Tous les articles par P. Jean-Daniel Planchot

RENCONTRE AVEC LES TRAVAILLEURS DE LA CHARITÉ ET INAUGURATION DE LA MAISON DE LA MISÉRICORDE À OULAN-BATOR

RENCONTRE AVEC LES TRAVAILLEURS DE LA CHARITÉ
ET INAUGURATION DE LA MAISON DE LA MISÉRICORDE
À OULAN-BATOR

voyage du Pape en Mongolie
voyage du Pape en Mongolie

Les témoignages du directeur, d’un missionnaire et d’une femme handicapée racontent au Pape l’accueil évangélique offert dans ce lieu de la capitale mongole où les opérateurs apportent non seulement assistance mais confort, écoute et soins médicaux aux plus vulnérables.

C’est le frère Andrew Tran Le Phuong, directeur de la Maison de la Miséricorde, la structure inaugurée aujourd’hui par le Pape à Oulan-Bator, qui a accueilli le Pontife au début de la rencontre, la dernière du voyage papal en Mongolie.

Dans ses paroles, comme dans celles des témoignages ultérieurs, la miséricorde de Dieu, nom de cette Maison, prend forme, au point d’envahir et d’émouvoir le cœur de celui qui l’écoute avec des images puissantes.

C’est un lieu qui fait également office de centre de premiers secours pour les sans-abri, explique le frère Andrew, et où sont accueillis quotidiennement ceux qui vivent en marge de la société : les pauvres, les personnes vulnérables, en particulier les femmes et les enfants, les migrants et tous ceux qui le monde rejette.

Il y a même un service de blanchisserie et de toilettes, de la nourriture et des vêtements propres sont proposés, mais surtout il y a toujours quelqu’un à qui parler, quelqu’un avec qui s’asseoir et écouter gentiment celui qui vient frapper à la porte.

Un lieu d’encouragement et d’espoir

« L’idée initiale du cardinal Giorgio Marengo – explique le directeur de la Maison de la Miséricorde – était de créer un centre dans lequel toutes les institutions de l’Église opérant dans les secteurs de la justice sociale et de l’assistance aux nécessiteux pourraient se réunir et devenir une réalité, pour une contribution commune et concrète de l’Église particulière en Mongolie.

Nous recherchons ainsi l’interconnexion avec tous ceux qui partagent les valeurs de compassion amoureuse et de responsabilité sociale partagée, dans un esprit de synodalité. Faisant écho à ce que Sa Sainteté a dit à plusieurs reprises, nous voudrions nous tenir aux côtés de ceux qui n’ont pas le droit de parler ou qui ne sont pas écoutés.

Un lieu d’encouragement donc où ceux qui ont tout perdu ont l’espoir de recevoir une nouvelle vie, où « un monde différent se construit dans un esprit d’union et de miséricorde », « les barrières sont brisées grâce au volontariat interreligieux et communautaire, les « frontières du différence », réunissant ceux qui sont souvent oubliés.

Sœur Veronica : Je suis plus pauvre que les gens que je sers

La confirmation vient de Sœur Veronica Kim des Sœurs de Saint Paul de Chartres qui exerce son service à la Clinique Sainte-Marie en Mongolie, qui reçoit en moyenne 12 mille patients par an, et offre désormais aussi ses bras à ceux qui frappent aux portes de la Maison de Miséricorde.

Les données que Sœur Véronique présente au Pape sont dramatiques : en effet, 9 mille personnes sans abri vivent en Mongolie, incapables d’accéder aux soins médicaux et le taux de pauvreté est d’environ 27 %.

Tout en expliquant les types de services offerts par la clinique (soins médicaux pour ceux qui ne peuvent les recevoir faute de papiers, chirurgies gratuites pour les enfants cardiaques, distribution de médicaments non disponibles en Mongolie, soutien financier pour les frais d’interventions chirurgicales mais aussi assistance pour les urgences financières), Sœur Véronique raconte au Pontife un souvenir émouvant :

« Je préparais du café chaud par un froid matin d’hiver 2017 et – dit la religieuse – à travers la fente de la porte, j’ai vu dehors trois personnes sans abri qui cherchaient à se réchauffer. À ce moment-là, avec ma tasse de café chaud dans les mains, je me sentais tellement mal que j’ai commencé à pleurer.

Depuis, j’ai commencé à offrir du thé et du pain à ceux qui viennent le matin et, après avoir même volé mes chaussures une fois, à fournir des chaussures à ceux qui en ont besoin.

Cependant, au cours de ces huit années, j’ai réalisé qu’en réalité, j’étais plus pauvre que les personnes que nous servons. En fait, en restant avec eux, c’est moi qui ai progressivement trouvé réconfort et protection contre les influences négatives de notre monde matérialiste.

L’histoire de Lucia Otgongerel

Ce sont des expériences qui nous apprennent à ouvrir notre cœur à Dieu et notre cœur s’ouvre également grand lorsque s’exprime Lucia Otgongerel, de la paroisse Santa Maria d’Oulan-Bator, après l’hommage d’une danse offerte au Pape par les enfants des établissements scolaires catholiques.

Lucia est la sixième de huit enfants, elle est née avec une grave malformation, elle n’a ni bras ni jambes et pourtant elle affirme s’être toujours sentie « normale et heureuse ». Aujourd’hui, devant le Successeur de Pierre, elle parle avec un sourire, au nom de tous les handicapés, de sa première rencontre avec l’Église catholique, réalisée avec les missionnaires de Consolata.

« Quand j’ai vu la croix, j’ai vu Jésus avec des clous dans les mains et les pieds, pourquoi une personne est-elle coincée comme ça ? Dès que j’ai trouvé en moi la réponse à cette question, j’ai compris que Jésus avait été cloué sur la croix pour moi, par amour, pour mes péchés et j’ai senti que c’était une croix que je devais porter et la porter volontiers.

J’ai compris qu’Il était crucifié pour moi, j’ai été très ému et j’ai perçu que c’est aussi ma Croix, et j’ai donc accepté avec bonheur ma Croix handicapée. C’est pourquoi je dis à de nombreux frères et sœurs croyants handicapés que Dieu donne tout, donne une opportunité à chaque personne, et selon la façon dont vous voyez et acceptez cette opportunité, votre vie est remplie de l’amour de Dieu.

Il me manque deux bras et deux jambes, mais je veux dire que je suis la personne la plus chanceuse du monde, parce que j’ai pris la décision d’accepter pleinement l’amour de Dieu, l’amour de Jésus. »

***

VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS EN MONGOLIE
[31 août – 4 septembre 2023]

RENCONTRE AVEC LES TRAVAILLEURS DE LA CHARITÉ
ET INAUGURATION DE LA MAISON DE LA MISÉRICORDE

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

Oulan-Bator
Lundi 4 septembre 2023

________________________________________

Chers frères et sœurs, bonjour !

Je vous remercie de tout cœur pour l’accueil, le chant et la danse, pour vos mots de bienvenue et pour vos témoignages ! Je crois qu’ils peuvent être bien résumés par certaines paroles de Jésus : « J’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire » (Mt 25, 35).

Le Seigneur nous offre ainsi le critère pour le reconnaître, pour le reconnaître présent dans le monde et la condition pour entrer dans la joie ultime de son Royaume au moment du jugement dernier. Depuis ses débuts l’Église a pris au sérieux cette vérité, démontrant en actes que la dimension caritative fonde son identité.

La dimension caritative fonde l’identité de l’Église. Je pense aux récits des Actes des Apôtres, aux nombreuses initiatives prises par la communauté chrétienne primitive pour réaliser les paroles de Jésus, donnant vie à une Église construite sur quatre piliers : la communion, la liturgie, le service et le témoignage.

Il est merveilleux de constater qu’après tant de siècles, le même esprit imprègne l’Église en Mongolie : dans sa petitesse, elle vit de communion fraternelle, de prière, du service désintéressé à l’humanité souffrante et du témoignage de sa foi. Tout comme les quatre colonnes des grandes ger, [yourtes] qui soutiennent l’ouverture centrale supérieure, permettant à la structure de tenir debout et d’offrir un espace accueillant à l’intérieur.

Nous voici donc à l’intérieur de cette maison que vous avez construite et que j’ai aujourd’hui la joie de bénir et d’inaugurer. C’est une expression concrète de l’attention aux autres dans laquelle les chrétiens se reconnaissent, car là où il y a l’accueil, l’hospitalité et l’ouverture aux autres, on respire la bonne odeur du Christ (cf. 2 Co 2, 15).

Se dépenser pour son prochain, pour sa santé, ses besoins fondamentaux, sa formation et sa culture, fait partie depuis ses débuts de cette portion vivante du Peuple de Dieu.

Dès leur arrivée à Oulan-Bator dans les années 1990, les premiers missionnaires ont immédiatement ressenti l’appel à la charité, qui les a amenés à s’occuper des enfants abandonnés, des frères et sœurs sans abri, des malades, des personnes vivant avec un handicap, des prisonniers et de tous ceux qui, dans leur état de souffrance, demandaient à être accueillis.

Aujourd’hui, nous voyons comment un tronc a poussé de ces racines, des branches ont poussé et de nombreux fruits ont éclos : de nombreuses et louables initiatives caritatives, développées en projets à long terme, réalisées principalement par les différents Instituts missionnaires présents ici et appréciés par la population et les autorités civiles.

D’autre part, c’est le gouvernement mongol lui-même qui avait demandé l’aide des missionnaires catholiques pour faire face aux nombreuses urgences sociales d’un pays qui, à l’époque, se trouvait dans une phase délicate de transition politique marquée par une pauvreté généralisée.

Aujourd’hui encore, ces projets impliquent des missionnaires de nombreux pays, qui mettent leurs connaissances, leur expérience, leurs ressources et surtout leur amour au service de la société mongole. À eux, et à ceux qui soutiennent ces nombreuses bonnes œuvres, vont mon admiration et mes « remerciements » les plus sincères.

La Maison de la Miséricorde se veut un point de référence pour une multiplicité d’interventions caritatives, de mains tendues vers les frères et sœurs qui peinent à naviguer au milieu des problèmes de la vie. C’est une sorte de port où accoster, où pouvoir trouver écoute et compréhension.

Mais cette nouvelle initiative, alors qu’elle s’ajoute aux nombreuses autres initiatives soutenues par les différentes institutions catholiques, en représente une version inédite : ici, en effet, c’est l’Église particulière qui porte le projet, dans la synergie de toutes les composantes missionnaires, mais avec une identité locale claire, comme une véritable expression de la Préfecture Apostolique dans son ensemble.

Et j’aime beaucoup le nom que vous avez voulu lui donner : Maison de la Miséricorde. Dans ces deux mots se trouve la définition de l’Église, appelée à être une demeure accueillante où tous peuvent faire l’expérience d’un amour supérieur, qui remue et touche le cœur : l’amour tendre et providentiel du Père, qui veut que nous soyons frères, que nous soyons sœurs dans sa maison.

Je souhaite donc que vous puissiez tous vous mobiliser autour de cette œuvre et que les différentes communautés missionnaires y participent activement, en y engageant des personnes et ressources.

Pour que cela se réalise, le volontariat est indispensable, c’est-à-dire le service purement gratuit et désintéressé, que les personnes décident librement d’offrir à ceux qui sont dans le besoin : non pas sur la base d’une compensation financière ou d’une quelconque forme de retour individuel, mais par pur amour pour le prochain.

C’est le style de service que Jésus nous a enseigné en disant : « Vous avez reçu gratuitement : donnez gratuitement » (Mt 10, 8). Servir ainsi semble un pari perdant, mais lorsqu’on risque, on découvre que ce qu’on donne sans attendre en retour n’est pas perdu ; au contraire, cela devient une grande richesse pour ceux qui offrent leur temps et leur énergie.

En effet, la gratuité allège l’âme, guérit les blessures du cœur, rapproche de Dieu, ouvre la source de la joie et maintient la jeunesse intérieure. Dans ce pays plein de jeunes, se consacrer au volontariat peut être un chemin décisif pour la croissance personnelle et sociale.

C’est aussi un fait que, même dans les sociétés hautement technologiques et à haut niveau de vie, le système de protection sociale ne suffit pas à lui seul à fournir tous les services aux citoyens, s’il n’y a pas en plus des légions de bénévoles qui consacrent leur temps, leurs compétences et leurs ressources à l’amour du prochain.

En effet, le véritable progrès des nations ne se mesure pas à la richesse économique, et encore moins à celle des investissements dans le pouvoir illusoire des armements, mais à leur capacité à assurer la santé, l’éducation et la croissance intégrale de leur peuple.

Je voudrais donc encourager tous les citoyens mongols, connus pour leur magnanimité et leur capacité d’abnégation, à s’engager dans le bénévolat, en se mettant à la disposition des autres. Ici, à la Maison de la Miséricorde, vous disposez d’un « gymnase » toujours ouvert où vous pouvez exercer vos désirs de bien et entraîner votre cœur.

Enfin, je voudrais démentir certains « mythes ». Tout d’abord, celui selon lequel seules les personnes aisées peuvent s’engager dans le volontariat. C’est une « fantaisie ». La réalité dit le contraire : il n’est pas nécessaire d’être riche pour faire le bien, au contraire, ce sont presque toujours les personnes ordinaires qui consacrent leur temps, leurs connaissances et leur cœur à s’occuper des autres.

Deuxième mythe à briser : celui selon lequel l’Église catholique, qui se distingue dans le monde entier par son grand engagement dans les œuvres de promotion sociale, fait tout cela par prosélytisme, comme si le fait de s’occuper des autres était une forme de conviction pour attirer « de son côté ». Non, l’Église ne va pas de l’avant par prosélytisme, elle va de l’avant par attraction.

Les chrétiens reconnaissent ceux qui sont dans le besoin et font tout leur possible pour soulager leurs souffrances parce qu’ils y voient Jésus, le Fils de Dieu, et en lui la dignité de chaque personne, appelée à être un fils ou une fille de Dieu.

J’aime imaginer cette Maison de la Miséricorde comme le lieu où des personnes de différentes « croyances », et même des non-croyants, unissent leurs efforts à ceux des catholiques locaux pour secourir avec compassion de nombreux frères et sœurs en humanité. C’est le mot, compassion : la capacité de souffrir avec l’autre.

Et l’État saura protéger et promouvoir cela de manière adéquate. Pour que ce rêve devienne réalité, il est en effet indispensable, ici et ailleurs, que les responsables publics soutiennent ces initiatives humanitaires, faisant preuve d’une synergie vertueuse pour le bien commun.

Enfin, un troisième mythe à casser : celui selon lequel seuls les moyens économiques comptent, comme si la seule façon de s’occuper des autres était d’employer des salariés et d’investir dans de grandes infrastructures.

Certes, la charité exige du professionnalisme, mais les initiatives caritatives ne doivent pas devenir des entreprises, mais conserver la fraîcheur des œuvres de charité, où ceux qui sont dans le besoin trouvent des personnes capables d’écoute, capables de compassion, au-delà de toute rémunération.

En d’autres termes, pour faire vraiment le bien, ce qui est indispensable, c’est un cœur bon, un cœur déterminé à chercher le meilleur pour l’autre. S’engager uniquement en vue d’une rémunération n’est pas un véritable amour ; seul l’amour permet de surmonter l’égoïsme et fait avancer le monde.

À cet égard, j’aimerais conclure en rappelant un épisode lié à sainte Teresa de Calcutta. Il semble qu’un journaliste, la regardant courbée sur la plaie malodorante d’un malade, lui ait dit un jour : « Ce que vous faites est beau, mais personnellement je ne le ferais pas même pour un million de dollars ».

Mère Teresa répondit : « Pour un million de dollars, je ne le ferais pas non plus. Je le fais pour l’amour de Dieu ! » Je prie pour que ce style de gratuité soit la valeur ajoutée de la Maison de la Miséricorde. Pour tout le bien que vous avez fait et que vous ferez, je vous remercie de tout cœur – Merci, merci beaucoup ! – et je vous bénis. Et s’il vous plaît, ayez aussi la charité de prier pour moi. Merci.


Copyright © Dicastero per la Comunicazione – Libreria Editrice Vaticana

Messe à Oulan-Bator: le Seigneur ne nous laisse pas manquer d’eau

Messe à Oulan-Bator:
le Seigneur ne nous laisse pas manquer d’eau

Le Pape François a présidé la messe dimanche 3 septembre dans l’après-midi au Steppe Arena d’Oulan-Bator devant près de deux mille fidèles. Ce fut le grand moment de rencontre entre la petite communauté catholique mongole et le Saint-Père et l’occasion pour lui de la conforter.

voyage du Pape en Mongolie
voyage du Pape en Mongolie

VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS EN MONGOLIE
[31 août – 4 septembre 2023]

MESSE

HOMÉLIE DU SAINT-PÈRE

Steppe Arena (Oulan-Batar)
Dimanche 3 septembre 2023

________________________________________

Avec les paroles du psaume, nous avons prié : « Ô Dieu, […] mon âme a soif de toi ; après toi languit ma chair, terre aride, altérée, sans eau » (Ps 63, 2). Cette merveilleuse invocation accompagne le voyage de notre vie, au milieu des déserts que nous sommes appelés à traverser.

Et c’est précisément dans cette terre aride que nous parvient une bonne nouvelle : nous ne sommes pas seuls sur notre chemin ; nos aridités n’ont pas le pouvoir de rendre notre vie stérile à jamais ; le cri de notre soif n’est pas ignoré. Dieu le Père a envoyé son Fils pour nous donner de l’eau vive de l’Esprit Saint afin de désaltérer notre âme (cf. Jn 4, 10).

Et Jésus – nous venons de l’entendre dans l’Évangile – nous montre le chemin pour être désaltérés : c’est le chemin de l’amour, qu’il a parcouru jusqu’au bout, jusqu’à la croix, et sur lequel il nous appelle à le suivre « en perdant la vie pour la retrouver » à nouveau (cf. Mt 16, 24-25).

*

Arrêtons-nous ensemble sur ces deux aspects : la soif qui nous habite et l’amour qui nous désaltère.

Reconnaître la soif qui nous habite

Avant tout, nous sommes appelés à reconnaître la soif qui nous habite. Le psalmiste crie à Dieu sa soif ardente parce que sa vie ressemble à un désert. Ses mots ont une résonance particulière dans une terre comme la Mongolie : un territoire immense, riche d’histoire, une terre pleine de culture, mais aussi marqué par l’aridité de la steppe et du désert.

Beaucoup d’entre vous sont habitués à la beauté et à la difficulté de marcher, une action qui rappelle un aspect essentiel de la spiritualité biblique, représentée par la figure d’Abraham et, plus généralement, précisément du peuple d’Israël et de tout disciple du Seigneur : en effet, tous, nous sommes tous des « nomades de Dieu », des pèlerins en quête du bonheur, des voyageurs assoiffés d’amour.

Le désert évoqué par le psalmiste se réfère donc à notre vie : nous sommes cette terre aride qui a soif d’une eau limpide, d’une eau qui désaltère en profondeur ; c’est notre cœur qui aspire à découvrir le secret de la vraie joie, celle qui, même au milieu des aridités existentielles, peut nous accompagner et nous soutenir.

Oui, nous portons en nous une soif inextinguible de bonheur ; nous sommes à la recherche d’un sens et d’une orientation pour notre vie, d’une motivation pour les activités que nous menons chaque jour ; et surtout nous sommes assoiffés d’amour, car c’est seulement l’amour qui nous satisfait vraiment, qui, nous fait sentir bien – l’amour nous fait nous sentir bien -, qui nous ouvre à la confiance, en nous faisant goûter la beauté de la vie.

Chers frères et sœurs, la foi chrétienne répond à cette soif ; elle la prend au sérieux ; elle ne la supprime pas, elle ne cherche pas à l’étancher avec des palliatifs ou des substituts : non ! Car notre grand mystère se trouve dans cette soif : elle nous ouvre au Dieu vivant, au Dieu Amour qui vient à notre rencontre pour faire de nous ses enfants et des frères et sœurs entre nous.

*

L’amour de Dieu nous désaltère

Nous en arrivons ainsi au deuxième aspect : l’amour qui nous désaltère. Il y a d’abord eu notre soif, existentielle, profonde, et pensons maintenant à l’amour qui nous désaltère. C’est le contenu de la foi chrétienne : Dieu, qui est amour, dans son Fils Jésus, s’est fait proche de toi, de moi, de nous tous, il veut partager ta vie, tes peines, tes rêves, ta soif de bonheur.

Certes, nous nous sentons parfois comme une terre déserte, aride et sans eau, mais il est tout aussi vrai que Dieu prend soin de nous et nous offre l’eau limpide et rafraîchissante, l’eau vive de l’Esprit qui, jaillissant en nous, nous renouvelle, en nous libérant du danger de la sécheresse. Cette eau nous est donnée par Jésus.

Comme l’affirme saint Augustin, « si nous nous reconnaissons dans l’assoiffé, nous nous reconnaîtrons aussi dans le désaltéré » (Sur le Psaume 62, 3). En effet, si tant de fois dans notre vie nous faisons l’expérience du désert, de la solitude, de la fatigue, de la stérilité, nous ne devons cependant pas oublier ceci :

« Pour que nous ne tombions pas en défaillance dans ce désert – ajoute Augustin – le Seigneur répand en nos cœurs la divine rosée de sa parole […]. Nous sommes altérés et nous pouvons nous rafraîchir au moyen de la grâce que Dieu nous accorde. […] Le Seigneur a pris pitié de notre infortune ; il a tracé pour nous une voie dans le désert de notre vie, il nous a donné Notre-Seigneur Jésus-Christ », qui est la voie dans le désert de la vie.

« Pour nous consoler dans ce désolant pèlerinage, des prédicateurs de sa parole ont été envoyés par lui vers nous ; il nous a donné de l’eau pour nous désaltérer dans cette aride solitude, car il a rempli ses Apôtres de l’Esprit-Saint qui est devenu en eux une source d’eau vive, jaillissant jusqu’à la vie éternelle » (ibid. 3.8).

Ces paroles, chers frères et sœurs, rappellent votre histoire : dans les déserts de la vie et dans la difficulté d’être une petite communauté, le Seigneur ne vous laisse pas manquer de l’eau de sa Parole, surtout à travers les prédicateurs et les missionnaires qui, oints par l’Esprit Saint, en sèment la beauté.

Et la Parole toujours, toujours nous ramène à l’essentiel, à l’essentiel de la foi : se laisser aimer par Dieu pour faire de notre vie une offrande d’amour. Car seul l’amour nous désaltère vraiment. N’oublions pas que seul l’amour désaltère vraiment.

*

Dieu nous renvoie la vie en abondance

C’est ce que Jésus dit d’un ton fort à l’apôtre Pierre dans l’Évangile d’aujourd’hui. Celui-ci n’accepte pas que Jésus doive souffrir, être accusé par les chefs du peuple, passer par la passion et mourir sur la croix. Pierre réagit, Pierre proteste, il voudrait convaincre Jésus qu’il a tort, car selon lui – et c’est ce que nous pensons si souvent nous aussi – le Messie ne peut pas finir vaincu, et ne peut absolument pas mourir crucifié, comme un malfaiteur abandonné par Dieu.

Mais le Seigneur réprimande Pierre, parce que sa façon de penser est « selon le monde », dit le Seigneur, et non selon Dieu (cf. Mt 16, 21-23). Si nous pensons que le succès, le pouvoir, les choses matérielles, suffisent à étancher la soif ardente de notre vie, c’est une mentalité mondaine qui ne conduit à rien de bon et, bien plus, nous laisse plus arides qu’auparavant.

Jésus, au contraire, nous montre le chemin : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la trouvera » (Mt 16, 24-25).

*

Embrasser la croix du Christ

Frères et sœurs, le meilleur chemin est celui-ci : embrasser la croix du Christ. Au cœur du christianisme, se trouve cette nouvelle bouleversante, cette nouvelle extraordinaire : lorsque tu perds ta vie, lorsque tu l’offres généreusement dans le service, lorsque tu la risques en l’engageant dans l’amour, lorsque tu en fais un don gratuit pour les autres, alors elle te revient en abondance, elle répand en toi une joie qui ne passe pas, une paix du cœur, une force intérieure qui te soutient. Et nous avons besoin de paix intérieure.

C’est la vérité que Jésus nous invite à découvrir, que Jésus veut vous révéler à tous, à cette terre de Mongolie : il n’est pas nécessaire d’être grand, riche ou puissant pour être heureux : non ! Seul l’amour désaltère notre cœur, seul l’amour guérit nos blessures, seul l’amour nous donne la vraie joie. Et c’est la voie que Jésus a enseignée et ouverte pour nous.

Écoutons donc frères et sœurs, nous aussi, la parole que le Seigneur dit à Pierre : « Passe derrière moi » (Mt 16, 23), c’est-à-dire : deviens mon disciple, fais le même chemin que moi et ne pense plus selon le monde. Alors, avec la grâce du Christ et de l’Esprit Saint, nous pourrons marcher sur le chemin de l’amour.

Même quand aimer signifie se renier soi-même, lutter contre les égoïsmes personnels et mondains, prendre le risque de vivre la fraternité. Car s’il est vrai que tout cela exige des efforts et des sacrifices et signifie parfois devoir monter sur la croix, il est encore plus vrai que lorsque nous perdons notre vie pour l’Évangile, le Seigneur nous la donne en abondance, pleine d’amour et de joie, pour l’éternité.

_____________________________________

Remerciement à la fin de la messe

Je voudrais profiter de la présence de ces deux frères évêques, l’évêque émérite de Hong Kong et l’évêque actuel de Hong Kong, pour saluer chaleureusement le noble peuple chinois. À tout le peuple, je souhaite le meilleur, et d’aller toujours de l’avant, de toujours progresser ! Et aux catholiques chinois, je demande d’être de bons chrétiens et de bons citoyens. À tous. Merci.

Merci, Éminence, pour vos paroles, et merci pour votre don ! Vous avez dit qu’en ces jours vous avez touché du doigt combien m’est cher le Peuple de Dieu qui est en Mongolie. Certes, je suis parti pour ce pèlerinage avec beaucoup d’attente, avec le désir de vous rencontrer et de vous connaître, et maintenant je remercie Dieu pour vous parce que, à travers vous, Il aime accomplir de grandes choses dans la petitesse.

Merci, parce que vous êtes de bons chrétiens et d’honnêtes citoyens. Allez de l’avant, avec douceur et sans peur, en ressentant la proximité et l’encouragement de toute l’Église, et surtout le regard tendre du Seigneur qui n’oublie personne et qui regarde avec amour chacun de ses enfants.

Je salue les frères évêques, les prêtres, les personnes consacrées et tous les amis venus ici de différents pays, en particulier de diverses régions de l’immense continent asiatique, où je suis honoré de me trouver et que j’étreins avec une grande affection. J’exprime ma gratitude particulière à ceux qui aident l’Église locale, en la soutenant spirituellement et matériellement.

Ces jours-ci, d’importantes délégations du gouvernement ont participé à chaque événement : je remercie Monsieur le Président et les Autorités pour l’accueil et leur cordialité, ainsi que pour tous les préparatifs effectués. J’ai touché du doigt la traditionnelle cordialité : merci !

Je salue également de tout cœur les frères et sœurs d’autres Confessions chrétiennes et religions : continuons à grandir ensemble dans la fraternité, comme des semences de paix dans un monde tristement endeuillé par trop de guerres et de conflits.

Et je voudrais adresser une pensée reconnaissante à tous ceux qui ont travaillé ici, beaucoup et depuis si longtemps, pour rendre ce voyage beau, pour rendre ce voyage possible, et à tous ceux qui l’ont préparé par la prière.

Éminence, vous nous avez rappelé que le mot “merci” en langue mongole vient du verbe “se réjouir”. Mes remerciements s’accordent avec cette merveilleuse intuition de la langue locale, parce qu’ils sont pleins de joie.

C’est un grand merci à toi, peuple mongol, pour le don de l’amitié que j’ai reçu ces jours-ci, pour ta capacité authentique d’apprécier même les aspects les plus simples de la vie, de garder avec sagesse les relations et les traditions, de cultiver le quotidien avec soin et attention.

La Messe est action de grâce, “Eucharistiea”. La célébrer sur cette terre m’a rappelé la prière du père jésuite Pierre Teilhard de Chardin, adressée à Dieu il y a exactement 100 ans, dans le désert d’Ordos, non loin d’ici.

Il dit ainsi : « Je me prosterne, ô Seigneur, devnt votre Présence dans l’Univers devenu ardent et, sous les traits de tout ce que je rencontrerai, et de tout ce qui m’arrivera, et de tout ce que je réaliserai en ce jour, je vous désire, je vous attends ».

Le Père Teilhard était engagé dans des recherches géologiques. Il désirait ardemment célébrer la Messe, mais il n’avait ni pain ni vin avec lui. C’est alors qu’il composa sa “Messe sur le monde”, exprimant ainsi son offrande : « Recevez, Seigneur, cette Hostie totale que la Création, mue par votre attrait, vous présente à l’aube nouvelle ».

Et une prière similaire était déjà née en lui alors qu’il se trouvait au front pendant la Première Guerre mondiale, où il travaillait comme brancardier. Ce prêtre, souvent incompris, avait l’intuition que « l’Eucharistie est toujours célébrée, en un sens – dans un certain sens –, sur l’autel du monde » et qu’elle est « le centre vital de l’univers, le foyer débordant d’amour et de vie inépuisables » (Enc. Laudato si’, n. 236), même à notre époque de tensions et de guerres.

Prions donc aujourd’hui avec les paroles du père Teilhard : « Verbe étincelant, Puissance ardente, Vous qui pétrissez le Multiple pour lui insuffler votre vie, abaissez, je vous prie, sur nous, vos mains puissantes, vos mains prévenantes, vos mains omniprésentes».

Frères et sœurs de la Mongolie, merci pour votre témoignage, bayarlalaa ! [merci !]. Que Dieu vous bénisse. Vous êtes dans mon cœur et vous y resterez. Souvenez-vous de moi, s’il vous plaît, dans vos prières et dans vos pensées. Merci.


Copyright © Dicastero per la Comunicazione – Libreria Editrice Vaticana

En Mongolie, le Pape promeut l’harmonie et la liberté religieuse

En Mongolie, le Pape promeut l’harmonie et la liberté religieuse

voyage du Pape en Mongolie
voyage du Pape en Mongolie
Inspiré par le patrimoine de sagesse plurimillénaire des traditions religieuses mongoles, le Souverain pontife s’est livré à un plaidoyer de la transcendance dans un monde trop tourné vers les réalités terrestres et de l’harmonie avec autrui. Il rencontrait les chefs religieux du pays au théâtre Hun d’Oulan-Bator, ce dimanche 3 septembre.

Le théâtre d’Oulan-Bator sous forme de yourte s’est fait mosaïque interreligieuse avec la venue du Pape. Dans cette maison ronde traditionnelle, métaphore de la sagesse et de l’harmonie dans ce voyage, une dizaine de responsables religieux locaux ont témoigné devant le premier Pape à fouler leur terre.

Parmi eux, des représentants bouddhistes, chamanistes, musulmans, évangéliques, russes orthodoxes, adventistes du septième jour, mormons, hindous, juifs, et shintoïstes.

Le chef bouddhiste, Khamba Lama, abbé principal du monastère de Zuun Khuree Dashichoiling, a évoqué l’importance de la paix intérieure et de l’harmonie extérieure, «conditions positives qui rendent possible la guérison de l’esprit». 

Le curé de l’Église orthodoxe russe d’Oulan-Bator -la Sainte-Trinité, unique paroisse du Patriarcat de Moscou en Mongolie-, le prêtre Antoine Goussev, a souligné les nombreux saints russes d’origine mongole et les liens ecclésiaux historiques entre les deux pays.

Quant au représentant chamaniste, Dorjgotov Jargalsaikhan, président de l’Union chamanique mongole, il a déploré le déclin de cette tradition animiste, persécutée et limitée.

Les croyants doivent travailler à l’harmonie

Après l’introduction du chef du centre des bouddhistes mongols, le Pape François a développé l’importance de tourner son regard vers le ciel, proposant un discours évoquant les deux dimensions fondamentales de la vie humaine: la terrestre, faite de relations, et la céleste, faite de recherche et de transcendance. «Le fait d’être ensemble dans le même lieu est déjà un message», a-t-il déclaré louant l’histoire de coexistence religieuse du «bien-aimé peuple mongol».

Le Pape a insisté sur l’harmonie, «cette relation particulière qui se crée entre des réalités différentes, sans les superposer ni les homologuer, mais dans le respect des différences et au profit de la vie commune». «Qui, plus que les croyants, est appelé à travailler pour l’harmonie de tous?», a interpellé le Saint-Père.

Critique du fondamentalisme

Selon lui, la valeur sociale de la religiosité se mesure à la manière dont l’harmonie se répand, «non pas en un altruisme abstrait, mais concret, se traduisant par la recherche de l’autre et la collaboration généreuse avec l’autre». 

Reliant l’altruisme à l’harmonie, et à l’entente, la prospérité et la beauté, le Pape a fustigé à l’inverse «la fermeture, l’imposition unilatérale, le fondamentalisme et la contrainte idéologique» ruinant la fraternité, alimentant les tensions et compromettant la paix.

Or, il rappelle combien les religions sont appelées à offrir au monde cette harmonie «que le progrès technique à lui seul ne peut assurer», car, en visant la dimension terrestre, horizontale de l’homme, «il risque d’oublier le ciel pour lequel nous sommes faits», «confondant progrès et régression, comme le montrent tant d’injustices, tant de conflits, tant de dévastations environnementales, tant de persécutions, tant de rejet de la vie humaine».

Il a ensuite invité à valoriser dix aspects du patrimoine de la sagesse mongole sédimenté par des millénaires d’histoire: le bon rapport avec la tradition, le respect des anciens et des ancêtres, le respect de l’environnement, la valeur du silence et de la vie intérieure comme antidote spirituel aux maux du monde, un sens sain de la sobriété, la valeur de l’accueil, la capacité de résister à l’attachement aux choses, la solidarité, l’appréciation de la simplicité, et, un certain pragmatisme existentiel.

Une convivialité harmonieuse ouverte à la transcendance

Développant l’image de la ger, yourte en mongol, «l’humanité réconciliée et prospère est symboliquement représentée par cette convivialité harmonieuse ouverte à la transcendance, où l’engagement pour la justice et la paix trouve inspiration et fondement dans la relation avec le divin». «Aucune confusion donc entre croyance et violence, entre sacré et imposition, entre parcours religieux et sectarisme». 

Le Pape a évoqué là les souffrances passées endurées par les bouddhistes, rappelant l’importance «de sociétés pluralistes qui croient aux valeurs démocratiques», comme la Mongolie. Il a aussi encouragé fermement la liberté religieuse: «Toute institution religieuse, dûment reconnue par l’autorité civile, a le devoir et en premier lieu le droit d’offrir ce qu’elle est et ce qu’elle croit, dans le respect de la conscience d’autrui et avec pour objectif le plus grand bien de tous».

Ainsi, en ce sens, il assure que l’Église catholique reste dans une attitude d’ouverture et d’écoute à l’égard des traditions religieuses. «Le dialogue n’est pas antithétique à l’annonce: il n’aplatit pas les différences, mais aide à les comprendre, les préserve dans leur originalité et leur permet de se confronter pour un enrichissement franc et réciproque».

D’après Delphine Allaire – Cité du Vatican