l’Esprit éclaire notre chemin

l’Esprit éclaire notre chemin

Pour le premier jour du Carême de l’année 2023, le Pape François, lors de l’audience générale en salle Paul VI au Vatican, a continué  sur la passion de l’évangélisation. Il a invité les croyants à ne pas rester enfermés mais à aller à la rencontre de Jésus, et à faire de l’Esprit Saint le moteur de l’évangélisation.

 

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Salle Paul VI
Mercredi 22 février 2023

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Résumé de la catéchèse

Frères et sœurs, dans notre itinéraire de catéchèse sur la passion d’évangéliser, repartons aujourd’hui des paroles de Jésus qui demande aux siens d’aller faire des disciples et d’aller baptiser, en portant la joie de la présence de Dieu qui est proche de nous et qui agit en nous. En leur disant cela, tout comme à nous, Jésus communique aussi le Saint-Esprit qui permet de recevoir et d’accomplir la mission.

Grâce à Lui, à la Pentecôte, les Apôtres changeront le monde. C’est par sa force, qui précède les missionnaires et prépare les cœurs, que l’annonce de l’Évangile se réalise. Dans les Actes des Apôtres, on découvre comment le Saint-Esprit est le protagoniste de l’annonce.

Aux débuts de l’Église, s’agissant de la conduite à tenir envers les païens qui se convertissaient à la foi, les Apôtres ont tenu le “Concile de Jérusalem”, le premier de l’histoire, sous la mouvance de l’Esprit Saint qui nous enseigne, aujourd’hui encore, que toute tradition religieuse n’est utile que lorsqu’elle favorise la rencontre avec Jésus.

La décision du premier concile était fondée sur le principe de l’annonce et tout, dans l’Église, doit se conformer à ce principe. Ainsi, l’Esprit éclaire et oriente le chemin de l’Église. C’est pourquoi il est nécessaire de l’invoquer souvent et, plus encore, en ce début de Carême. Sans l’Esprit, l’Église se replie sur elle-même et la flamme de la mission s’éteint. Comme Église, partons et repartons du Saint-Esprit.


Catéchèse
– La passion pour l’évangélisation : le zèle apostolique du croyant
– 5. Le protagoniste de l’annonce : l’Esprit Saint

Chers frères et sœurs, bonjour et bienvenus !

Dans notre itinéraire de catéchèse sur la passion d’évangéliser, aujourd’hui repartons des paroles de Jésus que nous avons entendues : « Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit » (Mt 28,19).

Allez, – dit le Ressuscité -, non pas pour endoctriner, non pas pour faire des prosélytes, mais pour faire des disciples, c’est-à-dire pour donner à chacun la possibilité d’entrer en contact avec Jésus, de le connaître et de l’aimer en toute liberté.

Allez et baptisez : baptiser signifie immerger et donc, avant d’indiquer une action liturgique, il exprime une action vitale : immerger sa vie dans le Père, dans le Fils, dans l’Esprit Saint ; expérimenter chaque jour la joie de la présence de Dieu qui nous est proche comme Père, comme Frère, comme Esprit qui agit en nous, dans notre propre esprit. Baptiser c’est s’immerger dans la Trinité.

Lorsque Jésus dit à ses disciples – et aussi à nous – « Allez ! », il ne communique pas seulement une parole. Non. Il communique ensemble l’Esprit Saint, car c’est seulement par Lui, l’Esprit Saint, que l’on peut recevoir la mission du Christ et la réaliser (cf. Jn 20, 21-22). Les Apôtres, en effet, restent enfermés dans le Cénacle, par peur, et jusqu’au jour de la Pentecôte où l’Esprit Saint descend sur eux (cf. Ac 2, 1-13).

Et à ce moment-là, la peur se dissipe et avec sa force, ces pêcheurs, pour la plupart sans instruction, vont changer le monde. « Mais s’ils ne savent pas parler… ». Mais c’est la parole de l’Esprit, la force de l’Esprit qui les entraîne pour changer le monde. L’annonce de l’Évangile ne se réalise donc que dans la force de l’Esprit, qui précède les missionnaires et prépare les cœurs : c’est Lui le “moteur de l’évangélisation”.

Nous le découvrons dans les Actes des Apôtres, où, à chaque page, nous constatons que le protagoniste de l’annonce n’est ni Pierre, ni Paul, ni Étienne, ni Philippe, mais c’est l’Esprit Saint. Toujours dans les Actes, on raconte un moment décisif des débuts de l’Église, qui peut aussi nous en dire long.

À l’époque, comme aujourd’hui, ensemble avec les consolations les tribulations ne manquaient pas, – des moments heureux et des moments moins heureux – les joies s’accompagnaient de soucis, les deux choses ensemble. Une d’elles en particulier était par exemple comment se comporter avec les païens qui venaient à la foi, avec ceux qui n’appartenaient pas au peuple juif.

Étaient-ils, oui ou non, tenus d’observer les prescriptions de la loi de Moïse ? Ce n’était pas une mince affaire pour ces gens. Deux groupes se forment ainsi, entre ceux qui considéraient l’observance de la Loi comme indispensable et les autres non. Pour discerner, les Apôtres se réunissent, dans ce qu’on appellera le « Concile de Jérusalem », le premier de l’histoire.

Comment résoudre le dilemme ? On aurait pu chercher un bon compromis entre tradition et innovation : certaines règles doivent être respectées, et d’autres laissées de côté. Pourtant, les Apôtres ne suivent pas cette sagesse humaine à la recherche d’un équilibre diplomatique entre l’un et l’autre, ils ne le font pas, mais s’adaptent à l’œuvre de l’Esprit, qui les avait devancés, en descendant sur les païens comme sur eux.

*

Et donc, en supprimant presque toutes les obligations liées à la Loi, ils communiquent les décisions finales, prises – et ils écrivent ainsi : – « par l’Esprit Saint et nous-mêmes » (cf. Ac 15,28) voilà ce qui est décidé, le Saint-Esprit avec nous, c’est ainsi qu’agissent toujours les Apôtres. Ensemble, sans se diviser, même s’ils avaient des sensibilités et des opinions différentes, ils se mettent à l’écoute de l’Esprit.

Et Il enseigne une chose, valable aussi aujourd’hui : toute tradition religieuse est utile si elle favorise la rencontre avec Jésus, toute tradition religieuse est utile si elle favorise la rencontre avec Jésus.

Nous pourrions dire que la décision historique du premier Concile, dont nous bénéficions également, fut motivée par un principe, le principe de l’annonce : dans l’Église, tout doit être conforme aux exigences de l’annonce de l’Évangile ; non pas aux opinions des conservateurs ou des progressistes, mais au fait que Jésus puisse entrer dans la vie des gens.

Par conséquent, tout choix, tout usage, toute structure et toute tradition doivent être évalués selon le critère où ils favorisent l’annonce du Christ. Quand on trouve des décisions dans l’Église, par exemple des divisions idéologiques :  » Je suis conservateur parce que… je suis progressiste parce que… « .

Mais où est l’Esprit Saint ? Faites attention l’Évangile n’est pas une idée, l’Évangile n’est pas une idéologie : l’Évangile est une annonce qui touche le cœur et qui te fait changer de cœur, mais si tu te réfugies dans une idée, dans une idéologie qu’elle soit de droite ou de gauche ou du centre, tu es en train de faire de l’Évangile un parti politique, une idéologie, un club de personnes.

L’Évangile te donne toujours cette liberté de l’Esprit qui agit en toi et te fait avancer. Et combien est-il nécessaire aujourd’hui de retrouver la liberté de l’Évangile et de nous laisser conduire par l’Esprit.

*

Ainsi l’Esprit éclaire le chemin de l’Église, toujours. En effet, Il n’est pas seulement la lumière des cœurs, Il est la lumière qui oriente l’Église : Il fait la clarté, aide à distinguer, aide à discerner. C’est pourquoi il est nécessaire de L’invoquer souvent ; faisons-le plus encore aujourd’hui, au début du Carême.

Car comme Église, nous pouvons avoir des temps et des espaces bien définis, des communautés, des instituts et des mouvements bien organisés, mais sans l’Esprit, tout reste sans âme. L’organisation ne suffit pas : c’est l’Esprit qui donne vie à l’Église.

L’Église, si elle ne Le prie pas et ne l’invoque pas, se replie sur elle-même, dans des débats stériles et épuisants, dans des polarisations lassantes, tandis que la flamme de la mission s’éteint. C’est bien triste de voir l’Église comme si elle était un parlement ; non, l’Église est autre chose.

L’Église est la communauté d’hommes et de femmes qui croient et annoncent Jésus-Christ, mais mus par l’Esprit Saint, et non par leurs propres raisons. Oui, on utilise sa raison mais l’Esprit vient l’éclairer et la mouvoir. L’Esprit, nous fait sortir, nous pousse à proclamer la foi pour nous confirmer dans la foi, nous pousse à partir en mission pour retrouver qui nous sommes.

C’est pourquoi l’apôtre Paul recommande ceci : « N’éteignez pas l’Esprit » (1 Th 5,19). N’éteignez pas l’Esprit. Prions souvent l’Esprit, invoquons-le, demandons-lui chaque jour d’allumer en nous sa lumière. Faisons-le avant chaque rencontre, pour devenir des apôtres de Jésus auprès des personnes que nous rencontrons. Ne pas éteindre l’Esprit dans les communautés chrétiennes et aussi en chacun de nous.

*

Chers frères et sœurs, comme Église, partons et repartons de l’Esprit Saint. « Il est sans doute important que, dans notre planification pastorale, nous partions des enquêtes sociologiques, des analyses, de la liste des difficultés, de la liste des attentes et des réclamations. Cependant, il est bien plus important de partir des expériences de l’Esprit : c’est là le vrai point de départ.

Et il faut donc les rechercher, les répertorier, les étudier, les interpréter. C’est un principe fondamental qui, dans la vie spirituelle, s’appelle la primauté de la consolation sur la désolation. D’abord il y a l’Esprit qui console, ranime, éclaire, meut ; ensuite il y aura aussi la désolation, la souffrance, les ténèbres, mais le principe pour s’ajuster dans les ténèbres est la lumière de l’Esprit » (C.M. MARTINI, Evangéliser dans la consolation de l’Esprit, 25 septembre 1997).

C’est le principe pour nous réguler dans les choses que nous ne comprenons pas, dans les confusions, même dans les plus sombres, c’est important. Demandons-nous si nous nous ouvrons à cette lumière, si nous lui donnons de l’espace : est-ce que j’invoque l’Esprit ? Que chacun réponde en son for intérieur.

Combien d’entre nous prient l’Esprit ? « Non, Père, je prie la Vierge, je prie les Saints, je prie Jésus, mais parfois, je prie le Notre Père, je prie le Père » – « Et l’Esprit ? Tu ne pries pas l’Esprit, qui est celui qui fait mouvoir ton cœur, qui t’apporte la consolation, qui t’apporte le désir d’évangéliser et de faire la mission ? ».

Je vous laisse avec cette question : est-ce que je prie l’Esprit Saint ? Est-ce que je me laisse guider par Lui, qui m’invite à ne pas me replier sur moi-même mais à porter Jésus, à témoigner de la primauté de la consolation de Dieu sur la désolation du monde ? Que la Vierge, qui a bien compris cela, nous le fasse comprendre.


Je salue cordialement les personnes de langue française, en particulier les pèlerins de Paris et de Belgique.

Frères et sœurs, en ce début de Carême, demandons au Saint-Esprit de nous inspirer les voies et les moyens pour être des témoins de la consolation de Dieu et des acteurs dévoués de la réconciliation entre nos frères et sœurs, afin de favoriser paix dans notre société.

Que Dieu vous bénisse !

APPELS

Chers frères et sœurs,

après-demain, 24 février, cela fera un an depuis l’invasion de l’Ukraine, depuis le début de cette guerre absurde et cruelle. Un triste anniversaire ! Le bilan des morts, des blessés, des réfugiés et des personnes déplacées, des destructions, des dommages économiques et sociaux est éloquent.

Le Seigneur peut-il pardonner tant de crimes et tant de violence ? Il est le Dieu de la paix. Restons proches du peuple ukrainien meurtri, qui continue à souffrir. Et posons-nous la question : a-t-on fait tout ce qui était possible pour arrêter la guerre ?

J’en appelle à ceux qui ont autorité sur les nations pour qu’ils s’engagent concrètement à mettre fin au conflit, à obtenir un cessez-le-feu et à entamer des négociations de paix. Sur des décombres on ne construira jamais une vraie victoire !

Enfin, comme d’habitude, mes pensées vont aux jeunes, aux malades, aux personnes âgées et aux jeunes mariés. Le Carême commence aujourd’hui, temps privilégié de conversion et de pénitence pour notre esprit. Je voudrais vous demander à tous d’intensifier vos prières, votre méditation sur la parole de Dieu et le service de vos frères pendant cette période.


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Faire de nos familles et de nos communautés un avant-goût du Ciel

Faire de nos familles et de nos communautés
un avant-goût du Ciel

LETTRE DE CARÊME DU SUPÉRIEUR GÉNÉRAL

Chers membres du Mouvement de la Famille vincentienne,

La grâce et la paix de Jésus soient toujours avec nous !

pere-tomaz-mavric
pere-tomaz-mavric

Dès la création du monde, Dieu n’a pas voulu que l’homme vive dans un environnement hermétique, où il n’aurait aucun lien avec une autre personne, une île dans un océan où il n’y aurait aucune possibilité de mouvement, où la seule personne qu’il rencontrerait dans le monde entier serait lui-même et personne d’autre.

Au contraire, dès la création du monde, Dieu a voulu que les êtres humains aient des relations et des contacts continus, qu’ils aient besoin les uns des autres pour leur croissance personnelle, qu’ils aient d’autres personnes comme des miroirs dans lesquels ils puissent voir beaucoup plus objectivement les zones sombres et lumineuses de leur être. Au commencement, Dieu a créé l’homme et la femme à partir desquels les familles ont été formées. Ce modèle universel « d’être ensemble » a été reproduit dans toutes les sociétés et tout au long de l’histoire humaine jusqu’à nos jours.

Les consacrés utilisent souvent le mot « communauté » pour désigner les familles qui sont réunies pour former des régions, des vice-provinces, des provinces et des congrégations. Les congrégations contemplatives ont la même façon d’être ensemble, tout comme les ermites qui, la plupart du temps, vivent seuls physiquement mais font partie d’une communauté, d’une famille.

De même, les associations de laïcs utilisent des expressions différentes pour souligner le fait que les membres sont ensemble, des expressions comme groupes, équipes, etc., dans lesquels un certain nombre de personnes se réunissent pour des raisons et des objectifs spécifiques. Dieu façonne notre vie de cette manière avec un objectif très concret, la mission.

Derrière tout cela, il y a le seul désir de Jésus de voir toute l’humanité au « Ciel », dans un état de « bonheur éternel », dans un état de « réalisation sans fin de nos plus grands rêves et désirs ». Nos familles, communautés, groupes, équipes, etc. sont des chemins pour atteindre ce but.

Ainsi, nous sommes encouragés à contribuer à la construction d’excellentes familles, communautés, groupes et équipes pour collaborer au désir le plus profond de Jésus. Saint Vincent de Paul, mystique de la Charité, a fait de « l’être ensemble » un élément important de son charisme et de sa spiritualité. La vie en communauté est en fait l’une des manières essentielles de vivre la spiritualité et le charisme vincentiens.

Plus nous mettons notre cœur et notre énergie à construire des familles, des communautés, des groupes et des équipes sains, profondément spirituels et contemplatifs, plus nous réaliserons nos rêves et nos objectifs, plus nous accomplirons la mission que Jésus a confiée à chacun de nous sur terre. En tant qu’êtres humains, nous savons bien que nous ne sommes pas parfaits.

Nous en sommes particulièrement conscients dans une relation lorsque nos différentes pensées, vues, priorités et caractères se rencontrent et, au lieu du bonheur, produisent de la tristesse, de la déception, de la douleur, du rejet.

Comme l’écrivait saint Vincent à l’un de ses Frères : « Si la connaissance que vous avez de vous-même est vraie, vous devez vous estimer indigne de vivre et vous étonner comme Dieu vous supporte. L’humilité qui doit naître de cette connaissance vous doit porter à vous cacher plutôt qu’à vous produire. Les grâces que Dieu vous a faites ne sont que pour vous seul et pour vous rendre meilleur au lieu et en l’état où il vous a mis » ( Coste VI, 146 ; lettre 2181 à un Frère coadjuteur, 10 décembre 1656).

Dans ma lettre de Carême 2017, j’avais présenté une méditation sur la Sainte Trinité comme l’un des fondements de la spiritualité vincentienne. Je voudrais revenir sur certains points de cette lettre qui peuvent nous aider à construire des familles, des communautés, des groupes et des équipes sains, profondément spirituels et contemplatifs.

Quel est le message de la Sainte Trinité pour moi personnellement, pour la famille, la communauté, le groupe, l’équipe auquel j’appartiens ?

Jésus nous aide à comprendre la Sainte Trinité : l’identité, la mission et le dessein du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Jésus nous aide à comprendre la relation qui existe entre les trois Personnes, le lien intime qui les unit et l’influence de la Trinité sur chaque personne individuellement ainsi que sur chaque famille, communauté, groupe, équipe.

Au fur et à mesure que nous découvrons et développons, avec la grâce de Dieu, un lien indissoluble entre la Trinité et chaque personne, entre la Trinité et la famille, la communauté, le groupe, l’équipe, nous nous rapprochons de plus en plus du modèle parfait de « relations » qui sont les composants fondamentaux de nos vies, de telle façon que, dans la profondeur de notre être, nous sommes un avec Dieu, c’est à dire avec la Trinité et entre nous.

Jésus nous a transmis ce que nous savons sur le Père, le Fils et l’Esprit. Jésus nous a présenté la Trinité comme le modèle parfait de « relations ».

Notre réflexion sur la Trinité doit être accompagnée par la volonté et l’objectif d’incarner ce modèle parfait de « relations » dans la situation de vie concrète dans laquelle nous vivons, dans la famille, la communauté, le groupe, l’équipe auquel nous appartenons. La Sainte Trinité est le modèle parfait de « relations » ! Jésus nous montre l’idéal. La relation réciproque entre le Père et le Fils. La relation réciproque entre le Père et l’Esprit. La relation réciproque entre le Fils et l’Esprit. La relation Père, Fils et Esprit.

Que pouvons-nous voir dans ces « relations » ? 1) Nous pouvons voir que l’attention est toujours portée sur l’autre personne et non sur elle-même. 2) Nous pouvons voir que la priorité est toujours accordée à l’autre et non à elle-même. 3) Nous pouvons voir que la louange, la reconnaissance, l’admiration sont toujours offertes à l’autre personne et non à elle-même. 4) Nous pouvons voir que chacune des trois Personnes de la Trinité exprime toujours la nécessité de collaboration avec l’autre pour remplir la mission. 5) Nous pouvons voir que chacune des trois Personnes de la Trinité exprime toujours clairement qu’il serait insuffisant et inefficace pour chacune d’elle d’agir seule. Que me dit le modèle des relations au sein de la Trinité sur ma propre vie dans : a) ma relation à Dieu, b) ma relation à la communauté ?

Saint Vincent nous enseigne comment appliquer le modèle de relations de la Trinité aux nôtres, dans notre famille, communauté, groupe, équipe :

« Établissons-nous en cet esprit, si nous voulons avoir en nous l’image de l’adorable Trinité, si nous voulons avoir un saint rapport au Père, au Fils et au Saint-Esprit. Qu’est-ce qui fait l’unité et la comité en Dieu, si ce n’est l’égalité et la distinction des trois personnes ? Et qu’est-ce qui fait leur amour, si ce n’est leur ressemblance ? Et si l’amour n’était entre eux, qu’y aurait-il d’aimable ? dit le bienheureux évêque de Genève. L’uniformité est donc en la Sainte Trinité : ce que le Père veut, le Fils le veut ; ce que le Saint-Esprit fait, le Père et le Fils le font ; ils agissent de même ; ils n’ont qu’une même puissance et une même opération. Voilà l’origine de la perfection et notre modèle. Rendons-nous uniformes ; nous serons plusieurs comme si nous n’étions qu’un, et nous aurons la sainte union dans la pluralité. Si nous en avons déjà un peu, et non pas assez, demandons à Dieu ce qui nous manque, et voyons en quoi nous différons les uns des autres pour tâcher de nous ressembler tous et de nous égaler ; car la ressemblance et l’égalité engendrent l’amour, et l’amour tend à l’unité. Tâchons donc d’avoir tous les mêmes affections et un même agrément pour les choses qui se font, ou se laissent faire parmi nous » (Coste XII, 256-257 ; conférence 206, « De l’uniformité » 23 mai 1659).

« Vivez ensemble comme n’ayant qu’un cœur et une âme (cf. Actes 4,32), afin que par cette union d’esprit vous soyez une véritable image de l’unité de Dieu, comme votre nombre représente les trois personnes de la très Sainte Trinité. Je prie à cet effet le Saint-Esprit, qui est l’union du Père et du Fils, qu’il soit pareillement le vôtre, qu’il vous donne une profonde paix dans les contradictions et les difficultés, qui ne peuvent être que fréquentes autour des pauvres ; mais souvenez-vous aussi que c’est là votre croix, avec laquelle Notre- Seigneur vous appelle à lui et à son repos. Tout le monde estime votre emploi, et les gens de bien n’en reconnaissent pas sur la terre un plus honorable, ni plus saint, quand il est fait avec dévotion » (Coste IV, 235-236 ; lettre 1389 à Soeur Anne Hardemont à Hennebont, 30 juillet 1651).

En complément de la contemplation de la Trinité, la fresque réalisée par le Frère Mark Elder, CM, à l’entrée de la Curie générale de la Congrégation de la Mission de Saint Vincent de Paul à Rome, peut nous aider à réfléchir sur les moyens pour renforcer nos familles, communautés, groupes et équipes en vue de la mission.

En tant que membres du Mouvement de la Famille vincentienne, nous sommes invités à continuer à intégrer toujours davantage dans notre vie et dans celle de nos familles, communautés, groupes et équipes, la spiritualité et le charisme vincentiens. Placée à l’entrée de la maison, la première chose que voit toute personne qui y entre depuis l’extérieur, est la fresque qui couvre les quatre murs de l’entrée principale.

Sur le mur frontal, nous voyons l’image de saint Vincent de Paul composée d’innombrables visages de personnes différentes qui représentent symboliquement l’ensemble du Mouvement de la Famille vincentienne et ceux que nous sommes appelés à servir. Le Mouvement de la Famille vincentienne, à tout moment de l’histoire, est un portrait continu de saint Vincent.

Le mur de gauche représente les cinq vertus qui façonnent notre identité vincentienne : simplicité, humilité, douceur, mortification et zèle pour le salut des âmes. Bien que chaque congrégation ou association laïque appartenant à la Famille vincentienne puisse mettre l’accent davantage sur certaines de ces vertus évangéliques, ou d’autres, toutes façonnent et enrichissent notre identité vincentienne

Le mur de droite représente les conseils évangéliques ou, comme on les appelle aussi, les vœux : chasteté, pauvreté, obéissance. Chaque personne est appelée à vivre les conseils évangéliques selon sa propre identité, en tant que laïc ou personne consacrée. Dans les différentes congrégations, on peut trouver un ou plusieurs vœux supplémentaires, comme le vœu de stabilité représenté sur cette fresque.

Le quatrième mur est le mur de l’entrée principale, ou plutôt, le mur de la sortie de la maison. Que voyons-nous ? En haut du mur, au-dessus de la porte principale, nous voyons l’image du Saint Esprit et le mot «évangéliser». Des deux côtés de la porte principale, nous voyons un champ de blé où le blé est mêlé aux mêmes visages humains qui composent le portrait de saint Vincent sur le premier mur que nous voyons en entrant dans la maison.

Permettez-moi de faire une comparaison. La richesse des icônes, des fresques, des chants liturgiques, des bougies, de l’odeur de l’encens et des rituels dans les églises byzantines vous donne l’impression d’être au Ciel, de vivre la liturgie céleste lorsque vous êtes dans l’église, présent à l’Eucharistie.

Le monde extérieur à l’église est radicalement différent mais, en entrant dans l’église et en participant à l’Eucharistie, vous entrez au Ciel. Rempli de toutes les grâces nécessaires, vous sortez de l’église et retournez dans le monde. On pourrait dire la même chose de la fresque que nous venons de décrire.

Remplis de l’Esprit de Jésus, de l’Esprit Saint, de la spiritualité et du charisme vincentiens, nous sortons, comme la fresque nous y invite, dans les champs de blé du monde, pour évangéliser.

Avant d’aller dans les champs de blé du monde, nos familles, nos communautés, nos groupes et nos équipes ont besoin d’être façonnés sur le modèle de la Sainte Trinité, revêtus de la spiritualité et du charisme vincentiens afin que nous, en tant que familles, communautés, groupes et équipes, soyons remplis de l’Esprit, puis que nous allions dans le monde porter la Bonne Nouvelle aux pauvres !

« Dieu… fasse la grâce… à vous tous de vivre en sorte que la bonne odeur de votre vie et de vos emplois en attire plusieurs autres pour l’avancement de notre sainte religion ! » (Cf. Coste V, 428 ; lettre 1924 à Charles Ozenne à Cracovie, 29 septembre 1655).

P. TOMAZ MAVRIC, SUPÉRIEUR GÉNÉRAL CM, Rome, le 13 février 2023

Commençons un nouveau chemin de Carême

Commençons un nouveau chemin de Carême

Dix ans déjà, le défunt Pape Benoît XVI, donnait cette homélie pour l’entrée en Carême. En ce jour anniversaire, exceptionnellement, nous la proposons à nouveau aux Associés de la Médaille Miraculeuse.

MESSE, BÉNÉDICTION ET IMPOSITION DES CENDRES

HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI

Basilique Vaticane
Mercredi des Cendres,
13 février 2013

Vénérés frères,
Chers frères et sœurs !

Aujourd’hui, Mercredi des Cendres, nous commençons un nouveau chemin de Carême, un chemin qui se déroule pendant quarante jours et qui nous conduit à la joie de la Pâque du Seigneur, à la victoire de la Vie sur la mort. Suivant l’antique tradition romaine des stations de Carême, nous nous sommes réunis aujourd’hui pour la Célébration de l’Eucharistie.

Cette tradition prévoit que la première statio ait lieu dans la Basilique Sainte Sabine sur la colline de l’Aventin. Les circonstances ont suggéré de se rassembler dans la Basilique vaticane. Ce soir, nous sommes nombreux autour de la Tombe de l’apôtre Pierre, pour demander aussi son intercession pour la marche de l’Église en ce moment particulier, renouvelant notre foi dans le Pasteur Suprême, le Christ Seigneur.

Pour moi, c’est une occasion propice pour vous remercier tous, spécialement les fidèles du Diocèse de Rome, tandis que je m’apprête à conclure mon ministère pétrinien, et pour demander un souvenir particulier dans la prière.

Les lectures qui ont été proclamées nous offrent des aspects qu’avec la grâce de Dieu nous sommes appelés à faire devenir des attitudes et des comportements concrets au cours de ce Carême. L’Église nous propose à nouveau, surtout, le rappel fort que le prophète Joël adresse au peuple d’Israël : « Parole du Seigneur : revenez à moi de tout votre cœur, dans le jeûne les larmes et le deuil ! » (2,12).

L’expression « de tout votre cœur » est soulignée. Elle signifie : du centre de nos pensées et sentiments, de la racine de nos décisions, de nos choix, de nos actions, dans un geste de liberté totale et radicale. Mais ce retour à Dieu est-il possible ? Oui, parce qu’il y a une force qui ne réside pas dans notre cœur, mais qui se dégage du cœur même de Dieu. C’est la force de sa miséricorde.

Le prophète dit encore : « Revenez au Seigneur votre Dieu, car il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour, renonçant au châtiment » (v.13). Le retour au Seigneur est possible comme « grâce », parce qu’il est œuvre de Dieu et fruit de la foi que nous mettons dans sa miséricorde.

Ce retour à Dieu devient réalité concrète dans notre vie seulement lorsque la grâce du Seigneur pénètre dans l’intime et le secoue, nous donnant la force de « déchirer notre cœur ». C’est encore le prophète qui fait résonner de la part de Dieu ces paroles : « Déchirez vos cœurs et non pas vos vêtements » (v. 13).

En effet, de nos jours aussi, beaucoup sont prêts à « déchirer leurs vêtements » devant les scandales et les injustices – naturellement commis par les autres –, mais peu semblent disponibles à agir sur leur propre « cœur », sur leur propre conscience et sur leurs intentions, laissant au Seigneur de transformer, renouveler et convertir.

Ce « revenez à moi de tout votre cœur », ensuite, est un rappel qui implique non seulement chacun mais la communauté.

Toujours dans la première lecture, nous avons écouté : « Sonnez de la trompette dans Jérusalem : prescrivez un jeûne sacré, annoncez une solennité, réunissez le peuple, tenez une assemblée sainte, rassemblez les anciens, réunissez petits enfants et nourrissons ! Que le jeune époux sorte de sa maison, que la jeune mariée quitte sa chambre ! » (v. 15.16).

La dimension communautaire est un élément essentiel dans la foi et dans la vie chrétienne. Le Christ est venu « afin de rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » (cf. Jn 11,52). Le « Nous » de l’Église est la communauté dans laquelle Jésus nous réunit tous ensemble (cf. Jn 12,32) : la foi est nécessairement ecclésiale.

Et il est important de le rappeler et de le vivre en ce temps du Carême : que chacun soit conscient qu’il n’affronte pas seul le chemin de pénitence, mais avec beaucoup de frères et de sœurs, dans l’Église.

Le prophète, enfin, s’arrête sur la prière des prêtres, qui, les larmes aux yeux, se tournent vers Dieu en disant : « N’expose pas ceux qui t’appartiennent à l’insulte et à la moquerie des païens ! Faudra-t-il qu’on dise : “Où donc est leur Dieu ?” » (v. 17).

Cette prière nous fait réfléchir sur l’importance du témoignage de foi et de vie chrétienne de chacun de nous et de nos communautés pour manifester le visage de l’Église et comment ce visage est, parfois, défiguré. Je pense en particulier aux coups portés contre l’unité de l’Église, aux divisions dans le corps ecclésial.

Vivre le Carême dans une plus intense et évidente communion ecclésiale, dépassant les individualismes et les rivalités, est un signe humble et précieux pour ceux qui sont loin de la foi ou indifférents.

« C’est maintenant le moment favorable, c’est maintenant le jour du salut ! » (2 Co 6,2). Les paroles de l’apôtre Paul aux chrétiens de Corinthe résonnent aussi pour nous avec une urgence qui n’admet ni absence ni inertie. Le terme “maintenant” répété plusieurs fois dit que ce moment ne peut être manqué, il nous est offert comme une occasion unique et qui ne se répète pas.

Et le regard de l’Apôtre se concentre sur le partage par lequel le Christ a voulu caractériser son existence, assumant tout l’humain jusqu’à se charger du péché même des hommes. La phrase de saint Paul est très forte : Dieu « l’a fait péché pour nous ». Jésus, l’Innocent, le Saint, « Celui qui n’avait pas connu le péché » (2 Co 5,21), se charge du poids du péché en en partageant avec l’humanité l’issue de la mort, et de la mort de la croix.

La réconciliation qui nous est offerte a eu un prix très élevé, celui de la croix élevée sur le Golgotha, où le Fils de Dieu fait homme a été suspendu. Dans cette immersion de Dieu dans la souffrance humaine et dans l’abime du mal se trouve la racine de notre justification.

Le « revenir à Dieu de tout votre cœur », sur notre chemin de Carême, passe par la Croix, le fait de suivre le Christ sur la route qui conduit au Calvaire, au don total de soi. C’est un chemin sur lequel on apprend chaque jour à sortir toujours plus de notre égoïsme et de nos fermetures, pour faire place à Dieu qui ouvre et transforme le cœur.

Et saint Paul rappelle comment l’annonce de la Croix résonne jusqu’à nous grâce à la prédication de la Parole dont l’Apôtre lui-même est ambassadeur ; un rappel pour nous afin que ce chemin de Carême soit caractérisé par une écoute plus attentive et assidue de la Parole de Dieu, lumière qui éclaire nos pas.

Dans la page de l’évangile de Matthieu, qui appartient à ce qu’on appelle le Discours sur la montagne, Jésus fait référence à trois pratiques fondamentales prévues par la Loi mosaïque : l’aumône, la prière et le jeûne ; ce sont aussi des indications traditionnelles du chemin de Carême pour répondre à l’invitation à « revenir à Dieu de tout son cœur ».

Mais Jésus souligne comment c’est la qualité et la vérité du rapport à Dieu qui qualifie l’authenticité de chaque geste religieux. Par là il dénonce l’hypocrisie religieuse, le comportement qui veut paraître, les attitudes qui cherchent les applaudissements et l’approbation.

Le vrai disciple ne sert pas lui-même ou le “public”, mais son Seigneur, dans la simplicité et la générosité : « Ton Père voit ce que tu fais dans le secret : il te le revaudra » (Mt 6, 4.6.18).

Alors, notre témoignage sera toujours d’autant plus incisif que nous rechercherons moins notre gloire et serons conscients que la récompense du juste est Dieu Lui-même, le fait d’être unis à Lui, ici-bas, sur le chemin de la foi, et, au terme de la vie, dans la paix et dans la lumière de la rencontre face à face avec Lui pour toujours (cf. 1 Co 13,12).

Chers frères et sœurs, commençons confiants et pleins de joie l’itinéraire du Carême. Que résonne en nous avec force l’invitation à la conversion, à « revenir à Dieu de tout notre cœur », en accueillant sa grâce qui fait de nous des hommes nouveaux, avec cette nouveauté surprenante qui est participation à la vie-même de Jésus.

Qu’aucun de nous, donc, ne soit sourd à cet appel, qui nous est aussi adressé dans le rite austère, à la fois si simple et si suggestif, de l’imposition des cendres, que nous allons accomplir. Que durant ce temps la Vierge Marie, Mère de l’Église et modèle de chaque disciple authentique du Seigneur, nous accompagne. Amen !

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Texte présenté par l’Association de la Médaille Miraculeuse

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