le jour de la Pentecôte

le jour de la Pentecôte

Vénérés frères et chers enfants!

Pentecôte vitrail cathédrale de Bayeux
Pentecôte vitrail cathédrale de Bayeux

1. Voici encore venu pour nous, selon l’ordre du calendrier liturgique, « le jour de la Pentecôte » (Actes 2: 1),  un jour de solennité particulière qui se joint, pour la dignité de la célébration et la richesse de la spiritualité contenue, au jour de Pâques.

Est-il possible d’établir une comparaison entre la Pentecôte, dont parlent les Actes des Apôtres, celle qui a eu lieu cinquante jours après la résurrection du Seigneur, et la Pentecôte aujourd’hui ? Oui, c’est non seulement possible, mais sûr, incontestable et corroborant un tel lien dans la vie et la vie de l’Église, à la fois au niveau de ses deux mille ans d’histoire et de la réalité du temps que nous vivons, en tant qu’hommes de cette génération.

Nous avons le droit, le devoir et la joie de dire que la Pentecôte continue. Nous parlons légitimement de la « pérennité » de la Pentecôte. Nous savons en effet que, cinquante jours après Pâques, les apôtres, réunis dans ce même cénacle, qui avait déjà été le lieu de la première Eucharistie et, par la suite, de la première rencontre avec le ressuscité, découvrent en eux-mêmes la force du Saint-Esprit descendu sur eux, la force de celui que le Seigneur leur avait promis à plusieurs reprises au prix de sa souffrance par la croix, et fortifiés par cette force, ils commencent à agir, c’est-à-dire à accomplir leur service.

L’église apostolique est née. Mais encore aujourd’hui – voici le lien – la basilique de Saint Pierre, ici à Rome, est comme une extension, une continuation du cénacle primitif de Jérusalem, tout comme chaque temple et chapelle, comme tout lieu, où disciples et confesseurs du Seigneur, nous-mêmes sommes réunis ici pour renouveler le mystère de ce grand jour.

Ce mystère doit se manifester d’une manière particulière – comme vous le savez – à travers le sacrement de la confirmation, qu’aujourd’hui, après une préparation appropriée, sont sur le point de recevoir les nombreux enfants et jeunes chrétiens du diocèse de Rome réunis ici.

Ma première salutation va à ces enfants, précisément parce qu’ils sont les destinataires du « don du Dieu le plus élevé » et les bénéficiaires de l’action ineffable de son Esprit, ce qui signifie la prédilection et la confiance que j’ai pour eux. Je salue ensuite leurs parrains et marraines, leurs parents et proches et tous ceux qui participent, en union d’intentions et de sentiments, à cette célébration significative et suggestive.

2. Nous devons à présent réfléchir sur le fait que la Pentecôte a commencé le soir même de la résurrection, lorsque le Seigneur ressuscité – comme nous vient de le dire l’Évangile (Jn 20, 19-20) – est venu pour la première fois parmi ses apôtres en Cénacle et, après les avoir salués avec le souhait de la paix, leur a soufflé dessus et dit : « Recevez le Saint-Esprit : à qui vous pardonnez les péchés, ils seront pardonnés … » (Jn 20, 22-23).

Ici, c’est le cadeau de Pâques, car nous sommes le premier jour, comme pour dire à l’élément générateur de cette série numérique de jours, où le jour de la Pentecôte est exactement le cinquantième ; parce que nous sommes au point de départ, qu’est la réalité de la résurrection, pour laquelle, selon une relation de hasard plutôt que de chronologie, le Christ a donné le Saint-Esprit à l’Église comme don divin et comme source incessante et inépuisable de sanctification.

En d’autres termes, nous devons considérer que, le soir même de sa résurrection, avec une ponctualité impressionnante, le Christ a rempli la promesse faite à la fois en privé et en public, à la femme de Samarie et à la foule des Juifs, quand il parlait d’une eau vive et salutaire, et invité à aller vers lui afin de pouvoir la puiser en lui en abondance et étancher sa soif à jamais (cf. Jn 4, 10.13-14; 7.37).

« Et cela dit – commente l’évangéliste – en référence à l’Esprit, que les croyants recevraient ; en fait, l’Esprit n’était pas encore là, parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié « (Jn 7, 39). Ainsi, dès la glorification, cette même promesse d’envoi,-arrivée de l’Esprit paraclet, confirma formellement à ses apôtres avant qu’il ne souffrit » (Jn 14: 16.26; 15.26; 16.7-8.13), que c’était immédiatement satisfait.

«Recevez le Saint-Esprit …», et ce don de sainteté commence à agir immédiatement : la sanctification commence – selon les paroles mêmes de Jésus – à partir de la rémission des péchés. Il y a d’abord le baptême, le sacrement de l’annulation totale des péchés, quels que soient leur nombre et leur gravité, puis il y a la pénitence, le sacrement de la réconciliation avec Dieu et avec l’Église, et encore l’onction des malades.

Mais cette œuvre de sanctification atteint toujours son apogée dans l’Eucharistie, sacrement de la plénitude de la sainteté et de la grâce. Et quelle est la place de la confirmation dans ce flux admirable de vie surnaturelle ? Il faut dire que la même sanctification s’exprime aussi dans le renforcement, précisément dans la confirmation.

Même en elle, en fait, il y a une plénitude surabondante de l’Esprit Saint et sanctifiant, en elle il y a l’Esprit de Jésus pour opérer dans une direction particulière et avec sa propre efficacité : c’est la direction dynamique, c’est l’efficacité de l’action directe et inspirée de l’intérieur. Cela aussi était prévu et prédit : « Mais vous, restez dans la ville, jusqu’à ce que vous soyez revêtu du pouvoir d’en haut » (Lc 24,49); « Mais vous aurez la force du Saint-Esprit, qui descendra sur vous » (Actes 1,8).

La nature du sacrement de la confirmation découle de cette autonomisation qui est communiquée à chaque baptisé par l’Esprit de Dieu, pour faire de lui – selon la terminologie catéchétique bien connue – un parfait chrétien et soldat du Christ, prêt à témoigner courageusement de sa résurrection et de sa vertu rédemptrice : « Et vous serez mes témoins » (Actes 1,8).

3. Si tel est le sens particulier de la confirmation, de la revigoration en nous « de l’homme intérieur », dans la triple ligne de la foi, de l’espérance et de la charité, il est facile de comprendre comment elle, en conséquence directe, a également une grande signification pour la construction de la communauté de l’Église comme corps du Christ (cf. 1Cor 12).

Ce second sens doit également être mis en évidence, car il permet de saisir, en plus de la dimension personnelle, la dimension communautaire et, à juste titre, la dimension ecclésiale dans l’action fortifiante de l’Esprit. Nous avons écouté Paul qui nous a parlé de cette action et de la distribution, par l’Esprit, de ses charismes « d’usage commun ».

N’est-il pas vrai que, dans cette perspective élevée, doit être vu le sujet vaste et aujourd’hui si actuel de l’apostolat et, surtout, de l’apostolat des laïcs ? Si « chacun reçoit une manifestation particulière de l’Esprit pour une utilité commune », comment un chrétien peut-il se sentir aliéné, indifférent ou exonéré dans le travail de construction de l’Église ? La nécessité de l’apostolat laïc découle d’ici et se définit comme une réponse appropriée aux dons reçus.

À cet égard, je pense qu’il sera bon de reprendre – je me limite à un simple indice – ce texte conciliaire qui, sur les fondements bibliques et théologiques de notre insertion par le baptême dans le corps mystique du Christ et la force reçue par l’Esprit par la confirmation, présente dans le ministère qui appartient à chaque membre de l’Église comme un «noble engagement à travailler».

«Pour l’exercice de cet apostolat – ajoute-t-on – le Saint-Esprit fait aussi des dons spéciaux aux fidèles», de sorte que l’obligation de fonctionner et de coopérer à « l’édification de tout le corps dans la charité » en découle (cf. Apostolicam Actuositatem proem. et 3).

4. La confirmation – comme nous le savons tous et comment elle vous a été expliquée, chers jeunes, à qui elle est conférée aujourd’hui – n’est reçue qu’une fois dans la vie. Cependant, elle doit laisser une trace durable : précisément parce qu’elle marque indélébilement l’âme, elle ne peut jamais être réduite à un lointain souvenir ou à une pratique religieuse évanescente bientôt épuisée.

Nous devons donc nous demander comment la rencontre sacramentelle et vitale avec le Saint-Esprit, que nous avons reçue des mains des apôtres par la confirmation, peut et doit se poursuivre et s’enraciner plus profondément dans la vie de chacun de nous.

La séquence de la Pentecôte « Veni Sancte Spiritus » nous le montre magnifiquement : elle nous rappelle tout d’abord que nous devons invoquer ce don admirable avec foi, avec insistance, et elle nous enseigne également comment et quand nous devons l’invoquer.

Oh ! Viens, Saint-Esprit, envoie-nous un rayon de ta lumière … Consolateur parfait, donne-nous ton doux soulagement, repose-nous dans la fatigue et réconforte-nous dans les larmes. Donne-nous ta force, car sans elle rien n’est en nous, rien n’est sans faute!

5. Comme je l’ai mentionné au début, la Pentecôte est un jour de joie, et j’aime exprimer, une fois de plus, un tel sentiment du fait que nous pouvons ainsi renouveler le mystère de la Pentecôte dans la basilique Saint-Pierre. Mais l’Esprit de Dieu n’est pas circonscrit : il respire où il veut (Jn 3, 8), il pénètre partout, avec une liberté souveraine et universelle.

C’est pour cette raison que de l’intérieur de cette basilique, en tant qu’humble successeur de Pierre, qui, le jour de la Pentecôte, a inauguré le ministère de la Parole avec un courage apostolique sans peur, je trouve maintenant la force de crier « urbi et orbi »: « Viens, Esprit Saint, remplis le cœur de tes fidèles, et allume en eux le feu de ton amour « . Qu’il en soit ainsi pour toute l’Église, pour toute l’humanité !

HOMÉLIE DE SAINT JEAN PAUL II  LORS DE LA MESSE EN LA SOLENNITÉ DE PENTECÔTE AVEC  SACREMENT DE CONFIRMATION – Basilique Saint-Pierre, 25 mai 1980 – Il y a 40 ans !