La foi n’est pas cotée en bourse, mais est une certitude d’amour

Rencontre mariale avec des jeunes et des familles sur la place du palais de la culture à Iaşi, à l’est de la Roumanie, ce samedi 1er juin 2019. Le pape François invite chacun à rester enraciné dans sa propre histoire pour « briser » les « tranchées » et « ouvrir des routes qui lui rappellent son appartenance à des enfants et à des frères ». Il a rendu hommage «à la chaleur des familles», exhortant à s’épanouir dans l’amour, sans jamais oublier ses racines pour atteindre la félicité.

Tableau de Notre-Dame à Iasi en Roumanie
Tableau de Notre-Dame à Iasi

VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS EN ROUMANIE
(31 MAI – 2 JUIN 2019)

RENCONTRE MARIALE AVEC LES JEUNES ET LES FAMILLES

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

Esplanade du Palais de la Culture (Iasi)
Samedi 1er juin 2019


Chers frères et sœurs, bonsoir !

Ici, avec vous, on sent la chaleur d’être en famille, entouré des petits et des grands. C’est facile, en vous voyant et en vous entendant, de se sentir chez soi. Le Pape parmi vous se sent chez lui. Merci pour votre accueil chaleureux et pour les témoignages que vous nous avez donnés.

Mgr Petru, comme un bon et fier père de famille, vous a tous pris dans ses bras avec ses paroles en vous présentant et tu l’as confirmé Eduard quand tu nous as dit que cette rencontre ne veut être ni seulement celle des jeunes, ni celle des adultes, ni celle des autres, mais que vous “avez désiré que nos parents et nos grands-parents soient avec nous ce soir”.

Le jour des enfants

Aujourd’hui sur ces terres, c’est la journée des enfants. Des applaudissements pour les enfants ! Je voudrais que la première chose que nous fassions soit de prier pour eux : demandons à la Vierge de les garder sous son manteau.

Jésus les a placés au milieu de ses apôtres, nous voulons nous aussi les placer au milieu et réaffirmer notre engagement à les aimer du même amour avec lequel le Seigneur les aime, en nous engageant à leur garantir le droit à un avenir. Voici un bel héritage : garantir aux enfants le droit à un avenir !

Je suis heureux de savoir que sur cette place, il y a le visage de la famille de Dieu qui embrasse des enfants, des jeunes, des couples mariés, des personnes consacrées, des anciens, roumains de diverses régions et traditions, ainsi que de la Moldavie, et même ceux qui sont venus de l’autre bord de la rivière Prut, les fidèles de langue csango, polonaise et russe.

L’Esprit Saint nous convoque tous et nous aide à découvrir la beauté d’être ensemble, de pouvoir nous rencontrer pour marcher ensemble. Chacun dans sa propre langue et sa propre tradition, mais heureux de se retrouver entre frères.

Avec cette joie que nous partageaient Elisabetta et Ioan, – tous deux sont à féliciter –  avec leurs onze enfants, tous différents, arrivés de divers lieux, mais “ aujourd’hui ils sont tous réunis, tout comme il y a quelque temps, chaque dimanche matin, ils prenaient tous ensemble la route vers l’église”. La joie des parents de voir leurs enfants réunis. Je suis sûr qu’aujourd’hui, on fait la fête dans le ciel, en voyant tant d’enfants qui ont décidé d’être ensemble.

C’est l’expérience d’une nouvelle Pentecôte, comme nous l’avons entendu dans la lecture. Où l’Esprit embrasse nos différences et nous donne la force d’ouvrir des chemins d’espérance en tirant le meilleur de chacun; le même chemin que les apôtres ont commencé, il y a deux mille ans, et dont il nous appartient de prendre le relais aujourd’hui et de nous décider à semer. Nous ne pouvons pas attendre que d’autres le fassent, cela nous appartient. Nous sommes responsables ! Cela nous revient !

C’est difficile de marcher ensemble, n’est-ce pas ? C’est un don que nous devons demander, une œuvre artisanale que nous sommes appelés à construire et un beau don à transmettre. Mais par où commençons-nous à marcher ensemble ?

La «foi simple» des grands-mères 

Je voudrais à nouveau “voler” les paroles de ces grands-parents, Elisabetta et Ioan. C’est beau de voir quand l’amour prend racine grâce au dévouement et à l’engagement, par le travail et la prière. L’amour a pris racine en vous et a donné beaucoup de fruit. Comme l’a dit Joël, quand jeunes et anciens se rencontrent, les grands-parents n’ont pas peur de rêver (cf. Jl 3,1).

Et cela a été votre rêve : “Nous rêvons qu’ils puissent se construire un avenir sans oublier d’où ils sont partis. Nous rêvons que tout notre peuple n’oublie pas ses racines”. Vous regardez vers l’avenir et vous ouvrez l’avenir pour vos enfants, pour vos petits-enfants, pour votre peuple, en offrant le meilleur de ce que vous avez appris sur votre chemin : qu’ils n’oublient pas d’où ils sont partis. Où qu’ils aillent, quoiqu’ils fassent, qu’ils n’oublient pas les racines.

C’est le même rêve, la même recommandation que Saint Paul a faite à Timothée : maintenir vivante la foi de sa mère et de sa grand-mère (Cf. 2 Tm 1, 5-7). Dans la mesure où tu grandis – dans tous les sens : fort, grand, et aussi en te faisant un nom – n’oublie pas la chose la plus belle et la plus précieuse que tu as apprise en famille.

C’est la sagesse que l’on reçoit avec les années : quand tu grandis, n’oublie pas ta mère et ta grand-mère et cette foi simple mais solide qui les caractérisait et qui leur donnait force et constance pour aller de l’avant et ne pas baisser les bras. C’est une invitation à rendre grâce et à réhabiliter la générosité, le courage, le désintéressement d’une foi “faite maison”, qui passe inaperçue mais qui construit peu à peu le Royaume de Dieu.

La foi entretient notre appartenance d’enfants

Certes, la foi qui “n’est pas cotée en bourse”, n’a rien à vendre, et comme nous le rappelait Eduard, elle peut sembler “ne servir à rien”. Mais la foi est un don qui maintient vivante une assurance profonde et belle : notre appartenance d’enfants, et d’enfants aimés de Dieu.

Dieu aime avec un amour de Père. Chaque vie, chacun de nous lui appartient. Et c’est une appartenance d’enfants, mais aussi de petits-enfants, d’époux, de grands-parents, d’amis, de voisins; une appartenance de frères.

La vie de chacun est amarrée à celle des autres

Le malin divise, disperse, sépare et crée la discorde, il sème la méfiance. Il veut que nous vivions “détachés” des autres et de nous-mêmes. L’Esprit, au contraire, nous rappelle que nous ne sommes pas des êtres anonymes, abstraits, des êtres sans visage, sans histoire, sans identité.

Nous ne sommes pas des êtres vides ni superficiels. Il existe un réseau spirituel très puissant qui nous unit, nous “connecte” et nous soutient et qui est plus puissant que tout autre type de connexion. Et ce réseau, ce sont les racines: savoir que nous nous appartenons les uns aux autres, que la vie de chacun est amarrée à la vie des autres. “Les jeunes s’épanouissent quand ils sont vraiment aimés”, disait Eduard.

Le bonheur personnel passe par celui des autres

Tous, nous nous épanouissons quand nous nous sentons aimés. Parce que l’amour prend racine et nous invite à les porter dans la vie des autres. Comme ces belles paroles de votre poète national qui souhaitait à sa douce Roumanie que “tes enfants vivent seulement dans la fraternité, comme les étoiles de la nuit” (M. EMINESCU, “Ce que je te souhaite, douce Roumanie”).

Eminescu était un adulte, il avait grandi, s’était senti mûr, mais en plus, il avait le sens de la fraternité, et pour cela il veut que la Roumanie, que tous les roumains soient frères ‘‘comme les étoiles de la nuit’’. Nous appartenons les uns aux autres et le bonheur personnel passe par le fait de rendre les autres heureux. Tout le reste, ce sont des fables.

Pour marcher ensemble là où tu es, n’oublie pas ce que tu as appris en famille. N’oublie pas tes racines !

Sans amour et sans Dieu, aucun homme ne peut vivre sur terre

Cela m’a rappelé la prophétie d’un saint ermite de ces terres. Un jour, le moine Galaction Ilie du Monastère Sihăstria, marchant avec les moutons sur la montagne, rencontra un saint ermite qu’il connaissait et lui demanda: “Dis-moi, père, quand sera la fin du monde ?”

Et le vénérable ermite, soupirant du fond du cœur, dit : “Père Galaction, sais-tu quand sera la fin du monde ? Quand il n’y aura plus de sentiers de voisin à voisin ! C’est-à-dire, quand il n’y aura plus d’amour chrétien et de compréhension entre frères, parents, chrétiens et entre peuples ! Quand les personnes n’aimeront plus, ce sera vraiment la fin du monde. Parce que sans amour et sans Dieu, aucun homme ne peut vivre sur la terre !

La vie commencera à s’éteindre et à flétrir, notre cœur cessera de battre et se dessèchera, les anciens ne rêveront plus et les jeunes ne prophétiseront plus, quand il n’y aura plus de sentiers de voisin à voisin… Parce que sans amour et sans Dieu, aucun homme ne peut vivre sur la terre.

Eduard nous a dit que lui, comme tant d’autres dans son pays, essaie de vivre la foi au milieu de nombreuses provocations. Il y a vraiment beaucoup de provocations qui peuvent nous décourager et nous fermer en nous-mêmes. Nous ne pouvons pas le nier, nous ne pouvons pas faire comme si de rien n’était. Les difficultés existent et elles sont évidentes.

Mais cela ne peut pas nous faire perdre de vue que la foi nous donne la plus grande des provocations : celle qui, loin de t’enfermer ou de t’isoler, fait germer le meilleur de chacun. Le Seigneur est le premier à nous provoquer et à nous dire que le pire vient “quand il n’y aura plus de sentiers de voisin à voisin”, quand nous voyons plus de tranchées que de chemins.

Le Seigneur est celui qui nous offre un chant plus fort que celui de toutes les sirènes qui veulent paralyser notre marche. Et il le fait de la même manière : en entonnant un chant plus beau et plus attirant.

Le Seigneur nous donne à tous une vocation qui est une provocation pour nous faire découvrir les talents et les capacités que nous possédons et pour que nous les mettions au service des autres. Il nous demande d’user de notre liberté comme liberté de choix, de dire “oui” à un projet d’amour, à un visage, à un regard.

C’est une liberté bien plus grande que de pouvoir consommer et acheter des choses. Une vocation qui nous met en mouvement, qui nous fait supprimer des tranchées et ouvrir des chemins qui nous rappellent notre appartenance d’enfants et de frères.

Dans cette capitale historique et culturelle du Pays, on partait ensemble – au Moyen-Âge – comme pèlerins par la Via Transilvana, pour Saint Jacques de Compostelle. Aujourd’hui, vivent ici de nombreux étudiants de diverses parties du monde.

Je me souviens d’une rencontre virtuelle que nous avons eue, en mars, avec Scholas Occurentes, dans laquelle on me disait aussi que cette ville, durant cette année, est la capitale nationale de la jeunesse. Est-ce vrai ? Est-ce vrai que cette ville, cette année, est la capitale nationale de la jeunesse ? [Les jeunes répondent : ‘‘Oui !’’]. Vivent les jeunes !

Deux très bons éléments : une ville qui historiquement sait ouvrir et initier des processus – comme le chemin de Compostelle – ; une ville qui sait accueillir des jeunes provenant de diverses parties du monde comme actuellement.

Deux caractéristiques qui rappellent les potentialités et la grande mission que vous pouvez développer : ouvrir des chemins pour marcher ensemble et réaliser ce rêve des grands-parents qui est une prophétie : sans amour et sans Dieu, aucun homme ne peut vivre sur la terre.

D’ici, aujourd’hui, peuvent partir de nouvelles voies d’avenir vers l’Europe et vers tant d’autres lieux du monde. Jeunes, vous êtes des pèlerins du XXIe siècle, capables d’imaginer de manière nouvelle les liens qui nous unissent.

La Roumanie, jardin de la Mère de Dieu

Mais il ne s’agit pas de créer de grands programmes ni de grands projets, mais de laisser grandir la foi, de permettre aux racines de nous apporter la sève. Comme je vous le disais au début: la foi ne se transmet pas seulement avec les paroles, mais par des gestes, des regards, des caresses comme celles de nos mères, de nos grands-mères; avec la saveur des choses que nous avons apprises à la maison, de manière simple et authentique.

Là où il y a beaucoup de bruit, que nous sachions écouter;
là où il y a de la confusion, que nous inspirions de l’harmonie;
là où tout se revêt d’ambiguïté, que nous puissions mettre de la clarté;
là où il y a de l’exclusion, que nous apportions du partage;

au milieu du sensationnalisme, des messages et des nouvelles rapides, que nous prenions soin de l’intégrité des autres;
au milieu de l’agressivité, que nous donnions la priorité à la paix;
au milieu du mensonge, que nous apportions la vérité;
qu’en tout, en tout nous privilégions l’ouverture de chemins pour sentir cette appartenance d’enfants et de frères (cf. Message pour la 52ème Journée mondiale des Communications Sociales 2018).

Ces dernières paroles que j’ai prononcées portent la marque de la ‘‘musique’’ de François d’Assise. Vous savez ce que conseillait saint François d’Assise à ses frères pour transmettre la foi ? Il disait ceci : ‘‘Allez, prêchez l’Évangile et, si nécessaire, également par les paroles’’. [Applaudissements]. Ces applaudissements sont pour saint François d’Assise !

Je suis sur le point de finir, il reste un paragraphe, mais je ne peux m’empêcher de faire part d’une expérience que j’ai vécue lors de mon entrée sur la place. Il y avait une femme âgée, d’un certain âge, une grand-mère. Elle portait dans ses bras son petit-fils d’environ deux mois, pas plus. Quand je suis passé, elle me l’a fait voir.

Elle souriait, et elle arborait un sourire de complicité, comme pour me dire : ‘‘Regarde, à présent, je peux rêver’’. Sur le champ, j’ai été pris d’émotion et je n’ai pas eu le courage d’aller la chercher pour la conduire ici devant. C’est pourquoi j’en parle. Les grands-parents nourrissent des rêves quand leurs petits-fils progressent et les petits-fils ont du courage lorsqu’ils prennent racines des grands-parents.

La Roumanie est le “jardin de la Mère de Dieu” et dans cette rencontre, j’ai pu m’en rendre compte, parce qu’elle est une Mère qui cultive les rêves de ses enfants, qui en garde les espérances, qui apporte la joie dans la maison. C’est une Mère tendre et concrète qui prend soin de nous.

Vous êtes la communauté vivante et florissante, pleine d’espérance que nous pouvons offrir à notre Mère. A elle, à la Mère, nous consacrons l’avenir des jeunes, l’avenir des familles et de l’Église. Mulțumesc! [Merci!]


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Transformer les rancunes et la méfiance en de nouvelles possibilités de communion

Au début de sa deuxième journée en Roumanie, le Pape a présidé une messe dans le sanctuaire marial de Sumuleu-Ciuc, située dans la petite ville transylvanienne de Miercurea Ciuc. Dans son homélie, le Saint-Père a rappelé que tous les chrétiens étaient en pèlerinage, invités à marcher ensemble sous le regard de Marie.

VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS EN ROUMANIE
(31 MAI – 2 JUIN 2019)

MESSE

HOMÉLIE DU SAINT-PÈRE

Sanctuaire de Sumuleu-Ciuc
Samedi 1er juin 2019


Avec joie et reconnaissance à Dieu, je me trouve aujourd’hui avec vous, chers frères et sœurs, dans ce cher Sanctuaire marial, riche d’histoire et de foi, où, en tant qu’enfants, nous venons rencontrer notre Mère et nous reconnaître comme frères.

Partir en pèlerinage comme peuple

Les sanctuaires, lieux quasi “sacramentels” d’une Église hôpital de campagne, gardent la mémoire du peuple fidèle qui, au milieu de ses épreuves, ne se lasse pas de chercher la source d’eau vive où rafraîchir son espérance. Ce sont des lieux de fête et de célébration, de larmes et de demandes.

Nous venons aux pieds de la Mère, sans beaucoup de paroles, pour nous laisser regarder par elle et pour qu’avec son regard, elle nous mène à Celui qui est le Chemin, la Vérité et la Vie (Jn 14, 6).

Nous ne le faisons pas de n’importe quelle manière, nous sommes des pèlerins. Ici, chaque année, le samedi de Pentecôte, vous vous rendez en pèlerinage pour honorer le vœu de vos aïeux et pour fortifier votre foi en Dieu et votre dévotion à la Vierge, représentée par cette statue monumentale en bois.

Ce pèlerinage annuel appartient à l’héritage de la Transylvanie, mais il honore en même temps les traditions religieuses roumaines et hongroises ; y participent aussi des fidèles d’autres confessions et il est un symbole de dialogue, d’unité et de fraternité, un appel à retrouver les témoignages d’une foi devenue vie et d’une vie qui s’est faite espérance.

Partir en pèlerinage, c’est savoir que nous venons comme peuple dans notre maison. C’est savoir que nous avons conscience de constituer un peuple. Un peuple dont les mille visages, les mille cultures, langues et traditions sont la richesse ; le saint Peuple fidèle de Dieu qui est en pèlerinage avec Marie, chantant la miséricorde du Seigneur.

Dépasser les rancœurs, ne pas se faire voler la fraternité

Si, à Cana en Galilée, Marie a intercédé auprès de Jésus pour qu’il accomplisse le premier miracle, dans chaque sanctuaire, elle veille et intercède non seulement auprès de son Fils mais aussi auprès de chacun de nous pour que nous ne nous laissions pas voler la fraternité par les voix et les blessures qui nourrissent la division et le cloisonnement.

Les vicissitudes complexes et tristes du passé ne doivent pas être oubliées ou niées, mais elles ne peuvent pas constituer non plus un obstacle ou un argument pour empêcher une coexistence fraternelle désirée.

Partir en pèlerinage signifie se sentir appelés et poussés à marcher ensemble, en demandant au Seigneur la grâce de transformer les rancœurs et les méfiances anciennes et actuelles en de nouvelles opportunités de communion ; c’est quitter nos sécurités et notre confort à la recherche d’une nouvelle terre que le Seigneur veut nous donner.

Partir en pèlerinage, c’est le défi de découvrir et de transmettre l’esprit du vivre ensemble, de ne pas avoir peur de nous mélanger, de nous rencontrer et de nous aider. Partir en pèlerinage, c’est participer à cette marée un peu chaotique qui peut se transformer en une véritable expérience de fraternité, en une caravane toujours solidaire pour bâtir l’histoire (cf. Exhortation. apostolique Evangelii gaudium, n.87).

Partir en pèlerinage, c’est regarder non pas tant ce qui aurait pu être (et n’a pas été) mais tout ce qui nous attend et que nous ne pouvons pas reporter davantage. C’est croire au Seigneur qui vient et qui est au milieu de nous, promouvant et encourageant la solidarité, la fraternité, le désir du bien, de vérité et de justice (cf. ibid., n.71).

Partir en pèlerinage, c’est s’engager à lutter pour que ceux qui hier étaient demeurés en arrière deviennent les protagonistes de demain, et pour que les protagonistes d’aujourd’hui ne soient pas laissés en arrière demain. Et cela, chers frères et sœurs, requiert le travail artisanal de tisser ensemble l’avenir. C’est pourquoi nous sommes ici pour dire ensemble : Mère enseigne-nous à bâtir l’avenir.

Sous le regard de Marie

Le pèlerinage dans ce sanctuaire tourne notre regard vers Marie et vers le mystère de l’élection de Dieu. Elle, une jeune fille de Nazareth, petite localité de Galilée, à la périphérie de l’empire romain et aussi à la périphérie d’Israël, a été capable par son ‘oui’ d’engager la révolution de la tendresse (cf. ibid., n.88).

Le mystère de l’élection de Dieu qui pose son regard sur le faible pour confondre les forts, nous pousse et nous encourage nous aussi à dire “oui”, comme elle, comme Marie, afin de parcourir les chemins de la réconciliation.

Chers frères et sœurs, ne l’oublions pas : celui qui risque, le Seigneur ne le déçoit pas ! Marchons et marchons ensemble, prenons des risques, en laissant l’Évangile être le levain capable de tout imprégner et de donner à nos peuples la joie du salut, dans l’unité et dans la fraternité.

 

 


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Prière du Notre Père dans la nouvelle cathédrale orthodoxe de Bucarest

Dans l’imposante cathédrale orthodoxe du Salut de la nation roumaine, en plein cœur de Bucarest, devant la splendide iconostase de la cathédrale encore en chantier, un temps de prière a réuni le Pape François et le patriarche Daniel autour du Notre Père, vendredi 31 mai 201, avec le Notre Père en latin et de trois cantiques catholiques de Pâques, suivi du Notre Père en roumain et de trois cantiques orthodoxes de Pâques.

Icône de saint André apôtre
Icône de saint André apôtre

VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS EN ROUMANIE
(31
MAI – 2 JUIN 2019)

PRIÈRE DU NOTRE-PÈRE

SALUT DU SAINT-PÈRE

Nouvelle Cathédrale orthodoxe (Bucarest)
Vendredi 31 mai 2019


Sainteté, cher Frère, chers frères et sœurs !

Je voudrais exprimer ma gratitude et mon émotion de me trouver en ce temple saint, qui nous rassemble dans l’unité. Jésus a appelé les frères André et Pierre à laisser les filets pour devenir ensemble des pêcheurs d’hommes (cf. Mc 1, 16-17). L’appel personnel n’est pas complet sans celui du frère. Nous voulons aujourd’hui, élever, les uns à côté des autres, du cœur du pays, la prière du Notre Père.

Notre identité d’enfants y est contenue et, aujourd’hui de manière particulière, [notre identité] de frères qui prient l’un à côté de l’autre. La prière du Notre Père contient la certitude de la promesse faite par Jésus à ses disciples : « Je ne vous laisserai pas orphelins » (Jn 14, 18), et elle nous donne confiance pour recevoir et accueillir le don du frère.

Je voudrais donc partager quelques paroles en préparation à la prière que je réciterai pour notre chemin de fraternité et pour que la Roumanie puisse toujours être une maison pour tous, une terre de rencontre, un jardin où fleurissent la réconciliation et la communion.

Une prière de fils, une prière de frères

Chaque fois que nous disons Notre Père, nous rappelons que le mot Père ne peut pas être sans dire notre. Unis dans la prière de Jésus, nous nous unissons aussi à son expérience d’amour et d’intercession qui nous conduit à dire : mon Père et votre Père, mon Dieu et votre Dieu (cf. Jn 20, 17). C’est une invitation à ce que le “mon” se transforme en notre et que le notre devienne prière.

Aide-nous, Père, à prendre au sérieux la vie du frère, à faire nôtre son histoire. Aide-nous, Père, à ne pas juger le frère pour ses actions et ses limites, mais à l’accueillir d’abord comme ton enfant. Aide-nous à vaincre la tentation de nous sentir des fils aînés, qui, à force de rester au centre, oublient le don de l’autre (cf. Lc 15, 25-32).

A Toi, qui es aux cieux – les cieux qui embrassent tout le monde et où tu fais lever le soleil sur les bons et sur les méchants, les justes et les injustes (cf. Mt 5, 45), à Toi nous demandons cette entente que nous n’avons pas su préserver sur terre. Nous la demandons par l’intercession de tant de frères et sœurs dans la foi qui habitent ensemble ton Ciel après avoir cru, aimé et beaucoup souffert, également de nos jours, du seul fait d’être chrétien.

Sainteté du Nom

Nous voulons aussi, comme eux, sanctifier ton nom en le mettant au centre de toutes nos préoccupations. Que ce soit ton Nom Seigneur, et non pas le nôtre qui nous pousse et nous éveille à exercer la charité.

Combien de fois, en priant, nous nous limitons à demander des dons, et à faire la liste de requêtes, en oubliant que la première chose à faire est de louer ton nom, adorer ta personne, pour, ensuite, reconnaître dans la personne du frère que tu as mis à côté de nous ton reflet vivant. Au milieu de tant de choses qui passent et pour lesquelles nous nous inquiétons, aide-nous, Père à rechercher ce qui demeure : ta présence et celle du frère.

Règne et Volonté divine

Nous sommes dans l’attente que ton règne vienne : nous le demandons et nous le désirons car nous voyons que les dynamiques du monde ne le favorisent pas. Des dynamiques orientées par les logiques de l’argent, des intérêts, du pouvoir.

Alors que nous nous trouvons plongés dans une consommation toujours plus effrénée, qui séduit avec des éclats scintillants mais évanescents, aide-nous, Père, à croire ce pourquoi nous prions : renoncer aux sécurités confortables du pouvoir, aux séductions trompeuses de la mondanité, à la présomption vide de nous croire autosuffisants, à l’hypocrisie de soigner les apparences. Ainsi, nous ne perdrons pas de vue ce Règne où tu nous appelles.

Que ta volonté soit faite, non la nôtre. « La volonté de Dieu c’est le salut de tous » (Saint Jean Cassien, Conférences spirituelles, IX, n. 20). Nous avons besoin, Père, d’élargir les horizons afin de ne pas réduire à nos limites ta miséricordieuse volonté de salut, qui veut embrasser tout le monde.

Aide-nous, Père, en envoyant sur nous, comme à la Pentecôte, l’Esprit Saint, auteur du courage et de la joie, pour qu’il nous pousse à annoncer le joyeuse nouvelle de l’Évangile au-delà des frontières de nos appartenances, des langues, des cultures et des nations.

Le pain du service et le pain de la mémoire

Chaque jour nous avons besoin de Lui, notre pain quotidien. Il est le pain de la vie (cf. Jn 6, 35.48), qui nous fait nous sentir enfants aimés, et qui nourrit toute solitude et toute situation d’orphelin. Il est le pain du service : il est rompu pour se faire notre serviteur, il nous demande de nous servir mutuellement (cf. Jn 13, 14). Père, alors que tu nous donnes le pain quotidien, nourris en nous la nostalgie du frère, le besoin de le servir.

En demandant le pain quotidien, nous te demandons aussi le pain de la mémoire, la grâce d’affermir les racines communes de notre identité chrétienne, racines indispensables en un temps où l’humanité, et les jeunes générations en particulier, risquent de se sentir déracinées au milieu de tant de situations liquides, dans l’incapacité de fonder leur existence.

Que le pain que nous demandons, avec sa longue histoire qui va de la semence à l’épi, de la récolte à la table, inspire en nous le désir d’être de patients cultivateurs de communion qui ne se fatiguent pas de faire germer des semences d’unité, de faire lever le bien, d’œuvrer toujours à côté du frère : sans suspicion et sans distance, sans contrainte et sans homologations, dans la convivialité des diversités réconciliées.

Le pain que nous demandons aujourd’hui est aussi le pain dont chaque jour beaucoup sont privés, alors que quelques-uns ont du superflu. Le Notre Père n’est pas une prière qui tranquillise, c’est un cri face aux pénuries d’amour de notre époque, face à l’individualisme et à l’indifférence qui profanent ton nom, Père. Aide-nous à avoir faim de nous donner.

Rappelle-nous, chaque fois que nous prions, que pour vivre nous n’avons pas besoin de nous conserver, mais de nous rompre ; de partager, non pas d’accumuler ; de nourrir les autres plus que de nous remplir nous-mêmes, car le bien être est tel seulement s’il appartient à tous.

Le pardon fraternel

Chaque fois que nous prions, nous demandons que nos dettes soient remises. Il nous faut du courage, parce qu’en même temps nous nous engageons à remettre les dettes que les autres ont envers nous. Par conséquent, nous devons trouver la force de pardonner de tout cœur au frère (cf. Mt 18, 35) comme toi, Père, tu pardonnes nos péchés : de laisser derrière nous le passé et d’embrasser ensemble le présent.

Aide-nous, Père, à ne pas céder à la peur, à ne pas voir dans l’ouverture un danger ; à avoir la force de nous pardonner et de marcher, le courage de ne pas nous contenter d’une vie tranquille et de rechercher toujours, avec transparence et sincérité, le visage du frère.

Délivrance de la tentation et du mal

Et quand le mal, tapi à la porte du cœur, (cf. Gn 4, 7), nous incitera à nous enfermer en nous-mêmes ; quand la tentation de nous isoler se fera plus forte, en cachant la réalité du péché, qui est éloignement de Toi et de notre prochain, aide-nous encore, Père. Encourage-nous à trouver dans le frère ce soutien que tu as mis à nos côtés pour marcher vers Toi, et ensemble avoir le courage de dire : “Notre Père”. Amen.

Et maintenant récitons la prière que le Seigneur nous a enseignée.


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