Le Pape François a rencontré ce jeudi 7 septembre au palais épiscopal de Bogotà la quasi-totalité des 130 évêques de Colombie, auxquels il a délivré une invitation vigoureuse à œuvrer pour la paix et pour l’unité du pays.
Manifestant une grande proximité et de l’affection pour ces évêques dont beaucoup sont ses amis personnels, le Pape les a invités à se lever frontalement contre les plaies qui minent cette nation, notamment la violence, la corruption et le narcotrafic.
«Je viens annoncer le Christ et parcourir en son nom un itinéraire de paix et de réconciliation». le Pape a rendu hommage à la beauté de cette nation, qui se dérobe «à ceux qui se présentent comme des étrangers avides de s’en accaparer, et en revanche, s’offre généreusement à celui qui touche son cœur par la douceur du pèlerin».
«La Colombie a besoin de votre regard (…) pour la soutenir dans le courage du premier pas vers la paix définitive, la réconciliation, vers le renoncement à la violence comme méthode, vers la suppression des inégalités qui sont la racine de nombreuses souffrances, la renonciation au chemin facile mais sans issue de la corruption, la patiente et persévérante consolidation de la ‘‘res publica’’ qui demande l’éradication de la misère et de l’inégalité.»
«Vous connaissez comme peu de personnes la déformation du visage de ce pays ; vous êtes les gardiens des pièces fondamentales qui l’unifient, malgré ses lacérations.» «À travers vos lèvres de pasteurs légitimes du Christ, tels que vous êtes, la Colombie a le droit d’être interpellée par la vérité de Dieu, qui répète sans cesse : ‘Où est ton frère ?’ » (Gn 4, 9)
C’est une interrogation, qui ne peut être tue, même quand celui qui l’écoute ne peut que baisser le regard, confus, et balbutier sa propre honte de l’avoir vendu, peut-être au prix d’une dose de stupéfiant ou d’une idée équivoque de raison d’État, peut-être à cause de la fausse conscience que la fin justifie les moyens.
Prendre soin des familles, des jeunes et des consacrés
«Je pense aux familles colombiennes, à la défense de la vie depuis le sein maternel jusqu’à sa fin naturelle, au fléau de la violence et de l’alcoolisme touchant souvent les foyers, à la fragilité du lien matrimonial et à l’absence des parents avec ses conséquences tragiques d’insécurité et qui font des orphelins».
Le Pape a évoqué aussi les «nombreux jeunes menacés par le vide de l’âme et entraînés dans la fuite de la drogue, dans le style d’une vie facile, dans la tentation de la subversion».
Les jeunes «aiment se sentir aimés». «Ils se méfient de ceux qui les sous-estiment, ils demandent une cohérence limpide et espèrent être impliqués. Recevez-les, par conséquent, avec le cœur du Christ et ouvrez-leur des espaces dans la vie de vos Églises. Ne prenez part à aucune négociation qui brade leurs espérances. N’ayez pas peur de hausser sereinement la voix pour rappeler à tous qu’une société qui se laisse séduire par le mirage du narcotrafic s’introduit elle-même dans cette métastase morale qui mercantilise l’enfer et sème partout la corruption et, en même temps, engraisse les paradis fiscaux.»
Le Pape a invité les évêques à être des pères pour leurs prêtres, et à prendre soin des personnes consacrées qui «constituent la gifle kérygmatique à toute la mondanité et sont appelés à brûler toute vague de valeurs mondaines dans le feu des béatitudes vécues sans glose et dans l’abaissement total de soi dans le service».
Défendre l’Amazonie
Le Pape les a enfin invités à prendre soin de l’Amazonie, en prenant notamment la défense des peuples indigènes. «Je me demande si nous sommes encore capables d’apprendre d’eux la sacralité de la vie, le respect de la nature, la conscience du fait qu’à elle seule la raison instrumentale n’est pas suffisante pour combler le vide de l’homme et répondre à ses inquiétudes les plus chargées d’interrogations.»
Il a conclu en évoquant une anecdote personnelle : «J’ai entendu que dans certaines langues locales amazoniennes, pour se référer au mot ‘‘ami’’, on utilise l’expression ‘‘mon autre bras’’. Soyez par conséquent l’autre bras de l’Amazonie. La Colombie ne peut l’amputer sans être mutilée dans son visage et dans son âme. »
Discours intégral du Pape aux évêques de Colombie (page 2)