Tous les articles par P. Jean-Daniel Planchot

le risque de rigidité des prêtres

20-11-2015 source : Radio Vatican

«Le prêtre est un homme qui naît dans un certain contexte humain». Le Pape rappelle une vérité toute simple : ils «ont une histoire, ils ne sont pas des champignons qui poussent de manière improvisée dans une cathédrale le jour de leur ordination». Cette vie et cette expérience doit être prise en compte lors de la formation personnalisée au séminaire. Parmi les lieux de vie où le futur prêtre a été façonné, figure la famille, «centre de pastorale vocationnelle».

«Un bon prêtre est donc avant tout un homme avec sa propre humanité, qui connait sa propre histoire, avec ses richesses et ses blessures, et qui a appris à faire la paix avec soi-même, atteignant la sérénité de fond, celle d’un disciple du Seigneur». C’est ainsi, «pacifié», qu’il pourra répandre la «sérénité autour de lui». Pas question donc qu’un prêtre soit «triste, nerveux ou dur de caractère ; ça ne va pas et ça ne fait pas de bien ni au prêtre ni à son peuple». Et de demander à ce que «les fidèles ne paient pas la névrose des prêtres». Le prêtre ne doit donc pas perdre «ses racines».

De là, il doit agir en faveur des hommes, car «nous ne sommes pas prêtres pour nous-mêmes et notre sanctification est étroitement liée à celle de notre peuple», explique le Pape. Se le rappeler aide à être «joyeux mais pas superficiels (…) pasteurs et non fonctionnairesUn prêtre doit apprendre à être joyeux, il ne doit jamais perdre la capacité de joie : s’il la perd, il y a quelque chose qui ne va pas. Et moi je vous le dis sincèrement, moi j’ai peur de devenir rigide. »

«Ce qui est né du peuple doit rester avec le peuple.» Le prêtre n’est pas «un professionnel de la pastorale ou de l’évangélisation», ni même un philanthrope. «On devient prêtre pour être au milieu des gens». C’est grâce à la proximité, à un regard d’amour et à la miséricorde l’on peut évangéliser.

Cette proximité, les évêques doivent également en être dotés envers leurs prêtres. Et doivent rester dans leur diocèse : «le décret de résidence de Trente est encore en vigueur». Pas question de refuser de recevoir un prêtre qui en fait la demande.

Il y a cinquante ans étaient promulgués deux décrets conciliaires : Optatam Totius et Presbyterorum Ordinis, sur la formation des prêtres. Ces documents ont été au cœur d’une conférence organisée cette semaine par la Congrégation pour le Clergé. C’est pourquoi le Pape François est revenu sur cette formation des prêtres, et surtout sur le rapport entre les clercs et les laïcs.

pas d’attache à l’argent et au pouvoir

Que l’Église ne soit pas attachée à l’argent et au pouvoir, mais que sa force et sa joie résident dans la Parole de Jésus : c’est ce qu’a dit le Pape François lors de la messe de ce vendredi matin, 20 novembre, à la Maison Sainte-Marthe.

En partant de la première lecture, tirée du Livre des Maccabées, qui raconte la joie du peuple pour la re-consécration du Temple profané par les païens et par l’esprit mondain, le Pape François a commenté la victoire de tant de gens qui sont persécutés par la pensée unique. Le Peuple de Dieu fait la fête parce qu’il a retrouvé «sa propre identité». « La fête est une chose que la mondanité ne sait pas faire, ne peut pas faire ! L’esprit mondain nous porte au maximum à faire un peu de divertissement, un peu de tapage, mais la joie vient seulement de la fidélité à l’Alliance.»

Dans l’Évangile, Jésus chasse les marchands du Temple, en disant : «Il est écrit : ma maison sera une maison de prière. Vous, au contraire, vous en avez fait un repaire de voleurs.» Comme durant l’époque des Maccabées, l’esprit mondain «avait pris la place de l’adoration au Dieu vivant». Mais maintenant cela arrive «d’une autre manière.»

«Les chefs du Temple, les chefs des prêtres, et les scribes avaient changé un peu les choses. Ils étaient entrés dans un processus de dégradation et ils avaient laissé sale le Temple. Ils avaient sali le Temple. Le Temple est une icône de l’Église. L’Église subira toujours la tentation de la mondanité et la tentation d’un pouvoir qui n’est pas le pouvoir que Jésus-Christ veut pour elle ! Jésus ne dit pas : « Non, cela ne se fait pas. Faites-le dehors. » Il dit : « vous avez fait un repaire de voleurs ici ! » Et quand l’Église entre dans ce processus de dégradation, les conséquences sont très mauvaises. Très mauvaises ! »

«Il y a toujours dans l’Église la tentation de la corruption. C’est quand l’Église, au lieu d’être attachée à la fidélité au Seigneur Jésus, au Seigneur de la paix, de la joie, du salut, s’attache à l’argent et au pouvoir. Cela se passe ici, dans cet Évangile. Ces chefs des prêtres, ces scribes étaient attachés à l’argent, au pouvoir et avaient oublié l’esprit. Et pour se justifier et dire qu’ils étaient justes, qu’ils étaient bons, ils avaient changé l’esprit de liberté du Seigneur avec la rigidité. Et Jésus, dans le chapitre 23 de Matthieu, parle de leur rigidité. Les gens avaient perdu le sens de Dieu, aussi la capacité de la joie, aussi la capacité de louange : ils ne savaient pas louer Dieu, parce qu’ils étaient attachés à l’argent et au pouvoir, à une forme de mondanité.»

«Jésus chasse du Temple non pas les prêtres, les scribes. Il chasse ceux qui font des affaires, les affairistes du Temple. Mais les chefs des prêtres et les scribes leur étaient liés. L’Évangile est très fort. Il dit que les chefs des prêtres et les scribes cherchent à faire mourir Jésus, et aussi les chefs du peuple. La même chose qui était arrivée au temps de Judas Maccabée. Et pourquoi ? Pour cette raison : Mais ils ne savaient pas quoi faire parce que tout le peuple était suspendu à ses lèvres pour l’écouter. La force de Jésus est sa parole, son témoignage, son amour. Et où est Jésus, il n’y a pas de place pour la mondanité, il n’y a pas de place pour la corruption ! Et ceci est la lutte de chacun de nous, ceci est la lutte quotidienne de l’Église : toujours Jésus, toujours avec Jésus, toujours suspendue à ses lèvres, pour écouter sa parole, et ne jamais chercher des sécurités où il y des choses d’un autre maître. Jésus nous avait dit qu’on ne peut pas servir deux maîtres : ou Dieu ou les richesses, ou Dieu ou le pouvoir.»

«Cela fera du bien de prier pour l’Église. De penser à tant de martyrs d’aujourd’hui qui, pour ne pas entrer dans cet esprit de mondanité, de pensée unique, d’apostasie, souffrent et meurent. Aujourd’hui ! Aujourd’hui il y a plus de martyrs que dans l’Église des premiers temps. Pensons-y. Cela nous fera du bien de penser à eux. Et aussi demander la grâce de ne plus jamais entrer dans ce processus de dégradation, vers la mondanité qui nous porte à l’attachement à l’argent et au pouvoir.»

le monde est en guerre

Jésus a pleuré«Tout le monde» aujourd’hui «est en guerre», et pour cela  «il n’y a pas de justification». Et le refus de la «voie de la paix» fait que Dieu lui-même, que Jésus lui-même, pleure. Le Pape François l’a affirmé ce jeudi 19 novembre lors de la messe matinale à la Maison Sainte-Marthe.

«Jésus a pleuré». C’est avec des trois mots que le Pape François a commencé son homélie à Sainte-Marthe. Pour le Pape a résonné l’écho de l’Évangile de Luc qui venait d’être lu, un extrait aussi bref qu’émouvant.

Jésus se rapproche de Jérusalem et, probablement d’un point surélevé, il l’observe et il pleure, envoyant à la ville ces paroles : «Si toi aussi tu avais compris, en ce jour, celui qui amène à la paix ! Mais maintenant, il a été caché à tes yeux. Mais aussi aujourd’hui, Jésus pleure. Parce que nous avons préféré la voie des guerres, de la haine, des inimitiés. Nous sommes proches de Noël : il y aura des lumières, il y aura des fêtes, des arbres lumineux, aussi des crèches… Mais tout est faussé : le monde continue à faire la guerre, à faire les guerres. Le monde n’a pas compris la voie de la paix.»

Les sentiments du Pape sont compréhensibles, identiques à ceux d’une grande partie du monde dans ces jours, dans ces heures. Il rappelle les commémorations récentes de la Seconde guerre mondiale, les bombes de Hiroshima et de Nagasaki, sa visite de l’an dernier à Redipuglia l’an dernier pour l’anniversaire de la Grande guerre. Des «tragédies inutiles», a-t-il répété avec les paroles du Pape Benoît XV. «Partout il y a la guerre, aujourd’hui, il y a la haine.»

«Qu’est-ce qu’il reste d’une guerre, de celle que nous sommes en train de vivre. Qu’est-ce qu’il en reste ? Des ruines, des milliers d’enfants sans éducation, tant et tant de morts innocents, et tant d’argent dans les poches des trafiquants d’armes. Une fois Jésus a dit : « on ne peut pas servir deux maîtres : ou Dieu, ou l’argent ». La guerre est justement le choix pour l’argent : ‘Faisons des armes, comme ça l’économie s’équilibre un peu, et avançons avec nos intérêts’. Il y a une parole dure du Seigneur : ‘Maudits’. Parce qu’Il a dit : ‘Bénis soient les artisans de paix’.»

«Ceux qui font la guerre, qui font les guerres, sont maudits, sont des délinquants. Une guerre peut se justifier, entre guillemets, avec tant de raisons. Mais quand le monde entier, comme aujourd’hui est en guerre, le monde entier ! C’est une guerre mondiale, par morceaux : ici, là-bas, là-bas aussi, partout… Il n’y a pas de justification. Et Dieu pleure. Jésus pleure.»

«Et pendant que les trafiquants d’armes font leur travail, il y a de pauvres artisans de paix qui seulement pour aider une personne, une autre, donnent la vie.» Comme l’avait fait «une icône de nos temps, Teresa de Calcutta». Contre laquelle aussi, «avec le cynisme des puissants, on pourrait dire : ‘mais qu’a fait cette femme ? Elle a perdu sa vie en aidant les gens à mourir ?’» La voie de la paix n’est pas comprise.

«Cela nous fera du bien aussi à nous de demander la grâce des pleurs, pour ce monde qui ne reconnait pas la voie de la paix. Celui qui vit pour faire la guerre, avec le cynisme de dire ne pas le faire. Nous demandons la conversion du cœur. Justement à la porte de ce Jubilé de la Miséricorde, que notre Jubilé, notre joie soit la grâce que le monde retrouver la capacité de pleurer pour ses crimes, pour ce qu’il fait avec les guerres.»