Jésus monte dans la barque, suivi de ses disciples (Mt 8, 18 et suivants). Ils s’apprêtent à prendre le large pour aller sur l’autre rive, c’est-à-dire la terre païenne. Mais que va -t-il donc faire dans cette contrée impure?
Dans l’agitation de l’embarquement, un scribe s’approche ; il insiste pour être du voyage, mais Jésus l’en dissuade. Le scribe manifeste une disponibilité généreuse dont on était en droit d’attendre qu’elle serait reçue avec bienveillance. La réponse de Jésus n’est ni un accueil, ni un rejet : il se contente de souligner les conditions de vie du disciple, afin que son interlocuteur ne s’engage pas à la légère.
Le Seigneur nous demande à nous aussi de vérifier si nous lui faisons suffisamment confiance pour quitter nos certitudes terrestres (les terriers par nous creusés ici-bas) et abandonner nos refuges imaginaires, nos rêves utopiques, afin de nous appuyer sur sa seule Parole.
Cette condition est difficile, car nous appréhendons de perdre nos repères, et nous hésitons à nous enfoncer dans le désert inhospitalier du renoncement à notre volonté propre. Pourtant nous le savons : nul ne peut entrer dans le Royaume si ce n’est par la porte étroite de la Croix.
Nous sommes loin du mythe de la religion « opium du peuple » ! Notre scribe intérieur – c’est-à-dire la part de nous-même qui ne s’avance que sur des chemins dont il peut garder la maîtrise – est-il prêt pour un tel exode hors de ses repères et de ses sécurités ? Osons-nous miser toute notre vie sur le Christ et l’Évangile?
Et sans compromission ! encore une manière subtile d’échapper à l’exigence d’un choix compromettant. On parie à la fois sur Jésus et Bouddha, la mystique chrétienne et naturaliste, le Dieu personnel et l’Énergie cosmique, de manière à être sûr d’être gagnant.
Non ! La vie divine se communique au sein d’une relation d’amour, qui comme tout amour est éminemment personnel et présente un caractère exclusif dans le choix et définitif dans le don. « Qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perdra sa vie à cause de moi la trouvera » (Mt 16, 25).