Le Pape appelle les évêques malgaches à être proches de Dieu et des pauvres

Le Pape appelle les évêques malgaches à être proches de Dieu et des pauvres

Lors de sa rencontre avec les évêques malgaches, en la cathédrale d’Andolaho, le Pape a comparé le pasteur à la figure du semeur, appelé à répandre autour de lui les semences de foi et d’espérance, surtout parmi les plus pauvres. Le Saint-Père a aussi exhorté tous les évêques à être proches de Dieu, de leurs prêtres et de leur peuple.

Il est donc parti du thème de sa visite à Madagascar : «semeur de paix et d’espérance» pour construire sa réflexion, car il est un «écho à la mission qui nous est confiée».

Un pasteur attentif à la vie sociale et nationale

Mais à quoi reconnait-on un semeur ? Il est celui qui n’abandonne pas, qui sait attendre, qui «assume les déconvenues de sa semence» et qui «ne fuit pas en la confiant à un autre».  Surtout, il connait sa terre, la touche, la sent et la prépare.

A l’instar du semeur, l’évêque est appelé à développer cet «odorat» si particulier qui «permet de mieux connaitre et découvrit ce qui compromet, entrave ou endommage la semence». En ce sens, il est de son devoir de s’intéresser à tout ce qui touche de près ou de loin à la «promotion intégrale de chaque être humain», comme «l’ordre social et la réalisation du bien commun».

«(…) Personne ne peut exiger de nous que nous reléguions la religion dans la secrète intimité des personnes, sans aucune influence sur la vie sociale et nationale, sans se préoccuper de la santé des institutions de la société civile, sans s’exprimer sur les événements qui intéressent les citoyens», a-t-il affirmé, citant son exhortation apostolique, «Evangelii Gaudium».

«Un pasteur digne de ce nom peut-il rester indifférent aux défis qu’affrontent ses concitoyens de toutes catégories sociales, indépendamment de leur appartenance religieuse ? Un pasteur, à la manière de Jésus, peut-il être indifférent aux vies qui lui ont été confiées?»

Une attention particulière doit être portée, en ce sens, à une collaboration «mûre et indépendante» entre Église et État, tout se gardant d’une connivence dangereuse, laquelle pourrait amoindrir «le mordant évangélique». Le discernement implique de toujours écouter «ce que l’Esprit dit aux Églises.»

Lien indissoluble entre foi chrétienne et pauvres

Une autre dimension de la charge pastorale tient à la défense de la personne humaine. «Nous devons être les premiers dans le choix de proclamer l’Évangile aux pauvres.»

Ces derniers restent les destinataires privilégiés de l’annonce du salut ; à cette aune, les évêques ont «un devoir particulier de proximité et de protection envers les pauvres, (…), envers les enfants et les personnes les plus vulnérables, victimes d’abus», et de cette «culture du déchet», qui tend à éliminer «celui qui vient à naitre ou de ceux qui sont sur le point de mourir».

Paternité spirituelle avec les prêtres

Face à tous ses défis, le pasteur doit faire montre de patience, conscient «que nous n’avons ni le contrôle ni la responsabilité de tout le processus» ; le vrai pasteur donne de l’espace, encourage les initiatives, laisse grandir et ne recherche pas l’uniformité. Il «prend la réalité comme elle va» : c’est cela, «l’amour du pasteur».

La fidélité à l’Évangile exige une proximité avec Dieu, par la prière constante, avec les prêtres, et enfin avec le peuple de Dieu. «Le pasteur qui s’éloigne du peuple, qui perd l’odeur du peuple finit par devenir un ‘monsieur l’abbé’, un fonctionnaire de cour.»

Il est fondamental que les évêques éprouvent une véritable  «paternité spirituelle» envers leurs prêtres ; ceux-ci doivent pouvoir trouver en eux «des pères toujours disponibles qui savent comment encourager et soutenir, qui savent apprécier les efforts et accompagner les progrès possibles».

Discernement des vocations: qualité et non quantité

Leur incombe aussi un devoir crucial de discernement, surtout en ce qui concerne les vocations à la vie consacrée et au sacerdoce. La tentation est grande de se laisser gagner par la dictature du «numéro», comme en Europe où le manque de vocations pousse certains évêques à accepter des candidats qui ont déjà été chassés de séminaires ou de congrégations.

«S‘il vous plait, soyez attentifs : ne laissez pas le loup entrer dans la bergerie». Et le Pape a souligné une attitude «qui ne vient pas de Dieu» : la rigidité, que démontrent parfois certains jeunes prêtres. «Sachez-le : derrière la rigidité, se cachent des problèmes graves.»

Ne pas cléricaliser les laïcs

Les pasteurs doivent aussi laisser leur place aux laïcs : eux aussi sont «envoyés en mission pour la moisson, ils sont appelés à prendre part à la pêche, à risquer leurs filets». Là, le Pape a tenu à saluer les initiatives prises par les pasteurs à destination des laïcs «pour ne pas les laisser seuls dans la mission d’être sel de la terre et lumière du monde». Attention toutefois à ne pas «cléricaliser les laïcs».

«Les laïcs sont des laïcs». Les diacres aussi souffrent la tentation du cléricalisme, au risque de devenir des «prêtres ou évêques manqués». «Le diacre est le gardien du service dans l’Église. S’il vous plait, éloignez les laïcs de l’autel, qu’ils fassent leur travail à l’extérieur, dans le service».

Cette responsabilité dans le champ de Dieu doit mettre au défi «d’avoir le cœur et l’esprit ouverts,  de conjurer la peur qui enferme et de vaincre la tentation de nous isoler.» Le Pape, appelle au dialogue fraternel entre évêques malgaches, affirmant que les défis pastoraux , tels que «la protection de l’environnement (…) ou le problème de l’immigration» requéraient des réflexions communes, des synergies d’actions à grande échelle.

Le Pape a enfin donné en exemple deux figures féminines : la bienheureuse Victoire Rasoamanarivo et la Vierge Marie. «Demandons-leur d’élargir toujours notre cœur, de nous apprendre la compassion provenant du sein maternel que la femme et Dieu ressentent face aux oubliés de la terre et de nous aider à semer la paix et l’espérance.»

Les religieuses malgaches encouragées aux petits actes d’amour et de renoncements

Les religieuses malgaches encouragées aux petits actes d’amour et de renoncements

2e étape de son voyage apostolique à Madagascar: la rencontre du Pape François avec les religieuses contemplatives. Il a prié avec elles l’office de milieu du jour, dans la chapelle du monastère des Carmélites déchaussées d’Antananarivo. Délaissant l’homélie initialement prévue, François s’est adonné à une méditation improvisée et très personnelle sur les «petits actes d’amour» à poser dans la vie religieuse, sur la voie de la charité et de l’obéissance.

Devant la centaine de religieuses présentes, qui lui ont réservé un accueil enthousiaste à son arrivée, le Pape a voulu partager ce qu’il avait  «sur le cœur» et a raconté une petite histoire: celle de deux religieuses, l’une âgée, aidée, pour marcher ou pour s’asseoir au réfectoire, par une autre plus jeune. La religieuse âgée, rendue un peu nerveuse et atrabilaire par la maladie, n’acceptait pas facilement le soutien que lui proposait avec abnégation, et toujours souriante, sa jeune consœur.

Des petits pas sur la route de l’obéissance, dans la charité et l’amour

Cette histoire «n’est pas une fable, c’est une histoire de vie qui reflète un morceau de la vie communautaire et fait voir l’esprit avec lequel on peut la vivre», a confié François, révélant que la jeune religieuse n’était autre que Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, à laquelle il voue par ailleurs une grande dévotion.

«Vous toutes, sœurs de clôture, vous êtes venues pour être proches du Seigneur, pour chercher la voie de la perfection, qui se trouve dans ces petits pas sur la route de l’obéissance, dans la charité et l’amour». Ces petits pas, qui ne semblent rien, sont en réalité des «cordes d’amour», qui «font venir Dieu», et le «rendent esclave».

Ne pas avoir peur de la petitesse

Le Saint-Père a donc exhorté les religieuses contemplatives à avoir le courage d’accomplir ces petits pas, à ne pas avoir peur de la petitesse, car c’est bien là que Dieu se trouve.

L’on est parfois tenté de vouloir réformer, changer la vie religieuse pour qu’elle soit parfaite et corresponde à nos critères. Or, ces idées, manifestées souvent avec beaucoup de sincérité, peuvent être insufflées par le diable : « si tu veux changer le monde, commence avec ces petits actes d’amour et de renoncement.»

Prendre garde au démon

Le Pape François a également mis en garde contre les tentations de la mondanité, qui se présentent insidieusement dans la vie religieuse, même contemplative. Il les a enjoint surtout à la prudence et au discernement en communauté.

En entrant au couvent, les religieuses ont remporté la lutte ; vaincu, le diable est, en quelque sorte laissé à la porte du monastère. Triste et désabusé, il s’en va alors chercher un autre démon plus rusé, qui lui conseille de rester patient. «C’est une façon de faire habituelle du démon», qui éprouve ensuite le fort désir de revenir.

Prenant d’autres congénères avec lui, il guette à la porte du cœur de la «belle âme»; ces «démons éduqués» n’entrent pas avec fracas, mais «sonnent à la porte», doucement. Puis sèment le désastre. Le tentateur ne veut pas être découvert, il se déguise souvent, parfois «en père spirituel», a ajouté le Pape avec gravité.

Faire preuve de prudence

La religieuse doit donc faire montre de prudence. «Si vous ressentez quelque choses d’étrange, quelque chose qui vous enlève la paix de l’esprit, il faut le dire au Seigneur (…), il faut en parler avec la prieure, avec la communauté» ;  «c’est la défense que vous avez… Il faut être solidaires, unies, marcher les unes avec les autres vers la sainteté, pour défendre la gloire de Dieu, défendre l’amour».

Le Saint-Père est revenu sur l’exemple de Sainte Thérèse, qui s’entretenait de ses doutes et de ses interrogations avec sa prieure, «qu’elle n’aimait pas trop, pourtant». Même si la prieure, pour quelque raison, semble antipathique, «elle représente Jésus, et la voie de l’obéissance fait de toi un sujet de l’amour.»

Lutter jusqu’à la fin

«Dans les tentations de la vie spirituelle, il n’y a pas de retraite. Tu devras lutter jusqu’à la fin, dans l’obscurité, même quand tu penses avoir perdu la foi», a assuré le Pape, religieux lui-même, avant de temporiser: «mais tout cela est beau quand la lutte est vraie, et alors, on ne perd pas la paix.»

«Thérèse a accompagné une vieille religieuse, et maintenant elle accompagne un vieux, le Pape, a-t-il dit sous les applaudissements de l’assistance. Je veux parler de mon expérience, elle m’accompagne à chaque pas et je veux en donner témoignage. Elle m’a enseigné à avancer, malgré mes douleurs. Mais c’est une amie fidèle et elle montre la route à suivre.»

favoriser «le développement humain intégral»

favoriser «le développement humain intégral»

Ce samedi matin, la première journée du Saint-Père à Madagascar a débuté par une rencontre avec les autorités, le corps diplomatique et plusieurs représentants de la société civile, au Palais présidentiel d’Antananarivo. Le Pape a évoqué la politique et la protection de l’environnement sur la Grande Ile, pour assurer la promotion de tous les habitants.

 

Avant cette rencontre, le Pape François et le président Andry Rajoelina se sont rencontrés en privé. Dans le livre d’honneur, le Saint-Père a écrit le mot suivant: «Je suis venu comme semeur de paix et d’espérance: puissent les semences jetées dans cette terre porter pour le peuple malgache des fruits abondants ! Le Seigneur vous bénisse ! Priez pour moi, je vous prie».

Après cela, la cérémonie publique a commencé dans une vaste salle du Palais, où la première intervention a été donnée par le président malgache, en français. Puis ce fut au tour du Pape, qui a chaleureusement remercié ses hôtes, en particulier le «peuple malgache», pour son «hospitalité remarquable».

Une force: l’âme du peuple malgache

François a ensuite mentionné un élément central de la culture nationale: le “fihavanana”, inscrit dans la Constitution, «qui évoque l’esprit de partage, d’entraide et de solidarité. Cela comprend également l’importance des liens familiaux, de l’amitié, et de la bienveillance entre les hommes et envers la nature».

Le Pape y voit «l’âme» du peuple malgache, une âme à préserver puisqu’elle donne aux habitants «ces traits particuliers qui le distinguent, le constituent et lui permettent de résister avec courage et abnégation aux multiples contrariétés et aux difficultés auxquelles il est confronté quotidiennement».

Lutter contre la corruption et l’exclusion

Puis, le Saint-Père s’est arrêté sur la situation politique du pays, se réjouissant de la mise en œuvre d’une «alternance démocratique positive» depuis l’indépendance de la Grande Ile. Les responsables politiques restent toutefois confrontés au «défi permanent» de «favoriser les conditions d’un développement digne et juste, impliquant tous les acteurs de la société civile».

Il a alors lancé un appel fort, exhortant à «lutter avec force et détermination contre toutes les formes endémiques de corruption et de spéculation qui augmentent la disparité sociale, et à affronter les situations de grande précarité et d’exclusion qui produisent toujours des conditions de pauvreté inhumaine».

Dans cette perspective, il demande l’instauration de «médiations structurelles qui peuvent assurer une meilleure répartition des revenus et une promotion intégrale de tous les habitants, en particulier des plus pauvres», sans se limiter à de l’assistanat.

Inquiétude pour la biodiversité du pays

Un deuxième défi de Madagascar a ensuite été évoqué: prendre soin de «cette terre bénie pour sa beauté et son inestimable richesse naturelle». Une richesse «particulièrement menacée par la déforestation excessive au profit de quelques-uns; sa dégradation compromet l’avenir du pays et de notre Maison commune», a mis en garde François, avant de dénoncer «les feux de forêt, le braconnage, la coupe effrénée de bois précieux», la «contrebande et des exportations illégales».

Si ces activités assurent la survie de certaines populations, il est «important de créer des emplois et des activités génératrices de revenus qui respectent l’environnement et aident les personnes à sortir de la pauvreté»,  pour «l’intégration d’une justice sociale qui accorde le droit à la destination commune des biens de la terre.»

Aider la population en respectant sa singularité

Le Saint-Père a également sollicité l’engagement de «la communauté internationale», dont l’aide ne doit cependant pas entraîner Madagascar vers «une prétendue “culture universelle” qui méprise, enterre et supprime le patrimoine culturel de chaque peuple».

Au contraire, le processus d’aide doit respecter «les priorités et les modes de vie autochtones», afin que «le peuple lui-même [se prenne] en charge progressivement, en devenant l’artisan de son propre destin». Le Pape a donc appelé ses hôtes à écouter toutes les voix «d’une communauté nationale qui cherche son unité. Je vous invite à imaginer ce chemin sur lequel personne n’est laissé de côté, ni ne va seul, ou se perd.»

La disponibilité de l’Église catholique

En conclusion de son discours, le Souverain Pontife a rappelé le rôle de l’Église catholique dans cette perspective de développement humain intégral respectueux de la culture malgache: «Contribuer, dans un dialogue permanent avec les chrétiens des autres confessions, avec les membres des différentes religions et avec tous les acteurs de la société civile, à l’avènement d’une véritable fraternité qui valorise toujours le “fihavanana”, en favorisant le développement humain intégral, afin que personne ne soit exclu».

Plantation d’un baobab

Cette rencontre s’est achevée à l’extérieur du Palais présidentiel, où le Pape François, accompagné du président Rajoelina, a participé à la plantation d’un petit baobab. Un arbre grandement symbolique: on l’appelle “reniala” en malgache, c’est-à-dire “mère de la forêt”. Il est très présent sur la Grande Ile.

Les baobabs deviennent toujours des arbres centenaires – certains ont même plus de 800 ans ! – aux proportions impressionnantes: la circonférence du tronc peut atteindre 30 mètres. On le surnomme également “arbre bouteille”, car il est capable de retenir une importante quantité d’eau. Le baobab résiste enfin aux conditions climatiques extrêmes.

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