recréer le pont entre les femmes et l’Église

L’émancipation féminine, qui a ébranlé le monde occidental, constitue seulement le point culminant d’un changement d’époque, mûri dans les profondeurs de l’âme de tant de générations de femmes, en ce sens que le message chrétien a promu la femme depuis deux mille ans, sur la base de son texte fondateur, les Évangiles, qui sont le document le plus révolutionnaire et féministe du monde. En effet, le féminisme s’est affirmé dans des pays de racine chrétienne et peine beaucoup à imprégner les autres cultures. La révélation évangélique produit un dynamisme qui fait irruption dans l’histoire pour libérer, mais croît lentement au fil des siècles. Naturellement, le caractère revanchard et l’excès de la première saison ont été nécessaires pour briser les formes mentales pétrifiées perçues au niveau collectif comme étant congénitales.

A présent, les temps attendent que l’autorité féminine, capable de compenser le déséquilibre dû à la suprématie d’une partie de l’humanité sur l’autre (pas si différente de la prédominance des riches sur les pauvres), émerge des profondeurs où elle s’est silencieusement déposée au fil des millénaires. La nouveauté que l’on attend est à la fois très ancienne. Dans la tradition biblique, on ne projette pas sur Dieu les éléments anthropiques, mais l’inverse est vrai. Les caractéristiques de Dieu sont projetées sur l’homme. Le Dieu d’Israël combine ainsi toutes les caractéristiques des divinités masculines et féminines, l’homme et la femme en étant l’image et l’analogie. Cette complémentarité entre homme et femme, annoncée dans la Genèse, trouve néanmoins de grands obstacles à sa réalisation dans l’histoire. De la même façon, les qualités féminine et maternelle de Dieu demeurent complètement dans l’ombre par rapport aux prédominantes qualités masculine et paternelle.

On peut se demande à juste titre où est passée la Sagesse qui, d’après une certaine interprétation théologique, est vue comme la personnification féminine de l’être de Dieu et, étant associée à l’Esprit Saint, comme un élément maternel du Dieu trinitaire. Et c’est précisément la sagesse qui anime les grandes figures féminines de la Bible, des matriarches jusqu’à Marie. Cette Marie qui sait. Qui croit. Elle croit en la résurrection et le dimanche, elle ne se rend pas avec les femmes au sépulcre. Connaissance et foi se conjuguent admirablement dans ce troisième savoir du cœur, typique de l’âme féminine, qui sait voir l’invisible. Il ne fait pas l’ombre d’un doute que la parité de genre est concrétisée uniquement par Jésus à travers la relation qu’il tisse avec les femmes et, s’il est vrai que le sens du christianisme réside dans la résurrection, le fait que le Christ ait choisi de se révéler sous sa forme nouvelle à une femme possède une très haute portée…

La connaissance féminine, comme fleuve souterrain, s’est transmise de génération en génération, avant de subir un arrêt. Notre monde déraciné manque du maternel, qui signifie soin. A l’égard de ceux qui naissent, de ceux qui sont malades, de ceux qui se rapprochent de la mort. Au fils des millénaires, les femmes ont constitué cette base silencieuse et cachée qui a soutenu la vie dans toutes ses formes. C’est la conscience d’être des instruments d’un profond processus de libération universel qui peut leur donner la force, pas tant du rachat que d’un authentique témoignage d’amour. Redécouvrir le mystère, l’attente patiente, car la maturation spirituelle en mesure de promouvoir le changement dans la société tout entière et ainsi également parmi les hommes, se produit lentement, en profondeur. L’Église, qui s’est toujours définie mère, ne peut renoncer à être une partie active de ce très important processus en développement.

 Antonella Lumini, extraits,  Osservatore Romano du 10 mars 2016, p.11 éd. française