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Carême : lettre de notre directeur Général

P. Gregory Gay
P. Gregory Gay

Chers frères et sœurs,

La réflexion sur la non-violence fait partie de notre tradition en tant que chrétiens catholiques et se trouve au cœur de ce que le Carême signifie pour nous. Nous nous centrons sur la nécessité de changer nos attitudes afin de vivre en plénitude la vie qui nous a été donnée en la personne de Jésus-Christ par sa passion, sa mort et sa résurrection. Au cœur même de ce don de la vie nouvelle se trouve la fragilité.

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Mercredi des Cendres, 17 février 2010

A tous les membres de la Famille Vincentienne,

Ma grâce te suffit, ma puissance te fortifie dans la faiblesse.

Le temps du Carême s’ouvre à nouveau devant nous et, pour nous aider, en tant que Famille Vincentienne, à entrer plus profondément dans ce temps de grâce, je vous propose la réflexion suivante.

Après la publication de ma lettre pour l’Avent, centrée principalement sur la paix comme un aspect important de la vie chrétienne, j’ai eu un dialogue fructueux avec une amie au sujet de mon expérience en Amérique centrale en tant que missionnaire. Cette amie, très engagée avec les pauvres, se considère chrétienne catholique. Un de ses traits caractéristiques est qu’elle est en faveur de la révolution, y compris la révolution armée, particulièrement dans et pour les pays en voie de développement qui luttent pour leur avancement dans le monde d’aujourd’hui. Evidemment, notre discussion a porté sur la question de la paix et de la non-violence. Ma position est totalement contraire à la révolution armée et plus ouverte à ce que je considère comme une approche évangélique de la révolution non-violente, celle proposée par Jésus-Christ à travers les différents exemples qu’il nous donne, de transformation de la société non par la force mais par l’amour.

Cette personne amie m’a envoyé un article sur la non-violence, trouvé par hasard. Bien qu’elle ne fût peut-être pas entièrement d’accord avec son contenu, cependant celui-ci l’a incitée à penser à la valeur de la non-violence dans le monde d’aujourd’hui. Pour ma part, il m’a permis d’engager une réflexion plus approfondie sur la non-violence dans notre tradition chrétienne et l’exemple de la vie de Jésus-Christ lui-même

L’auteur de cette très brève réflexion sur la non-violence commence en montrant que nous faisons partie d’une culture qui a historiquement justifié l’utilisation de la violence. Au fur et à mesure que l’histoire s’est développée, a progressé et est devenue tellement sophistiquée avec l’utilisation des moyens technologiques modernes dans la fabrication des armes, elle a construit un paradigme culturel qui, dans un sens, met en péril la race humaine et la vie entière de la planète la conduisant au bord de l’extinction. Mais en même temps et parallèlement à cette proposition culturelle vécue pendant des siècles, surgissent de nouvelles manières d’agir qui commencent à démanteler la justification des méthodes de violence, de tous types de violence, et proposent que, dans la diversité des expressions de la vie humaine, la vie en elle-même puisse être enrichie plutôt que détruite. En d’autres termes, il est possible de bâtir un monde dans lequel des personnes de milieux différents, d’expressions culturelles différentes, puissent apprendre à vivre ensemble dans l’harmonie fondée sur la diversité, au lieu que la diversité devienne la justification de la violence et donc de la destruction.

Parmi les différentes manières créatrices de résister à la violence dans le monde d’aujourd’hui, l’auteur met en relief la fragilité comme un élément essentiel. Il propose en même temps la force des dimensions horizontales dans l’organisation de la société comme solution, plutôt que des structures hiérarchisées. En d’autres termes, que les solutions soient recherchées d’une manière circulaire, autour d’une table où tous, y compris les pauvres et les marginalisés, aient la possibilité de s’exprimer sur un plan d’égalité dans les discussions.

Un peu plus loin, l’article démontre que l’image de l’ennemi doit être déconstruite en reconnaissant que ceux qui ont une opinion contraire peuvent également être en mesure de contribuer d’une manière constructive à la recherche de la vérité. En d’autres termes, tous ceux qui sont autour de la table, même si leurs avis sont différents, possèdent une part de vérité et peuvent contribuer à la construction de la totalité de la vérité. Nous, en tant que chrétiens, nous considérons que la vérité se construit à travers les valeurs que nous découvrons dans la richesse de la vie de Jésus-Christ. Il va de soi que la guerre, de nos jours, est une manière illégitime de réaliser l’harmonie au sein de la société humaine.

De plus, à travers l’histoire, l’humanité a dominé la planète à tel point que maintenant elle en gémit. L’harmonie avec la nature est une alternative à son contrôle et à sa domination.

Si nous négligeons de prendre soin de notre planète, il est encore plus probable que les pauvres souffriront davantage. L’entretien de la planète est l’un des signes des temps auxquels, nous, personnes vivant au XXIe siècle, devons répondre en tant que Famille Vincentienne. Pour citer le pape Benoît XVI, « aujourd’hui le grand cadeau de la création de Dieu est exposé à de sérieux dangers et aux styles de vie qui peuvent le dégrader. La pollution environnementale rend particulièrement insoutenable la vie des pauvres du monde. Nous devons nous engager à prendre soin de la création et à partager ses ressources dans la solidarité » (Angélus du 27 août 2006 à Castel Gandolfo, à quelques jours de la célébration de la Journée pour la Protection de la Création).

Le soin de la création est également une question qui concerne le changement systémique. Un énorme système répandu dans le monde entier se focalise trop sur l’efficacité et les biens économiques et ne considère pas suffisamment l’impact de nos choix sur la planète, en particulier sur les pauvres. Il serait bon que nous, en tant que Famille Vincentienne, nous nous engagions en lien avec d’autres organismes, en vue de changer ce système destructeur en allant à la racine des causes.

Ces présupposés sont mis en évidence en tant qu’éléments impliqués dans la transformation et la reconstruction culturelle de notre monde. Un élément essentiel à cette fin est la non-violence. Elle implique une protection sans conditions de la vie sous toutes ses formes, cette protection étant favorisée par des actions concrètes. Ces actions nous provoquent à mieux nous comprendre dans nos relations humaines dans les domaines politiques, sociaux et économiques. Il s’agit de comprendre que, fondamentalement en tant qu’êtres humains, nous partageons avec d’autres cette planète que Dieu a gratuitement mise à notre disposition.

Certains considèrent que la non-violence est une utopie, peu réaliste. Nous, chrétiens et disciples de Jésus-Christ évangélisateur et serviteur des pauvres, nous savons que tel n’est pas le cas et que, dans plusieurs endroits à travers le monde, la non-violence fait ses preuves.

Chers frères et sœurs, la réflexion sur la non-violence fait partie de notre tradition en tant que chrétiens catholiques et se trouve au cœur de ce que le Carême signifie pour nous. Nous nous centrons sur la nécessité de changer nos attitudes afin de vivre en plénitude la vie qui nous a été donnée en la personne de Jésus-Christ par sa passion, sa mort et sa résurrection. Au cœur même de ce don de la vie nouvelle se trouve la fragilité.

Méditons durant ce temps de Carême sur la fragilité de Jésus-Christ et sur notre fragilité afin de la considérer non pas comme une limitation mais plutôt comme un moyen d’inaugurer une vie nouvelle pour nous-mêmes, pour d’autres et pour le monde dans lequel nous vivons. La fragilité de Jésus s’exprime de la manière la plus concrète lorsqu’il remet son esprit après l’expérience de sa propre passion avant et sur la croix elle-même. La lettre de Saint Paul aux Philippiens exprime une profonde réflexion théologique dans l’hymne christologique qui nous dit que Jésus s’est vidé de lui-même en s’anéantissant afin de nous faire parvenir à la plénitude de la vie dans la résurrection. Avant ce don total de lui-même sur la croix, Jésus montre comment la fragilité a toute sa place dans la transformation de la société. La veille de sa mort, Jésus nous a enseigné la manière d’être, la manière d’agir. Il a lavé les pieds de ses disciples, un geste qui, de son temps, était réalisé par des esclaves. Il est ainsi devenu le serviteur des serviteurs.

Saint Vincent, dans ses écrits aux Confrères et aux Filles de la Charité, nous invite à être d’indignes serviteurs, recherchant les places les plus humbles. Cette réflexion de Saint Vincent de Paul est reprise simplement, mais de façon éloquente, dans l’article du Père Jean-Pierre Renouard, le 5ème thème proposé à notre réflexion comme faisant partie de notre formation continue à l’occasion de la commémoration du 350ème anniversaire. Dans l’article du Père Renouard intitulé « Qui était Jésus pour Vincent », il cite Saint Vincent de Paul, et je reproduis ici une partie de cette citation :

« Ce qui m’a le plus touché de ce qui a été dit … c’est ce qu’on a rapporté de Notre-Seigneur, qui était le maître naturel de tout le monde et néanmoins s’est fait le dernier de tous, l’opprobre et l’abjection des hommes, prenant toujours le dernier rang partout où il se trouvait. Vous croyez peut-être, mes frères, qu’un homme est bien humble et qu’il s’est beaucoup abaissé lorsqu’il a pris la dernière place. Eh quoi ! Un homme s’humilie-t-il prenant la place de Notre-Seigneur ? Oui, mes frères, la place de Notre-Seigneur c’est la dernière » (Coste XI p. 137).

Y a-t-il une place plus humble à choisir, en ce moment de l’histoire, que celle d’être au service des pauvres en Haïti ? On dit des haïtiens qu’ils sont un peuple incroyable dont la capacité à résister à la douleur a été prouvée à maintes reprises dans le cours de l’histoire de leur pays, considéré le plus pauvre parmi les pauvres de l’hémisphère occidental. Aujourd’hui, après le tremblement de terre le plus destructeur qu’ils aient jamais connu depuis plus de 200 ans, ils sont au plus bas. J’ai été édifié par la réponse de l’ensemble de la Famille Vincentienne à cette crise et tragédie d’Haïti. On a écrit, dans différentes réflexions sur ce qui s’est produit en Haïti, que le monde a saisi l’occasion de cette tragédie, que nous pourrions considérer comme l’expérience la plus horrible et la plus terrible en terme de perte de vies humaines, et l’a transformée en chef-d’œuvre, une œuvre de toute l’humanité, une œuvre de notre monde d’aujourd’hui, incité par l’amour de Dieu qui a été déversé dans nos cœurs à tous. La réponse à cette tragédie, tout comme celle apportée à beaucoup d’autres, est certainement édifiante et prouve que mondialement nous avons des possibilités. En tant que citoyens de ce monde nous pouvons travailler ensemble, mettant de côté nos différences pour que le plus fragile parmi nous bénéficie de notre attention et que l’amour lui soit manifesté et offert. Dans l’esprit de Saint Vincent de Paul et de Sainte Louise de Marillac, nous sommes invités à descendre plus bas qu’eux et à nous mettre à leur service.

Une telle présence auprès de nos frères et sœurs qui vivent dans la pauvreté dans des lieux comme Haïti, peut être perçue comme une représentation symbolique de notre Seigneur Jésus ressuscité. Il se dresse au milieu des ombres de la mort et donne une vie nouvelle. De telles expériences ont été vécues dans beaucoup de pays à travers le monde entier où se trouve présente la Famille Vincentienne. Des lieux qui, autrement, n’auraient aucun espoir, ne trouveraient aucun espoir sans les disciples de Jésus-Christ, évangélisant et servant les pauvres. Dans des situations comme en Haïti, où beaucoup de personnes ont vu disparaitre ce qu’elles considéraient comme étant leur sécurité, c’est la présence de personnes attentionnées et aimantes donnant leur vie dans le service des autres, qui demeure signe de résurrection, signe d’espoir et de vie.

Mes frères et sœurs, je conclus cette réflexion sans pour autant y mettre un terme, car j’espère qu’elle se poursuivra par une réflexion personnelle ainsi qu’une réflexion et un partage entre vous. Au cœur de notre foi chrétienne se trouve la réalité de la fragilité de laquelle naît une vie nouvelle. Nous, disciples de Jésus-Christ et en fidélité à son appel, reconnaissons notre fragilité ainsi que celle des autres et promouvons une vie nouvelle par la non-violence ou la protection de notre planète. Par notre fragilité nous apportons une réponse à la fragilité du monde et à celle de toute la création.

Notre Dieu, le Dieu de Jésus-Christ, est le Dieu de la vie et le Dieu de l’amour. Il déverse continuellement cet amour dans et par le don de sa résurrection que nous célébrons comme le point culminant du temps de Carême. N’oublions jamais que c’est la résurrection qui nous identifie. Nous sommes un peuple de résurrection, et l’alleluia est notre chant. Laissons éclater notre chant et, en tant que Famille, chantons ensemble avec tous nos frères et sœurs qui sont pauvres.

Votre frère en saint Vincent,

 

 

 

G. Gregory Gay, C.M.
Supérieur général de la Congrégation de la Mission et des Filles de la Charité
Directeur Général de l’Association de la Médaille Miraculeuse

Carême 2010

A Rome, en ce dimanche 14 février 2010, après l’angélus, Benoît XVI nous a souhaité un bon carême.

« Alors qu’il est souvent difficile à nos contemporains d’ouvrir leur cœur et leur esprit au Christ, puisse le Carême qui commence permettre à Dieu de purifier nos désirs et nos vies.  Que ce temps béni soit réellement une occasion de conversion et d’approfondissement de notre foi ! Bonne entrée en Carême ! »

Associés de la Médaille Miraculeuse, nous prenons en compte cet appel à la conversion, nous souvenant que souvent la Sainte Mère de Dieu, lors de ses manifestations, nous y incite.

Message de Carême 2010 de Benoît XVI Lire la suite →

MYSTÈRE DE MARIE IV:MÈRE DES HOMMES

MÈRE DES HOMMES

Mère du Christ, et par là même Mère de Dieu, Marie est aussi, inséparablement, Mère de tous les humains, notre Mère. A ce titre, nous aimons l’invoquer et pouvons recourir très filialement à elle.

« Selon la Tradition, écrit Jean-Paul II dans son encyclique Redemptoris Mater, le Concile n’hésite pas à appeler Marie «Mère du Christ et Mère des hommes»:

En effet, elle l’est, «comme descendante d’Adam, réunie à l’ensemble de l’humanité…, bien mieux, elle est vraiment « Mère des membres [du Christ]… ayant coopéré par sa charité à la naissance dans l’Église des fidèles » … Cette « nouvelle maternité de Marie », établie dans la foi, est un fruit de l’amour « nouveau » qui s’approfondit en elle définitivement au pied de la Croix, par sa participation à l’amour rédempteur du Fils. » (Redemptoris Mater n°23 – Sur la bienheureuse Vierge Marie dans la vie de l’Église en marche 25-03-1987)

I. « IL LUI DONNA UNE COADJUTRICE SEMBLABLE A LUI… »

Dans le Dessein de Dieu, la Femme a été appelée à être la « coadjutrice de l’Homme », son associée en l’Œuvre de Vie. Elle devait composer avec lui, dans la diversité et la complémentarité de leurs êtres, une Image complète de Dieu. Dans le Plan Rédempteur, le Christ est promu Nouvel Adam, Nouveau Chef, Prototype de l’Humanité. La Femme, si liée au péché d’origine, sera associée aussi étroitement que possible à l’«Incarnation rédemptrice».

Marie est la « Nouvelle Ève », la «coadjutrice» du Christ en Son Œuvre de Vie. Elle nous donne une Vie qui vient d’elle et lui appartient, et cela par une action propre.

La maternité spirituelle de Marie est essentiellement le prolongement, le plein épanouissement, l’ultime conséquence de sa maternité divine. Celle-ci n’a été voulue qu’en vue de celle-là. Elle est tout orientée vers elle. Si le Christ s’est incarné, devenant Fils de Marie, c’est afin de devenir Tête de ce grand Corps mystique dont tout homme est appelé à devenir membre. Si Marie a conçu le Christ, c’est pour Le donner au Monde. Si elle Lui a communiqué sa vie humaine, c’est afin qu’Il nous communique Sa vie divine. Il n’est donc pas exagéré de dire que la maternité spirituelle de Marie est infiniment plus précieuse que sa maternité physique.

Dieu n’a jamais pensé une mère de Jésus qui ne fut pas la nôtre. Parce que Dieu n’a jamais pensé que son Fils total : Jésus, et nous, ses membres. On peut dire que tous les actes de sa maternité à notre égard découlent du parfait dévouement à la personne et à l’œuvre de son Fils, et de la parfaite compréhension qu’elle en a. Pour elle, le Christ, son Fils, est tout. Elle ne voit que Lui, elle ne sent que Lui. Mais c’est nous tous, c’est toute la chrétienté qu’elle aime et qu’elle sert, en sa personne à Lui. Son adhérence au Verbe incarné est une application à tout le corps mystique de tous les actes de sa vie dans le temps et dans l’éternité.

« La première Eve, dans la justice originelle, devait enfanter ses fils à la vie du corps et de l’âme. Mais nos mères n’ont plus que la vie du corps à transmettre, avec la ruine du péché. Dans le plan de la revanche, une femme a eu le privilège, non seulement d’enfanter pour la vie du corps et de l’âme, mais encore de tout régénérer, de tout restaurer dans la perfection de l’ordre hypostatique. La Vierge qui se proclame bienheureuse est, non la femme maudite en sa maternité, mais la femme épanouissant son être dans la maternité la plus haute : elle enfante un chef à l’humanité, et par ce seul enfantement elle régénère tous les hommes. » (Maria, T. II, p. 593.)

II. LES ÉTAPES DE LA MATERNITÉ SPIRITUELLE DE MARIE

En cette maternité spirituelle de Marie, nous pouvons, semble-t-il, discerner trois étapes :

1° – L’ANNONCIATION.

C’est le point de départ, la source de la maternité spirituelle de Marie. Concevant en son sein le Christ, Verbe de Dieu et Vie du Monde, Marie par là même nous conçoit en quelque sorte à la vie divine.

La maternité consiste essentiellement pour la femme à transmettre la vie, sa propre vie. Or, Marie nous a communiqué la vie divine en nous donnant Jésus, qui est bien sa propre vie. Concevant le Christ en son sein au matin de l’Annonciation, Marie a fait jaillir en notre terre aride la Source de la Vie, la Source de toutes grâces. Par sa maternité divine, elle est donc à l’origine de notre régénération, seconde et essentielle naissance. C’est par elle que le Christ nous a été donné. Appelant Jésus à la vie. Marie par là même nous appelait à la Vie.

2° – LA COMPASSION

Nous ayant conçus au matin de l’Annonciation, Marie nous a, en quelque sorte, enfantés au Calvaire, par sa communion pleinement aimante à la mort rédemptrice de Son Fils. Le Fiat de l’Incarnation se prolonge et trouve tout son sens dans le Fiat du Calvaire, ultime et très personnel consentement au Sacrifice du Sauveur.

« Mère, voici ton Fils » : C’est du haut de la croix, quelques instants avant de réaliser le Sacrifice qui nous vaut le pardon, le Don Parfait de notre régénération, que Jésus proclame Marie Mère des Hommes.

Maternité douloureuse : les enfants qu’elle doit enfanter à la vie divine sont tous des pécheurs. Si nous ne sommes pas le fruit de ses entrailles, nous sommes celui de ses larmes. C’est au pied de la Croix qu’elle nous reçoit de Son Fils, et nous adopte pour ses enfants :

Marie accepte un douloureux échange. Elle doit physiquement abandonner Jésus pour nous donner spirituellement asile dans son cœur. Il faut que Jésus laisse la place terriblement vide pour que nous venions l’occuper par nos misères, nos divisions, nos faiblesses de toutes sortes.

La croix n’est pas pour Marie un terme, mais bien le point de départ de l’ultime et principale étape, la plus douloureuse aussi : au moment même où Marie renouvelle son Fiat et offre Son Fils, Celui-ci lui demande de nous prendre à Sa place, de nous adopter, de nous aimer de l’amour même, sans cesse croissant, qu’elle n’a cessé de Lui porter.

3° – AUPRÈS DE SON FILS…

Une mère ne se contente pas de concevoir et enfanter son enfant : elle préside à son éducation, à son plein développement. En ce qui nous concerne, Marie le fait au ciel, ne cessant d’intercéder pour nous. Si on peut la dire médiatrice de toutes grâces, c’est en ce sens qu’elle intercède pour nous. Intercession de même nature que celle de tous les élus, mais d’un ordre d’une qualité, d’une efficacité très supérieurs.

La puissance d’intercession est fonction du degré de charité de celui qui intercède. Parce qu’immensément aimante, Marie est toute-puissante sur le cœur de Dieu.

Il faut dire plus : Marie, Nouvelle Ève, a mission de participer, en intime communion à Son Fils, à l’édification du Corps mystique. Elle le fait éminemment en intercédant pour nous. Comment le Seigneur, qui lui a confié ce rôle, pourrait-Il ne pas l’écouter ?

Suscitée pour être un lien, pour mettre la dernière perfection au lien entre Dieu et les Hommes, elle agira en faisant liaison. Sa fonction, son inclination naturelle, son geste spontané dans l’ordre de la grâce sera d’unir, de demander, d’intercéder, d’obtenir.

Marie est celle par qui la Sainteté est entrée et demeure en communion avec toute sa race. Comme tous les élus, c’est par sa prière que Marie agit, mais elle le fait à un titre tout spécial, et avec une incomparable perfection :

« On ne peut lui refuser (à Marie) ce qui peut appartenir à d’autres créatures : le pouvoir, bien souvent, d’illuminer nos âmes, de déterminer en elles, par une influence directe, bien des mouvements, de leur faire sentir comme une pression, comme une présence… Et pourquoi ne pas être tenté d’attribuer à l’intervention directe de son âme dans notre âme tout ce qui est de l’ordre de la préservation, de !a disposition de la grâce ? Il y aurait ainsi une merveilleuse correspondance entre son rôle maternel qui consiste avant tout à offrir une matière à l’incarnation, et son rôle médiateur qui consisterait à préparer la matière humaine à la descente de la grâce en même temps qu’à appeler cette grâce par la prière.» (Nicolas, O.P., Maria. T. Il, p. 739.)

III. ACTIVITÉS MATERNELLES DE MARIE

Comment se traduit cette maternité spirituelle de Marie ?

1° – PAR UNE PARTICULIÈRE PARTICIPATION A LA MÉDIATION DU CHRIST.

« Unique est notre médiateur, selon les paroles de l’Apôtre Paul: « car il n’y a qu’un Dieu, il n’y a aussi qu’un médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme lui-même, qui s’est donné en rançon pour tous » (1 Timothée 2, 5-6). Mais le rôle maternel de Marie à l’égard des hommes n’offusque et ne diminue en rien cette unique médiation du Christ : il en manifeste au contraire la vertu.

Car toute influence salutaire de la part de la Bienheureuse Vierge sur les hommes a sa source dans une disposition purement gratuite de Dieu ; elle ne naît pas d’une nécessité objective, mais découle de la surabondance des mérites du Christ ; elle s’appuie sur sa médiation, dont elle dépend en tout et d’où elle tire toute sa vertu, l’union immédiate des croyants avec le Christ ne s’en trouve en aucune manière empêchée, mais, au contraire, aidée. Elle (Marie) apporta à l’œuvre du Sauveur une coopération absolument sans pareille par son obéissance, sa foi, son espérance, son ardente charité, pour que soit rendue aux âmes la vie surnaturelle. C’est pourquoi elle est devenue pour nous, dans l’ordre de la grâce, notre Mère.

« … Après son Assomption au ciel, son rôle dans le salut ne s’interrompt pas. Par son intercession répétée, elle continue à nous obtenir les dons qui assurent notre salut éternel… C’est pourquoi la bienheureuse Vierge est invoquée dans l’Eglise sous les titres d’Avocate, d’Auxiliatrice, de Secourable, de Médiatrice, tout cela cependant entendu de telle façon que nulle dérogation, nulle addition ne résulte quand à la dignité et à l’efficacité de l’unique médiateur, le Christ… L’unique médiation du rédempteur n’exclut pas mais suscite, au contraire, une coopération variée de la part des créatures, en dépendance de l’unique source. » (Lumen Gentium, ch. VIII, n° 60-62)

Nouvelle Eve, Marie a participé à la satisfaction infinie de Son Fils par son Amour sans limite, amour qui a été, lui aussi, jusqu’à la Croix.

Si le Christ est le Nouvel Adam, Marie est la Nouvelle Eve. Si le Christ satisfait pleinement pour nous et nous mérite surabondamment toutes les grâces qui nous sont nécessaires, Marie, en la dépendance de Son Fils, participe à cette satisfaction : le Père voit éternellement et inclut ses mérites à elle, en ceux, infinis, de Son Fils, pour le Salut du Monde.

C’est par Son amour infini que le Christ nous a rachetés, sauvés. Le péché étant un refus d’amour, un refus à l’Amour, la rédemption ne pouvait s’opérer que par un don, un excès d’amour. Le mérite est fonction de l’amour. Coadjutrice du Christ, Marie a participé à son œuvre rédemptrice, œuvre d’amour, par sa plénitude de grâces, qui lui permettait d’aimer d’un amour sans mesure, pleinement harmonisé à l’amour de Son Fils.

La Rédemption s’est opérée sur la Croix, par un amour allant jusqu’à l’ultime sacrifice. Or, Marie s’est très activement unie à la mort de Son Fils, acceptant cette mort. offrant son Fils. Elle pouvait redire en toute vérité avec le Christ : « Nul ne m’ôte ma vie : je la donne ». La vie de Marie, c’est son Fils. Nul ne le lui ôte ; elle-même l’offre. N’est-ce pas pour elle le grand, l’ultime sacrifice ?

2° – EN ÉTANT NOTRE MODÈLE.

Prolongement de la naissance, l’éducation fait essentiellement partie de toute vocation maternelle. Que serait une mère abandonnant son enfant à son impuissance et ne se préoccupant pas de le conduire à l’état adulte ?

Éducatrice du Christ, Marie est aussi notre éducatrice à tous. Parce qu’elle est notre Mère, il lui appartient de nous conduire au plein épanouissement de notre vie spirituelle.

Éducatrice, Marie l’est surtout en étant notre Modèle ; l’éducation se fait d’abord, indispensablement, par l’exemple, le témoignage.

Créés à l’image de Dieu, affamés de Son amour, en marche vers Lui, du fond de notre misère, nous avons besoin d’un modèle qui nous dépasse immensément sans nous écraser, qui nous fascine sans nous aveugler, qui nous entraîne sans nous essouffler ni nous décourager.

Le Christ, « Fils bien-aimé » du Père, « premier né de toutes créatures », « empreinte de sa substance et rayonnement de sa gloire », « image du Dieu invisible », est le Modèle parfait, unique, la cause exemplaire de notre perfection. Mais avec Lui, en son rayonnement, Marie est aussi notre Modèle, Chef-d’œuvre de la Trinité. miroir de Justice, Immaculée, vivant reflet de la Sainteté de Son Fils.

— « Dans le mystère de l’Église… la Bienheureuse Vierge Marie occupe la première place, offrant, à un titre éminent et singulier, le modèle de la Vierge et de la Mère. C’est dans sa foi, et dans son obéissance qu’elle a engendré sur la terre le Fils du Père… Les fidèles du Christ… sont encore tendus dans leurs efforts pour croître en sainteté par la victoire sur le péché ; c’est pourquoi ils lèvent les veux vers Marie comme modèle des vertus qui rayonne sur toute la communauté des élus… Marie rassemble et reflète en elle-même d’une certaine façon les requêtes suprêmes de la foi, et elle appelle les fidèles à son Fils et à son sacrifice. Ainsi qu’à l’amour du Père,… la Vierge a été par sa vie le modèle de cet amour maternel dont doivent être animés tous ceux qui, associés à la mission de l’Église, travaillent à la régénération des hommes. » (Lumem Gentium ch. VIII n° 63-64)

3° – EN ÉTANT NOTRE REFUGE.

Nous sommes tous d’une immense faiblesse. Trop faibles pour demeurer longtemps fidèles à notre vocation chrétienne et religieuse, nous tombons, plus ou moins souvent, plus ou moins lourdement. Notre route chrétienne est jalonnée d’innombrables chutes et d’incessants relèvements.

Il est des jours, de longues périodes de nuit plus ou moins totale : nous n’y voyons plus clair, nous n’y comprenons plus rien.

Il est des heures de terribles tempêtes : Dieu nous paraît beaucoup trop haut, trop loin, trop silencieux. L’instant de notre chute, lui, nous paraît terriblement proche.

Il est des épreuves, des souffrances, des larmes, que nous ne pouvons confier à personne.

Il est des heures de doute, de révolte, de lâcheté, où nous ne pensons pas pouvoir regarder Dieu en face, ni même le Christ.

Parce qu’elle est Mère, pleinement, Marie est ce refuge en lequel nous pouvons venir nous abriter, quel que soit notre état d’âme. Éminemment maternel, l’amour de Marie s’arrête à chacun de nous, individuellement. Chacun de nous reçoit d’elle, personnellement, tout l’amour qu’un enfant reçoit de sa mère.

— Elle aime les pauvres pécheurs, surtout les plus pauvres, c’est-à-dire ceux qui sont le plus détachés de leurs péchés, ceux qui reconnaissent le plus humblement la malice de leurs fautes, et croient avec le plus de foi que leurs chutes peuvent être, pour la miséricorde de Dieu, l’occasion de nouvelles effusions de grâces, en un mot, ceux qui ont le plus parfaitement le sens du péché.

Si le message évangélique est extrêmement exigeant, requérant de nous d’incessants dépassements, de douloureux sacrifices, si, en certaines heures, nous redoutons une certaine austérité qui, à tort, nous paraîtrait inhumaine, combien il nous est bon que Marie soit là, Type de la Femme voulue de toute éternité par Dieu, pour chacun de nous, Mère très aimante et très proche, toute-secourable à notre misère, et toute-puissante sur le Cœur de Dieu. Combien il nous est doux de savoir qu’aux côtés du Nouvel Adam, Notre Sauveur, se trouve Marie, Nouvelle Ève, Mère des Humains, incarnant, rayonnant tout spécialement la Tendresse, la Fidélité, la Délicatesse, la Miséricorde de Dieu, « Beaucoup plus Mère que Reine ».

Comment ne pas nous abandonner entièrement à son influence maternelle, toute-puissante et toute-miséricordieuse, et cela d’autant plus que nous sommes plus petits et plus pécheurs, plus faibles et plus démunis ?

CONCLUSION

En résumé, Marie est un cadeau pour nous tous. Elle a un rôle maternel pour tous les hommes, en elle découle la surabondance de la grâce du Christ. Au pied de la croix (douleur maximale), elle a une nouvelle mission, celle d’enfanter l’Église, les hommes. Elle reçoit Jean : « Voici ton fils, fils, voici ta mère. » La présence de Marie au pied de la croix a été un soutien, une aide. La souffrance ne diminue pas, mais Marie est là. (Pour nous, c’est la même chose, au pied de la croix invoquons Marie!) – Marie n’est pas simplement une belle couronne, un beau supplément de notre vie spirituelle, elle agit puissamment dans la construction des murs de notre édifice intérieur. On ne peut pas se passer d’elle. En effet par sa prière, Marie engendre Jésus en nous tous.

Pour terminer, reprenons la prière de consécration à Marie de Jean-Paul II, en la basilique Sainte-Marie-Majeure, le 8 décembre 1981, redonnée à Fatima le 13 mai 1982 :

«Mère des hommes et des peuples, toi qui connais toutes leurs souffrances et leurs espérances, toi qui ressens d’une façon maternelle toutes les luttes entre le bien et le mal, entre la lumière et les ténèbres qui secouent le monde, accueille l’appel que, dans l’Esprit Saint, nous adressons directement à ton cœur, et embrasse dans ton amour de mère et de servante du Seigneur, ceux qui ont le plus besoin de ta tendresse et aussi ceux dont tu attends toi-même d’une façon particulière qu’ils s’en remettent à toi. Prends sous ta protection maternelle toute la famille humaine que, dans un élan affectueux, nous remettons entre tes mains, ô notre Mère. Que vienne pour tous le temps de la paix et de la liberté, le temps de la vérité, de la justice et de l’espérance ».