Une Église humble, qui mène le bon combat

Une Église humble, qui mène le bon combat

En la solennité des saints Pierre et Paul, patrons de la Ville éternelle, le Pape François a présidé la messe en la basilique Saint-Pierre de Rome, mercredi 29 juin. Le cardinal Re, doyen du Sacré-Collège a célébré et le Successeur de Pierre a prononcé l’homélie. Il a invité fidèles et pasteurs de l’Église à «se lever en hâte» et «mener le bon combat» spirituel, dans les pas des deux saints apôtres martyrs, piliers de l’Église.

 

MESSE EN LA SOLENNITÉ DES SAINTS PIERRE ET PAUL

HOMÉLIE DU SAINT-PÈRE FRANÇOIS

Basilique Saint-Pierre
mercredi 29 juin 2022

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Le témoignage des deux grands apôtres Pierre et Paul se perpétue aujourd’hui dans la liturgie de l’Église. Au premier, envoyé en prison par le roi Hérode, l’ange du Seigneur dit : « Relevez-vous vite » (Ac 12,7) ; le second, résumant toute sa vie et son apostolat, dit : « J’ai combattu le bon combat » (2 Tm 4,7).

Regardons ces deux aspects – levons-nous vite et menons le bon combat – et demandons-nous ce qu’ils ont à suggérer à la communauté chrétienne aujourd’hui, alors que le processus synodal est en cours.

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Tout d’abord, les Actes des Apôtres nous parlent de la nuit où Pierre est libéré des chaînes de la prison ; un ange du Seigneur toucha son côté pendant qu’il dormait, « le réveilla et lui dit: Lève-toi vite » (12,7). il le réveille et lui demande de se lever. Cette scène évoque Pâques, car on retrouve ici deux verbes utilisés dans les récits de la résurrection : se réveiller et se lever.

Cela signifie que l’ange a réveillé Pierre du sommeil de la mort et l’a poussé à se lever, c’est-à-dire à se relever, à sortir dans la lumière, à se laisser conduire par le Seigneur pour franchir le seuil de toutes les portes fermées ( voir v. 10). C’est une image significative pour l’Église.

Nous aussi, en tant que disciples du Seigneur et en tant que communauté chrétienne, nous sommes appelés à nous élever rapidement pour entrer dans le dynamisme de la résurrection et nous laisser conduire par le Seigneur sur les chemins qu’Il veut nous montrer.

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Nous subissons encore de nombreuses résistances internes qui ne nous permettent pas de bouger, de nombreuses résistances. Parfois, en tant qu’Église, nous sommes submergés par la paresse et nous préférons nous asseoir et contempler les quelques choses sûres que nous possédons, au lieu de nous lever pour jeter notre regard vers de nouveaux horizons, vers le large.

Nous sommes souvent enchaînés comme Pierre dans la prison de l’habitude, effrayés par les changements et liés à la chaîne de nos habitudes. Mais on glisse ainsi dans la médiocrité spirituelle, on risque de « vivre » même dans la vie pastorale, l’enthousiasme de la mission s’estompe et, au lieu d’être signe de vitalité et de créativité, on finit par donner une impression de tiédeur et l’inertie.

Alors, le grand courant de nouveauté et de vie qu’est l’Évangile – écrit le Père de Lubac – entre nos mains devient une foi qui « tombe dans le formalisme et l’habitude, […] une religion de cérémonies et de dévotions, d’ornements et de vulgaires consolations […]. Christianisme clérical, christianisme formaliste, christianisme terne et endurci » (Le drame de l’humanisme athée. L’homme devant Dieu, Milan 2017, 103-104).

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Le Synode que nous célébrons nous appelle à devenir une Église debout, non repliée sur elle-même, capable de regarder au-delà, de sortir de ses prisons pour aller à la rencontre du monde, avec le courage d’ouvrir ses portes. Cette même nuit, il y eut une autre tentation (cf. Ac 12, 12-17) : cette fille effrayée, au lieu d’ouvrir la porte, revient raconter des fantasmes. Nous ouvrons les portes. C’est le Seigneur qui appelle. Nous ne sommes pas comme Rode qui revient.

Une Église sans chaînes ni murs, dans laquelle chacun peut se sentir accueilli et accompagné, dans laquelle se cultive l’art de l’écoute, du dialogue, de la participation, sous la seule autorité de l’Esprit Saint.

Une Église libre et humble, qui « se lève vite », qui ne s’attarde pas, ne retarde pas les défis d’aujourd’hui, ne s’attarde pas dans l’enceinte sacrée, mais se laisse animer par la passion de l’annonce de l’Évangile et du désir d’atteindre tout le monde et d’accueillir tout le monde. N’oublions pas ce mot : tout le monde. Tous!

Allez au carrefour et amenez tout le monde, aveugle, sourd, boiteux, malade, juste, pécheur : tout le monde, tout le monde ! Cette parole du Seigneur doit résonner, résonner dans l’esprit et dans le cœur : tout le monde, dans l’Église il y a de la place pour tout le monde.

Et bien des fois nous devenons une Église aux portes ouvertes mais pour écarter les gens, pour condamner les gens. Hier l’un d’entre vous m’a dit : « Pour l’Église ce n’est pas le temps du congé, c’est le temps de l’accueil ». « Ils ne sont pas venus au banquet… » – Allez à l’intersection. Tout le monde, tout le monde ! « Mais ce sont des pécheurs… » – Tout le monde !

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La deuxième lecture a ensuite ramené les paroles de Paul qui, retraçant toute sa vie, affirme : « J’ai combattu le bon combat » (2 Tm 4,7). L’Apôtre se réfère aux innombrables situations, parfois marquées par la persécution et la souffrance, dans lesquelles il ne s’est pas épargné pour annoncer l’Évangile de Jésus.

Or, à la fin de sa vie, il constate qu’il se passe encore beaucoup de choses dans l’histoire de la »bataille », parce que beaucoup ne sont pas disposés à accueillir Jésus, préférant aller après leurs propres intérêts et à d’autres enseignants, plus à l’aise, plus facile, plus selon notre volonté.

Paul a fait face à son combat et, maintenant qu’il a terminé la course, il demande à Timothée et aux frères de la communauté de continuer ce travail avec vigilance, annonce, enseignements : bref, chacun doit accomplir la mission qui lui est confiée et faire sa propre part.

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C’est une Parole de vie pour nous aussi, qui éveille la conscience que, dans l’Église, chacun est appelé à être disciple missionnaire et à offrir sa propre contribution. Et là, deux questions me viennent à l’esprit. La première est : que puis-je faire pour l’Église ? Ne vous plaignez pas de l’Église, mais engagez-vous dans l’Église.

Participer avec passion et humilité : avec passion, car nous ne devons pas rester des spectateurs passifs ; avec humilité, car s’engager dans la communauté ne doit jamais signifier occuper le devant de la scène, se sentir mieux et empêcher les autres de s’approcher.

L’Église dans le processus synodal signifie : tout le monde participe, personne à la place des autres ou au-dessus des autres. Il n’y a pas de chrétiens de première et seconde classe, tout le monde, tout le monde est appelé.

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Mais participer, c’est aussi mener le « bon combat » dont parle Paul. C’est en fait une « bataille », car l’annonce de l’Évangile n’est pas neutre – que le Seigneur nous libère de distiller l’Évangile pour le rendre neutre : l’Évangile n’est pas de l’eau distillée -, il ne laisse pas les choses en l’état , n’accepte pas de compromis avec la logique du monde mais, au contraire, allume le feu du Royaume de Dieu où règnent les mécanismes humains du pouvoir, du mal, de la violence, de la corruption, de l’injustice, de la marginalisation.

Depuis que Jésus-Christ est ressuscité, servant de ligne de partage des eaux de l’histoire, « une grande bataille a commencé entre la vie et la mort, entre l’espoir et le désespoir, entre la résignation pour le pire et la lutte pour le meilleur, une bataille qui n’aura de répit que jusqu’à la défaite définitive de toutes les puissances de haine et de destruction » (C. M. Martini, Homélie pascale de la Résurrection, 4 avril 1999).

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Et puis la deuxième question est : que pouvons-nous faire ensemble, en tant qu’Église, pour rendre le monde dans lequel nous vivons plus humain, plus juste, plus solidaire, plus ouvert à Dieu et à la fraternité entre les hommes ? Il ne faut surtout pas s’enfermer dans nos cercles ecclésiaux et s’enliser dans certaines de nos discussions stériles.

Attention à ne pas tomber dans le cléricalisme, le cléricalisme est une perversion. Le ministre qui devient clérical avec une attitude cléricale a fait fausse route ; pire encore sont les laïcs cléricalisés. Gardons-nous de cette perversion du cléricalisme. Aidons-nous à être levain dans la pâte du monde.

Ensemble, nous pouvons et devons faire des gestes d’attention pour la vie humaine, pour la protection de la création, pour la dignité du travail, pour les problèmes des familles, pour la condition des personnes âgées et de ceux qui sont abandonnés, rejetés et méprisés.

Bref, être une Église qui promeut la culture du soin, de la caresse, de la compassion pour les faibles et la lutte contre toutes les formes de dégradation, y compris celle de nos villes et lieux que nous fréquentons, afin que la joie de l’Évangile puisse resplendir dans la vie de chacun : c’est notre « bataille », c’est le défi.

Les tentations de rester sont nombreuses ; la tentation de la nostalgie qui nous fait regarder les autres comme des temps meilleurs, s’il vous plait ne tombez pas dans le « retard », ce retard de l’Église qui est à la mode aujourd’hui.

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Frères et sœurs, aujourd’hui, selon une belle tradition, j’ai béni les Palliums pour les archevêques métropolitains nouvellement nommés, dont beaucoup participent à notre célébration. En communion avec Pierre, ils sont appelés à « se lever vite », à ne pas dormir, à être des sentinelles vigilantes du troupeau et, se levant, à « combattre le bon combat », jamais seuls, mais avec tout le saint Peuple fidèle de Dieu.

Et comme de bons bergers ils doivent se tenir devant le peuple, au milieu du peuple et derrière le peuple, mais toujours avec le saint peuple fidèle de Dieu, car ils font partie du saint peuple fidèle de Dieu avec le cher frère Bartolomée. Merci! Merci pour votre présence et le message de Bartolomée. Merci, merci de cheminer ensemble, car ce n’est qu’ensemble que nous pouvons être semence de l’Évangile et témoins de la fraternité.

Pierre et Paul intercèdent pour nous, intercèdent pour la ville de Rome, intercèdent pour l’Église et pour le monde entier. Amen.


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Texte traduit et présenté par l’Association de la Médaille Miraculeuse

Le calme et la patience du Christ, moyen de faire le bien même dans les difficultés

Le calme et la patience du Christ,
le moyen de faire le bien même dans les difficultés

Dans la réflexion dominicale qui précède la prière de l’Angélus, le Pape François s’attarde sur l’attitude négative qui prévaut en nous quand, en nous dépensant pour le bien, nous trouvons des portes fermées ou ne sommes pas compris et devenons vindicatifs et intolérants. Suivre Jésus, c’est avancer avec détermination dans notre engagement, avec calme, patience et patience.

RENCONTRE MONDIALE DES FAMILLES

LE PAPE FRANÇOIS

ANGÉLUS

Place Saint-Pierre
dimanche 26 juin 2022

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Chers frères et sœurs, bonjour!

L’évangile de la liturgie de ce dimanche nous parle d’un tournant. Il dit ainsi : « Tandis que les jours de son élévation touchaient à leur fin, Jésus prit la ferme résolution de partir pour Jérusalem » (Lc 9, 51). Ainsi commence le « grand voyage » vers la ville sainte, qui nécessite une décision particulière car c’est la dernière.

Les disciples, pleins d’un enthousiasme encore trop mondain, rêvent que le Maître ira vers le triomphe ; Jésus, en revanche, sait que le rejet et la mort l’attendent à Jérusalem (cf. Lc 9, 22.43b-45) ; il sait qu’il devra beaucoup souffrir ; et cela nécessite une décision ferme. Ainsi Jésus va d’un pas décisif vers Jérusalem.

C’est la même décision que nous devons prendre si nous voulons être disciples de Jésus, en quoi consiste cette décision ? Parce que nous devons être des disciples de Jésus sérieusement, avec une vraie décision, pas – comme une vieille femme que j’ai rencontrée l’a dit – « des chrétiens à l’eau de rose ». Non! Chrétiens déterminés. Et l’épisode que l’évangéliste Luc raconte immédiatement après nous aide à comprendre cela.

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Pendant qu’ils étaient en route, un village de Samaritains, ayant appris que Jésus se dirigeait vers Jérusalem – qui était la ville ennemie – ne l’accueillit pas. Les apôtres Jacques et Jean, indignés, suggèrent que Jésus punisse ces gens en laissant le feu descendre du ciel. Non seulement Jésus n’accepte pas la proposition, mais il réprimande les deux frères.

Ils veulent l’impliquer dans leur désir de vengeance et il n’est pas là (cf. vv. 52-55). Le « feu » qu’il est venu apporter sur la terre en est un autre (cf. Lc 12, 49) c’est l’amour miséricordieux du Père. Et pour faire grandir ce feu, il faut de la patience, il faut de la constance, il faut un esprit pénitentiel.

Jacques et Jean, en revanche, se laissent prendre par la colère. Et cela nous arrive aussi, quand, en faisant le bien, peut-être avec sacrifice, au lieu d’accueillir nous trouvons une porte fermée. Vient alors la colère : nous essayons même d’impliquer Dieu lui-même, en menaçant de châtiments célestes.

Jésus, en revanche, emprunte un autre chemin, non pas celui de la colère, mais celui de la ferme décision d’avancer, qui, loin de se traduire par de la dureté, implique calme, patience, longanimité, sans toutefois le moindre relâchement l’engagement de faire le bien. Cette façon d’être ne dénote pas une faiblesse mais, au contraire, une grande force intérieure. Se fâcher dans l’opposition est facile, c’est instinctif.

Ce qui est difficile, en revanche, c’est de se dominer, agissant comme Jésus qui – dit l’Évangile – partit « en route vers un autre village » (v. 56). Cela signifie que, lorsque nous constatons des fermetures, nous devons nous tourner vers faire le bien ailleurs, sans récriminations. Ainsi Jésus nous aide à être des personnes sereines, heureuses du bien accompli et qui ne recherchent pas l’approbation humaine.

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Maintenant, demandons-nous : où en sommes-nous ? Où en sommes-nous ? Face aux déboires, aux incompréhensions, nous tournons-nous vers le Seigneur, lui demandons-nous sa fermeté à faire le bien ? Ou cherchons-nous une confirmation dans les applaudissements, finissant par être durs et pleins de ressentiment quand nous ne les entendons pas ?

Combien de fois, plus ou moins consciemment, cherchons-nous les applaudissements, l’approbation des autres ? Allons-nous faire cette chose pour les applaudissements? Non, ça ne marche pas. Il faut faire du bien au service et ne pas chercher les applaudissements.

Parfois, nous pensons que notre ferveur est due à un sens de la justice pour une bonne cause, mais en réalité, la plupart du temps, ce n’est rien de plus que de la fierté, associée à de la faiblesse, de la susceptibilité et de l’impatience.

Demandons donc à Jésus la force d’être comme lui, de le suivre avec fermeté sur ce chemin de service. Ne pas être vindicatif, ne pas être intolérant quand les difficultés surgissent, quand on se dépense pour le bien et que les autres ne le comprennent pas, voire, quand ils nous disqualifient. Non, silence et allons.

Que la Vierge Marie nous aide à prendre la ferme décision de Jésus de rester amoureux jusqu’au bout.

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Après l’angélus

Chers frères et sœurs !

Je suis avec inquiétude ce qui se passe en Équateur. Je suis proche de ce peuple et j’encourage toutes les parties à abandonner la violence et les positions extrêmes. Apprenons : ce n’est qu’avec le dialogue que la paix sociale sera trouvée, je l’espère bientôt, avec une attention particulière aux populations marginalisées et aux plus pauvres, mais toujours dans le respect des droits de tous et des institutions du pays.

Je tiens à exprimer ma proximité aux membres de la famille et aux sœurs de Sœur Luisa Dell’Orto, Petite Sœur de l’Évangile de Charles de Foucauld, tuée hier à Port-au-Prince, capitale d’Haïti. Sœur Luisa y vivait depuis vingt ans, se consacrant avant tout au service des enfants des rues. Je confie son âme à Dieu et je prie pour le peuple haïtien, surtout pour les plus petits, afin qu’ils aient un avenir plus paisible, sans misère et sans violence. Sœur Luisa a fait de sa vie un don pour les autres jusqu’au martyre.

Je vous salue tous, Romains et pèlerins d’Italie et de nombreux pays. Je vois le drapeau argentin, mes compatriotes, je vous salue tellement ! Je salue  les fidèles de Lisbonne, les étudiants de l’Institut Notre-Dame de Sainte-Croix à Neuilly, France, et ceux de Telfs, Autriche. Je salue le chœur polyphonique de Riesi, le groupe de parents de Rovigo et la communauté pastorale de Beato Serafino Morazzone de Maggianico.

Je vois qu’il y a des drapeaux de l’Ukraine. Là-bas, en Ukraine, les bombardements se poursuivent, causant morts, destructions et souffrances à la population. S’il vous plaît, n’oubliez pas ce peuple déchiré par la guerre. Ne l’oublions pas dans le cœur et avec nos prières.

Je vous souhaite un bon dimanche. Et s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi. Bon déjeuner et au revoir.


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Texte traduit et présenté par l’Association de la Médaille Miraculeuse

cultiver sa foi malgré la perte d’autonomie

cultiver sa foi malgré la perte d’autonomie

Lors de l’audience générale place Saint-Pierre, mercredi 22 juin, le Pape François a continué son parcours catéchétique sur la vieillesse, s’inspirant de la conversation entre Jésus ressuscité et Pierre à la fin de l’évangile de Jean, pour aborder les difficultés de prendre soin de sa foi en période de perte d’autonomie.

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 22 juin 2022

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Catéchèse sur la vieillesse – 15. Pierre et Jean

Résumé :

Frères et sœurs, poursuivant notre série de catéchèses sur la vieillesse, nous méditons aujourd’hui sur le dialogue entre Jésus ressuscité et Pierre. Ce dialogue émouvant révèle l’amour de Jésus pour ses disciples et toute son humanité dans son rapport avec eux, en particulier avec Pierre. Il s’agit d’une relation dans la vérité.

Au cours de la discussion, il est question de la vieillesse, dans la durée : le temps du témoignage tout au long de la vie. Dans la vieillesse, le témoignage à la suite du Christ s’accompagne de fragilité, d’impuissance, de dépendance à l’autre. Il faut alors apprendre de notre fragilité à exprimer la cohérence de notre témoignage de vie dans les conditions d’une vie livrée à d’autres, dépendante de l’initiative des autres.

Ce nouveau temps de la vieillesse est aussi un temps d’épreuve marqué par la tentation de rester protagoniste de l’histoire. Les personnes âgées ne doivent pas envier les jeunes qui prennent leur route, occupent leur poste, durent après plus qu’eux. L’honneur de leur fidélité à l’amour juré et la constance à la suite du Christ, même au seuil de la mort, sont leur titre d’admiration pour les nouvelles générations.

Catéchèse

Chers frères et sœurs, bienvenue et bonjour !

Dans notre catéchèse sur la vieillesse, nous méditons aujourd’hui sur le dialogue entre Jésus ressuscité et Pierre à la fin de l’évangile de Jean (21.15-23). C’est un dialogue émouvant, qui révèle tout l’amour de Jésus pour ses disciples, et aussi la sublime humanité de sa relation avec eux, en particulier avec Pierre : une relation tendre, mais pas terne, directe, forte, libre, ouverte.

Une relation pour les hommes et dans la vérité. Ainsi, l’Évangile de Jean, si spirituel, si noble, se termine par une demande et une offre d’amour poignantes entre Jésus et Pierre, qui s’entremêlent, tout naturellement, avec une discussion entre eux. L’évangéliste nous avertit : il témoigne de la vérité des faits (cf. Jn 21, 24). Et c’est en eux qu’il faut chercher la vérité.

Nous pouvons nous demander : sommes-nous capables de conserver la teneur de cette relation de Jésus avec les disciples, selon son style si ouvert, si franc, si direct, si humainement réel ? Comment est notre relation avec Jésus ? En est-il ainsi, comme celle des apôtres avec lui ?

Ne sommes-nous pourtant pas très souvent tentés de refermer le témoignage de l’Évangile dans le cocon d’une révélation « sucrée », à laquelle nous ajoutons notre vénération de l’occasion ?

Cette attitude, qui semble être du respect, nous éloigne en réalité du vrai Jésus, et devient même l’occasion d’un cheminement de foi très abstrait, très autoréférentiel, très mondain, qui n’est pas le chemin de Jésus. de Dieu fait homme, et Il se comporte en homme, Il nous parle en homme, Dieu-homme.

Avec cette tendresse, avec cette amitié, avec cette proximité. Jésus n’est pas comme cette image sucrée des petits tableaux, non : Jésus est dans notre main, il est près de nous.

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Au cours de l’entretien de Jésus avec Pierre, nous trouvons deux passages qui se rapportent précisément à la vieillesse et à la durée : le temps du témoignage, le temps de la vie. La première étape est l’avertissement de Jésus à Pierre : quand tu étais jeune tu étais autonome, quand tu seras vieux tu ne seras plus maître de toi-même et de ta vie. Dis-moi que je dois y aller en fauteuil roulant, hein !

Mais voilà, la vie est comme ça : avec la vieillesse on attrape toutes ces maladies et il faut les accepter comme elles viennent, non ? Nous n’avons pas la force des jeunes ! Et votre témoignage aussi – dit Jésus – sera accompagné de cette faiblesse. Vous devez être un témoin de Jésus même dans la faiblesse, la maladie et la mort.

Il y a un beau passage de saint Ignace de Loyola qui dit : « Comme dans la vie, même dans la mort, nous devons témoigner comme disciples de Jésus ». La fin de la vie doit être la fin de la vie des disciples : des disciples de Jésus, car le Seigneur nous parle toujours selon notre âge. L’évangéliste ajoute son commentaire, expliquant que Jésus a fait allusion au témoignage extrême, celui du martyre et de la mort.

Mais on comprend bien le sens de cet avertissement plus généralement : votre suite devra apprendre à se laisser instruire et façonner par votre fragilité, votre impuissance, votre dépendance à l’égard des autres, jusque dans l’habillement, dans la marche. Mais toi, « suis-moi » (v. 19).

La suite de Jésus va toujours de l’avant, en bonne santé, en mauvaise santé, en autonomie et en non-autonomie physique, mais suivre Jésus est important : toujours suivre Jésus, à pied, en courant, lentement, en fauteuil roulant, mais suivez-le toujours.

La sagesse de suivre doit trouver le moyen de rester dans sa profession de foi – ainsi répond Pierre : « Seigneur, tu sais que je t’aime » (vv. 15.16.17) -, même dans les conditions limitées de faiblesse et de vieillesse.

J’aime parler aux personnes âgées en les regardant dans les yeux : elles ont ces yeux brillants, ces yeux qui vous parlent plus que des mots, le témoignage d’une vie. Et c’est beau, il faut le garder jusqu’au bout. Suivez Jésus ainsi, plein de vie.

Cette conversation entre Jésus et Pierre contient un enseignement précieux pour tous les disciples, pour nous tous croyants. Et aussi pour toutes les personnes âgées. Apprendre de notre fragilité à exprimer la cohérence de notre témoignage de vie dans les conditions d’une vie largement confiée à autrui, largement dépendante de l’initiative d’autrui.

Avec la maladie, avec la vieillesse, la dépendance augmente et nous ne sommes plus autosuffisants comme avant ; Là aussi la dépendance aux autres grandit et la foi mûrit, là aussi Jésus est avec nous, là aussi coule cette richesse de foi bien vécue sur le chemin de la vie.

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Mais encore une fois, nous devons nous demander : avons-nous une spiritualité vraiment capable d’interpréter la saison – maintenant longue et répandue – de ce temps de notre faiblesse confiée aux autres, plutôt qu’au pouvoir de notre autonomie ?

Comment rester fidèle à la suite vécue, à l’amour promis, à la justice recherchée dans le temps de notre capacité d’initiative, dans le temps de la fragilité, dans le temps de la dépendance, du limogeage, dans le temps de l’éloignement, du protagonisme de notre vie? Ce n’est pas facile de s’éloigner d’être un protagoniste, ce n’est pas facile.

Ce nouveau temps est aussi un temps d’épreuve, bien sûr. A commencer par la tentation – très humaine, sans doute, mais aussi très insidieuse – de garder notre protagonisme. Et parfois, le protagoniste doit diminuer, il doit s’abaisser, accepter que la vieillesse vous abaisse en tant que protagoniste.

Mais vous aurez une autre façon de vous exprimer, une autre façon de participer à la famille, à la société, au groupe d’amis. Et c’est la curiosité qui vient à Pierre : « Et lui ? », dit Pierre en voyant le disciple bien-aimé qui les suivait (cf. vv. 20-21). Mettre son nez dans la vie des autres. Et non : Jésus dit : « Tais-toi ! »

Doit-il vraiment être dans « mon » suivi ? Doit-il occuper « mon » espace ? Sera-t-il mon successeur ? Ce sont des questions qui ne servent à rien, qui n’aident pas. Doit-il durer plus longtemps que moi et prendre ma place ? Et la réponse de Jésus est franche et même brutale : « Que t’importe ? Suis-moi » (v. 22), Comme pour dire : prends soin de ta vie, de ta situation actuelle et ne mets pas ton nez dans la vie des autres.

Tu me suis. Oui, c’est important : suivre Jésus, suivre Jésus dans la vie et dans la mort, dans la santé et dans la maladie, dans la vie quand elle est prospère avec tant de succès et aussi dans une vie difficile avec tant de mauvais moments de chute. Et quand on veut se mettre dans la vie des autres, Jésus répond : « Que vous importe ? Tu me suis « .

Nous les seniors ne devons pas envier les jeunes qui suivent leur chemin, qui occupent notre place, qui durent plus longtemps que nous. L’honneur de notre fidélité à l’amour juré, la fidélité à suivre la foi que nous avons crue, même dans les conditions qui nous rapprochent de l’adieu de la vie, sont notre titre d’admiration pour les générations à venir et de reconnaissance reconnaissante par le Seigneur.

Apprendre à dire au revoir : c’est la sagesse des anciens. Mais dites bien au revoir, avec un sourire; apprendre à dire au revoir à la société, à dire au revoir aux autres. La vie des personnes âgées est un congé, lent, lent, mais un congé joyeux : j’ai vécu ma vie, j’ai gardé ma foi.

C’est beau quand un aîné peut dire ceci : « J’ai vécu la vie, c’est ma famille ; J’ai vécu ma vie, j’étais un pécheur mais j’ai aussi fait le bien ». Et cette paix qui vient, c’est le congé des personnes âgées.

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Même la suite forcée inactive, faite de contemplation émotionnelle et d’écoute ravie de la parole du Seigneur – comme celle de Marie, sœur de Lazare – deviendra la meilleure partie de leur vie, de la vie de nous les personnes âgées. Que cette part ne nous sera jamais ôtée, jamais (cf. Lc 10, 42).

Regardons les personnes âgées, regardons-les et aidons-les pour qu’elles puissent vivre et exprimer leur sagesse de vie, qu’elles puissent nous donner ce qu’elles ont de beau et de bon. Regardons-les, écoutons-les.

Et nous les personnes âgées, regardons toujours les jeunes avec le sourire : ils suivront la route, ils continueront ce que nous avons semé, même ce que nous n’avons pas semé parce que nous n’en avons pas eu le courage ni l’occasion : ils la feront avancer .

Mais toujours cette relation de réciprocité : une personne âgée ne peut pas être heureuse sans regarder les jeunes et les jeunes ne peuvent pas continuer dans la vie sans regarder les personnes âgées. Merci.

Salutation

Je suis heureux de saluer les pèlerins des pays francophones. En cette semaine où se déroule la 10ème Rencontre Mondiale des Familles sur le thème L’amour familial : vocation et chemin de sainteté, prions pour que les personnes âgées puissent transmettre aux jeunes les valeurs d’une vie familiale heureuse et enracinée en Dieu, telles que la fidélité, l’amour et la vérité.

A vous tous, ma Bénédiction !

APPEL

Au cours des dernières heures, un tremblement de terre a causé des morts et des dégâts massifs en Afghanistan. J’exprime ma proximité aux blessés et aux personnes affectées par le tremblement de terre et je prie en particulier pour ceux qui ont perdu la vie et pour leurs familles. J’espère qu’avec l’aide de tous, les souffrances de la chère population afghane pourront être atténuées.

J’exprime également ma douleur et ma consternation face à l’assassinat au Mexique, avant-hier, de deux religieux jésuites, mes frères, et d’un laïc. Combien de tueries au Mexique ! Je suis proche avec affection et prière de la communauté catholique affectée par cette tragédie. Encore une fois, je répète que la violence ne résout pas les problèmes, mais augmente les souffrances inutiles.

Les enfants qui étaient avec moi dans la papamobile étaient des enfants ukrainiens : n’oublions pas l’Ukraine. Ne perdons pas le souvenir de la souffrance de ce peuple meurtri.

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Enfin, comme d’habitude, mes pensées vont aux personnes âgées, aux malades, aux jeunes et aux jeunes mariés. La fête du Sacré-Cœur de Jésus, vendredi prochain, et la mémoire du Cœur Immaculé de Marie, que l’Église s’apprête à célébrer, nous rappellent la nécessité de correspondre à l’amour miséricordieux du Christ et nous invitent à nous confier à l’intercession de la Mère du Seigneur.

Ma bénédiction à vous tous.


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