Tous les articles par P. Jean-Daniel Planchot

Celui qui devait livrer Jésus (Jn 12,4)

Celui qui devait livrer Jésus (Jn 12,4)

LUNDI (de la Semaine sainte) Is 42,1-7-  Jn 12,1-11

Pourquoi ne pas avoir vendu ce parfum trois cents deniers que l’on aurait donnés aux pauvres ? (Jn 12,5)

Judas avait ses travers. L’évangéliste Jean en souligne un très durement, le plus voyant sans doute : il tenait à l’argent. Sa foi doit donc lutter avec le mal subsistant dans son propre cœur, sa volonté de conversion avec des com­plications intérieures. Il faut dire que la cupidité est quel­que chose de bas, qui avilit.

Pierre, irréfléchi, impression­nable tant qu’on voudra, avait un cœur magnanime. Jean, le fanatique, brûlait d’un désir immense de se donner. Thomas, quoique méfiant, avait cette sincérité qui fait droit à la vérité, dès qu’elle se manifeste. Judas a dû avoir quelque chose de vulgaire.

Comment Jean aurait-il, autre­ment, pu l’appeler hypocrite et voleur, avec son intransi­geance coutumière, il est vrai ? (Jn 12,6) Comment aurait-il pu s’abaisser autrement jusqu’à trahir par un baiser de paix ? On n’arrive pas là tout d’un coup, mais à la suite d’une longue préparation. La possibilité du salut était mal­gré tout en lui. Il était appelé à devenir un apôtre et pou­vait l’être.

Mais un jour, la volonté de conversion a dû être paralysée. Nous ne savons pas à quel moment, peut-être à Capharnaùm, quand Jésus annonça l’Eucharistie et que les auditeurs trouvèrent son discours intolérable.

En cette circonstance l’opinion publique s’est détournée de Jésus, et beaucoup de ses disciples n’allèrent plus avec lui. Le cercle immédiat du Maître a dû être ébranlé aussi, car Jésus n’a pas demandé sans raison aux Douze : Voulez-vous partir, vous aussi ? (Jn 6,66-67)…

*

Peut-être est-ce alors que s’éteignit la foi de Judas… En restant, il s’exposait à un danger effroyable. La vie toute sainte, où toute pensée, tout jugement, toute action vien­nent de Dieu et vont à Dieu, n’est pas si facile à supporter.

C’est folie de penser qu’il est agréable, sans restriction, de vivre à côté d’un saint, surtout à côté du Fils de Dieu ; de s’imaginer qu’on ne peut pas ne pas devenir bon à ce con­tact. On peut y devenir un démon ! Le Seigneur lui-même le dit : N’est-ce pas moi qui vous ai choisis, vous les douze ? Et l’un de vous est un démon (Jn 6,70).

Judas ne l’avait pas été dès le début, comme le croit le peuple, il l’est devenu, et auprès du Sauveur. Oui, disons-le tran­quillement, auprès du Sauveur, car celui-ci est au monde pour la chute et la résurrection d’un grand nombre (Lc 2,34).

C’est surtout après Capharnaùm que la situation dut être intolérable pour lui. Avoir toujours cette figure devant les yeux, sentir à chaque instant sa pureté surhumaine, constater sans arrêt — c’était là le plus pénible — cette disposition de victime, cette volonté de se sacrifier pour les hommes, seul quelqu’un qui aimait Jésus pouvait sup­porter tout cela.

C’est déjà assez difficile de supporter — il faudrait dire de pardonner — la grandeur d’un homme quand on est petit soi-même. Mais que dire, s’il s’agit de grandeur religieuse, de grandeur divine dans le sacrifice, de la grandeur du Rédempteur !…

C’est alors que Judas est devenu l’allié naturel des ennemis du Maître. Tous ses instincts pharisaïques se sont réveillés en lui, et il a vu en Jésus un grand danger pour Israël. En même temps s’est fait sentir ce qu’il y avait de bas en lui. L’argent est rede­venu sa vie et une tentation toute-puissante, jusqu’au jour où il a suffi peut-être d’un rien, d’une rencontre, pour faire naître en lui l’horrible projet.

Romano Guardini Le Seigneur, Alsatia, 1964, t. 2, p. 62-64.

MOIS DE SAINT JOSEPH – XXVe JOUR

MOIS DE SAINT JOSEPH – XXVe JOUR

Saint Joseph détaché de la gloire.

Saint Joseph - Houchin - église St Omer
Saint Joseph – Houchin – église St Omer

BOSSUET

I

« Dieu, qui a établi son Évangile sur des contrariétés mystérieuses, ne se donne qu’à ceux qui se contentent de lui, et se détachent des autres biens. Il faut qu’Abraham quitte sa maison et tous les attachements de la terre avant que Dieu lui dise : « Je suis ton Dieu. » Il faut abandonner tout ce qui se voit pour mériter ce qui ne se voit pas ; et nul ne peut posséder ce grand tout s’il n’est au monde comme n’ayant rien.

« Si jamais il y eut un homme à qui Dieu se soit donné de bon cœur, c’est sans doute le juste Joseph, qui le tient dans sa maison et entre ses mains, et à qui il est présent à toutes les heures, beaucoup plus dans le cœur que devant les yeux. Voilà un homme qui a trouvé Dieu d’une façon bien particulière; aussi s’est-il rendu digne d’un si grand trésor par un détachement sans réserve. »

II

« Notre-Seigneur Jésus-Christ étant venu pour mourir et s’immoler, il a voulu mourir et s’immoler pour nous en toutes manières ; de sorte qu’il ne s’est point contenté de mourir de la mort naturelle ni de la mort la plus cruelle et la plus violente, mais il a encore voulu y ajouter la mort civile et politique. Et comme cette mort civile vient par deux moyens, ou par l’infamie ou par l’oubli, il a voulu subir l’une et l’autre.

« Victime pour l’orgueil humain, il a voulu se sacrifier par tous les genres d’humiliation, et il a donné à cette mort d’oubli les trente premières années de sa vie. Pour mourir avec Jésus-Christ, il nous faut mourir de cette mort, afin de pouvoir dire avec saint Paul : « Le monde est crucifié pour moi, et je suis crucifié pour le monde. »

« Saint Grégoire a donné de ce passage de l’Apôtre une belle interprétation : « Le monde, dit-il, est mort pour nous quand nous le a quittons; mais, ajoute-t-il, ce n’est pas assez : il faut, pour arriver à la perfection, que nous soyons morts pour lui et qu’il nous quitte; c’est-à-dire que nous devons nous mettre dans un tel état, que nous ne plaisions plus au monde, qu’il nous tienne pour mort, et qu’il ne nous compte plus pour être de ses parties et de ses intrigues, ni même de ses entretiens et de ses discours.

«C’est la haute perfection du christianisme; c’est là que l’on trouve la vie, parce que Ton apprend à jouir de Dieu, qui n’habite pas dans le tourbillon ni dans le tumulte du siècle, mais dans la paix et dans la solitude de la retraite.

« Ainsi était mort le juste Joseph. Enseveli avec Jésus-Christ et la divine Marie, il ne s’ennuyait pas de cette mort, qui le faisait vivre avec le Sauveur. Au contraire, il ne craint rien tant que le bruit et la vie du siècle viennent troubler ou interrompre le repos caché et intérieur.

« Mystère admirable : Joseph a, dans sa maison, de quoi attirer les yeux de toute la terre, et le monde ne le connaît pas : il possède un Dieu-homme, il n’en dit mot : il est témoin d’un si grand mystère, et il le goûte en secret, sans le divulguer.

« Les Mages et les pasteurs viennent adorer Jésus-Christ, Siméon et Anne publient ses grandeurs : nul autre ne pouvait rendre meilleur témoignage du mystère de Jésus-Christ, que celui qui en était dépositaire, qui savait le miracle de sa naissance, que l’Ange avait si bien instruit de sa dignité et du sujet de son envoi.

« Quel père ne parlerait pas d’un fils si aimable? et cependant, l’ardeur de tant d’âmes saintes qui s’épanchent devant lui, avec tant de zèle, pour célébrer les louanges de Jésus – Christ, n’est pas capable d’ouvrir sa bouche pour leur découvrir le secret de Dieu, qui lui a été confié.

« ‘Ils paraissaient étonnés’, dit l’Évangéliste, il semblait qu’ils ne savaient rien; ils écoulaient parler tous les autres, et ils gardaient le silence avec tant de religion, qu’on dit encore dans leur ville, au bout de trente ans: N’est-ce pas le fils de Joseph? sans qu’on ait rien appris, pendant tant d’années, du mystère de sa conception virginale.

« C’est qu’ils savaient l’un et l’autre que, pour jouir de Dieu en vérité, il fallait se faire une solitude; qu’il fallait rappeler en soi-même tant de désirs qui errent deçà et delà et tant de pensées qui s’égarent, qu’il fallait se retirer avec Dieu, et se contenter de sa vue. »

(Bossuet, 2e Panégyrique de saint Joseph.)

III

« Chrétiens, ne savez-vous pas que Jésus-Christ est encore caché ? Il souffre qu’on blasphème tous les jours son nom et qu’on se moque de son Évangile, parce que l’heure de sa grande gloire n’est pas arrivée. Il est caché avec son Père, et nous sommes cachés en Dieu avec lui, comme parle le divin Apôtre.

«Puisque nous sommes cachés avec lui, ce n’est pas en ce lieu d’exil que nous devons rechercher la gloire ; mais quand Jésus se montrera dans sa majesté, ce sera alors le temps de paraître.

« C’est là, fidèles, que vous verrez ce que je ne puis vous dire aujourd’hui; vous découvrirez les merveilles de la vie cachée de Joseph; vous saurez ce qu’il a fait durant tant d’années, et combien il est glorieux de se cacher avec Jésus-Christ.

« Ah! sans doute, il n’est pas de ceux qui ont reçu leur récompense en ce monde : c’est pourquoi il paraîtra alors, parce qu’il n’a pas paru ; il éclatera, parce qu’il n’a point éclaté. Dieu réparera l’obscurité de sa vie ; et sa gloire sera d’autant plus grande, qu’elle est réservée pour la vie future. »

(Bossuet, 1erpanégyrique de saint Joseph)

La célébration du dimanche des Rameaux

La célébration du dimanche des Rameaux

Le Pape a présidé la célébration de ce dimanche des Rameaux sur la place Saint-Pierre, la dernière avant Pâques. La commémoration de l’entrée festive du Seigneur à Jérusalem précède la messe dont le passage évangélique présente le récit de la Passion du Christ. A la fin de la liturgie le Pape François a prié l’Angélus.

Le Pape a béni et aspergé d’eau bénite les rameaux d’olivier, symbole d’aujourd’hui, que les personnes présentes tenaient dans leurs mains. Puis la procession des « porteurs de palmes » s’est dirigé vers le cimetière depuis le centre de la place.

Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Béni soit le Royaume à venir de notre père David ! Hosanna au plus haut des cieux !

Le changement de décor est radical : la liturgie de la Parole de la célébration eucharistique comprend la lecture chantée à plusieurs voix de la Passion de Jésus reprise de l’Évangile selon Marc. À travers les paroles de l’évangéliste, nous revivons les passages de la souffrance du Christ dans toute sa crudité.

Le récit de la Passion, à l’invitation du Pape, est suivie d’un moment de silence et de méditation. C’est une souffrance, celle du Christ, qui contient les douleurs de tous les temps et de toute l’humanité et l’humanité, avec ses fragilités, est présentée au Seigneur dans la prière universelle où le Pape préside la célébration de ce dimanche sur la place Saint-Pierre, la dernière avant Pâques.

Nous prions pour l’Église, afin qu’elle «cherche toujours l’unité, la réconciliation et la communion» ; pour les gouvernants «appelés à cultiver la paix et le bien des peuples» ; pour tous les hommes et femmes qui souffrent ; pour les chrétiens persécutés ; pour chaque communauté chrétienne afin qu’elle « soit témoin de sa propre foi, dans la prière et la charité». Le Pape a prié pour les victimes du «lâche attentat terroriste» à Moscou.

A la fin de la célébration, directement depuis le parvis de la basilique, le Pape François a prononcé l’Angélus, avant de donner sa bénédiction et de faire un large tour pour saluer les fidèles et les pèlerins qui l’acclament sur la place.

________________________________________

LE PAPE FRANÇOIS

ANGÉLUS

Place Saint-Pierre
Dimanche des Rameaux, 24 mars 2024

Chers frères et sœurs,

J’exprime ma proximité avec la communauté de San José de Apartado, en Colombie, où une jeune femme et un garçon ont été assassinés il y a quelques jours. Cette communauté a été récompensée en 2018 comme exemple d’engagement en faveur de l’économie solidaire, de la paix et des droits de l’homme.

Et je vous assure de mes prières pour les victimes du lâche attentat terroriste perpétré l’autre soir à Moscou. Que le Seigneur les accueille dans sa paix et réconforte leurs familles. Qu’il convertisse le cœur de ceux qui projettent, organisent et mettent en œuvre ces actions inhumaines, qui offensent Dieu, qui a ordonné : « Tu ne tueras pas » (Ex 20, 13).

Je vous salue tous, fidèles de Rome et pèlerins de divers pays. Je salue en particulier la délégation de la ville de Sanremo, qui cette année aussi, fidèle à une tradition vieille de quatre siècles, a offert pour cette célébration des feuilles de palmier tressées. Merci San Remo ! Que le Seigneur vous bénisse.

Chers frères et sœurs, Jésus est entré à Jérusalem en Roi humble et paisible : ouvrons-Lui notre cœur ! Lui seul peut nous libérer de l’inimitié, de la haine, de la violence, car Il est miséricorde et pardon des péchés. Nous prions pour tous les frères et sœurs qui souffrent à cause de la guerre.

Je pense particulièrement à l’Ukraine tourmentée, où de nombreuses personnes se retrouvent sans électricité en raison d’intenses attaques contre les infrastructures qui, en plus de causer des morts et des souffrances, entraînent le risque d’une catastrophe humanitaire encore plus grande. S’il vous plaît, n’oublions pas l’Ukraine tourmentée ! Et pensons à Gaza, qui souffre tant, et à bien d’autres lieux de guerre.

Et maintenant nous nous tournons dans la prière vers la Vierge Marie : apprenons d’elle à rester proches de Jésus pendant les jours de la Semaine Sainte, pour arriver à la joie de la Résurrection. »

Angelus Domini nuntiavit Mariae – L’ange du Seigneur porta l’annonce à Marie…

Copyright © Dicastero per la Comunicazione – Libreria Editrice Vaticana

Texte traduit et présenté par l’Association de la Médaille Miraculeuse