Si nous suivons Dieu, rien dans la vie n’est accidentel

Si nous suivons Dieu, rien dans la vie n’est accidentel

Lors de l’audience générale, dans la deuxième catéchèse consacrée à la Lettre aux Galates, le Pape François retrace l’histoire de saint Paul, insistant sur sa conversion, et rappelle que le Seigneur «tisse notre histoire». Si nous accueillons « son dessein de salut, sa grâce change nos cœurs, change nos vie et nous fait voir de nouvelles voies.

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Cour Saint-Damase
Mercredi 23 juin 2021

Résumé de la catéchèse :

Frères et sœurs, notre nouveau cycle de catéchèses porte sur la lettre de saint Paul aux Galates. L’Apôtre y rapporte plusieurs événements de sa vie, tels que sa conversion et sa décision de se mettre au service du Christ, mais il y développe aussi des thèmes importants pour la foi et la vie des chrétiens.

Paul se rend compte qu’un grand danger menace les églises qu’il a fondées en Galatie : certains chrétiens venus du judaïsme sèment des théories contraires à son enseignement et dénigrent sa personne en soutenant qu’il n’est pas un véritable Apôtre. Ils affirment surtout que les païens convertis doivent se soumettre à la Loi de Moïse, renonçant à leur identité culturelle pour se soumettre aux usages des juifs.

Les Galates ne savent que faire : découvrir le Christ avait été pour eux le début d’une vie nouvelle, et les avait libérés. Devant ces critiques ils se sentent perdus et incertains sur la manière de se comporter.

Notre époque ne manque pas non plus de prédicateurs qui se présentent, non pour annoncer l’Évangile, mais promouvoir les formes de christianismes auxquelles ils sont liés, et la meilleure manière, selon eux, d’être chrétiens. Suivre l’enseignement de l’Apôtre nous aidera à comprendre quelle route il faut suivre.

Catéchèse sur la Lettre aux Galates – 1. Introduction à la Lettre

Chers frères et sœurs, bonjour!

Après le long itinéraire consacré à la prière, nous commençons aujourd’hui un nouveau cycle de catéchèses. J’espère qu’avec cet itinéraire de la prière nous avons réussi à prier un peu mieux, à prier un peu plus. Aujourd’hui, je désire réfléchir sur certains thèmes que l’apôtre Paul propose dans sa Lettre aux Galates.

C’est une lettre très importante, je dirais même décisive, non seulement pour mieux connaître l’apôtre, mais surtout pour considérer certains arguments qu’il affronte en profondeur, en montrant la beauté de l’Évangile. Dans cette lettre, Paul rapporte de nombreuses informations biographiques, qui nous permettent de connaître sa conversion et la décision de mettre sa vie au service de Jésus Christ.

En outre, il affronte plusieurs thématiques très importantes pour la foi, comme celles de la liberté, de la grâce et de la manière de vivre chrétienne, qui sont extrêmement actuelles parce qu’elles touchent de nombreux aspects de la vie de l’Église de nos jours. Il s’agit d’une lettre très actuelle. Elle semble écrite pour notre époque.

La première caractéristique qui ressort de cette Lettre est la grande œuvre d’évangélisation mise en œuvre par l’apôtre, qui au moins à deux reprises avait visité les communautés de la Galatie au cours de ses voyages missionnaires. Paul s’adresse aux chrétiens de ce territoire.

Nous ne savons pas précisément à quelle zone géographique il se réfère, et nous ne pouvons pas non plus affirmer avec certitude la date à laquelle il écrivit cette lettre. Nous savons que les Galates étaient une antique population celte qui, à travers de nombreuses péripéties, s’était établie dans cette région étendue de l’Anatolie, dont le chef-lieu était la ville d’Ancyra, aujourd’hui Ankara, la capitale de la Turquie.

Paul rapporte seulement que, à cause d’une maladie, il fut obligé de s’arrêter dans cette région (cf. Ga 4,13). Saint Luc, dans les Actes des apôtres, trouve en revanche une motivation plus spirituelle. Il dit qu’ils «parcoururent la Phrygie et le territoire galate, le Saint-Esprit les ayant empêchés d’annoncer la parole en Asie» (16, 6).

Les deux faits ne sont pas en contradiction: ils indiquent plutôt que la voie de l’évangélisation ne dépend pas toujours de notre volonté et de nos projets, mais demande la disponibilité à se laisser façonner et à suivre d’autres parcours  qui n’étaient pas prévus.

Parmi vous, il y a une famille qui m’a salué: ils disent qu’ils doivent apprendre le letton, et je ne sais plus quelle autre langue, parce qu’ils doivent partir comme missionnaires dans ces terres. L’Esprit Saint apporte aujourd’hui aussi de nombreux missionnaires qui quittent leur patrie et s’en vont dans une autre terre en mission.

Mais ce que nous constatons est que dans son œuvre évangélisatrice inlassable, l’apôtre avait réussi à fonder diverses petites communautés, éparses dans la région de la Galatie. Paul, quand il arrivait dans une ville, dans une région, ne construisait pas immédiatement une grande cathédrale, non.

Il créait de petites communautés qui sont le levain de notre culture chrétienne d’aujourd’hui. Il commençait en créant de petites communautés. Et ces petites communautés grandissaient et allaient de l’avant.

Aujourd’hui aussi, on utilise cette méthode pastorale dans chaque région de mission. J’ai reçu une lettre, la semaine dernière, d’un missionnaire de Papouasie – Nouvelle-Guinée; il me dit qu’il prêche l’Évangile dans la jungle, à des personnes qui ne savent même pas qui était Jésus Christ. C’est beau! On commence à créer de petites communautés. Aujourd’hui aussi, cette méthode est la méthode évangélisatrice de la première évangélisation.

Ce que nous tenons à noter est la préoccupation pastorale de Paul qui est plein d’ardeur. Après avoir fondé ces Eglises, il s’aperçoit d’un grand danger – le pasteur est comme un père ou une mère qui s’aperçoit immédiatement des dangers pour leurs enfants – qu’elles courent pour leur croissance dans la foi. Elles grandissent et les dangers arrivent.

Comme disait quelqu’un: «Les vautours viennent faire un massacre dans la communauté».  Certains chrétiens venus du judaïsme s’étaient en effet infiltrés, commençant avec astuce à semer des théories contraires à l’enseignement de l’apôtre, arrivant même à dénigrer sa personne. Ils commencent par la doctrine: «Cela non, cela oui», et ensuite ils dénigrent l’apôtre.

C’est la voie de toujours: ôter l’autorité à l’apôtre. Comme on le voit, c’est une pratique antique que de se présenter dans certaines occasions comme les uniques détenteurs de la vérité – les purs – et de chercher à déprécier, également par la calomnie, le travail accompli par les autres. Ces adversaires de Paul soutenaient que les païens devaient eux aussi être soumis à la circoncision et vivre selon les règles de la loi mosaïque.

Ils reviennent en arrière, aux prescriptions d’avant, les choses qui ont été dépassées par l’Évangile.  Les Galates auraient donc dû renoncer à leur identité culturelle pour s’assujettir à des normes, à des prescriptions et des usages propres aux juifs. Pas seulement. Ces adversaires soutenaient que Paul n’était pas un vrai apôtre et n’avait donc aucune autorité pour prêcher l’Évangile.

Et très souvent nous voyons cela. Pensons à certaines communautés chrétiennes ou à certains diocèses: on commence avec des histoires et ensuite on finit par discréditer le curé, l’évêque. Telle est précisément la voie du malin, de ces gens qui divisent, qui ne savent pas construire. Et dans cette Lettre aux Galates, nous voyons cette manière de faire.

Les Galates se trouvaient dans une situation de crise. Que devaient-ils faire? Ecouter et suivre ce que Paul leur avait prêché, ou bien écouter les nouveaux prédicateurs qui l’accusaient? Il est facile d’imaginer l’état d’incertitude qui animait leur cœur. Pour eux, avoir connu Jésus et cru à l’œuvre de salut réalisée avec sa mort et sa résurrection, était vraiment le début d’une vie nouvelle, d’une vie de liberté.

Ils avaient entrepris un parcours qui leur permettait d’être finalement libres, alors que leur histoire était tissée de nombreuses formes d’esclavage violent, notamment celui qui les soumettait à l’empereur de Rome.

C’est pourquoi, devant les critiques des nouveaux prédicateurs, ils se sentaient perdus et ils se sentaient incertains sur la manière de se comporter: «Mais qui a raison ? Ce Paul ou ces gens qui viennent maintenant en enseignant d’autres choses? Qui dois-je écouter? En somme, l’enjeu était vraiment important!

Cette condition n’est pas loin de l’expérience que divers chrétiens vivent à notre époque. En effet, aujourd’hui aussi ne manquent pas des prédicateurs qui, en particulier à travers les nouveaux moyens de communication, peuvent troubler les communautés.

Ils ne se présentent pas tout d’abord pour annoncer l’Évangile de Dieu qui aime l’homme dans Jésus crucifié et ressuscité, mais pour affirmer avec insistance, en vrais “gardiens de la vérité ” – c’est ainsi qu’ils s’appellent –, quelle est la meilleure façon d’être chrétiens.

Et ils affirment avec force que le vrai christianisme est celui auquel ils sont attachés, souvent identifié avec certaines formes du passé, et que la solution aux crises actuelles est de revenir en arrière pour ne pas perdre l’authenticité de la foi. Aujourd’hui aussi, comme alors, il existe donc la tentation de se refermer sur certaines certitudes acquises dans des traditions passées. Mais comment pouvons-nous reconnaître ces personnes?

Par exemple, l’une des caractéristiques de leur manière de procéder est la rigidité. Devant la prédication de l’Évangile qui nous rend libres, qui nous rend joyeux, ils sont rigides. Toujours la rigidité: on doit faire cela, on doit faire ceci… La rigidité est propre à ces personnes.  Suivre l’enseignement de saint Paul dans la Lettre aux Galates nous fera du bien pour comprendre quelle route suivre.

Celle indiquée par l’apôtre est la voie libératrice et toujours nouvelle de Jésus Crucifié et Ressuscité; c’est la voie de l’annonce, qui se réalise à travers l’humilité et la fraternité, les nouveaux prédicateurs ne savent pas ce qu’est l’humilité, ce qu’est la fraternité; c’est la voie de la confiance douce et obéissante, les nouveaux prédicateurs ne connaissent pas la douceur ni l’obéissance.

Et cette voie douce et obéissante va de l’avant dans la certitude que l’Esprit Saint œuvre à chaque époque de l’Église. En dernière instance, la foi dans l’Esprit Saint présent dans l’Église, nous fait aller de l’avant et nous sauvera.


Je salue cordialement les personnes de langue française. La voie de la liberté que nous indique saint Paul est celle, toujours nouvelle, de Jésus mort et ressuscité, la voie de la confiance, paisible et obéissante, en la certitude que l’Esprit Saint agit à toutes les époques dans son Église.

Que Dieu vous bénisse !


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PREMIÈRES VÊPRES DE LA SOLENNITÉ DES SAINTS PIERRE ET PAUL

CÉLÉBRATION DES PREMIÈRES VÊPRES
DE LA SOLENNITÉ DES SAINTS APÔTRES PIERRE ET PAUL

Saints Pierre et Paul - Église de Monclar dAgenais 47
Saints Pierre et Paul – Église de Monclar dAgenais 47

Chers frères et sœurs,

Nous sommes réunis auprès de la tombe de saint Paul, qui naquit il y a deux mille ans à Tarse de Cilicie, dans l’actuelle Turquie. Qui était ce Paul? Dans le temple de Jérusalem, devant la foule agitée qui voulait le tuer, il se présente lui-même avec ces mots: « Je suis juif: né à Tarse, en Cilicie, mais élevé ici dans cette ville [Jérusalem], j’ai reçu, à l’école de Gamaliel, un enseignement strictement conforme à la Loi de nos pères; je défendais la cause de Dieu avec une ardeur jalouse… » (Ac 22, 3).

A la fin de son chemin, il dira de lui-même: « J’ai reçu la charge… [d’enseigner] aux nations païennes la foi et la vérité » (1 Tm 2, 7; cf. 2 Tm 1, 11). Maître des nations, apôtre et annonciateur de Jésus Christ, c’est ainsi qu’il se décrit lui-même en regardant rétrospectivement le parcours de sa vie.

Mais avec cela, son regard ne va pas seulement vers le passé. « Maître des nations » – cette parole s’ouvre à l’avenir, vers tous les peuples et toutes les générations. Paul n’est pas pour nous une figure du passé, que nous rappelons avec vénération. Il est également notre maître, pour nous aussi apôtre et annonciateur de Jésus Christ.

Nous sommes donc réunis non pour réfléchir sur une histoire passée, irrévocablement révolue. Paul veut parler avec nous – aujourd’hui. Pour écouter et pour apprendre à présent de lui, qui est notre maître, « la foi et la vérité », dans lesquelles sont enracinées les raisons de l’unité parmi les disciples du Christ…

Nous sommes donc ici rassemblés pour nous interroger sur le grand Apôtre des Nations. Nous nous demandons non seulement: qui était Paul? Nous nous demandons surtout: Qui est Paul? Que me dit-il? En cette heure,…  je voudrais choisir dans le riche témoignage du Nouveau Testament trois textes, dans lesquels apparaît sa physionomie intérieure, la spécificité de son caractère.

Dans la Lettre aux Galates, il nous a offert une profession de foi très personnelle, dans laquelle il ouvre son cœur aux lecteurs de tous les temps et révèle quelle est l’impulsion la plus profonde de sa vie. « Je vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et qui s’est livré pour moi » (Ga 2, 20). Tout ce que Paul accomplit part de ce centre.

Sa foi est l’expérience d’être aimé par Jésus Christ de manière tout à fait personnelle; elle est la conscience du fait que le Christ a affronté la mort non pour quelque chose d’anonyme, mais par amour pour lui – de Paul – et que, en tant que Ressuscité, il l’aime toujours, c’est-à-dire que le Christ s’est donné pour lui.

Sa foi est le fait d’être frappé par l’amour de Jésus Christ, un amour qui le bouleverse jusqu’au plus profond de lui-même et qui le transforme. Sa foi n’est pas une théorie, une opinion sur Dieu et sur le monde. Sa foi est l’impact de l’amour de Dieu sur son cœur. Et ainsi, cette foi est l’amour pour Jésus Christ.

Paul est présenté par de nombreuses personnes comme un homme combatif qui sait manier l’épée de la parole. De fait, sur son parcours d’apôtre les disputes n’ont pas manqué. Il n’a pas recherché une harmonie superficielle. Dans la première de ses Lettres, celle qui s’adresse aux Thessaloniciens, il dit: « Nous avons cependant trouvé l’assurance qu’il fallait pour vous annoncer, au prix de grandes luttes, l’Évangile de Dieu…

Jamais, vous le savez, nous n’avons eu un mot de flatterie » (1 Th 2, 2.5). Il considérait que la vérité était trop grande pour être disposé à la sacrifier en vue d’un succès extérieur. La vérité dont il avait fait l’expérience dans la rencontre avec le Ressuscité méritait pour lui la lutte, la persécution, la souffrance. Mais ce qui le motivait au plus profond, était d’être aimé par Jésus Christ et le désir de transmettre cet amour aux autres.

Paul était un homme capable d’aimer, et toute son œuvre et sa souffrance ne s’expliquent qu’à partir de ce centre. Les concepts de base de son annonce se comprennent uniquement à partir de celui-ci. Prenons seulement l’une de ses paroles-clés: la liberté. L’expérience d’être aimé jusqu’au bout par le Christ lui avait ouvert les yeux sur la vérité et sur la voie de l’existence humaine – cette expérience embrassait tout.

Paul était libre comme un homme aimé par Dieu qui, en vertu de Dieu, était en mesure d’aimer avec Lui. Cet amour est à présent la « loi » de sa vie et il en est précisément ainsi de la liberté de sa vie. Il parle et agit, mû par la responsabilité de la liberté de l’amour. Liberté et responsabilité sont liées ici de manière inséparable.

Se trouvant dans la responsabilité de l’amour, il est libre; étant quelqu’un qui aime, il vit totalement dans la responsabilité de cet amour et ne prend pas la liberté comme prétexte pour l’arbitraire et l’égoïsme. C’est dans le même esprit qu’Augustin a formulé la phrase devenue ensuite célèbre: Dilige et quod vis fac (Tract. in 1Jo 7, 7-8) – aime et fais ce que tu veux.

Celui qui aime le Christ comme Paul l’a aimé peut vraiment faire ce qu’il veut, car son amour est uni à la volonté du Christ et donc à la volonté de Dieu; car sa volonté est ancrée à la vérité et parce que sa volonté n’est plus simplement sa volonté, arbitre du moi autonome, mais qu’elle est intégrée dans la liberté de Dieu et apprend de celle-ci le chemin à parcourir.

Dans la recherche du caractère intérieur de saint Paul je voudrais, en deuxième lieu, rappeler la parole que le Christ ressuscité lui adressa sur la route de Damas. Le Seigneur lui demande d’abord: « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu? ». A la question: « Qui es-tu, Seigneur? », est donnée la réponse: « Je suis Jésus, celui que tu persécutes » (Ac 9, 4).

En persécutant l’Église, Paul persécute Jésus lui-même: « Tu me persécutes ». Jésus s’identifie avec l’Église en un seul sujet. Dans cette exclamation du Ressuscité, qui transforma la vie de Saul, est au fond désormais contenue toute la doctrine sur l’Église comme Corps du Christ. Le Christ ne s’est pas retiré au ciel, en laissant sur la terre une foule de fidèles qui soutiennent « sa cause ».

L’Église n’est pas une association qui veut promouvoir une certaine cause. Dans celle-ci, il ne s’agit pas d’une cause. Dans celle-ci il s’agit de la personne de Jésus Christ, qui également en tant que Ressuscité est resté « chair ». Il a la « chair et les os » (Lc 24, 39), c’est ce qu’affirme le Ressuscité dans Luc, devant les disciples qui l’avaient pris pour un fantôme. Il a un corps.

Il est personnellement présent dans son Église, « Tête et Corps » forment un unique sujet dira saint Augustin. « Ne le savez-vous pas? Vos corps sont les membres du Christ », écrit Paul aux Corinthiens (1 Co 6, 15). Et il ajoute: de même que, selon le Livre de la Genèse, l’homme et la femme deviennent une seule chair, ainsi le Christ devient un seul esprit avec les siens, c’est-à-dire un unique sujet dans le monde nouveau de la résurrection (cf. 1 Co 6, 16sq).

Dans tout cela transparaît le mystère eucharistique, dans lequel l’Église donne sans cesse son Corps et fait de nous son Corps: « Le pain que nous rompons, n’est-il pas communion au corps du Christ? Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps, car nous avons tous part à un seul pain » (1 Co 10, 16sq).

En ce moment, ce n’est pas seulement Paul, mais le Seigneur lui-même qui s’adresse à nous: Comment avez-vous pu laisser déchirer mon Corps? Devant le visage du Christ, cette parole devient dans le même temps une question urgente:

Réunis-nous tous hors de toute division. Fais qu’aujourd’hui cela devienne à nouveau la réalité: Il y a un unique pain, et donc, bien qu’étant nombreux, nous sommes un unique corps. Pour Paul, la parole sur l’Église comme Corps du Christ n’est pas une comparaison quelconque.

Elle va bien au-delà d’une comparaison: « Pourquoi me persécutes-tu? » Le Christ nous attire sans cesse dans son Corps à partir du centre eucharistique, qui pour Paul est le centre de l’existence chrétienne, en vertu duquel tous, ainsi que chaque individu, peuvent faire de manière personnelle l’expérience suivante: Il m’a aimé et s’est donné lui-même pour moi.

Je voudrais conclure par l’une des dernières paroles de saint Paul, une exhortation à Timothée de la prison, face à la mort: « Prends ta part de souffrance pour l’annonce de l’Évangile », dit l’apôtre à son disciple (2 Tm 1, 8). Cette parole, qui se trouve à la fin des chemins parcourus par l’apôtre, comme un testament renvoie en arrière, au début de sa mission.

Alors qu’après sa rencontre avec le Ressuscité, Paul, aveugle, se trouvait dans sa maison de Damas, Ananie reçut le mandat d’aller chez le persécuteur craint et de lui imposer les mains, pour qu’il retrouve la vue. A Ananie, qui objectait que ce Saul était un dangereux persécuteur des chrétiens, il fut répondu: Cet homme doit faire parvenir mon nom auprès des peuples et des rois.

« Et moi, je lui ferai découvrir tout ce qu’il lui faudra souffrir pour mon Nom » (Ac 9, 15sq). La charge de l’annonce et l’appel à la souffrance pour le Christ vont de pair inséparablement. L’appel à devenir le maître des nations est dans le même temps et intrinsèquement un appel à la souffrance dans la communion avec le Christ, qui nous a rachetés à travers sa Passion.

Dans un monde où le mensonge est puissant, la vérité se paye par la souffrance. Celui qui veut éviter la souffrance, la garder loin de lui, garde loin de lui la vie elle-même et sa grandeur; il ne peut pas être un serviteur de la vérité et donc un serviteur de la foi. Il n’y a pas d’amour sans souffrance – sans la souffrance du renoncement à soi-même, de la transformation et de la purification du moi pour la véritable liberté.

Là où il n’y a rien qui vaille la peine de souffrir, la vie elle-même perd sa valeur. L’Eucharistie – le centre de notre être chrétiens – se fonde sur le sacrifice de Jésus pour nous, elle est née de la souffrance de l’amour, qui a atteint son sommet dans la Croix. Nous vivons de cet amour qui se donne.

Il nous donne le courage et la force de souffrir avec le Christ et pour Lui dans ce monde, en sachant que précisément ainsi notre vie devient grande, mûre et véritable. A la lumière de toutes les lettres de saint Paul, nous voyons que sur son chemin de maître des nations s’est accomplie la prophétie faite à Ananie à l’heure de l’appel: « Et moi je lui ferai découvrir tout ce qu’il lui faudra souffrir pour mon Nom ».

Sa souffrance le rend crédible comme maître de vérité, qui ne cherche pas son propre profit, sa propre gloire, la satisfaction personnelle, mais qui s’engage pour Celui qui nous a aimés et qui s’est donné lui-même pour nous tous.

En cette heure, nous rendons grâce au Seigneur, car il a appelé Paul, le rendant lumière des nations et notre maître à tous, et nous le prions: Donne-nous aujourd’hui aussi des témoins de la résurrection, touchés par ton amour et capables d’apporter la lumière de l’Évangile dans notre temps. Saint Paul, prie pour nous! Amen.

HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI Basilique Saint-Paul-hors-les-Murs Samedi 28 juin 2008

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Texte présenté par l’Association de la Médaille Miraculeuse

Le regard de Jésus guérit le cœur, l’amour guérit la vie

Le regard de Jésus guérit le cœur, l’amour guérit la vie

Le Pape François, avant de réciter la prière de l’angélus, ce dimanche 27 juin,  a délivré une catéchèse sur l’amour comme meilleure guérison possible aux maux de la vie, conseillant quelques moyens pour le trouver, à savoir en adoptant le regard et la perspective du Christ.

PAPE FRANÇOIS

ANGÉLUS

Place Saint Pierre
Dimanche, 27 juin 2021

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Chers frères et sœurs, bonjour !

Aujourd’hui dans l’Évangile (cf. Mc 5, 21-43) Jésus rencontre nos deux situations les plus dramatiques, la mort et la maladie. D’elles, il libère deux personnes : une petite fille, qui meurt au moment où son père est allé demander de l’aide à Jésus ; et une femme qui saigne depuis de nombreuses années.

Jésus se laisse toucher par notre douleur et notre mort, et opère deux signes de guérison pour nous dire que ni la douleur ni la mort n’ont le dernier mot. Il nous dit que la mort n’est pas la fin. Il vainc cet ennemi, dont nous ne pouvons nous libérer.

Concentrons-nous cependant, en cette période où la maladie est toujours au centre de l’actualité, sur l’autre signe, la guérison de la femme. Plus que sa santé, ce sont ses affections qui sont compromises. Pourquoi? Elle saignait et donc, selon la mentalité de l’époque, elle était considérée comme impure.

C’était une femme marginalisée, elle ne pouvait pas avoir de relations stables, elle ne pouvait pas avoir de conjoint, elle ne pouvait pas avoir de famille et elle ne pouvait pas avoir de relations sociales normales car elle était « impure », une maladie qui la rendait « impure ». Elle vivait seule, le cœur blessé.

La plus grande maladie de la vie, qu’est-ce que c’est ? Le cancer? Tuberculose? La pandémie ? Non. La plus grande maladie dans la vie est le manque d’amour, c’est de ne pas pouvoir aimer. Cette pauvre femme en avait assez de la perte de sang, oui, mais, par conséquent, du manque d’amour, car elle ne pouvait pas être socialement avec les autres.

Et la guérison qui compte le plus est celle des affections. Mais comment la trouver ? Nous pouvons penser à nos affections : sont-elles malades ou sont-elles en bonne santé ? Elles sont malades? Jésus est capable de les guérir.

L’histoire de cette femme sans nom – nous l’appelons « la femme sans nom » – en laquelle nous pouvons tous nous voir, est exemplaire. Le texte dit qu’lle avait fait beaucoup de soin, « dépensant tous ses biens sans aucun avantage, s’aggravant plutôt » (v. 26). Combien de fois, nous aussi, nous jetons-nous sur de mauvais remèdes pour assouvir notre manque d’amour ?

Nous pensons que le succès et l’argent nous rendent heureux, mais l’amour ne s’achète pas, il est gratuit. On se réfugie dans le virtuel, mais l’amour est concret. Nous ne nous acceptons pas tels que nous sommes et nous nous cachons derrière les artifices de l’extériorité, mais l’amour n’est pas une apparence.

Nous cherchons des solutions en magiciens, en saints hommes, pour nous retrouver sans argent et sans paix, comme cette femme. Enfin, elle choisit Jésus et se jette dans la foule pour toucher le manteau, le manteau de Jésus. Cette femme, c’est-à-dire cherche le contact direct, le contact physique avec Jésus.

Surtout en ce temps, on a compris à quel point le contact est important. Il en est de même de Jésus : parfois nous nous contentons d’observer quelques préceptes et de répéter des prières – autant de fois que des perroquets – mais le Seigneur attend que nous le rencontrions, que nous lui ouvrions notre cœur, que nous touchions son manteau comme cette femme .. pour guérir. Car, en entrant dans l’intimité avec Jésus, nous sommes guéris dans nos affections.

C’est ce que veut Jésus. On lit en effet que, même pressé par la foule, il regarde autour de lui pour trouver celle qui l’a touché. Les disciples disaient : « Mais regarde la foule qui te tient… ». Non : « Qui m’a touché ? ». C’est le regard de Jésus : il y a tant de monde, mais Il part à la recherche d’un visage et d’un cœur pleins de foi. Jésus ne regarde pas le tout, comme nous, mais il regarde la personne.

Elle ne s’arrête pas devant les blessures et les erreurs du passé, mais va au-delà des péchés et des préjugés. Nous avons tous une histoire, et chacun de nous, dans son secret, connaît bien les mauvaises choses de sa propre histoire. Mais Jésus les regarde pour les guérir. Au lieu de cela, nous aimons regarder les mauvaises choses des autres.

Combien de fois, quand nous parlons, nous tombons dans le bavardage, c’est-à-dire bavarder sur les autres, « écorcher » les autres. Mais regarder de quel horizon de vie s’agit-il ? Pas comme Jésus, qui regarde toujours le chemin pour nous sauver, regarde aujourd’hui, la bonne volonté et non pas la mauvaise histoire que nous avons. Jésus va au-delà des péchés.

Jésus va au-delà des préjugés, il ne s’arrête pas aux apparences, est atteint le cœur de Jésus et il ne guérit que celle qui était rejetée de tous, une personne impure. Avec tendresse, il l’appelle « fille » (v. 34) – le style de Jésus était proximité, compassion et tendresse : « Fille… » – et loue sa foi, lui redonne confiance en elle.

Sœur, frère, vous êtes ici, laissez Jésus regarder et guérir votre cœur. Moi aussi je dois faire ceci : que Jésus regarde mon cœur et le guérisse. Et si vous avez déjà essayé son regard tendre sur vous, imitez-le, et faites comme lui. Regardez autour de vous : vous verrez que beaucoup de personnes qui habitent à côté de vous se sentent blessées et seules, elles ont besoin de se sentir aimées : franchissez le pas.

Jésus vous demande un regard qui ne s’arrête pas à l’extérieur, mais va au cœur ; un regard sans jugement – arrêtons de juger les autres – Jésus nous demande un regard sans jugement, mais accueillant. Nous ouvrons nos cœurs pour accueillir les autres. Parce que seul l’amour guérit la vie, seul l’amour guérit la vie.

Que Notre-Dame, Consolatrice des affligés, nous aide à apporter une caresse aux blessés du cœur que nous rencontrons sur notre chemin. Et ne jugez pas, ne jugez pas la réalité personnelle, sociale des autres. Dieu aime tout le monde ! Ne jugez pas, laissez les autres vivre et essayez de vous en approcher avec amour.

Après l’Angélus

Chers frères et sœurs !

Aujourd’hui, à l’approche de la fête des saints Pierre et Paul, je vous demande de prier pour le Pape, priez d’une manière particulière : le Pape a besoin de vos prières ! Merci. Je sais que vous le ferez.

A l’occasion de la Journée de la paix en Orient, j’invite tout le monde à implorer la miséricorde et la paix de Dieu pour cette région. Que le Seigneur soutienne les efforts de ceux qui œuvrent pour le dialogue et la coexistence fraternelle au Moyen-Orient, où la foi chrétienne est née et vit, malgré la souffrance. Que Dieu accorde toujours force, persévérance et courage à ces chers peuples.

J’assure ma proximité avec la population du sud-est de la République tchèque frappée par un violent ouragan. Je prie pour les morts et les blessés et pour ceux qui ont dû quitter leurs maisons, qui ont été gravement endommagées.

Je vous souhaite à tous une cordiale bienvenue, de Rome, d’Italie et d’autres pays. Je vois des Polonais, des Espagnols… Il y en a tellement là et là… Visiter les tombeaux des saints Pierre et Paul peut fortifier en vous l’amour du Christ et de l’Église.

Je souhaite à tous un bon dimanche. Et s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi. Bon déjeuner et au revoir !

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Texte traduit et présenté par l’Association de la Médaille Miraculeuse

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