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Marie et le projet de Dieu

Marie et le projet de Dieu

ANNONCIATION DU SEIGNEUR

Voici la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi selon ta parole (Luc 1/38)

Annonciation Galerie de l'Académie Venise Lorenzo Veneziano 1357.
Annonciation Galerie de l’Académie Venise Lorenzo Veneziano 1357.

Lorsque Dieu voulut tirer Eve du côté d’Adam, loin de le prévenir et de le persuader, il le priva de ses facultés et lui ravit un de ses membres. Mais quand il s’agit de la Vierge Marie, il commença par l’avertir et attendit son acte de foi avant d’accomplir son œuvre. Pareillement, au moment de créer Adam, Dieu s’adresse uniquement à son Fils en disant : Faisons l’homme (Genèse 1,26).

Mais lorsqu’il s’agit d’introduire en ce monde son premier-né (cf. Hébreux 1,6) — cet admirable conseiller — et de façonner le second Adam, il fait participer la Vierge à son dessein.

Ce grand conseil dont parle Isaïe (9,6 ; LXX), ce grand dessein, Dieu le prononça et la Vierge le ratifia. L’Incarnation ne fut pas seulement l’œuvre du Père qui décida, de sa puissance qui couvrit la Vierge de son ombre et de l’Esprit qui sur­vint, mais elle fut aussi l’œuvre de la volonté et de la foi de la Vierge. Sans le Père, sa puissance et son Esprit, un tel projet ne pouvait s’élaborer ; sans la volonté et la foi de l’Immaculée, le conseil divin ne pouvait se réaliser.

Quand Dieu eut instruit et persuadé la Vierge, il fit d’elle sa mère et emprunta ainsi sa chair alors qu’elle était pleinement consciente et consentante. De même que lui fut conçu parce qu’il le voulait, de même Marie conçut en pleine liberté et devint mère par son propre consentement.

Admise à participer au plan de Dieu, elle ne fut pas un instrument passif mû de l’extérieur, mais elle s’offrit elle-même et devint la coopératrice de Dieu et de sa providence envers le genre humain, au point d’être associée à l’hon­neur qui en découlerait.

En outre, de même que le Sauveur n’était pas homme et Fils de l’homme seulement par la chair, mais aussi par l’âme, l’intelligence, la volonté et tout ce qui est humain, ainsi devait-il avoir une mère par­faite qui préparerait sa naissance non seulement par le corps, mais aussi par l’esprit, la volonté et tout l’être.

C’est ainsi que la Vierge devint mère, en son corps et en son âme, et qu’elle porta l’homme tout entier jusqu’à son ineffable enfantement…

Voici la servante du Seigneur, dit-elle, qu’il me soit fait selon ta parole (Luc 1,38). Elle parla, et l’effet suivit la parole : Et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous (Jean 1,14). Dès que Marie eut donné à Dieu sa parole, elle reçut l’Esprit qui forma d’elle cette chair tout im­prégnée de divinité. Voix de la puissance de Dieu ! (Psaume 67,34).

Le Verbe de Dieu est formé à la parole de la mère, et le Créateur est créé à la parole de la créature. Que la lumière soit, avait dit Dieu, et la lumière fut créée (Genèse 1,3). De même, dès que la Vierge eut parlé, la vraie lumière s’est levée ; celui qui éclaire tout homme venant en ce monde (Jean 1,9) prit chair et fut porté dans son sein.

Nicolas Cabasilas Homélie pour l’Annonciation, 4-5, 10 : PO 19, p. 487-488, 494. Traduction Orval.

EUCHARISTIE MÉDITÉE 8

EUCHARISTIE MÉDITÉE 8

Guide de voyage

Je suis la voie, la vérité, la vie. (Jean, XIV, 6.)

Celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres. (Jean, VIII, 12.)

Eucharistie- Motif sculpté sur porte d'église - Bruxelles
Eucharistie- Motif sculpté sur porte d’église – Bruxelles

8e Action de grâces – nouvelles figures de Jésus.

Je vous adore, ô mystère profond de l’amour de mon Dieu ! Eucharistie, chef-d’œuvre de sa sagesse et de sa puissance, soleil divin qui rayonnez sur l’horizon de ma vie, je vous adore, et mon âme s’abîme et se perd dans la contemplation de vos infinies grandeurs.

J’errais sans guide et sans lumière sur le chemin de la vie ; aveugle, j’étendais les mains sans trouver de soutien ; faible, j’étais épuisé, et je manquais de nourriture ; consumé par l’ardeur brûlante de la soif, je ne savais où trouver la source qui pouvait me désaltérer.

Soyez béni, ô Jésus, vous qui avez eu pitié de tant de misères, qui avez voulu être à la fois mon guide et ma lumière, mon aliment et mon breuvage ; soyez béni, et que mon cœur, embrasé des saintes ardeurs de la charité, chante sans cesse de nouvelles hymnes à votre gloire.

Votre amour, ô mon Sauveur, n’a connu ni bornes ni mesure ; seul il pouvait inventer le mystère de l’Eucharistie, et votre cœur nous le gardait comme sa dernière, comme sa plus grande œuvre d’amour, comme le complément, le sceau, l’épuisement de ce divin amour. Ô prodige ! ô bonté ! ô amour que l’homme ne pourra jamais assez admirer ! avant de vous donner à lui dans l’éternité, vous vous donnez à lui dans le temps.

Non seulement vous voulez être le guide de notre voyage, parcourir avec chacun de nous le rude sentier de la vie, rester toujours à nos côtés pour nous diriger dans notre route, pour nous soutenir dans nos faiblesses, essuyer nos larmes et ranimer notre courage, mais vous voulez encore être le bien, la propriété de chacun de nous, être le Sauveur de tous et de chacun en particulier.

Vous voulez, ô Jésus, descendre jusqu’au fond de nos cœurs pour y découvrir leurs blessures secrètes, pour partager nos peines les plus intimes et les plus cachées, les adoucir et y verser ce baume divin des célestes consolations qu’il n’appartient pas aux créatures de donner.

Oh ! oui, c’est auprès de vous, ô mon bien-aimé, c’est dans le sacrement de votre amour que je trouve ma force dans les faiblesses, ma joie dans la tristesse, mon bonheur dans les larmes, mon plaisir dans la douleur. C’est là que mon cœur se repose sur le vôtre, que vous le réchauffez, ce pauvre cœur si souvent glacé par le souffle du monde, à la chaleur de vos divins embrassements.

C’est là enfin, seulement là, près de vous, qu’il fait bon, ô mon aimable Sauveur, parce que seul vous méritez tout l’amour de nos cœurs, amour unique, amour sans réserve, sans partage et sans fin. Non, non, il ne fait plus bon sur la terre, il ne fait bon qu’auprès de vous, ô Jésus, mon amour et ma vie !

Près de vous tout est vie, joie, lumière, vérité, réalité ; ailleurs tout est mort, douleurs, ténèbres, mensonges, déceptions, néant. Oh ! qu’elles sont vaines toutes ces affections de la terre dont nos pauvres cœurs sont toujours avides, dont ils veulent se nourrir, et qu’ils poursuivent avec une ardeur si pleine d’opiniâtreté et d’aveuglement !

Non, je le répète encore, aucune, quelle qu’elle soit, ne pourra jamais ni les remplir, ni les satisfaire. C’est Dieu, Dieu seul qu’il me faut ; c’est Jésus qu’il faut à mon âme, Jésus qu’il faut à mon cœur, Jésus qu’il faut à mon esprit, à ma pensée, à ma mémoire, à tout mon être ; car toutes les fibres de cet être, tout ce qui est en moi le réclame et crie sans cesse : Jésus ! Jésus ! amour à Jésus !…

Partout, avec vous, il fait bon, ô bien-aimé ! Il fait bon non seulement au pied du tabernacle, alors que l’âme se réchauffe aux doux rayons du soleil de l’Eucharistie, mais il fait bon avec vous, même sur le Calvaire, sur la croix, et l’âme qui vous aime préfère le diadème sanglant de votre couronne d’épines à la couronne de gloire que vous lui préparez dans le ciel.

Près de vous, ô mon Sauveur, on apprend la grande science du dévouement, du sacrifice et de l’immolation ! on apprend de vous non seulement à vivre, mais aussi à mourir pour celui qu’on aime ! car vous êtes le grand maître de l’amour, et le premier vous nous avez appris qu’aimer c’est s’immoler, se sacrifier pour l’objet de son amour.

Ô croix, humiliations, pauvreté, larmes de Jésus, noble et précieuse part de mon héritage, soyez à jamais mes délices et ma gloire, soyez l’unique objet de mon ambition, soyez enfin mon repos, ma joie, mon bonheur.

O Marie, étoile brillante de Jacob, astre lumineux qui projette votre douce lumière sur le désert que nous traversons, douce étoile du matin qui avez réjoui les premiers instants du jour de ma vie, brillez pour moi pendant tout le cours du pèlerinage; ne vous cachez pas au déclin du jour, mais reparaissez plus brillante et plus belle ; répandez vos bénignes Influences sur le matin, sur le midi et sur le soir !

Soyez toujours mon astre tutélaire, ma lumière et mon guide, car votre lumière vous la recevez du Soleil de justice, il vous la donne pour que vous nous la transmettiez.

An ! qu’elle vienne encore, cette douce et bienfaisante lumière, réjouir mes regards mourants, et qu’uni au nom de Jésus, votre divin Fils, votre nom, ô Marie, soit le dernier que murmurent mes lèvres défaillantes, afin que mon dernier soupir soit encore un hommage de ma vénération, de mon amour peur vous. Ainsi soit-il.

Léonie Guillebaut

Que la paix soit avec vous

Que la paix soit avec vous !

LUNDI semaine 2 de Pâques

« La paix de Dieu », dit saint Paul, « qui surpasse tout autre senti­ment ». (Phil., 9, 7)

Quand il arrive en ce monde, Jésus fait chanter par ses anges, au-dessus de son berceau : Paix aux hommes de bonne volonté. Au cours de son ministère, il affirme aux apôtres : « Je vous donne ma paix ».

Alors qu’il va quitter cette terre, entre la résurrection et son ascension, il n’a que ce salut sur ses lèvres adorables : Pax vobis ! Paix à vous! Il a ordonné à ceux qui devaient continuer son œuvre : « Quand, vous entrerez, dites d’abord : paix à cette maison. » (Luc. 10, 5).

Aussi l’Église, alors qu’elle nous introduisait dans la famille de Dieu, à plusieurs reprises au cours du baptême, nous a dit : Pax tibi ! Paix à toi !Et quand elle mettra le point final à notre existence, en bénissant notre cadavre, elle priera : Requiescat in pace. Qu’il repose en paix. 1° Qu’est-ce que la paix ? 2° Conditions de la paix.

1° Qu’est-ce que la paix ? — Dès l’abord, nous l’estimons comme le plus précieux des biens : « La paix de Dieu », dit saint Paul, « qui surpasse tout autre senti­ment ». (Phil., 9, 7); A la réflexion nous comprenons qu’il en est ainsi, car, rien ne peut être bonheur sans elle. La richesse, la science, l’amitié ne béatifient pas un cœur tourmenté, alors qu’une âme paisible ne souffre ni de pauvreté, ni d’ignorance, ni de solitude.

Et pour le temps, et pour l’éternité, elle doit faire l’objet de tous nos désirs.

Or, saint Augustin la définit ainsi : « La paix est la sécu­rité de l’esprit, la ‘tranquillité de l’âme, la simplicité du cœur, le lien de l’amour, la compagne de la charité. » Et saint Thomas, qui commente cette définition, ajoute:

« la sérénité de l’esprit se rapporte à la raison qui dit être libre et ni liée, ni tourmentée par quelque affection désordonnée ; la tranquillité de l’âme a trait à la sensi­bilité, qui doit être affranchie des tiraillements des pas­sions ; la simplicité du cœur regarde la volonté, qui doit être portée uniquement et totalement vers Dieu ; le lien de l’amour et de la charité harmonise les rapports avec Dieu et avec le prochain ».

Nous devons apprécier la paix, la désirer, l’implorer.

O Jésus, plus heureux que les anciens, qui cherchaient vainement la paix, je sais où la trouver ; je viens à votre Cœur, « notre paix et notre réconciliation » ; et si je le prie de me pacifier, je suis sûr d’être écouté, puisque je vais au-devant de son désir : ayez pitié de nous !

2° Conditions. — Elles sont indiquées par la définition que résume un autre mot de saint Thomas : « La paix n’est autre chose que la ‘ tranquillité de l’ordre. » L’ordre exige qu’il y ait une place pour chaque chose, et que chaque chose soit à sa place. En s’en tenant à nos trois grandes puissances, nous arrivons à la même place pour chacune d’elles et ainsi se simplifie la technique de la paix.

La place de l’intelligence c’est la vérité ; la vérité c’est Dieu qui est l’Être : la vérité même. La place du cœur c’est la beauté ; la beauté c’est Dieu, qui est toute lumière, La place de la volonté c’est le bien ; le bien c’est Dieu, qui est l’unique bonté : Nul n’est bon si ce n’est Dieu seul. Ainsi, toute l’activité de l’âme qui veut avoir la paix doit consister à se situer en Dieu.

« Approchez de Dieu et il approchera de vous. » (Jacques 4, 8). Approchons-nous par la prière, d’abord, car elle élève, elle fortifie l’homme, en même temps qu’elle incline Dieu. Par la fuite du péché, ensuite, à quoi nous aide la prière, car nous savons qu’il éloigne Dieu, tend un voile entre lui et nous. Par une charité délicate et persévérante, enfin, car l’amour réalise ineffablement l’union : « Demeu­rez dans mon amour. » (Jean 20, 9).

C’est tout le programme de notre vie vraiment chré­tienne, le résumé de notre discipline de piété. Tenons-y fidèlement la main ; nous ne devons rien désirer autant que la paix.

O Jésus, je ferai mes efforts dans ce sens, et j’ai confiance que j’y réussirai, car, je suis vôtre, et votre prophète vous fait dire : « Mon peuple habitera dans un séjour de paix. » (Isaïe 32, 18).