Archives de catégorie : Méditation

sur un aspect de spiritualité : Christ, Vierge Marie, Église dans le monde…

La miséricorde, c’est partager, compatir et risquer comme Tobit

En ce jour où l’Église se rappelle le martyr de saint Boniface de Mayence, «l’apôtre des Germains», le Pape a rappelé, ce lundi 5 juin 2017, lors de la messe célébrée dans la chapelle de la Maison Sainte-Marthe au Vatican, que les œuvres de miséricorde ne consistent pas à faire l’aumône pour soulager sa conscience, mais à partager la souffrance des autres, même si cela comporte un risque et que cela nous embarrasse.

Partage et compassion

Tobit ensevelit ses compatriotes tués – enluminure KB, 78 D 38 I fol. 236v Koninklijke Bibliotheek – Bibliothèque Nationale des Pays-Bas La Haye

Son homélie part de la première lecture tirée du Livre de Tobie. Les juifs ont été déportés, captifs, au pays des Assyriens, à Ninive. Au risque de sa vie, un homme juste, Tobit, aide ses concitoyens pauvres et enterre en cachette les juifs tués impunément. Il éprouve de la tristesse face à la souffrance des autres.

De là une réflexion sur les quatorze œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles. «Les accomplir ne signifie pas seulement partager ce que l’on possède, mais montrer de la compassion.»

Une œuvre de miséricorde ne consiste pas à faire l’aumône pour soulager sa conscience, pour être plus tranquille. «Non ! C’est aussi souffrir avec celui qui souffre.» Le partage et la compassion vont de pair. La question est de savoir si l’on sait partager. «Suis-je généreux ? Quand je vois une personne en difficulté, est-ce que je souffre moi aussi ? Suis-je capable de me mettre à sa place ?»

Risquer

Il était interdit aux Hébreux déportés d’enterrer leurs morts. S’ils le faisaient, ils risquaient la mort. Tobit l’a risquée. Le risque va également de pair avec le partage et la compassion.

Par rapport au diocèse de Rome, «en pleine guerre, combien de personnes on prit des risques, à commencer par Pie XII, pour cacher des juifs, afin qu’ils ne soient pas tués ou déportés. Ils risquaient leur peau ! Mais c’était une œuvre de miséricorde de sauver la vie de ces gens, de risquer

Deux précisions à ce propos. D’abord, accomplir des œuvres de miséricorde peut être pris en dérision par des tiers. Tobit avait compris qu’il pouvait être pris pour un fou et non une personne saine d’esprit. Ensuite, ce n’est pas confortable.

Dépasser l’inconfort et la dérision

«J’ai un ami malade, j’aimerais lui rendre visite, mais je n’en ai pas l’envie, je préfère me reposer ou regarder la télévision.» Accomplir des œuvres, c’est «subir un inconfort», comme le Seigneur qui a été crucifié «pour nous donner sa miséricorde.»

Si l’on est capable de miséricorde, c’est parce que le Seigneur a eu pitié de nous. «Pensons à nos péchés, à nos erreurs, et au Seigneur qui nous a pardonnés, et nous faisons la même chose avec nos frères.» Les œuvres de miséricorde permettent de sortir de l’égoïsme et d’imiter Jésus.

L’Esprit-Saint réunit l’Église dans la diversité à la Pentecôte

Le Pape François a célébré la messe de Pentecôte ce dimanche 4 juin place Saint-Pierre au Vatican, devant des milliers de fidèles. Sous le soleil romain, le Saint-Père a rappelé le sens de cette fête, cinquante jours après Pâques.

L’Esprit Saint qui est descendu sur les apôtres ce jour-là est l’Esprit créateur qui «réalise toujours des choses nouvelles.» Ainsi, deux nouveautés ressortent de ces lectures de la Pentecôte : un peuple nouveau et un cœur nouveau.

Le jour de la Pentecôte, «l’Esprit fait des disciples un peuple nouveau.» C’est la première nouveauté réalisée par l’Esprit Créateur. Un peuple nouveau, car le jour de la Pentecôte, l’Esprit est descendu du ciel, sous forme de langues de feu, pour se poser sur chacun. Tous ainsi remplis d’Esprit Saint : ils se mirent à parler en d’autres langues.

C’est «l’action de l’Esprit, qui met tout le monde en communication». C’est un don fait à chacun qui «réunit tout le monde dans l’unité» et recompose l’harmonie. «En d’autres termes, le même Esprit crée la diversité et l’unité et, ainsi, façonne un peuple nouveau, diversifié et uni : c’est l’Église universelle.» L’Esprit fait «en sorte qu’il y ait l’unité vraie, celle selon Dieu, qui n’est pas uniformité, mais unité dans la différence.»

Mais il y a deux tentations récurrentes qu’il faut éviter pour préserver cette unité vraie. «La première, c’est celle de chercher la diversité sans l’unité», par exemple en voulant se distinguer, en créant des coalitions ou se raidissant sur ses positions.

«En jugeant peut-être qu’on est meilleur ou qu’on a toujours raison» avec ce comportement, «on devient des ‘‘supporters’’ qui prennent parti plutôt que des frères et sœurs dans le même Esprit ; des chrétiens ‘‘de droite ou de gauche’’ avant d’être de ‘‘Jésus’’ ; des gardiens inflexibles du passé ou des avant-gardistes de l’avenir avant d’être des enfants humbles et reconnaissants de l’Église. Ainsi, il y a la diversité sans l’unité

L’autre tentation à éviter, c’est celle de «chercher l’unité sans la diversité», car l’unité devient alors uniformité, obligation de faire tout ensemble et tout pareil, de penser tous toujours de la même manière, qui élimine toute liberté.

Pour vivre cette unité multiforme, il faut aussi demander à l’Esprit Saint «un cœur qui sente l’Église, notre mère et notre maison.» Un cœur nouveau, c’est la deuxième nouveauté réalisée par l’Esprit de la Pentecôte,  car c’est l’Esprit du pardon des péchés, premier don de Jésus Ressuscité.

«Voilà le commencement de l’Église, voilà la colle qui nous maintient ensemble, le ciment qui unit les briques de la maison : c’est le pardon.» Cet «Esprit du pardon, qui résout tout dans la concorde, pousse à refuser les voies du jugement ou de la critique», mais «à parcourir la voie à double sens du pardon reçu et donné, de la miséricorde divine qui se fait amour du prochain et de la charité.»

La Croix de Saint Pierre

« La tête en bas », précisément comme Pierre a demandé à être crucifié, conscient d’être « le plus pécheur des apôtres » – au point d’avoir « renié le Seigneur » – mais d’avoir été choisi « pour paître avec amour le peuple. »

Telle est l’une des icônes que le Pape François a identifiées dans la matinée du vendredi 2 juin, au cours de la Messe célébrée dans la chapelle de la Maison Sainte-Marthe, en partant du dialogue entre Jésus et Pierre tel qu’il est raconté par Jean dans le passage évangélique (21, 15-19) proposé par la liturgie du jour.

Saint Pierre crucifié la tête en bas – cathédrale Saint Pierre Poitiers

« Ce dialogue entre le Seigneur et Pierre est un dialogue tranquille, entre amis, un dialogue serein, pudique, sur la rive du lac où Pierre avait été appelé au début. » Il est animé par des « mots » comme « amour, paître, mes brebis, suis moi : des paroles sereines, des paroles de cette atmosphère de résurrection », que « le Seigneur porte de l’avant. »

« Un dialogue entre amis », donc. Et en effet, Jésus dit à Pierre : « M’aimes-tu ? Aimes. Toi aussi tu veux être mon ami ? Tu es mon ami ? »

Trois choses à souligner », précisément à propos de « ce dialogue ». La « première » est précisément ‘ce « suis-moi’ ». Jésus « choisit le plus pécheur des apôtres : les autres se sont enfuis, lui l’a renié. » Mais voici que « Jésus lui pose une question : ‘M’aimes-tu plus que ceux-là ?’ »

« Jésus choisit le plus pécheur ». « Me vient à l’esprit un dialogue d’une sainte du XVIIe siècle avec Jésus. Une sainte à laquelle Jésus avait fait tant de faveurs. ‘Mais Seigneur, à moi qui suis si petite, si pécheresse’. Et le Seigneur lui dit : ‘Si j’avais trouvé un plus pécheur que toi, je lui aurais donné cela’. »

Le deuxième point suggéré est « le mot « amour » » qui « revient dans ce dialogue : « pais », parce que tu m’aimes « pais », parce que tu es mon ami, « pais » ». Donc « paître avec amour ». Et « Pierre reprend cela dans sa première lettre : il a appris ». Il ne faut pas « paître la tête en haut, comme le grand dominateur, non : paître avec humilité, avec amour, comme l’a fait Jésus. »

Et « cela est la mission que Jésus donne à Pierre : oui, avec les péchés, avec les erreurs. » Au point que « précisément après ce dialogue, Pierre glisse, commet une erreur : il est tenté par la curiosité et dit au Seigneur : ‘Mais cet autre disciple, où ira-t-il, que fera-t-il ?’»

Mais « avec amour, au milieu de ses erreurs, de ses péchés, mais avec amour. » Parce que « « ces brebis ne sont pas tes brebis, ce sont mes brebis », dit le Seigneur ». Donc « aime, si tu es mon ami, tu dois être leur ami. »

La troisième chose qui découle du dialogue entre Jésus et Pierre est contenue dans « deux icônes ». Il y a celle « du Jeudi saint, quand Pierre, sûr de lui, avec la même sécurité que celle avec laquelle il avait dit ‘Tu es le Christ, le fils du Dieu vivant’, dit à la servante du souverain prêtre : ‘Je ne connais pas cet homme, je n’appartiens pas au groupe de cet homme’. »

En somme « Pierre qui renie Jésus puis les regards se croisent : quand Jésus sort, il le regarde, et Pierre, courageux, courageux même en le reniant, est capable de pleurer amèrement. » Et « ensuite toute la vie au service du Seigneur, il finit comme le Seigneur : en croix. Mais il demande : ‘S’il vous plaît, mettez-moi en croix la tête en bas, pour qu’au moins ainsi, on voie que je ne suis pas le Seigneur, je suis le serviteur’. »

« C’est ce que nous pouvons tirer de ce dialogue si beau, si serein, si amical, si pudique. Que le Seigneur nous donne toujours la grâce d’aller dans la vie la tête en bas : la tête en haut pour la dignité que Dieu nous donne, mais la tête en bas, sachant que nous sommes pécheurs et que l’unique Seigneur est Jésus : nous sommes serviteurs. »