Le Pape à l’université Sophia de Tokyo: agir pour une société plus humaine

Le Pape à l’université Sophia de Tokyo: agir pour une société plus humaine

Le Pape François a consacré les dernières heures de son voyage au Japon aux étudiants de l’université Sophia, fondée à Tokyo par les jésuites en 1913, qui concrétisèrent alors un projet imaginé par saint François Xavier dès 1549. Cette université compte actuellement 13 000 étudiants encadrés par 1400 professeurs, et elle est considérée comme l’une des meilleures du pays.

 

«En dépit du fait que les chrétiens constituent une minorité, leur présence se fait sentir. J’ai été moi-même témoin de l’estime générale que l’on a pour l’Église catholique, et j’espère que ce respect mutuel pourra grandir dans l’avenir. J’ai observé aussi que, malgré l’efficacité et l’ordre, caractéristiques de la société japonaise, l’on cherche et désire, manifestement, quelque chose de plus : une profonde aspiration à créer une société toujours plus humaine, compatissante et miséricordieuse.»

Sophia” signifie «la Sagesse», «pour administrer ses ressources de manière fructueuse et efficace, l’homme a toujours eu besoin de la vraie sagesse. Dans une société si compétitive et orientée du point de vue technologique, cette Université doit être un centre non seulement de formation intellectuelle, mais aussi un lieu où une société meilleure et un avenir davantage rempli d’espérance puissent progressivement se forger.»

Protéger la nature avec réalisme

«L’amour pour la nature, si typique des cultures asiatiques, doit s’exprimer ici dans un souci intelligent et prévoyant pour la protection de la terre, notre maison commune» (cf. encyclique Laudato Si’), et non pas dans une logique «technocratique».

«La tradition ignacienne, sur laquelle se fonde Sophia, doit inciter les professeurs, de même que les étudiants, à créer une atmosphère qui favorise la réflexion et le discernement», a dit le Pape jésuite, en présence notamment du cardinal Jean-Claude Hollerich, actuel archevêque de Luxembourg et jésuite lui aussi, qui fut vice-recteur de l’Université Sophia de 2008 à 2011.

Ne pas oublier les pauvres

«Les Priorités Apostoliques Universelles qu’a proposées la Compagnie de Jésus disent clairement que l’accompagnement des jeunes est une tâche importante dans le monde entier, et que toutes les institutions ignaciennes doivent favoriser cet accompagnement. Comme le montrent le Synode sur les jeunes et ses documents, l’Église universelle regarde aussi avec espérance et intérêt les jeunes du monde entier.» 

Le Pape invite à «marcher avec les pauvres et les marginalisés de notre monde» plutôt que de créer des élites déconnectées de la réalité complexe du monde. «C’est une cause qui nous concerne tous ; le conseil de Pierre et de Paul est encore valable aujourd’hui : n’oublions pas les pauvres» (cf. les termes de la Lettre aux Galates).

«Le Seigneur et son Église comptent sur vous pour participer à la mission de chercher, de découvrir et de répandre la sagesse divine, et pour offrir la joie et l’espérance à la société actuelle. S’il vous plait, n’oubliez pas de prier pour moi et pour tous ceux qui ont le plus besoin de notre aide.»

Le Pape a assuré qu’il garderait toutes les personnes rencontrées et tout le peuple japonais dans ses prières et dans son cœurs. Avant de reprendre la route pour l’aéroport, il a pris le temps d’un petit bain de foule à la rencontre des étudiants, serrant la main de plusieurs d’entre eux.

Avant cette intervention, il avait célébré la messe en privé avec la communauté jésuite, et il a également consacré quelques instants avec les prêtres malades et âgés, parmi lesquels le père Adolfo Nicolas, ancien préposé général de la Compagnie de 2008 à 2016.

Messe du Pape au Tokyo Dome: «Ne pas s’inquiéter et avoir confiance»

Messe du Pape au Tokyo Dome: «Ne pas s’inquiéter et avoir confiance»

Ce lundi 25 novembre. François a d’abord rencontré des «victimes du triple désastre» du 11 mars 2011. Après une rencontre en privé avec l’empereur Naruhito au Palais impérial, le Pape s’est rendu à la cathédrale Saint Marie pour un temps de partage avec les jeunes catholiques nippons. Il a ensuite célébré la messe au Tokyo Dome, une des grandes enceintes sportives de la capitale japonaise.

Lors de la messe célébrée au Tokyo Dome, la dernière de son voyage apostolique, le Pape François a invité les fidèles japonais à savoir se décentrer de vies parfois frénétiques pour accepter, à l’écoute du Seigneur la liberté «comme une grâce», «pour le don de la vie humaine», en écho au thème de ce voyage apostolique dans l’archipel nippon.

La cérémonie, célébrée en plusieurs langues, latin, japonais ou anglais s’est tenue devant plus de 50 000 fidèles qui ont réservé un accueil très chaleureux au Saint-Père, qui a effectué un tour de papamobile, très souriant. L’euphorie de l’accueil a ensuite laissé place au recueillement.

Dans son homélie, François est revenu sur le sermon de Jésus sur la montagne évoqué dans l’Évangile. «Il nous décrit la beauté du chemin que nous sommes invités à parcourir. Selon la Bible, la montagne, c’est le lieu où Dieu se manifeste et se fait connaître.»

Une liberté asphyxiée

« Nous trouvons en Jésus le sommet de ce que signifie être humain, et en lui, nous trouvons une vie nouvelle où nous faisons l’expérience de la liberté de nous savoir des fils bien-aimés.» Une liberté «qui peut se trouver asphyxiée et affaiblie lorsque nous nous enfermons dans le cercle vicieux de l’anxiété et de la compétition.»

«Beaucoup de personnes se sentent perdues et inquiètes, sont accablées par trop d’exigences et de préoccupations qui leur ôtent la paix et l’équilibre.»

«La compétition excessive dans la recherche du profit et de l’efficacité» peut marquer la société japonaise. «Comme baume réparateur, les paroles du Seigneur nous disent de ne pas nous inquiéter et d’avoir confiance. C’est une incitation à ouvrir nos priorités à un horizon de sens plus large et à créer ainsi de l’espace pour regarder dans la même direction que lui : «Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît.»

«Le Seigneur nous invite plutôt à reconsidérer nos choix quotidiens pour ne pas rester englués ou nous isoler dans la recherche du succès à tout prix.» «Le contraire du moi isolé, enfermé jusqu’à l’étouffement, ne peut être qu’un nous partagé, célébré et communiqué, (…) cette invitation du Seigneur nous rappelle qu’il nous faut “accepter joyeusement » que notre être soit un don, et accepter même notre liberté comme une grâce.»

Protéger toute vie

Le Saint-Père, revenant sur la première lecture tirée du livre de la Genèse a rappelé la «beauté et la bonté offertes pour que nous puissions nous aussi les partager et les offrir aux autres».

Face à cette réalité, nous sommes «comme communauté chrétienne, invités à protéger toute vie et à témoigner avec sagesse et courage d’une attitude marquée par la gratitude et la compassion, la générosité et l’écoute simple, en mesure d’embrasser et de recevoir la vie comme elle se présente avec toute sa fragilité, sa petitesse et, souvent, avec toutes ses contradictions et ses insignifiances.»

Le Pape a ainsi invité les fidèles japonais à «former une communauté» en mesure de développer cette pédagogie capable d’accueillir «tout ce qui n’est pas parfait, tout ce qui n’est pas pur ni distillé, mais non pas moins digne d’amour», toute personne, même la plus faible ou malade est digne d’être aimée, comme Jésus qui a embrassé le lépreux.

«L’annonce de l’Évangile de la vie nous pousse et exige que, comme communauté, nous devenions un hôpital de campagne, destiné à soigner les blessures et à toujours indiquer un chemin de réconciliation et de pardon.»

Le Pape a invité chaque fidèle, unis au Seigneur, avec les hommes et femmes de bonne volonté et ceux de traditions religieuses différentes à «devenir le levain prophétique dans une société en mesure de protéger et de prendre soin, toujours davantage, de toute vie.»

Le dialogue est «l’unique arme digne de l’être humain»

Le dialogue est «l’unique arme digne de l’être humain»

Le Pape François a rencontré l’empereur du Japon Naruhito. Il a été reçu ce lundi 25 novembre 2019 au Palais impérial pour une conversation privée d’environ 30 minutes vers 11h, accueilli par l’empereur en personne à l’entrée du Palais.

Puis après avoir rencontré en privé le Premier ministre Shinzo Abe, c’est l’ensemble des membres du gouvernement et du corps diplomatique japonais que le Pape François a rencontrés, à la fin de sa deuxième journée au Pays du Soleil levant.

Le Saint-Père est revenu sur quelques aspects caractéristiques de la société japonaise, invitant les gouvernants à toujours être attentifs aux personnes dans le besoin et à se faire «promoteurs de vie», en particulier par le dialogue et la rencontre.

Cette rencontre venue clore une journée très dense pour le Pape François s’est tenue au Kantei, siège de l’exécutif japonais. Après l’allocution de Shinzo Abe, le Saint-Père a commencé en évoquant les relations d’amitié «très anciennes» unissant le Saint-Siège et le Japon, et qui sont enracinées «dans la reconnaissance et l’admiration que les premiers missionnaires ont éprouvées pour ce pays.»

La recherche du dialogue et du consensus face au nucléaire

Il a ensuite mentionné le thème de cette deuxième étape de son 32e voyage apostolique – “Protéger toute vie” -, expliquant qu’il tenait à confirmer «les catholiques japonais dans la foi, dans leurs efforts de charité en faveur des démunis et au service du pays dont ils se sentent des citoyens fiers». «Comme nation, le Japon est particulièrement sensible à la souffrance des moins nantis et des personnes avec handicap.»

Que «plus jamais, dans l’histoire de l’humanité, ne se reproduise la destruction causée par les bombes atomiques à Hiroshima et à Nagasaki». Le dialogue est «l’unique arme digne de l’être humain», «capable de garantir une paix durable». La question nucléaire doit être abordée «sur le plan multilatéral, en promouvant un processus politique et institutionnel capable de créer un consensus et une action internationale de plus grande envergure».

Répandre un esprit de solidarité dans tous les domaines

Le dialogue s’inscrit plus largement dans une «culture de rencontre» dont le Japon est un représentant, comme le montrent ses efforts «dans les domaines de l’éducation, de la culture, du sport et du tourisme».

L’«esprit olympique» y participe aussi. «Je suis certain que les Jeux olympiques et paralympiques qui se dérouleront l’année prochaine au Japon donneront une impulsion au développement d’un esprit de solidarité qui transcende les frontières nationales et régionales et vise le bien de toute notre famille humaine.»

«De profondes valeurs religieuses et morales caractérisent cette culture ancienne». La «bonne relation entre les différentes religions» est porteuse de «principes éthiques qui servent de fondement pour une société vraiment juste et humaine».

Puis la «beauté naturelle» du Japon a permis de rappeler «la fragilité de notre maison commune, soumise non seulement à des désastres naturels mais aussi à la cupidité, à l’exploitation et à la dévastation par le fait de l’homme».

La culture japonaise en offre une image éloquente, la délicate fleur de cerisier. Le Saint-Père a salué l’engagement des jeunes pour la protection de la création: ils «nous invitent à regarder le monde non pas comme une propriété à exploiter, mais comme un précieux héritage à transmettre.»

La véritable mesure d’une civilisation n’est pas le pouvoir économique

Cette démarche écologique doit être «intégrale», en tenant compte de «l’écologie humaine». Cela signifie «affronter le fossé croissant entre riches et pauvres» dans un monde marqué par les inégalités. Il convient de poursuivre les programmes de solidarité ainsi que «la formation d’une conscience croissante d’une coresponsabilité entre les nations».

«La dignité humaine doit être au centre de toute activité sociale, économique et politique.» «Il faut promouvoir la solidarité entre les générations et à tous les niveaux de la vie communautaire; on doit se préoccuper de ceux qui sont oubliés et exclus», en particulier les jeunes et les «personnes âgées ou seules», nombreuses au Japon.

La «civilisation de chaque nation ou peuple ne se mesure pas à son pouvoir économique»«mais à l’attention qu’elle accorde aux personnes dans le besoin et à leur capacité de se révéler féconds et promoteurs de vie.»

Enfin, le Pape a exprimé sa «gratitude» pour l’invitation reçue à venir au Japon, et remercié tous ses hôtes pour leur «hospitalité cordiale» et leur «générosité». Puis cet ultime encouragement, «pour façonner un ordre social qui protège toujours davantage la vie, qui respecte toujours plus la dignité et les droits des membres de la famille humaine».

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