PRÉLUDE. — Rendons nos devoirs à la Sainte Vierge, et admirons l’exemple qu’elle nous donne dans sa Visitation. Elle n’a d’autre vue que de se conformer aux desseins de Dieu, tels qu’ils lui sont manifestés par la parole de l’Ange et par une inspiration intérieure.
visitation de Marie église saint Joseph Angers
Ier Point. — Marie procure la gloire de Dieu. — Depuis l’instant où le Fils de Dieu était descendu dans son sein, Marie attendait le moment de pouvoir exprimer à son gré sa reconnaissance, et de partager avec sa cousine Élisabeth les transports de son bonheur. Aussi, dès qu’elle est près d’elle, son premier mouvement est de lui ouvrir son âme, et de répandre dans son cœur les sentiments qui l’oppressent.
Dans les circonstances où nous nous trouvons, n’est-ce pas pour nous une exhortation et un exemple? Nous aussi, nous avons reçu de grandes grâces du Ciel, nous en recevons tous les jours. Comme Marie, associons à nos actions de grâces ceux que la nature et l’amitié associent à notre bonheur.
Lorsqu’on sent en soi-même un vif amour pour Dieu, lorsqu’on est pénétré de ses perfections et de ses bienfaits, on voudrait trouver en chaque créature une voix et un cœur, afin d’aimer et d’exalter ensemble l’objet essentiel de toute louange et de tout amour.
IIe Point. — Marie procure la sanctification du prochain. — En même temps qu’elle les associe à des dispositions envers Dieu, Marie fait participer ses parents aux lumières et aux grâces dont elle est devenue la source. Elle les éclaire sur la venue du Rédempteur.
Un rayon divin entre avec elle dans cette demeure et illumine toutes les âmes. Jean-Baptiste en est frappé le premier : aussitôt ouvrant son esprit à la foi, et commençant son ministère, il révèle à Élisabeth par un tressaillement prophétique, la présence du Verbe incarné, et celle-ci l’annonce à Zacharie en félicitant humblement la Mère de son Dieu.
Si l’amour que nous avons pour Dieu nous porte à le faire bénir et aimer dans notre famille, la reconnaissance que nous devons à nos parents demande que nous leur donnions part aux lumières et aux grâces dont Dieu nous a prévenus. Ne nous excusons pas sur notre faiblesse : Jésus est plus fort que nous ne sommes faibles.
L’effet qu’il a produit par Marie sur saint Jean, par saint Jean sur sainte Élisabeth, par sainte Élisabeth sur saint Zacharie, il le produira également sur nous, s’il habite notre âme et que nous laissions agir son divin Esprit.
Conclusion. — Supplions aujourd’hui la glorieuse Vierge de nous faire participer, comme le Précurseur, à ses lumières et à ses grâces. Désirons vivement de contribuer à la gloire de Dieu et à la sanctification de nos parents et de nos amis. Proposons-nous d’employer, à cette fin, nos entretiens, nos prières, nos occupations, nos délassements, tous les moyens enfin que la Providence nous pourra fournir. C
‘est travailler deux fois à notre sanctification que de procurer celle des autres. Les liens de famille et d’amitié trouvent, dans une action ainsi réglée, un nouveau principe de force et de durée.
Un pèlerin français qui visitait un jour la petite maison de la Sainte-Famille, transportée par la famille de Angelis, de Nazareth à Lorette en Italie, disait au chapelain qui lui faisait visiter la précieuse habitation : — Vous êtes heureux de posséder la maison de la Sainte Vierge ! — Oh ! répondit le prêtre, moitié riant, moitié sérieux, nous avons sa maison, mais elle n’y habite pas. Elle est toujours chez vous.
Et c’est en partie vrai. Durant le XIXe siècle, la Sainte Vierge a visité cinq lieux privilégiés sur la terre de France ; elle est venue cinq fois « chez nous » et c’est pourquoi, de tous les pays du monde, on vient dans notre pays embrasser ses traces lumineuses et écouter ses messages.
carte de France des apparitions mariales
Paris en 1830, la Salette en 1846, Lourdes en 1858, Pontmain en 1871, Pellevoisin en 1876, autant de dates qui jalonnent notre histoire des visites de la Mère de Dieu, sans parler du dernier siècle.
A l’hommage filial du Roi Louis XIII consacrant son royaume à Marie, en 1638, la Sainte Vierge a magnifiquement répondu. Elle s’est vraiment montrée la Mère de notre pays, ne cessant de le combler de faveurs, de le consoler et de le relever.
C’est donc dans ce pays que Marie a confié sa Médaille ; elle y a apparu pour cela au cœur même, dans sa capitale, sachant bien que ce serait un pays missionnaire par excellence, et qu’elle ferait rayonner d’une manière conquérante et irrésistible la dévotion à l’Immaculée Conception.
Rendons-nous dignes de la confiance qu’a témoignée la Sainte Vierge. Pensons souvent aux paroles qu’elle a adressées à Sœur Catherine Labouré : « Ce globe représente le monde entier et particulièrement la France, et chaque personne en particulier. »
Que de tendresse à travers ces douces paroles maternelles ! Ne perdons jamais confiance quelles que soient les épreuves. Et il y en a encore ! Mais le passé est garant de l’avenir. Confiance !
PRIÈRE
Ô Vierge, nous mettons tout notre espoir en vous. Ne doutez pas que ce pays, malgré ses égarements, restera toujours vôtre ! Abaissez vos regards miséricordieux sur notre pays. Regardez encore la France et chaque personne en particulier. Dirigez-nous vers la foi des anciens jours. Relevez notre nation à la hauteur de ses destinées.
Faites-nous souvenir qu’elle a été la fille aînée de l’Église, comme nous le rappelait le pape Jean-Paul II, lors de son premier passage à Paris. Ô Vierge puissante, Aidez-la à reprendre, à continuer, à poursuivre sa mission séculaire pour la plus grande gloire de votre Fils Notre-Seigneur Jésus-Christ. Ainsi soit-il !
Ô Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à Vous !
Terminons ce mois en célébrant la fête de la Visitation et le chant de Marie : leMAGNIFICAT !
Quand Jésus quitta les siens pour son ascension, il leur dit : « Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu » : il aurait pu ajouter : je vous laisse ma Mère et votre Mère. C’est bien vraiment une communauté de filiation qui nous lie à Jésus en face de Marie, comme à Jésus en face du Père. Jésus nous aime en Dieu par Marie; en Dieu et en Marie nous devons l’aimer nous-mêmes.
Ce n’est point par métaphore que Marie est notre Mère ; c’est au sens propre, bien que transposé au spirituel, au surnaturel. Un théologien dirait : c’est par analogie, au sens technique attribué par lui à ce terme, et c’est-à-dire que Marie est notre Mère aussi véritablement que Dieu est saint, que Dieu est juste, et que Jésus est notre Frère.
Il s’ensuit que resserrer nos liens avec Marie, c’est nous rapprocher intimement de Jésus. C’est toute la valeur du geste; mais elle-même, certes, l’entend ainsi. Le poète de la Divine Comédie, s’adressant à elle, s’écrie : « Celui qui veut la grâce et à toi n’a pas recours veut que son désir vole sans ailes. » Marie offre deux ailes à nos désirs spirituels et à tous ceux qui s’y accordent : son intercession et son exemple.
A celui-ci, en attendant que nous parlions de sa puissance suppliante, il devrait être facile de s’adapter :sa vie est si simple et si simplement nôtre! Nous l’avons contemplée à Nazareth, et nous avons bien vu qu’elle n’est qu’un reflet; tout vient de Jésus ; mais la leçon de Jésus se comprend mieux quand on regarde sa Mère.
La tendresse, au surplus, n’est-elle pas ici un entraînement autant qu’une obligation ? On n’est pas un fils de Marie, si l’on n’est prêt à faire ce qu’elle fait, à aller jusqu’où elle va, et elle va jusqu’au Calvaire.
Quand on fréquente ce Calvaire du souvenir plus réel que le réel même, puisqu’il est spirituel : j’entends l’Eucharistie, on devrait, chaque fois, renouveler son amour et son propos d’imitation à l’égard de cette Mère qui là encore, comme autrefois à la porte de Jérusalem, nous consacre et nous donne son Fils.
Toute vie chrétienne est à base de charité et en forme de sacrifice : la maternité de Marie ne produirait-elle pas tous ses effets, si nous savions l’évoquer avec amour et abandon, au contact de Celui qui nous est commun, à nous et à elle?
Nous devons beaucoup plus à Marie, dans le passé, que nous ne devons à nos mères; elle a bien plus souffert et elle nous a bien plus aimés. Comme une jeune épousée qui chérit par avance le fruit de son amour, elle nous a aimés en la Trinité, en Jésus, en nous-mêmes par anticipation, et son cœur, comme pour l’Enfant divin, est pour nous un ciel jaillissant dont le trop-plein nous arrive. Il n’est que de le recevoir, et c’est le salut, avec la paix et la douce joie.
C’est par Marie surtout que la justice évangélique et l’amour qui imprègne la Bonne Nouvelle revêtent cette forme de tendresse humaine et de douce miséricorde que le cœur comprend toujours. L’imploration douloureuse des hommes et le regard humilié du pécheur ne vont pas moins à cette Dame compatissante que le rêve de la jeunesse et ses aspirations vertueuses à la créature blanche et bleue comme un lis entouré de ciel.
Elle est votre Maman,
fillettes au voile qui montez comme elle pour la première fois les marches du temple ;
la vôtre, jeunes filles qui vous gardez jalousement pour l’époux ;
mères qui portez dans vos bras le fragile enfant, chair de votre chair, et qui avez donc besoin d’une protection double;
femmes douloureuses qui pleurez vous aussi un Jésus parti ;
vous-mêmes, femmes d’âge, vivant avec quelque saint Jean qui ne peut remplir jamais le cœur délaissé,
et vous enfin, vous surtout, pécheurs, qui ne désespérez pas de la miséricorde, mais avez besoin de la tendresse pour vous en aplanir le chemin.
Pour le criminel accablé du poids de la justice, un avocat pitoyable est un recours à qui le désespoir s’accroche ardemment. Si l’avocat est une femme dévouée et compatissante, sa confiance et son élan n’en sont-ils pas accrus ? Combien plus disposant d’une mère, et d’une mère toute-puissante auprès de la justice, le coupable aura-t-il lieu de renaître à l’espérance !
Saint Thomas d’Aquin appellerait volontiers Marie une tendresse animée, comme il appelle son Fils une justice animée, comme à sa suite nous avons appelé la Vierge une Sagesse.
Marie nous aime en Dieu d’un amour spirituel; mais c’est toujours avec son cœur de femme, avec son cœur de mère, et quelle mère avertie que celle-là ! Mère autrefois douloureuse, aujourd’hui secourable, elle a ce qu’il faut pour être la plus compréhensive et la plus accueillante amie de l’homme.
Une femme dont la main fraîche touche nos fronts enfiévrés, une sœur de charité au tendre sourire, une sublime infirmière du cœur, elle peut tout évoquer à la pensée, elle peut tout procurer à qui l’appelle.
Ce qu’il faut lui demander pourtant avant toutes choses, parce que l’effet en est universel et que sans cela rien ne compte, c’est ce que suggère le Stabat en ses strophes si dolentes et si expressives :
Sainte Mère, faites ceci :
Enfoncez les plaies du Crucifié
Solidement dans mon cœur ;
De votre Enfant blessé
Qui pour moi voulut tant souffrir
Partagez avec moi les peines ;
Que je pleure tendrement avec vous ;
Que je compatisse au Crucifié
Autant que je dois vivre.
Nul ne se sanctifie, quoi qu’il fasse, que par l’union à son Rédempteur et dans le profond sentiment de la Rédemption même. Il n’y a de salut que dans la croix, par la croix, et en la croix est la seule science de vivre.
Vous, ma Mère de la croix, qui avez reçu le Sang rédempteur et me l’avez versé, qui avez tenu sur vos genoux votre Fils mort et me l’avez donné ; vous que la douleur n’a pas rebutée, mais attendrie, et que la perte du doux Rejeton a rapprochée de ses frères, enseignez-moi ce que la croix vous apprit; exercez en ma faveur cette maternité qui de la croix vous fut intimée, et dont les devoirs trouvèrent votre âme ardemment consentante.
De ma part, je veux vous être un vrai fils; je veux obéir à vos muettes instructions, toutes sises en vos exemples et commentées par votre sourire. J’habiterai en esprit en vous comme Jésus, pour que vous me fassiez naître avec Jésus, en Jésus, pour une vie pareille à celle de Jésus, une vie sainte, féconde pour autrui, heureuse du bonheur vrai, semence de vie éternelle.
P. Sertillanges
Texte présenté par l’Association de la Médaille Miraculeuse