L’hommage du Pape aux saints martyrs du Japon

L’hommage du Pape aux saints martyrs du Japon

Après une première intervention consacrée à la bombe atomique, le Pape François s’est ensuite rendu sur la colline Nishizaka pour rendre hommage aux martyrs chrétiens du Japon. C’est en effet sur ce lieu que furent crucifiés saint Paul Miki et ses compagnons en 1597, avant d’autres martyrs.

«J’attendais avec impatience ce moment», a d’emblée confié le Pape François lors de son discours, qui précédait la récitation de l’Angélus. «Je viens en tant que pèlerin, prier, confirmer, et aussi être confirmé par la foi de ces frères qui par leur le témoignage et le don d’eux-mêmes nous indiquent le chemin.»

Cette colline est en effet un symbole pour les chrétiens du Japon, qui furent à partir de la fin du XVIe siècle ciblé par une politique de persécution religieuse particulièrement violente, récemment portée à la connaissance du grand public par le film de Martin Scorsese, Silence. 

En 1597, la crucifixion de Paul Miki, un séminariste jésuite japonais, avec 25 de ses compagnons, eut un impact important dans toute la chrétienté, jusqu’en Europe. Il furent béatifiés 30 ans plus tard, un délai exceptionnellement court pour l’époque, et furent canonisés en 1862. C’est un siècle plus tard, en 1962 donc, que fut érigé ce sanctuaire en leur mémoire.

«Plus que de mort, ce sanctuaire nous parle du triomphe de la vie. Saint Jean Paul II a perçu ce lieu non seulement comme le mont des martyrs, mais aussi comme une vraie Montagne des Béatitudes où nous pouvons toucher du doigt le témoignage d’hommes envahis par l’Esprit Saint, libres de tout égoïsme, de tout confort et de tout orgueil», a précisé François en citant son exhortation apostolique Gaudete et Exsultate. «En effet, ici, la lumière de l’Évangile a brillé dans l’amour qui a triomphé de la persécution et de l’épée.»

Un don de la vie qui doit nous interpeller aujourd’hui

«La lumière de la résurrection est aussi annoncée là où le sang des martyrs devient semence de la vie nouvelle que Jésus Christ veut offrir à nous tous. Leur témoignage nous confirme dans la foi et nous aide à renouveler le don de nous-mêmes ainsi que notre engagement à vivre en disciples missionnaires, qui savent œuvrer pour une culture capable de toujours protéger et défendre toute vie, à travers ce ‘‘martyre’’ du service quotidien et silencieux de chacun, spécialement à l’endroit des plus démunis.»

«Je viens devant ce monument des martyrs pour rencontrer ces saints hommes et femmes, et je voudrais le faire avec la modestie de ce jeune jésuite qui venait des ‘‘confins de la terre’’ et qui a trouvé, dans l’histoire des premiers missionnaires et martyrs japonais, une profonde source d’inspiration et de renouvellement», a expliqué le Pape, s’inscrivant dans les pas du père Pedro Arrupe, qui fut missionnaire au Japon et joua un rôle dans la construction de ce sanctuaire, avant de devenir général des jésuites.

L’exemple des martyrs actuels

«En ce lieu nous nous unissons également aux chrétiens qui en diverses parties du monde subissent et connaissent aujourd’hui le martyre à cause de la foi.»

«Les martyrs du XXIème siècle nous interpellent par leur témoignage afin que nous suivions avec courage la voie des béatitudes. Prions pour eux et avec eux, et élevons la voix pour que la liberté religieuse soit garantie pour tous, partout dans le monde, et élevons aussi la voix contre toute manipulation des religions, par les politiques d’intégrisme et de division, et par les systèmes de profit effrénés et par les tendances idéologiques haineuses, qui manipulent les actions et les destins des hommes», a dit le Pape, en citant la Déclaration sur la Fraternité humaine signée à Abou Dhabi en février dernier.

Il a enfin appelé à prier pour que les saints martyrs du Japon intercèdent pour leur pays «et pour toute l’Église, afin que son engagement éveille et garde vivante la joie de la mission».

Nagasaki : le Pape appelle à l’interdiction des armes nucléaires

Nagasaki : le Pape appelle à l’interdiction des armes nucléaires

Pour sa première étape dans la ville japonaise frappée par la bombe atomique le 9 août 1945, le Pape François a lancé un appel vibrant pour l’interdiction des armes nucléaires, depuis le parc construit sur le lieu de l’hypocentre du bombardement atomique de 1945.

Marchant sur les pas de Jean-Paul II venu à Nagasaki le 25 février 1981, il a déclaré que «ce lieu nous rend davantage conscients de la souffrance et de l’horreur que nous les êtres humains nous sommes capables de nous infliger. La croix bombardée et la statue de Notre-Dame, récemment découvertes dans la cathédrale de Nagasaki, nous rappellent une fois de plus l’horreur indescriptible vécue dans leur propre chair par les victimes et leurs familles.».

«Notre monde vit la perverse dichotomie de vouloir défendre et garantir la stabilité et la paix sur la base d’une fausse sécurité soutenue par une mentalité de crainte et de méfiance qui finit par envenimer les relations entre les peuples et empêcher tout dialogue possible.»

La sécurité internationale ne peut pas se baser sur une menace de destruction

«La paix et la stabilité internationales sont incompatibles avec toute tentative de compter sur la peur de la destruction réciproque ou sur une menace d’anéantissement total ; elles ne sont possibles qu’à partir d’une éthique globale de solidarité et de coopération au service d’un avenir façonné par l’interdépendance et la coresponsabilité au sein de toute la famille humaine d’aujourd’hui et de demain.»

En remarquant une nouvelle fois que l’argent dépensé dans des armements de plus en plus sophistiqués devrait plutôt être investi dans les services à la population et la protection de l’environnement, le Pape a appelé à construire une confiance mutuelle impliquant la participation de tous : «individus, communautés religieuses, société civile, Etats dotés d’armes nucléaires et ceux qui n’en possèdent pas, secteurs militaires et privés, et organisations internationales».

«L’Église catholique, pour sa part, est irrévocablement engagée dans la décision de promouvoir la paix entre les peuples et les nations : c’est un devoir auquel elle se sent obligée devant Dieu comme devant tous les hommes et femmes de cette terre. Nous ne pourrons jamais nous lasser d’œuvrer et de soutenir avec une insistance persistante les principaux instruments juridiques internationaux de désarmement et de non-prolifération nucléaire, y compris le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires.»

Un appel à la responsabilité des leaders politiques

«Convaincu qu’un monde sans armes nucléaires est possible et nécessaire, je demande aux leaders politiques de ne pas oublier que ces armes ne nous défendent pas des menaces contre la sécurité nationale et internationale de notre temps», a dit le Pape François, dans la filiation, notamment, de Jean XXIII et de Paul VI. «Il devient crucial de créer des instruments qui assurent la confiance et le développement mutuel, et de compter sur des leaders qui soient à la hauteur des circonstances.»

Le Pape a ensuite prononcé ces mots de la célèbre prière de saint François d’Assise :

«Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix,

là où il y a la haine, que j’apporte l’amour,

là où il y a l’offense, que j’apporte le pardon,

là où il y a le doute, que j’apporte la foi,

là où il y a le désespoir, que j’apporte l’espérance,

là où il y a les ténèbres, que j’apporte la lumière,

là où il y a la tristesse, que j’apporte la joie.»

«En ce lieu de mémoire, qui nous émeut et ne peut nous laisser indifférents, il est encore plus riche de sens de nous confier à Dieu, pour qu’il nous enseigne à être des instruments efficaces de paix et à veiller aussi à ne pas commettre les mêmes erreurs du passé.»

Début du voyage apostolique du Pape au Japon : « protéger toute vie »

logo du voyage du Pape au Japon : protéger toute vie
logo du voyage du Pape au Japon : «protéger toute vie»

Au terme de près de trois jours passés en Thaïlande, ce samedi 23 novembre commence la visite du Pape François au Japon, deuxième et ultime étape de son voyage apostolique en Asie.

Après avoir célébré la messe en privé dans la chapelle de la Nonciature apostolique de Bangkok, le Saint-Père a pris la direction de l’aéroport de Bangkok, où il a été accueilli par un membre du Conseil de la Couronne. Il a ensuite salué 11 enfants thaïlandais en habits traditionnels, des évêques, des membres de l’Église locale et quelques autorités.

Il est ensuite monté à bord de l’avion qui est arrivé à l’aéroport de Tokyo Haneda, après environ 6 heures de vol, à 17h32 heure locale. Il faisait déjà nuit et une légère pluie tombait. Le Pape y a été accueilli par le vice-premier ministre japonais, des évêques et des membres du clergé, ainsi que par une centaine d’étudiants des écoles catholiques. Ensuite, il a brièvement rencontré le vice-premier ministre du gouvernement.

À la nonciature apostolique de Tokyo, il a rencontré les évêques de la Conférence épiscopale du Japon. Celle-ci réunit les évêques des trois archevêchés métropolitains et des 13 diocèses suffragants du Japon.  Dans son discours, il a dépeint le visage actuel de l’Église japonaise et la mission qu’elle doit accomplir au sein d’une société parfois désorientée. Malgré leur caractère minoritaire (0,42% de la population), les catholiques nippons doivent continuer de porter un témoignage clair du message évangélique.

La devise de ce voyage au Pays du Soleil levant est ‘Protéger chaque vie’. Demain dimanche, le Saint Père se rendra à Nagasaki, où son arrivée est prévue à 9h20 (heure locale). Il y prononcera un «message sur les armes nucléaires» à l’Atomic Bomb Hypocenter Park, avant de rendre hommage aux «saints martyrs». À Hiroshima, ce sera un message sur la paix.

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Discours du Pape devant les évêques du Japon

Une Église née du sang des martyrs

Dans son discours, le Pape a d’emblée rappelé son affection particulière pour le Pays du soleil levant: «depuis ma jeunesse j’éprouvais de la sympathie et de l’affection pour ce pays», a-t-il confié, se réjouissant de venir aujourd’hui «sur les pas de grands témoins de la foi», tels que le jésuite saint François Xavier, arrivé il y a 470 ans, ou le martyr Paul Miki et ses compagnons.

Puis cet hommage du Souverain Pontife a tous les témoins de la foi du Japon, comme les «‘‘chrétiens cachés’’ de la région de Nagasaki, qui ont gardé la foi pendant des générations grâce au baptême, à la prière et à la catéchèse».

C’est une inébranlable fidélité dans les épreuves que le Pape a salué: «Vous êtes une Église vivante qui a survécu en prononçant le Nom du Seigneur et en contemplant comment il vous guidait au milieu de la persécution». «Le grain semé, le témoignage des martyrs et l’attente patiente des fruits que le Seigneur accorde en son temps ont caractérisé la façon apostolique dont vous avez su accompagner la culture japonaise».

Que signifie «protéger toute vie» ?

Par leurs «nombreuses contributions au commun», ces pasteurs de l’Église ont façonné «un visage de l’Église très apprécié».  Aujourd’hui Le Pape propose une perspective, correspondant au thème de ce voyage apostolique au Japon: «protéger toute vie».

La mission déjà menée pendant des siècles, caractérisée «par une forte volonté d’inculturation et de dialogue», est déjà une preuve du «regard contemplatif capable d’aimer la vie de tout le peuple» confié aux missionnaires.

«Protéger toute vie et annoncer l’Évangile ne sont pas deux choses séparées ni opposées, elles s’appellent et ont besoin l’une de l’autre». Cela implique de «déceler, avant tout, ce qui peut aujourd’hui constituer dans ce pays un frein au développement intégral des personnes confiées à la lumière de l’Évangile de Jésus».

Le rôle des chrétiens dans une société blessée

Le Saint-Père a encouragé les évêques à s’engager pour une évangélisation qui prenne la forme «d’un témoignage humble, quotidien et d’un dialogue avec d’autres traditions religieuses». Il a relevé leur attention envers les travailleurs étrangers, «qui représentent plus de la moitié des catholiques au Japon, [et] servent non seulement de témoignage évangélique dans la société japonaise, mais encore attestent de l’universalité de l’Église».

Les catholiques japonais, rappelons-le, sont peu nombreux dans ce pays de tradition shinto-bouddhiste: sur presque 127 millions d’habitants, ils sont 536 000, soit 0,42% de la population.

Une Église minoritaire donc, et une Église de martyrs «qui peut parler plus librement», surtout en matière de justice et de paix. Le Papa a assuré qu’à Hiroshima et Nagasaki, qu’il visitera ce dimanche, il priera «pour les victimes du bombardement affreux de ces deux villes» et se fera l’écho des «appels prophétiques» des évêques japonais «pour le désarmement nucléaire».

La souffrance des rescapé du «triple désastre» (le tsunami, le tremblement de terre et la catastrophe nucléaire de Fukushima en mars 2011) rappellent aussi le «devoir humain et chrétien d’aider ceux qui souffrent dans leur corps et dans leur esprit et d’offrir à tous le message évangélique d’espérance, de guérison et de réconciliation».

Une attention aux jeunes et aux familles

Le Souverain Pontife a ensuite donné quelques indications pour la mission actuelle de l’Église. D’abord, «porter haut la voix et de défendre toute vie comme un don précieux du Seigneur». Ensuite, «garantir que la communauté catholique au Japon offre un témoignage évangélique clair dans toute la société», et particulièrement dans le domaine de l’éducation, où l’apostolat de l’Église est déjà «apprécié».

Puis «prêter une attention spéciale» aux jeunes, «ainsi qu’à leurs besoins», en offrant à tous «les possibilités d’une vie heureuse et épanouie». Des «fléaux» affectent et désorientent la société japonaise: «augmentation du nombre de suicides» en ville, «harcèlement (ijime) et diverses formes d’auto-exigence», sur fond de «solitude», de «désespoir» et d’«isolement». Les jeunes «peuvent être une source importante d’espérance pour leurs contemporains et donner un témoignage vital de charité chrétienne».

Le Pape a enfin exhorté à promouvoir une mission qui implique «les familles» et rejoigne «les personnes où qu’elles se trouvent, en correspondant à la réalité», car «le point de départ de tout apostolat naît de là où se trouvent les gens avec leurs habitudes et leurs activités». Le défi est d’atteindre «l’âme des villes, des professions, des universités pour accompagner par l’Évangile de la compassion et de la miséricorde les fidèles qui nous ont été confiés».

Le Successeur de Pierre a rappelé le but de ce voyage apostolique : «vous confirmer dans la foi», mais aussi «toucher et se laisser renouveler sur les traces de tant de martyrs témoins de la foi».

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