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Les martyrs d’Albanie, modèle de courage pour aujourd’hui

21-09-2014 source : Radio Vatican

Dans la cathédrale Saint-Paul, construite en 2002 en plein centre de Tirana, le Pape François a célébré les Vêpres dimanche soir en présence des forces vives du catholicisme albanais : sept évêques, 150 prêtres, 400 religieux et religieuses, des séminaristes, des laïcs membres de mouvements ecclésiaux. Avant la liturgie, un prêtre de 84 ans et une religieuse de 85 ans qui ont connu les temps de la persécution ont pris la parole pour raconter leur histoire.

Le père Emest Simoni qui a terminé clandestinement ses études de théologie, a été témoin des arrestations, des tortures, de l’exécution de centaines de prêtres et de laïcs ; certains criaient avant de mourir « Vive le Christ Roi ». Il a lui-même été condamné à mort puis à 27 ans de camp de concentration et de travaux forcés, dans des conditions inhumaines. Pendant toutes ses années de détention, il a continué à célébrer la messe en latin sans livre et à confesser.

Sœur Maria Kaleta est la nièce d’un prêtre qui figure sur la liste des martyrs en voie de canonisation. Pendant la dictature, lorsque son couvent fut fermé, et qu’elle travaillait comme ouvrière dans une coopérative, elle baptisait en cachette ceux qui venaient frapper à sa porte et se rendait au chevet des malades et des mourants avec le Saint Sacrement qu’elle avait caché dans sa table de chevet.

L’homélie qui avait été préparée à l’avance, le Pape François l’a remise aux participants sans la prononcer. Il a préféré laisser libre cours à ses réflexions. Il a tout d’abord confié qu’en préparant ce voyage, il avait découvert l’ampleur des persécutions en Albanie. Il ignorait que ce peuple avait tant souffert. Et puis en parcourant les rues de Tirana, il a été frappé par les portraits des martyrs dont le peuple albanais garde la mémoire. « Comment ont-ils pu résister ? », s’est-il interrogé.  « Il n’y a qu’une seule réponse à cette question : le Seigneur les réconfortait car l’Église priait pour eux. C’est le mystère de l’Église : quand elle demande à Dieu de consoler son peuple, Dieu le console, humblement parfois en cachette. Gare à nous si nous cherchons ailleurs la consolation. Gare aux prêtres, aux religieux, aux religieuses, aux novices, aux consacrés qui cherchent la consolation loin du Seigneur. Il ne connaîtront pas le bonheur et ne sauront pas consoler à leur tour. » Visiblement touché par les deux témoignages qu’il venait d’entendre, le Pape François a ajouté que « chacun devait servir d’exemple aux autres. Nous pouvons rentrer chez nous avec de bonnes pensées, car aujourd’hui nous avons touché des martyrs. »

Dans l’homélie qu’il avait préparée, le Saint-Père exprime sa reconnaissance aux Pasteurs qui ont payé d’un prix élevé leur fidélité au Christ et leur décision de rester unis au Successeur de Pierre. Mais il salue les efforts déployés aujourd’hui par l’Église catholique pour s’opposer aux nouvelles formes de “dictature” qui risquent de rendre esclaves les personnes et les communautés. « Si le régime athée cherchait à étouffer la foi, ces dictatures, plus sournoises, comme l’individualisme, les rivalités, la mentalité mondaine, peuvent étouffer la charité. » Dans ce texte, le Pape François insiste par ailleurs sur l’importance de l’unité et de la collaboration sincère entre les différentes réalités ecclésiales, et aussi entre les missionnaires et le clergé local.

Tuer au nom de Dieu est un grand sacrilège

21-09-2014 source : Radio Vatican

À l’université catholique Notre Dame du Bon Conseil à Tirana, le Pape François s’est adressé en fin d’après-midi aux leaders des différentes confessions et religions présentes en Albanie : juifs, orthodoxes, musulmans, évangéliques et bektashis, une confraternité islamique d’origine soufie. Les évêques albanais étaient également présents.

C’était l’occasion pour le Saint-Père de fustiger les atteintes à la liberté de conscience et religieuse mais aussi et surtout l’intolérance à l’égard des autres religions, « un ennemi particulièrement insidieux, qui malheureusement se manifeste aujourd’hui en différentes régions du monde. » Le Pape François exhorte les croyants à être particulièrement vigilants pour que leur religiosité et leur éthique s’exprime toujours par des attitudes dignes du mystère qu’ils entendent honorer et à refuser tout usage déformé de la religion. « La religion authentique est source de paix et non de violence ! Personne ne peut utiliser le nom de Dieu pour commettre de la violence ! Tuer au nom de Dieu est un grand sacrilège ! Discriminer au nom de Dieu est inhumain. »

Pour le Souverain Pontife, « la liberté religieuse ne peut pas être garantie uniquement par le système législatif en vigueur ; c’est un espace commun, une atmosphère de respect et de collaboration, qui doit être construit avec la participation de tous. Celui qui est assuré de ses convictions propres n’a pas besoin de s’imposer, d’exercer des pressions sur l’autre. La liberté religieuse n’est pas seulement un espace d’autonomie légitimement revendiquée, mais une potentialité qui enrichit la famille humaine. Les croyants peuvent offrir une contribution importante, même irremplaçable dans plusieurs domaines d’action : la lutte contre la pauvreté, la justice sociale, le développement économique inclusif. »

« Combien l’âme humaine a besoin de ne pas perdre de vue le sens profond des expériences de la vie et de récupérer l’espérance ! »  C’est là aussi un terrain particulièrement fécond pour le dialogue interreligieux. Et le Pape François a exhorté les responsables religieux albanais à « continuer d’être un signe, pour leur pays et pas seulement, de la possibilité de relations cordiales et de collaboration féconde entre des hommes de religions différentes. »

Sortant de son texte, le Pape François a affirmé qu’il n’ignorait pas le danger du relativisme. « Pour dialoguer, il faut partir de sa propre identité. Sans identité, on ne peut pas dialoguer. Chacun a sa propre identité et cela ne sert à rien de faire semblant d’en avoir une autre. Ce qui compte c’est de cheminer ensemble sans trahir sa propre identité, sans masque et sans hypocrisie. »

l’Albanie, modèle interreligieux pour le Pape

21-09-2014 Radio Vatican

Sur son chemin de l’aéroport jusqu’au centre de Tirana, le Pape François a été acclamé par une foule en liesse. Cette joie mêlant toutes les générations était particulièrement émouvante sur le boulevard des vétérans de la nation, où les visages de 40 martyrs des persécutions de la dictature communiste (1946-1991) apparaissent sur des affiches.  Dans la foule se détachaient les robes blanches à liseré bleu des Missionnaires de la Charité, les sœurs de Mère Teresa, native du pays, et qui avait accompagné Jean-Paul II lors de son voyage d’avril 1993 à Tirana.

Le Pape François a ensuite été reçu au palais présidentiel par le président albanais Bujar Nishani. Après un entretien d’une vingtaine de minutes en privé, le Pape et le président albanais se sont exprimés devant la presse.

Dans son discours, le président Nishani a salué la bonne coexistence religieuse et la tradition de dialogue entre catholiques, orthodoxes, musulmans sunnites et bektashis (chiites de tradition soufie). « Aucune discrimination, aucune intolérance, aucun extrémisme » n’existe en Albanie, a affirmé le président,  en saluant la « résistance héroïque » des catholiques face à « la tyrannie et aux persécutions de l’époque communiste ». « L’Albanie a 24 années de liberté. Du pays le plus isolé d’Europe, d’un pays athée, nous sommes devenus le pays des libertés religieuses. »

Il a remercié très chaleureusement le Pape François pour sa visite.  « Vos paroles sont une grande réflexion spirituelle et éthique sur le respect que mérite chaque être humain, sur la foi et le droit de conserver la foi. Ce sont des leçons de foi et de culture, ce sont des sources d’inspiration pour la démocratie de l’Albanie mais aussi de toute l’humanité. C’est important de continuer les rapports avec le Saint-Siège, qui sont stratégiques, pas seulement pour la communauté catholique mais pour toute la nation. Je conclus en vous disant merci au nom de ma nation pour l’honneur que vous nous faites d’être avec nous aujourd’hui. »

L’hommage du Pape à la solidarité interreligieuse en Albanie

François a répondu a ce discours en expliquant les motivations de son 4e voyage apostolique, le premier en Europe :« Je suis très heureux d’être avec vous, sur la noble terre d’Albanie, terre des héros qui ont sacrifié leur vie pour l’indépendance du pays, et terre des martyrs qui ont témoigné de leur foi aux temps difficiles de la persécution. Je vous remercie de votre invitation à visiter votre patrie, appelée « terre des aigles », et pour votre accueil festif. »

Il a remarqué le chemin parcouru depuis la sortie officielle du communisme en 1991. « Près d’un quart de siècle s’est écoulé depuis que l’Albanie a retrouvé le chemin, rude mais passionnant, de la liberté. Celle-ci a permis à la société albanaise d’entreprendre un parcours de reconstruction matérielle et spirituelle, de susciter beaucoup d’énergies et d’initiatives, de s’ouvrir à la collaboration et aux échanges avec les pays voisins des Balkans et de la Méditerranée, de l’Europe et du monde entier. La liberté retrouvée vous a permis de regarder vers l’avenir avec confiance et espérance, de lancer des projets et de tisser à nouveau des relations d’amitié avec les nations voisines et lointaines. Le respect des droits humains, parmi lesquels se distingue la liberté religieuse et d’expression de la pensée, est, en effet, une condition préalable au développement même du pays qu’il soit social ou économique. Quand la dignité de l’homme est respectée et que ses droits sont reconnus et garantis, fleurissent aussi la créativité et l’esprit d’initiative, et la personnalité humaine peut déployer ses multiples initiatives en faveur du bien commun. »

Le Pape a rappelé à quel point l’Albanie apportait un exemple concret de tolérance et même de solidarité interreligieuse, face à un contexte mondial marqué par une progression de la tentation intégriste. « Je me réjouis particulièrement d’une heureuse caractéristique de l’Albanie, qui est préservée avec beaucoup de soin et d’attention : je fais référence à la cohabitation pacifique et à la collaboration entre ceux qui appartiennent à différentes religions. Le climat de respect et de confiance réciproque entre catholiques, orthodoxes et musulmans est un bien précieux pour le pays, et acquiert une importance spéciale à notre époque où le sens religieux authentique est travesti par des groupes extrémistes, et où les différences entre les diverses confessions sont déformées et instrumentalisées, en en faisant un dangereux facteur d’affrontement et de violence ; cela au lieu d’en faire une occasion de dialogue ouvert et respectueux, et de réflexion commune sur ce que signifie croire en Dieu et suivre sa loi.»

Contre l’instrumentalisation de Dieu à des fins politiques

Le Pape, comme il l’a fait à de nombreuses reprises, s’est exprimé contre les fondamentalismes. « Que personne ne pense pouvoir se faire de Dieu un bouclier lorsqu’il projette et accomplit des actes de violence et de mépris ! Que personne ne prenne prétexte de la religion pour accomplir ses propres actions contraires à la dignité de l’homme et à ses droits fondamentaux, en premier lieu celui à la vie et à la liberté religieuse de tous ! Ce qui se passe en Albanie démontre, au contraire, que la cohabitation pacifique et fructueuse entre personnes et communautés appartenant à des religions différentes est, non seulement souhaitable, mais concrètement possible et réalisable. En effet, la cohabitation pacifique entre les différentes communautés religieuses est un bien inestimable pour la paix et pour le développement harmonieux d’un peuple. C’est une valeur qui est gardée et qui s’accroît chaque jour par l’éducation au respect des différences et des identités spécifiques, ouvertes au dialogue et à la collaboration pour le bien de tous, et par l’exercice de la connaissance et de l’estime les uns des autres. C’est un don qui est toujours demandé au Seigneur dans la prière. Puisse l’Albanie continuer toujours sur cette route, devenant pour beaucoup de pays un exemple dont on s’inspire ! »

Pour un développement intégral, au service de l’homme

François a aussi évoqué la situation économique, restée fragile après la chute du communisme, mais qui s’est améliorée, alors que les années 1990 avaient été marquées par une forte émigration. « Après l’hiver de l’isolement et des persécutions, est venu enfin le printemps de la liberté. À travers des élections libres et de nouvelles formes institutionnelles, le pluralisme démocratique s’est consolidé et cela a favorisé la reprise des activités économiques. Beaucoup de personnes, surtout au début, poussées par la recherche d’un travail et de meilleures conditions de vie, ont pris le chemin de l’émigration et participent à leur manière au progrès de la société albanaise. Beaucoup d’autres ont redécouvert les raisons de rester dans le pays et de le construire de l’intérieur. Les peines et les sacrifices de tous ont contribué à l’amélioration des conditions générales. »

Et le Pape a rappelé que la communauté catholique a pris sa part dans la reconstruction d’une Albanie libre. « L’Église Catholique, de son côté, a pu reprendre une existence normale, reconstituant sa hiérarchie et renouant le fil d’une longue tradition. Des lieux de culte ont été construits ou reconstruits, parmi lesquels se distingue le sanctuaire de Notre Dame du Bon Conseil, à Scutari ; des écoles ont été fondées ainsi que d’importants centres éducatifs et d’assistance, à la disposition de tous les citoyens. La présence de l’Église et son action sont dès lors perçues à juste titre non seulement comme un service à la communauté catholique, mais aussi à la nation tout entière.»

Il a aussi salué une grande figure albanaise, Mère Teresa, dont de nombreux espaces publics à Tirana portent le nom aujourd’hui, à commencer par l’aéroport international. « La bienheureuse Mère Teresa, avec les martyrs qui ont héroïquement témoigné de leur foi – à eux va notre plus haute reconnaissance et notre prière – se réjouissent certainement au ciel de l’engagement des hommes et des femmes de bonne volonté pour faire refleurir la société et l’Église en Albanie. Mais maintenant de nouveaux défis se présentent auxquels il faut répondre. »

Il a appelé à un développement réellement inclusif, qui ne crée pas de nouveaux pauvres. « Dans un monde qui tend à la mondialisation économique et culturelle, il convient de faire tous les efforts pour que la croissance et le développement soient mis à la disposition de tous, et pas seulement d’une partie de la population. De plus, un tel développement ne sera pas authentique s’il n’est aussi durable et équitable, c’est à dire s’il ne se souvient pas des droits des pauvres et ne respecte pas l’environnement. À la mondialisation des marchés il est nécessaire que corresponde une mondialisation de la solidarité ; la croissance économique doit s’accompagner d’un plus grand respect de la création ; en même temps que les droits individuels, ceux des réalités intermédiaires entre l’individu et l’État doivent être protégés, et la première de toutes ces réalités c’est la famille. L’Albanie aujourd’hui peut affronter ces défis dans un cadre de liberté et de stabilité, qui sont consolidées et qui font bien espérer pour l’avenir. Je remercie cordialement chacun de vous pour l’accueil délicat et, comme le fit saint Jean Paul II en avril 1993, j’invoque sur l’Albanie la protection de Marie, Mère du Bon Conseil, lui confiant les espérances de tout le peuple albanais. Que Dieu répande sur l’Albanie sa grâce et sa bénédiction. »