Ratisbonne

La conversion d’Alphonse Ratisbonne

Apparition de Notre-Dame de la Médaille Miraculeuse à Alphonse Ratisbonne le 20 janvier 1842
Apparition de Notre-Dame de la Médaille Miraculeuse à Alphonse Ratisbonne le 20 janvier 1842

Tobie-Alphonse Ratisbonne ! L’homme le moins disposé à se convertir : juif, athée, frivole, railleur. Mais la grâce n’est-elle pas plus forte que tout péché et que toute résistance, surtout quand cette grâce est demandée par la puissante prière de l’Immaculée de Dieu ?

Il naît à Strasbourg, le 1er mai 1814, d’une famille de banquiers alliée aux plus riches financiers israélites. Son éducation familiale se fait en dehors de tout principe religieux, comme sa formation intellectuelle. On est alors en pleine vague d’anticléricalisme. Étudiant à Paris, puis associé à son oncle à Strasbourg, Alphonse songe surtout à s’amuser. Par ailleurs, tendre et généreux, point du tout attaché à l’argent.

Son frère s’étant converti au catholicisme en 1827 (il deviendra prêtre), il le prend en aversion et coupe pratiquement toute relation avec lui.

En 1841 – il a alors 27 ans – Alphonse se fiance à une nièce de 16 ans, dont la grâce et la douceur purifient et élèvent quelque peu ses sentiments. En attendant le mariage fixé à l’année suivante; il entreprend un voyage d’agrément, dont la première étape le conduit à Naples, où il arrive le 9 décembre 1841, non sans avoir en cours de route exprimé maints blasphèmes à l’égard de la Vierge Immaculée et des choses religieuses.

Sans nulle envie d’aller à Rome, il s’y trouve amené à là suite d’une série de hasards qu’il ne peut s’expliquer à lui-même. Il y arrive le 6 janvier 1842. Nouveau hasard : il y rencontre le surlendemain un ami d’enfance, Gustave de Bussières, qui l’invite chez son père, où il rencontre le frère de Gustave, Théodore, converti au catholicisme… et ami de Théodore Ratisbonne.

Alphonse met à profit son séjour romain pour visiter en dilettante musées, églises et antiques souvenirs. Au moment où il s’apprête à quitter Rome, le 15 janvier, un nouveau « hasard » le conduit, presque malgré lui, chez Théodore de Bussières. Au cours de l’entretien, où s’exhale avec ironie sa haine du catholicisme, M. de Bussières lui propose, à brûle-pourpoint, … la Médaille Miraculeuse. Surprise et protestation de Ratisbonne.

– Mais, dit M. de Bussières, d’après votre manière de voir, cela doit vous être parfaitement indifférent, et c’est me faire à moi un très grand plaisir.

– Oh ! qu’à cela ne tienne ! s’écrie Alphonse, en éclatant de rire…

Et il accepte qu’on lui passe la médaille au cou, non sans donner libre cours à ses plaisanteries blasphématoires.

Voulant aller jusqu’au bout, M. de Bussières ajoute :

– Mais maintenant, il faut compléter l’épreuve. Il s’agit de réciter matin et soir le « memorare » (le souvenez-vous).

Alphonse proteste contre ces « sottises »… mais s’exécute, acceptant même d’en copier le texte.

– Soit, je vous promets de réciter cette prière ; si elle ne me fait pas de bien, du moins ne me fera-t-elle pas de mal.

De nouveaux « hasards » lui feront retarder son départ… et rencontrer celui qu’il ne veut pas revoir : M. de Bussières. C’est ainsi que le 20 janvier il l’accompagne jusqu’à l’église Saint André delle Fratte pour y faire une commission. Tandis que M. de Bussière se rend à la sacristie pour traiter des préparatifs de funérailles, Batisbonne visite l’église. Revenant au bout de dix minutes, M. de Bussières le trouve… agenouillé devant la chapelle de St-Michel, baigné de larmes, étranger à ce qui se passe autour de lui.

Que s’est-il passé ? Revenu enfin à lui, Alphonse ne peut répondre aux questions, mais saisissant la Médaille qu’il avait sur lui, il baise avec effusion l’image de la Vierge. Ce n’est que dans la journée qu’il peut enfin s’expliquer. Tirant à nouveau la Médaille, il la baise, la montre en s’écriant:

– Je l’ai vue ! Je l’ai vue !

Puis, tout ému il raconte :

– J’étais depuis un instant dans l’église lorsque, tout à coup, je me suis senti saisi d’un trouble inexprimable. J’ai levé les yeux ; tout l’édifice avait disparu à mes regards ; une seule chapelle avait, pour ainsi dire, concentré toute la lumière et, au milieu de ce rayonnement, a paru, debout, sur l’autel, grande, brillante, pleine de majesté et de douceur, la Vierge Marie, telle qu’elle est sur ma médaille ; une force irrésistible m’a poussé vers elle. La Vierge m’a fait signe de la main de m’agenouiller, elle a semblé me dire : « C’est bien ! ». Elle ne m’a point parlé, mais j’ai tout compris.

Plus tard, il racontera qu’au premier moment il avait pu contempler la Reine du ciel dans la splendeur de sa beauté, mais que ses regards n’avaient pu soutenir l’éclat de cette lumière divine. Trois fois il avait essayé de la regarder encore, trois fois il n’avait pu élever les yeux que jusqu’à ses mains, d’où s’échappaient, comme sur la Médaille, en gerbes lumineuses, des torrents de grâces.

Il écrira encore :

– Toutes mes préventions contre le christianisme s’étaient évanouies, sans laisser la moindre trace. Au moment du « geste », un bandeau tomba de mes yeux ; ou plutôt tous les bandeaux dont j’étais enveloppé tombèrent successivement et rapidement, comme fond la neige sous un brillant soleil. Je sortais d’un abîme de ténèbres, d’un tombeau et j’étais vivant, parfaitement vivant.

Conversion extraordinaire s’il en fût, tant par son caractère prodigieux que par le changement opéré clans l’esprit et le cœur de Ratisbonne. Conversion qui fit beaucoup parler, on s’en doute, tant en France qu’à l’étranger. Une enquête canonique fut ouverte, qui conclut à la réalité du fait, inséré depuis dans l’office de la Médaille Miraculeuse.

Alphonse Ratisbonne, quelques jours après sa conversion fut baptisé, communia et reçut la confirmation. Alphonse Ratisbonne, devenu prêtre en 1848, il se joignit à son frère Théodore, qui venait de fonder la congrégation des Prêtres et des Dames de Sion vouée à la conversion d’Israël. Il s’installa en Palestine et consacra sa vie au catéchuménat des convertis d’origine juive, au sein de sa congrégation de Notre-Dame de Sion, pendant plus de trente cinq ans. Il mourut en 1884.

Y. DESPORTES.

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EXTRAIT DE LA LETTRE DE M. MARIE-ALPHONSE RATISBONNE

à M. Dufriche-Desgenettes

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