rare aujourd’hui d’entendre l’Angélus, car les clochers sont muets. «On ne sonne plus l’Angélus parce qu’on n’a plus le temps!» m’ont dit, ici et là, des gens dont certains étaient les descendants du dernier marguiller-bedeau. On n’a plus le temps ! J’en prends note non sans étonnement. Moi, à qui on avait faire croire que la civilisation de la machine allait nous donner du temps, au contraire ! Me serais-je trompé ? M’aurait-on trompé ?
Dans quelques villages pourtant, des gens, souvent obscurs, et pas toujours des bien-pensants, ont résolu de sonner encore les trois Angélus du jour – parfois seulement celui du soir.
J’en connais un, de ces sonneurs entêtés. C’est une sorte de vieux mécréant -anticlérical et misogyne, qui cultive son jardin, pèche la truite et la vandoise, boit vigoureusement et ronchonne en cueillant l’herbe de ses lapins. Tous les matins à l’aube et chaque soir à sept heures, on le voit descendre la «ruelle aux orties» où débouche sa turne, et chacun de dire : Tiens ! Le Lazare va se pendre !
De fait il se suspend à deux cordés, à la fois, celle de « la Grosse » et celle de « la babillarde » et il les fait «causer». Trois coups de l’une et trois coups de l’autre. A midi, il ne sonne pas. Les mauvaises langues disent qu’il n’en aurait plus la force.
Si on lui demande pourquoi cette fidélité à une tradition perdue il dit : « C’est comme ça ! » Il m’a dit une fois: « J’aime entendre ça ! Quand l’ancien bedeau est mort, aucun bien-pensant n’a voulu le remplacer. Sonner les cloches, c’est bon pour les petites gens, et il n’y a plus de petites gens. On est resté comme ça, sans Angélus, pendant un temps. Ça me manquait, alors je m’y suis mis ! »
Lui, le vieux misogyne, il sonne en l’honneur de la femme, aux heures féminines entre toutes : l’aube et le crépuscule. Les heures où l’homme cherche à retrouver la Femme.
Il n’en pense pas si long. Il sonne parce qu’au fond, il sait qu’au fond de ses cloches toute la région se met à vibrer de souvenirs.
Bien qu’éloignées, celles que j’entends ce soir font vrombir toute la forêt. C’est peut-être le vieux qui tire les ficelles, c’est peut-être une vieille fille, nostalgique du temps où on récitait des « Ave », c’est peut-être (je sais qu’il en existe) un jeune gars ou une jeune fille qui persiste. On dit d’eux que ce sont des poètes. La poésie a bon dos. Il y a peut-être bien autre chose que de la poésie dans la tête de ces gens-là. Ou alors dans la poésie, il y a peut-être bien autre chose que ce que l’on croit !
Toujours est-il que les vibrations montent sur les versants, jusqu’à moi, et je l’ai remarqué, les feuilles ont l’air de se mettre à l’unisson et les oiseaux se taisent. (Mon village a trois cloches qui sont muettes. Pourquoi ne les ferais-je pas chanter, moi aussi ?)
On peut, si l’on veut, réciter ce texte, assez mystérieux, que les grands-mères nous apprenaient : « Je suis la servante du Seigneur. Qu’il me soit fait selon votre parole ».
On peut se mettre à méditer sur les choses essentielles -ou sur les choses secondaires, sur soi et sur les autres.
On peut aussi, tout simplement, se laisser envahir par les vibrations et se mettre à vibrer soi-même, avec toute la forêt, avec tous les insectes, avec tout le pays qui est le mien.
C’est un moment de détente où je retrouve le calme qui m’envahissait lorsque, lâchant les nippes qu’elles ravaudaient, les vieilles femmes se mettaient à marmonner les phrases dites « angéliques », alors que tous les bruits cessaient et qu’il se fabriquait un silence de haute qualité.
On en ressentait un bienfait immédiat et immense – et je ne serais pas étonné que les médecins d’aujourd’hui aient un mot, Je suggère même, et gratuitement, au médecin qui le voudra, de faire installer, dans la clinique, deux cloches donnant l’accord de tierce, ou de tierce diminuée, et, aux heures convenables, qui sont celles de la tendresse et de la paix, de faire sonner l’Angélus. Encore faudrait-il reconstituer l’espace sonore nécessaire, les monts, les combes, les champs, l’air libre …
Mais alors pourquoi ne pas transporter tout simplement les malades (qui ne l’est pas aujourd’hui ?) dans leur pays natal, je veux dire sur la terre de leur race et d’y faire sonner l’Angélus deux ou trois fois par jour ? La sécurité sociale rembourse certainement des remèdes moins efficaces que celui-là.
Henri Vincenot, dans Terres de mémoire, éditions Jean-Pierre Delarge, 1979.
Texte présenté par l’Association de la Médaille Miraculeuse
Quelle perfection saint Joseph acquit
dans la conversation de la sainte Vierge.
I
Joseph et Marie – église Saint-Médard – Lizy-sur-Ourcq – 77
SAINT FRANÇOIS DE SALES
« O quelle divine union entre Notre Dame et le glorieux saint Joseph? union qui faisait que ce bien des biens éternels, qui est notre Seigneur, fut et appartint à saint Joseph, ainsi qu’il appartenait à Notre Dame (non selon la nature qu’il avait pris dans les entrailles de notre glorieuse maîtresse, nature qui avait été formée par le Saint-Esprit, du très-pur sang de Notre Dame ;
ainsi selon la grâce laquelle le rendait participant de tous les biens de sa chère épouse, et laquelle faisait qu’il allait merveilleusement croissant en perfection ; et c’est par la communication continuelle qu’il avait avec Notre Dame, qui possédait toutes les vertus en un si haut degré, que nulle autre pure créature n’y saurait parvenir : néanmoins le glorieux saint Joseph était celui qui en approchait davantage ;
et tout ainsi comme l’on voit un miroir opposé aux rayons du soleil recevoir ses rayons très-parfaitement, et un autre miroir étant mis vis-à-vis de celui qui les reçoit; bien que le dernier miroir ne prenne ou reçoive les rayons du soleil que par réverbération, les représente pourtant si naïvement que l’on ne pourrait presque pas juger lequel c’est qui les reçoit immédiatement du soleil, ou celui qui est opposé au soleil, ou celui qui ne les reçoit que par réverbération;
de même en était-il de Notre Dame, laquelle, comme un très-pur miroir opposé aux rayons du soleil de justice, rayons qui apportaient en son âme toutes les vertus en leur perfection, perfections et vertus, qui faisaient une réverbération si parfaite en saint Joseph, qu’il semblait presque qu’il fut aussi parfait, ou qu’il eut les vertus en un si haut degré, comme les avait la glorieuse Vierge notre maîtresse.
« Saint Joseph, dit saint Alphonse de Liguori, était déjà saint avant son mariage; mais il le devint bien plus dans la société de sa sainte épouse. » Et Gerson ajoute : « Pendant les nombreuses années qu’ils vécurent ensemble, les entretiens de Marie, ses actions, le son de sa voix et l’angélique beauté de son visage, tout en elle était imprégné d’une grâce divine qui se communiquait à saint Joseph. » (Sermon sur la Nativité.)
«Mais, en particulier (pour nous tenir en notre propos commencé), en quel degré pensons-nous qu’il eut la virginité, qui est une vertu qui nous rend semblables aux anges, si la très sainte Vierge ne fut pas seulement vierge toute pure et toute blanche, ainsi (comme chante la sainte Église aux répons des leçons des matines : Sainte et immaculée virginité, etc.) elle était la virginité même.
Combien pensons-nous que celui qui fut commis, de la part du Père éternel, pour gardien de sa virginité , ou, pour mieux dire, pour compagnon, puisqu’elle n’avait pas besoin d’être gardée d’autre que d’elle-même, combien, dis-je, devait-il être grand en cette vertu. »(S. François de Sales, Des Vertus de saint Joseph)
II
SAINT BERNARDIN DE SIENNE
« Comment un esprit sage pourrait-il supposer que l’Esprit-Saint unit une âme à l’âme de la sainte Vierge, si elle ne lui était pas très semblable par l’exercice des mêmes vertus? D’où je conclus que le saint homme Joseph dut être non seulement intact en virginité, mais très profond en humilité, très ardent en amour de Dieu et en charité, très élevé en contemplation, très désireux de tout ce qui pouvait assurer son salut et augmenter sa ressemblance avec la Vierge son épouse.
(« Joseph était un époux digne de Marie, inébranlable dans sa foi, homme juste par excellence, chaste et tempérant, d’une prudence consommée, d’une discrétion à toute épreuve, aussi remarquable par son zèle dans l’action que par la fermeté de son âme. On trouve dans ce même homme la réunion et la perfection des quatre vertus cardinales. Albert le Grand, quest. 42 sur le Messie)
Et comme Marie comprenait la perfection de l’union matrimoniale dans l’amour spirituel, comme elle savait que cet époux lui était donné par le Saint-Esprit pour être le gardien fidèle de sa virginité, pour l’associer à sa vie dans un amour de charité, et partager sa sollicitude pour le Fils de Dieu, je suis assuré qu’elle aimait saint Joseph très-sincèrement, de toute l’affection de son cœur.
En outre, puisqu’elle priait tant et si souvent pour les scélérats ennemis de son fils, quelle ardeur concevez-vous qu’elle mettait à appeler la grâce sur celui qui était avec tant d’amour et de sollicitude le nourricier de son fils et l’époux de son chaste amour ! Bien plus, comme tout ce qui appartient à l’épouse appartient aussi à l’époux, je crois que la bienheureuse Vierge communiquait libéralement à saint Joseph tout ce qu’il pouvait recevoir des trésors de son cœur.
(« Or plût à Dieu, mon âme, que tu connusses bien les hauts, les dignes, les secrets mystères desquels cette Vierge et saint Joseph parlaient et se délectaient sobrement et chastement, en enflammant toutes leurs pensées et les élevant en la dilection de Dieu, et en l’enfantant spirituellement par nouvelle connaissance de sa vérité. » Gerson.)
« 1° Joseph conversait avec elle d’une manière humble et pleine de respect, et sa perfection s’accroissait ainsi; car si nous, misérables, nous profitons souvent de notre cohabitation avec des hommes saints qui ne sont en rien comparables à la sainte Vierge, quelle grâce faut-il penser que saint Joseph recueillait auprès de Marie, puisque le prophète a dit : « Tu « deviendras saint avec celui qui est saint. »
« 2° Joseph exerça une protection fidèle sur Marie, et ce fut encore pour lui une grande source de perfection. Si la bienheureuse Vierge ne laisse pas sans récompense un seul Ave Maria, que dire de sa cordiale reconnaissance envers celui qui travaillait avec tant de fidélité et de zèle pour la nourrir, elle et son bien-aimé fils!
Elle voyait que, pour conserver la vie de Jésus, Joseph s’exposait à beaucoup de fatigues et de périls, en le conduisant en Égypte, à Jérusalem, et en habitant avec lui plusieurs autres lieux qui nous sont restés inconnus. De là toutes ces compensations qu’un esprit éclairé et dévot peut supposer que la Vierge fit trouver à Joseph dans son amour.
Je ne dirai pas seulement que la Vierge aima saint Joseph autant que toute autre créature; j’oserai plus, je dirai qu’elle l’aima préférablement à toute autre créature, et immédiatement après le bienheureux fruit de ses entrailles. Je parle ici de l’amour conjugal; quant à l’amour de charité, la sainte Vierge le ressentit toujours pour ceux qui étaient les meilleurs aux yeux de Dieu. » (S. Bernardin de Sienne, op. cit.)