Tous les articles par P. Jean-Daniel Planchot

la croix de Jésus n’est pas un ornement, ni un accessoire de mode

La croix de Jésus n’est pas «un objet ornemental», ni un «accessoire de mode», mais «un signe religieux à contempler et à comprendre» :  c’est ce qu’a dit le Pape François sans sa catéchèse ce 5e dimanche de Carême 18 mars 2018, avant de prier l’Angélus, Place Saint Pierre.

Partant de l’Évangile de ce dimanche, le Pape a exprimé le sens profond de la mort et de la résurrection du Christ, à la lumière de l’image utilisée par Jésus lui-même : celle du grain de blé.

L’Évangile de Saint Jean raconte un épisode survenu peu de jours avant la mort de Jésus, au moment de la Pâque juive. A cette occasion, plusieurs Grecs présents à Jérusalem s’approchent de l’apôtre Philippe, et demandent à voir le «grand prophète» dont tout le monde parle.

Mais la réponse de Jésus a de quoi surprendre. «L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié.» Il semble ignorer la requête qui lui est présentée. Mais en fait, ces mystérieuses paroles donnent la «vraie réponse», analyse le Pape, car celui qui «veut connaitre Jésus doit regarder vers la croix, où Il révèle sa gloire».

Entrer dans les plaies du crucifié

l’Évangile d’aujourd’hui nous invite à «tourner notre regard vers le crucifix, qui n’est pas un objet ornemental ou un accessoire de mode, mais un signe religieux à contempler et à comprendre». «Comment est-ce que je regarde le crucifix ? Comme une œuvre d’art ? (…)»

Regardons plutôt la croix «à l’intérieur», pour « entrer dans les plaies de Jésus, dans son cœur» ;  là «nous apprendrons la grande sagesse du mystère du Christ, la grande sagesse de la croix», là encore «se dévoile le mystère de la mort du Fils de Dieu comme acte suprême d’amour, source de vie et de salut» pour notre humanité.

Jésus est le grain de blé tombé en terre

«Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit» (Jn 12, 24). Le Christ veut ainsi faire comprendre que son sacrifice est un «acte de fécondité», à l’image de ce grain de blé qui, «pourrissant dans la terre, génère une vie nouvelle».

«Avec l’incarnation, Jésus vient sur la terre, mais cela ne suffit pas ; Il doit aussi mourir, pour racheter les hommes de l’esclavage du péché, et leur donner une vie nouvelle réconciliée dans l’amour».

Que signifie «donner sa vie» ?

«Nous sommes appelés à faire nôtre la loi pascale de perdre la vie pour la recevoir, éternelle et nouvelle». Mais que signifie concrètement «perdre la vie» ? Cela veut dire «penser moins à soi, à ses propres intérêts, et savoir ‘voir’ et aller à la rencontre des besoins de notre prochain, surtout les derniers».

«Accomplir avec joie des actes de charité» à l’attention des plus faibles : voilà la «façon la plus authentique de vivre l’Évangile », le «fondement nécessaire pour que nos communautés grandissent dans la fraternité et l’accueil réciproque».

En conclusion

«Que la Vierge Marie, qui a toujours gardé le regard fixé sur son Fils depuis la crèche de Bethléem jusqu’à la croix du Calvaire, nous aide à le rencontrer et à le connaître comme Il veut, afin que nous puissions vivre éclairés par Lui et apporter au monde des fruits. de justice et de paix.»

imiter l’humilité de Padre Pio

Le Pape François s’est rendu ce matin sur les terres de Padre Pio, d’abord à Pietrelcina, en Campanie, le village natal du saint capucin, puis dans les Pouilles, à San Giovanni Rotondo. Dans cette ville où Padre Pio avait vécu l’essentiel de sa vie religieuse le Pape François a présidé la messe devant des fidèles, certains venus de loin avec les groupes de prière liés à la spiritualité de Padre Pio, décédé il y a cinquante ans.

Sanctuaire Sainte Marie des Grâces à San Giovanni Rotondo

«La prière, la petitesse, la sagesse» :  trois axes sur lesquels le Pape François a développé sa réflexion, enracinée sur le modèle de dépouillement assumé par Padre Pio tout au long de sa vie.

La prière tout d’abord, car «si nous voulons imiter Jésus, nous commençons nous aussi par là où Il commençait, c’est-à-dire par la prière». Les prières ne sont pas des «tranquillisants à prendre à doses régulières, pour être un peu soulagé du stress, non, la prière est un geste d’amour, pour être avec Dieu et lui apporter la vie du monde : c’est une œuvre indispensable de miséricorde spirituelle.»

Deuxième critère, la petitesse. «Les petits sont ceux qui ont besoin des grands, qui ne sont pas autosuffisants, qui ne pensent pas se suffire à eux-mêmes. Les petits sont ceux qui ont le cœur humble et ouvert», a expliqué le Pape, leur cœur est «comme une antenne qui capte le signal de Dieu. Parce que Dieu cherche le contact avec tous, mais celui qui se fait grand crée une énorme interférence : quand on est plein de soi-même, il n’y a pas de place pour Dieu.»

Enfin, troisième critère, la sagesse. «Celui qui se montre fort n’est pas sage, et celui qui répond au mal par le mal n’est pas fort. L’unique arme sage et invincible est la charité animée par la foi, parce qu’elle a le pouvoir de désarmer les forces du mal.»

Des illustrations concrètes de ces trois notions sont tirées des œuvres du Padre Pio (les groupes de prière, la « Casa Sollievo » et le confessionnal). Avant la messe, le Pape a rencontré la communauté franciscaine de San Giovanni Rotondo, et il a également visité la Casa Sollievo della Sofferenza, la Maison du Soulagement de la Souffrance, un hôpital inauguré par Padre Pio en 1956.

Prière à la Vierge Marie (Padre Pio)

Je vous salue, Mère Sainte, abîme de grâce et de pureté, chef d’œuvre incomparable du Créateur, tabernacle du Très-Haut, dépositaire des secrets divins, femme revêtue de lumière, colombe ravissante, très pure lumière qui renouvelle la création pour celui que tu portes dans ton sein, comme la rosée dans la rose.

Premier pas sur le chemin de notre salut, étoile du matin, guide sûr de l’humanité vers le soleil divin, Jésus.

Pour préparer l’Annonciation

Vierge MarieLa Bienheureuse Vierge Marie, «comblée de grâce» (Lc 1, 28), est dispensatrice de cette grâce. L’invoquer, c’est entrer, par une porte toute spéciale, dans l’espace de cette grâce pour y trouver assistance et protection. Marie, qui habite l’intériorité et le silence, invite à partager ces biens. Concentré puis douloureux, son visage est, de diverses manières, l’une des figures les plus éloquentes de « l’hospitalité du silence » (Jean-Louis Chrétien, L’Arche de la parole) . Au XVIIe siècle, le cardinal de Bérulle, cité par Chrétien, affirmait que «c’était le partage de la Vierge en ce saint temps d’être en silence ». Puis, il développait : « C’est son état, c’est sa voie, c’est sa vie. Sa vie est une vie de silence qui adore la parole éternelle. En voyant devant ses yeux, en son sein, en ses bras cette même parole, la parole substantielle du Père, être muette et réduite au silence par l’état de son enfance, elle rentre en un nouveau silence et y est transformée à l’exemple du Verbe incarné, qui est son Fils, son Dieu et son unique amour. […] Ce silence de la Vierge n’est pas un silence de bégaiement et d’impuissance, c’est un silence de lumière et de ravissement, c’est un silence plus éloquent, dans les louanges de Jésus, que l’éloquence même » (De la naissance et enfance de Jésus, Œuvres de piété, XXXIX).

Sans doute ce silence a-t-il, pour certains esprits, quelque chose d’insupportable. Il est assez logique, en fait, qu’il trouble, excite ou mette en rage les bavards. La hâte de parler est un mal répandu qui double la haine du silence. Mais cela ne suffit pas, il faut encore descendre une marche, pour en venir au vrai soulagement de cette démangeaison : la calomnie. Et d’ailleurs, quoi de plus adapté, de plus offert à la moquerie qu’un beau visage désarmé ? De la stupidité associée à la méchanceté et renforcée par la malhonnêteté naît ainsi la caricature d’une mièvre figure douceâtre et bleutée. Le culte populaire rendu à Marie sous toutes les latitudes, d’une manière parfois outrée, naïve, renforce le dédain et la condescendance des moqueurs. Mais il n’y a plus rien à craindre d’eux lorsque l’on tourne son regard, au moment de l’Ave Maria, vers la Vierge. Modèle d’intelligence intérieure — quoi qu’en disent les calomniateurs —, elle continue de garder le silence et « médite toutes ces choses dans son cœur» (Lc 2, 19).

Parallèlement, au mépris de ce que l’Église dit explicitement de la Vierge (par exemple dans la constitution dogmatique Lumen gentium de novembre 1964 qui stipule que Marie « coopère, d’une manière toute spéciale, à l’œuvre du Sauveur par son obéissance, sa foi, son espérance et son ardente charité », ou dans l’encyclique de Jean-Paul II Redemptoris Mater de mars 1987) , d’injustes opérations diffamatoires sont conduites. On parle ainsi, je l’ai lu récemment dans une savante revue, de « déification progressive » de la Vierge qui prendrait sa place dans la Sainte Trinité… pour en arrondir les angles suppose-t-on !

Mais finalement, qu’importe. « Les rhéteurs bavards / sont muets comme des carpes, / devant toi, ô mère de Dieu… Joie à toi, / qui fais taire les diserts, / Joie à toi, / car l’affabulation des poètes s’épuise… », dit un hymne de l’Église byzantine du vie siècle.

C’est au silence qu’il faut donc encore revenir, avant que ne retentisse le Magnificat. Dans l’« hospitalité » de ce silence montent, en lentes volutes, les litanies de la Vierge, « mère de toute grâce, mère du bon conseil, vierge digne de louange, miroir de la sainteté, source de notre joie, rose mystique, consolatrice de ceux qui pleurent, reine de tous les saints, reine de la paix… »

Tous les bavardages ont cessé, victimes de leur propre inanité. Un visage apparaît alors… Nul n’en parla mieux que Bernanos, dans son Jour­nal d’un curé de campagne. C’est le solide curé de Torcy, qui fait la leçon à son confrère d’Ambri­court. Il l’entretient de l’« ignorance» où est la Vierge de sa propre dignité, « une dignité qui la met pourtant au-dessus des anges ». Il parle de sa « solitude étonnante » d’où jaillit « une source si pure, si limpide, si limpide et si pure, qu’elle ne pouvait même pas y voir refléter sa propre image ». Il dit encore son « regard vraiment enfantin, le seul vrai regard d’enfant qui se soit jamais levé sur notre honte et notre malheur ». Il dit enfin, envahi de pitié pour son infortuné et brûlant interlocuteur, que « pour la bien prier, il faut sentir ce regard qui n’est pas tout à fait celui de l’indulgence — car l’indulgence ne va pas sans quelque expérience amère — mais de la tendre compassion, de la surprise douloureuse, d’on ne sait quel sentiment encore, inconcevable, inexprimable, qui la fait plus jeune que le péché, plus jeune que la race dont elle est issue, et bien que Mère par la grâce, Mère des grâces, la cadette du genre humain. »

Patrick KECHICHIAN