Archives de catégorie : Méditation

sur un aspect de spiritualité : Christ, Vierge Marie, Église dans le monde…

VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS EN BELGIQUE

VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS EN BELGIQUE
(27-29 septembre 2024)

Aux premières heures de sa visite apostolique en Belgique, le Pape s’est exprimé, à la suite du Roi des Belges et du chef de l’exécutif, sur le «fléau» des abus, un «contre-témoignage douloureux» qui est une «honte» pour l’Église. Avec humilité et détermination, il faut tout mettre en œuvre, dit-il, pour que cela ne se vérifie plus et entreprendre une demande de pardon.

RENCONTRE AVEC LES AUTORITÉS
ET REPRÉSENTANTS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

Château de Laeken (Bruxelles)
Vendredi 27 septembre 2024

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Vos Majestés,
Monsieur le Premier Ministre
Frères Évêques,
distinguées Autorités,
Mesdames et Messieurs !

Je remercie Votre Majesté pour l’accueil cordial et l’adresse courtoise de salutation. Je suis très heureux de visiter la Belgique. Quand on pense à ce pays, on évoque à la fois quelque chose de petit et de grand, un pays occidental et en même temps central, comme s’il était le cœur battant d’un organisme gigantesque.

Les proportions et l’ordre des grandeurs sont en fait trompeurs. La Belgique n’est pas un État très étendu, mais son histoire particulière a fait que, aussitôt après la fin de la Seconde Guerre mondiale, les peuples européens fatigués et épuisés, entamant un sérieux chemin de pacification, collaboration et intégration, se sont tournés vers la Belgique comme siège naturel des principales institutions européennes.

Située sur la ligne de fracture entre le monde germanique et le monde latin, limitrophe de la France et de l’Allemagne, qui avaient le plus incarné les antithèses nationalistes à la base du conflit, elle est apparue comme un lieu idéal, presque une synthèse de l’Europe, d’où repartir pour sa reconstruction, physique, morale et spirituelle.

On pourrait dire que la Belgique est un pont : entre le continent et les îles britanniques, entre les régions germaniques et francophones, entre le sud et le nord de l’Europe. Un pont qui permet à la concorde de s’étendre et aux différends de s’estomper. Un pont où chacun, avec sa langue, sa mentalité et ses convictions, rencontre l’autre et choisit la parole, le dialogue et le partage comme moyens de relation.

Un lieu où l’on apprend à faire de sa propre identité non pas une idole ou une barrière, mais un espace accueillant d’où l’on part et où l’on revient, où l’on favorise les rencontres valables et où l’on cherche ensemble de nouveaux équilibres, où l’on construit de nouvelles synthèses. La Belgique est un pont qui favorise les échanges, met en communication et fait dialoguer les civilisations. Un pont, donc, indispensable pour construire la paix et refuser la guerre.

On comprend alors combien la petite Belgique est grande ! On comprend que l’Europe en ait besoin pour se rappeler son histoire, faite de peuples et de cultures, de cathédrales et d’universités, de prouesses du génie humain, mais aussi de si nombreuses guerres et d’une volonté de domination qui s’est souvent transformée en colonialisme et en exploitation.

L’Europe a besoin de la Belgique pour avancer sur la voie de la paix et de la fraternité entre les peuples qui la composent. Ce pays rappelle en effet à tous les autres que lorsque, sur la base des prétextes les plus divers et les plus insoutenables, on commence à ne plus respecter les frontières ni les traités et qu’on laisse aux armes le soin de créer le droit en contournant la loi en vigueur, on ouvre alors la boîte de Pandore et tous les vents se mettent à souffler violemment, secouant la maison et menaçant de la détruire.

À ce moment de l’histoire, je pense que la Belgique a un rôle très important. Nous sommes proches d’une quasi-guerre mondiale.

En effet, la concorde et la paix ne sont pas des conquêtes acquises une fois pour toutes, mais plutôt une tâche et une mission – la concorde et la paix sont une tâche et une mission –, une mission incessante à cultiver, à entretenir avec ténacité et patience.

L’être humain, en effet, lorsqu’il cesse de se souvenir du passé et de s’en laisser instruire, a la capacité déconcertante de retomber, même après s’être enfin relevé, en oubliant les souffrances et les coûts effroyables payés par les générations précédentes. Pour cela, la mémoire ne fonctionne pas, c’est curieux, il y a d’autres forces, à la fois dans la société et chez les gens, qui nous font tomber dans les mêmes choses.

En ce sens, la Belgique est plus précieuse que jamais pour la mémoire du continent européen. En effet, elle donne des arguments incontestables pour développer une action culturelle, sociale et politique constante et opportune, courageuse et en même temps prudente, qui exclut un avenir où l’idée et la pratique de la guerre redeviendraient une option possible, avec des conséquences catastrophiques.

L’histoire, magistra vitae trop souvent ignorée, de la Belgique appelle l’Europe à reprendre son chemin, à redécouvrir son vrai visage, à investir à nouveau dans l’avenir en s’ouvrant à la vie, à l’espérance, pour vaincre l’hiver démographique et l’enfer de la guerre ! Il y a deux calamités en ce moment. L’enfer de la guerre, nous le voyons, qui peut se transformer en guerre mondiale. Et l’hiver démographique ; c’est pour cela qu’il faut être concret : faire des enfants, faire des enfants !

L’Église catholique veut être une présence qui, témoignant de sa foi dans le Christ ressuscité, offre aux personnes, aux familles, aux sociétés et aux nations une espérance ancienne et toujours nouvelle ; une présence qui aide chacun à affronter les défis et les épreuves, sans enthousiasmes faciles ni pessimismes moroses, mais avec la certitude que l’être humain, aimé de Dieu, a une vocation éternelle de paix et de bonté et qu’il n’est pas destiné à la dissolution et au néant.

Gardant le regard fixé sur Jésus, l’Église se reconnaît toujours comme la disciple qui, avec crainte et tremblement, suit son Maître, sachant qu’elle est sainte dans la mesure où elle est établie par Lui et en même temps fragile – sainte et pécheresse – et défaillante dans ses membres, jamais pleinement adéquate à la tâche qui lui est confiée et qui la dépasse toujours.

Elle annonce une Nouvelle qui peut remplir les cœurs de joie et, par des œuvres de charité et les innombrables témoignages d’amour envers le prochain, elle essaie d’offrir des signes concrets et des preuves de l’amour qui l’anime.

Elle vit cependant dans le concret des cultures et des mentalités d’une époque donnée qu’elle contribue à façonner ou qu’elle subit parfois d’une manière ou d’une autre ; et elle ne comprend pas et ne vit pas toujours le message de l’Évangile dans sa pureté et son intégralité. L’Église est sainte et pécheresse.

Dans cette coexistence perpétuelle de sainteté et de péché, d’ombre et de lumière, l’Église vit, avec des résultats souvent d’une grande générosité et d’un dévouement splendide, et parfois, malheureusement, avec l’émergence de contre-témoignages douloureux.

Je pense aux événements dramatiques des abus sur mineurs – auxquels le Roi et le Premier Ministre ont fait référence –, un fléau auquel l’Église s’attaque avec détermination et fermeté, en écoutant et en accompagnant les personnes blessées et en mettant en œuvre un vaste programme de prévention dans le monde entier.

Frères et sœurs, ceci est la honte ! La honte que nous devons tous prendre en main aujourd’hui, demander pardon et résoudre le problème : la honte des abus, des abus sur mineurs. Nous pensons au temps des Saints Innocents et nous disons : “Quelle tragédie, ce qu’a fait le roi Hérode !”, mais aujourd’hui, dans l’Église, il y a ce crime ; l’Église doit avoir honte, demander pardon et essayer de résoudre cette situation avec une humilité chrétienne.

Et mettre en place toutes les conditions pour que cela ne se reproduise plus. Quelqu’un me dit : “Sainteté, pensez que selon les statistiques, la grande majorité des abus se produisent dans la famille ou dans le quartier ou dans le monde du sport, à l’école”. Un seul suffit pour avoir honte ! Dans l’Église, nous devons demander pardon pour cela ; que les autres demandent pardon pour leur part. Ceci est notre honte et notre humiliation.

À cet égard, j’ai été attristé par un autre phénomène : les « adoptions forcées » qui se sont produites ici également en Belgique entre les années cinquante et soixante-dix du siècle dernier. Dans ces histoires douloureuses s’est mélangé le fruit amer d’un crime avec ce qui était malheureusement le résultat d’une mentalité répandue dans toutes les couches de la société, à tel point que ceux qui agissaient conformément à cette mentalité croyaient en conscience faire le bien, tant de l’enfant que de la mère.

Souvent, la famille et d’autres acteurs sociaux, y compris l’Église, pensaient que pour éliminer l’opprobre négatif, qui frappait malheureusement à l’époque la mère célibataire, il était préférable pour le bien des deux, de la mère et de l’enfant, que ce dernier soit adopté. Il y a eu même des cas où certaines femmes n’ont pas eu la possibilité de choisir entre garder l’enfant ou le donner en adoption. Et cela arrive aujourd’hui dans certaines cultures, dans certains pays.

En tant que successeur de l’Apôtre Pierre, je prie le Seigneur pour que l’Église trouve toujours en elle la force de clarifier et de ne pas se conformer à la culture dominante, même lorsque celle-ci utilise – en les manipulant – les valeurs dérivées de l’Évangile pour en tirer des conclusions indues, avec leurs lourdes conséquences de souffrance et d’exclusion.

Je prie pour que les responsables des nations, regardant la Belgique et son histoire, sachent en tirer un enseignement et épargnent ainsi à leurs peuples des malheurs sans fin et des deuils sans nombre. Je prie pour que les gouvernants sachent assumer la responsabilité, le risque et l’honneur de la paix et qu’ils sachent écarter le risque, le scandale et l’absurdité de la guerre.

Je prie pour qu’ils craignent le jugement de la conscience, de l’histoire et de Dieu, et qu’ils convertissent leurs yeux et leurs cœurs, en privilégiant toujours le bien commun. À l’heure où l’économie s’est tellement développée, je voudrais souligner que dans certains pays, les investissements qui rapportent le plus sont les usines d’armement.

Majestés, Mesdames et Messieurs, la devise de ma visite dans votre pays est : « En route, avec Espérance ». Le fait qu’Espérance soit écrit avec une majuscule me fait réfléchir : cela me dit que cette espérance n’est pas une chose que l’on porte dans son sac à dos pendant le voyage ; non, l’espérance est un don de Dieu ; peut-être est-elle la vertu la plus humble – disait un écrivain – mais elle est celle qui qui n’échoue jamais, qui ne déçoit jamais. L’espérance est un don de Dieu et elle doit être portée dans le cœur !

C’est pourquoi je veux laisser ce vœu à vous et à tous les hommes et femmes qui vivent en Belgique : puissiez-vous toujours demander et recevoir ce don de l’Esprit Saint, l’espérance, pour marcher avec Espérance sur le chemin de la vie et de l’histoire.


Copyright © Dicastero per la Comunicazione – Libreria Editrice Vaticana

Le Pape rencontre 17 victimes d’abus du clergé en Belgique

Pendant deux heures ce vendredi soir, elles ont pu lui confier leur histoire, parler de leur douleur et exprimer au Souverain pontife leurs attentes quant à l’engagement de l’Église dans la lutte contre les abus.

Le Pape en visite surprise dans une maison de charité à Bruxelles
Après sa rencontre au château de Laeken avec les autorités belges et les représentants de la société civile, le Saint-Père s’est rendu au ‘‘Home Saint-Joseph’’ dans le quartier des Marolles à Bruxelles. Cet établissement, géré par les Petites Sœurs des Pauvres, accueille des femmes et des hommes âgés, gravement malades et disposant de moyens limités. «Je vous bénis et je prie pour vous. Priez pour moi», leur a dit François.

RENCONTRE AVEC LES PROFESSEURS UNIVERSITAIRES

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

Katholieke Universiteite Leuven
Vendredi 27 septembre 2024

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Monsieur le Recteur,
Mesdames et Messieurs les professeurs,
chers frères et sœurs, bon après-midi !

Je suis heureux d’être parmi vous et je remercie le Recteur pour ses paroles de bienvenu par lesquelles il a rappelé l’histoire et la tradition dans lesquelles cette Université est enracinée, ainsi que certains des principaux défis actuels auxquels nous sommes tous confrontés. Voilà le premier devoir de l’Université : offrir une formation intégrale afin que les personnes disposent des outils nécessaires pour interpréter le présent et projeter l’avenir.

La formation culturelle, en effet, n’est jamais une fin en soi et les Universités ne doivent pas courir le risque de devenir des “cathédrales dans le désert”. Elles sont, par nature, des lieux qui propulsent des idées et de nouvelles stimulations pour la vie et la pensée de l’homme et pour les défis de la société, c’est-à-dire des espaces générateurs. Il est beau de penser que l’Université génère de la culture, génère des idées, mais surtout promeut la passion pour la recherche de la vérité au service du progrès humain.

En particulier, les Universités catholiques, comme celle-ci, sont appelées à « apporter la contribution décisive du levain, du sel et de la lumière de l’Évangile de Jésus Christ et de la Tradition vivante de l’Église toujours ouverte à de nouveaux scénarios et de nouvelles propositions » (Const. ap. Veritatis gaudium, n. 3).

Je voudrais donc vous adresser une simple invitation : élargir les frontières de la connaissance ! Il ne s’agit pas de multiplier les notions et les théories, mais de faire de la formation académique et culturelle un espace vital qui englobe la vie et parle à la vie.

Il y a une courte histoire biblique racontée dans le Livre des Chroniques, que j’aime rappeler ici. Le protagoniste est Yabès, qui adresse à Dieu cette supplique : « Si vraiment tu me bénis, tu agrandiras mon territoire » (1 Ch 4, 10). Yabès signifie “douleur”, et il a été nommé ainsi parce que sa mère avait beaucoup souffert en le mettant au monde.

Mais à présent, Yabès ne veut pas rester enfermé dans sa douleur, en se traînant dans les lamentations, et il prie le Seigneur d’“élargir les frontières” de sa vie pour entrer dans un espace béni, plus grand, plus accueillant. Le contraire ce sont les fermetures.

Élargir les frontières et devenir un espace ouvert, pour l’homme et pour la société, est la grande mission de l’Université.

Dans notre contexte, en effet, nous sommes devant une situation ambivalente où les frontières sont étroites. D’une part, nous sommes immergés dans une culture marquée par le renoncement à la recherche de la vérité. Nous avons perdu la passion inquiète de la recherche, pour nous réfugier dans le confort d’une pensée faible – le drame de la pensée faible –, pour nous réfugier dans la conviction que tout se vaut, qu’une chose en vaut une autre, que tout est relatif.

D’autre part, lorsque, dans les contextes universitaires et ailleurs, on parle de vérité, l’on tombe souvent dans une attitude rationaliste selon laquelle seul peut être considéré comme vrai ce que nous pouvons mesurer, expérimenter et toucher, comme si la vie se réduisait uniquement à la matière et à ce qui est visible. Dans les deux cas, les frontières sont restreintes.

D’un premier côté, nous avons la fatigue de l’esprit qui nous condamne à l’incertitude permanente et à l’absence de passion, comme s’il était inutile de chercher un sens à une réalité qui reste incompréhensible. Ce sentiment apparaît souvent chez certains personnages de l’œuvre de Franz Kafka, qui a décrit la condition tragique et angoissante de l’homme du XXe siècle.

Dans un dialogue entre deux personnages de l’un de ses récits, on trouve cette affirmation : « Je crois que vous ne vous occupez pas de la vérité uniquement parce qu’elle est trop difficile » (Racconti, Milan 1990, 38). La recherche de la vérité est pénible parce qu’elle nous oblige à sortir de nous-mêmes, à prendre des risques, à nous poser des questions.

C’est pourquoi, dans la fatigue de l’esprit nous sommes plus séduits par une vie superficielle qui ne pose pas trop de questions ; tout comme nous attire une “foi” facile, légère, confortable qui ne remet jamais rien en question.

D’un autre côté, au contraire, nous avons le rationalisme sans âme dans lequel nous risquons de retomber aujourd’hui, conditionnés par la culture technocratique qui nous conduit à cela.

Lorsque l’on réduit l’homme à la seule matière, lorsque la réalité est coincée dans les limites de ce qui est visible, lorsque la raison est uniquement une raison mathématique, lorsque la raison est seulement “de laboratoire”, alors l’étonnement disparaît – et lorsque manque l’étonnement, on ne peut pas penser ; l’étonnement est le commencement de la philosophie, il est le commencement de la pensée -, disparaît cette émerveillement intérieure qui nous pousse à chercher au-delà, à regarder le ciel, à découvrir dans la vérité cachée qui traite des questions fondamentales :

Pourquoi est-ce que je vis ? Quel est le sens de ma vie ? Quel est le but ultime et la fin ultime de ce voyage ? Romano Guardini se demandait : « Pourquoi l’homme, malgré tous le progrès, est-il si inconnu à lui-même et le devient-il de plus en plus ? Parce qu’il a perdu la clé pour comprendre l’essence de l’homme. La loi de notre vérité dit que l’homme ne peut être reconnu qu’à partir d’en haut, au-dessus de lui, de Dieu, parce qu’il ne tire son existence que de Lui » (Prière et vérité, Brescia 1973, p. 56).

Chers professeurs, contre la fatigue de l’esprit et le rationalisme sans âme, apprenons aussi à prier comme Yabés : “Seigneur, élargis nos frontières !” Demandons à Dieu de bénir notre travail, au service d’une culture capable d’affronter les défis d’aujourd’hui. L’Esprit Saint que nous avons reçu en don nous pousse à chercher, ouvrir les espaces de notre pensée et de notre agir, jusqu’à nous conduire à la vérité tout entière (cf. Jn 16, 13).

Nous sommes conscients – comme nous l’a dit le Recteur au début – que “nous ne savons pas encore tout”, mais, en même temps, c’est précisément cette limite qui doit toujours vous pousser en avant, vous aider à maintenir allumée la flamme de la recherche et à rester une fenêtre ouverte sur le monde d’aujourd’hui.

Et, à ce propos, je veux vous dire sincèrement : merci ! Merci parce que, en élargissant vos frontières, vous vous faites espace d’accueil pour tous les réfugiés qui sont contraints de fuir leur pays, au milieu de mille insécurités, d’énormes difficultés et de souffrances parfois atroces. Merci ! Nous avons vu tout à l’heure, dans la vidéo, un témoignage très touchant.

Et alors que certains appellent à renforcer les frontières, vous, en tant que communauté universitaire, les frontières vous les avez élargies. Merci ! Vous avez ouvert vos bras pour accueillir ces personnes marquées par la douleur, pour les aider à étudier et à grandir. Merci !

Nous avons besoin de ceci : une culture qui élargisse les frontières, qui ne soit pas “sectaire” – et vous, vous n’êtes pas sectaires. Merci ! – et ne se prétende pas au-dessus des autres, mais qui, au contraire, se mette dans la pâte du monde en y apportant un bon levain qui contribue au bien de l’humanité. Cette tâche, cette “plus grande espérance”, vous est confiée !

Un théologien de ce pays, fils et professeur de cette université, a dit : « Nous sommes le buisson ardent qui permet à Dieu de se manifester » (A. GESCHÉ, Dieu pour penser. Le Christ, Cinisello Balsamo 2003, p. 276). Maintenez allumée la flamme de ce feu ; élargissez les frontières !

Soyez de soucieux, s’il vous plait, avec le souci de la vie, soyez des chercheurs de la vérité et n’éteignez jamais votre passion, pour ne pas tomber dans l’acédie de la pensée, qui est une très mauvaise maladie. Soyez les protagonistes de la création d’une culture de l’inclusion, de la compassion, de l’attention aux plus faibles et aux grands défis du monde dans lequel nous vivons.

Et, s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi. Merci !

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Le Pape visite l’œuvre d’entraide de la paroisse de Saint-Gilles
Avant de se rendre à la basilique de Koekelberg ce samedi 28 septembre au matin à Bruxelles pour la rencontre avec les évêques, le Pape François est passé par la paroisse de Saint-Gilles pour y partager le petit-déjeuner avec des personnes démunies et des migrants. Ils ont pu partager avec le Saint-Père leur histoire de vie et un moment de convivialité.

RENCONTRE À LA PAROISSE SAINT-GILLES

SALUTATION DU SAINT-PÈRE

Bruxelles
Samedi 28 septembre 2024

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Chers frères et sœurs, bonjour !

Merci pour cette invitation au petit déjeuner ! Il est agréable de commencer la journée entre amis, et c’est l’ambiance qui règne à Saint-Gilles.

Je remercie Marie-Françoise, Simon et Francis pour ce qu’ils ont dit, et je suis heureux de voir comment ici l’amour nourrit continuellement la communion et la créativité de chacun : vous avez même élaboré La Biche de saint Gilles, et j’imagine que c’est une très bonne bière ! Dans l’après-midi je vous dis si elle est bonne ou non.

Comme l’a dit Marie-Françoise, « la miséricorde montre le chemin de l’espérance » – très beau ! – , et le fait de se regarder avec amour aide tout le monde – tout le monde ! – à se tourner vers l’avenir avec confiance et à se remettre en route chaque jour. La charité est ainsi faite : elle est un feu qui réchauffe le cœur, et il n’y a pas de femme ou d’homme sur terre qui n’ait besoin de sa chaleur.

C’est vrai, il y a beaucoup de problèmes à affronter – vous le savez bien –, comme nous l’a dit Simon, et parfois on rencontre le rejet et l’incompréhension, comme nous l’a dit Francis, mais la joie et la force qui viennent de l’amour partagé sont plus grandes que toutes les difficultés, et chaque fois que l’on s’engage dans la dynamique de la solidarité et de l’attention réciproque, on se rend compte que l’on reçoit beaucoup plus que ce que l’on donne (cf. Lc 6,38 ; Ac 20,35).

À la fin de notre rencontre, il y aura un don à la paroisse d’une statue de saint Laurent, diacre et martyr des premiers siècles, célèbre aussi pour avoir présenté à ses accusateurs, qui voulaient les trésors de l’Église, les membres les plus fragiles de la Communauté chrétienne à laquelle il appartenait, celle de Rome, la chose la plus importante mais aussi la plus fragile : les pauvres, les nécessiteux.

Ce n’était pas une figure de style. Ni une simple provocation. C’était et c’est la pure vérité : l’Église a sa plus grande richesse dans ses membres les plus faibles, et si nous voulons vraiment connaître et montrer sa beauté, il nous sera bon de tous nous donner les uns aux autres comme cela, dans notre petitesse, dans notre pauvreté, sans prétention et avec beaucoup d’amour. C’est ce que nous a enseigné pour la première fois le Seigneur Jésus, qui s’est fait pauvre pour nous enrichir de sa pauvreté (cf. 2 Co 8, 9).

Chers amis, merci de m’accueillir parmi vous et merci pour le chemin que vous parcourez ensemble. Et merci pour le petit déjeuner ! Je vous bénis tous et je prie pour vous. Et je vous le demande, priez aussi pour moi. Merci !

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L’attente des étudiants de l’Université catholique de Louvain
Dans le cadre de son 46e voyage apostolique, le Souverain pontife rencontre samedi 27 septembre, les étudiants de l’Université catholique de Louvain (UCLouvain). En prélude à ce grand moment, la traditionnelle messe des étudiants du mercredi, a connu une grande participation.

Faire de la formation académique un espace vital
Dans le cadre solennel de la salle des diplômes du siège historique de l’université catholique de Louvain, l’actuelle KU Leuven, le Pape François a rencontré les professeurs de cet établissement parmi les plus prestigieux d’Europe et qui célèbrera l’an prochain son 600e anniversaire. Il les a encouragés à élargir les frontières de la connaissance et à promouvoir une culture qui ne soit pas sectaire mais qui se mette «dans la pâte du monde, y apportant un bon levain.»

Les évêques belges encouragés par la venue du Pape
Le Pape François a rencontré ce 28 septembre les évêques, les prêtres, diacres, séminaristes, personnes consacrées et agents pastoraux de Belgique dans le cadre de son 46e voyage apostolique. Pour l’évêque de Liège, Mgr Jean-Pierre Delville, la visite du Pape est un «événement véritablement enthousiasmant», qui va permettre d’imprimer «un souffle dynamique» à l’Église de Belgique.

« Sans l’Esprit, rien de chrétien n’advient.»
« Marchez ensemble, vous et l’Esprit Saint, pour, ainsi, être Église » a déclaré le Pape François. Dans la basilique du Sacré-Cœur de Koekelberg, le Saint-Père a invité à réfléchir sur trois mots clés : « évangélisation, joie, miséricorde ».

RENCONTRE AVEC LES ÉVÊQUES, PRÊTRES, DIACRES, PERSONNES CONSACRÉES, SÉMINARISTES ET AGENTS PASTORAUX

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

Basilique du Sacré-Cœur de Koekelberg (Bruxelles)
Samedi 28 septembre 2024

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Chers frères et sœurs, bonjour !

Je suis heureux d’être parmi vous. Je remercie Mgr Terlinden pour ses paroles et pour nous avoir rappelé la priorité de l’annonce de l’Évangile. Merci à vous tous.

Dans ce carrefour qu’est la Belgique, vous êtes une Église “en mouvement”. En effet, depuis un certain temps, vous essayez de transformer la présence des paroisses sur le territoire, de donner une forte impulsion à la formation des laïcs ; surtout, vous vous efforcez d’être une Communauté proche des gens, qui accompagne les personnes et témoigne par des gestes de miséricorde.

En m’inspirant de vos questions, je voudrais vous proposer quelques pistes de réflexion autour de trois mots : évangélisation, joie, miséricorde.

La première voie à parcourir est l’évangélisation. Les changements de notre époque et la crise de la foi que nous vivons en Occident nous ont poussés à revenir à l’essentiel, c’est-à-dire à l’Évangile, afin que la bonne nouvelle que Jésus a apportée au monde soit à nouveau proclamée à tous, en faisant resplendir toute sa beauté.

La crise – toute crise – est un temps qui nous est offert pour nous secouer, nous interroger et changer. Elle est une occasion précieuse – appelée kairòs dans le langage biblique, une occasion spéciale –, comme ce fut le cas pour Abraham, Moïse et les prophètes. Lorsque nous faisons l’expérience de la désolation, en effet, nous devons toujours nous demander quel message le Seigneur veut nous communiquer.

Et que nous montre la crise ? Nous sommes passés d’un christianisme installé dans un cadre social accueillant à un christianisme “de minorité”, ou plutôt, de témoignage. Cela demande le courage d’une conversion ecclésiale pour initier les transformations pastorales qui touchent aussi les coutumes, les modèles, les langages de la foi, afin qu’ils soient vraiment au service de l’évangélisation (cf. Exhortation apostolique Evangelii gaudium, n. 27).

Et je voudrais dire à Helmut : ce courage est aussi demandé aux prêtres. Être des prêtres qui ne se contentent pas de préserver ou de gérer un héritage du passé, mais des pasteurs, des pasteurs amoureux du Christ et attentifs à saisir les questions – souvent implicites – de l’Évangile, en marchant avec le Peuple saint de Dieu. Et nous marchons un peu devant, un peu au milieu et un peu derrière.

Et quand nous apportons l’Évangile – je pense à ce que nous a dit Yaninka – le Seigneur ouvre nos cœurs à la rencontre de ceux qui sont différents de nous. Il est bon, voire nécessaire, qu’il y ait, parmi les jeunes, des rêves et des spiritualités différentes.

Il doit en être ainsi, parce que les parcours personnels ou communautaires qui nous conduisent cependant au même but, à la rencontre avec le Seigneur peuvent être nombreux : dans l’Église il y a de la place pour tous – tous, tous !­– et personne ne doit être la photocopie de l’autre.

L’unité dans l’Église n’est pas uniformité, mais elle consiste à trouver l’harmonie des diversités ! Et je dirais aussi à Arnaud : le processus synodal doit être un retour à l’Évangile ; il ne doit pas avoir parmi les priorités quelque réforme “à la mode”, mais il faut se demander : comment pouvons-nous faire parvenir l’Évangile dans une société qui n’écoute plus ou qui s’est éloignée de la foi ? Posons-nous tous la question.

Deuxième chemin : la joie. Nous ne parlons pas ici des joies liées à quelque chose de momentané, et nous ne pouvons pas suivre les modèles de l’évasion et du divertissement consumériste. Il s’agit d’une joie plus grande, qui accompagne et soutient la vie même dans les moments sombres ou douloureux, et c’est un don qui vient d’en haut, de Dieu.

C’est joie du cœur suscitée par l’Évangile : c’est savoir que nous ne sommes pas seuls sur le chemin et que, même dans les situations de pauvreté, de péché, d’affliction, Dieu est proche, il prend soin de nous et ne permettra pas à la mort d’avoir le dernier mot. Dieu est proche ; proximité.

Bien avant de devenir Pape, Joseph Ratzinger a écrit qu’une règle du discernement est la suivante : « Là où la joie manque, là où l’humour meurt, là il n’y a même pas l’Esprit Saint […] et vice versa : la joie est un signe de la grâce » (Il Dio di Gesù Cristo, Brescia 1978, p. 129). C’est beau.

Et alors je voudrais vous dire : que votre prédication, votre célébration, votre service et votre apostolat laissent transparaître la joie du cœur, car cela suscite des questions et attire même ceux qui sont loin. La joie du cœur : pas ce sourire factice, du moment, la joie du cœur.

Je remercie Sœur Agnès et je lui dis : la joie est le chemin. Quand la fidélité semble difficile, nous devons montrer – comme tu l’as dit, Agnès – qu’elle est un “chemin vers le bonheur”. Et alors, en entrevoyant où mène la route, on est davantage prêt à commencer le chemin.

Et le troisième chemin : la miséricorde. L’Évangile, accueilli et partagé, reçu et donné, nous conduit à la joie parce qu’il nous fait découvrir que Dieu est le Père de la miséricorde qui s’émeut pour nous, qui nous relève de nos chutes, qui ne retire jamais son amour pour nous.

Fixons cela dans notre cœur : jamais Dieu ne retire son amour pour nous. “Mais Père, même lorsque j’ai commis quelque chose de grave ?”. Jamais Dieu ne retire son amour pour toi. Face à l’expérience du mal, cela peut parfois nous sembler “injuste”, parce que nous appliquons simplement la justice terrestre qui dit : “Celui qui fait des erreurs doit payer”.

Cependant la justice de Dieu est supérieure : celui qui s’est trompé est appelé à réparer ses erreurs, mais pour guérir dans son cœur il a besoin de l’amour miséricordieux de Dieu. N’oubliez pas : Dieu pardonne tout, Dieu pardonne toujours. C’est par sa miséricorde que Dieu nous justifie, c’est-à-dire qu’il nous rend justes, parce qu’il nous donne un cœur nouveau, une vie nouvelle.

Je dirais donc à Mia : merci pour le grand travail que vous faites pour transformer la colère et la douleur en aide, en proximité et en compassion. Les abus engendrent des souffrances et des blessures atroces ; elles minent aussi le chemin de la foi.

Et il faut beaucoup de miséricorde afin de ne pas rester le cœur de pierre devant la souffrance des victimes, leur faire sentir notre proximité et offrir toute l’aide possible, pour apprendre d’elles – comme tu l’as dit – à être une Église qui se fait servante de tous sans dominer personne. Oui, parce que l’une des racines de la violence est l’abus de pouvoir, lorsque nous utilisons les rôles que nous avons pour écraser les autres ou pour les manipuler.

Et la miséricorde – je pense au service de Pieter – est un mot-clé pour les détenus. Quand je rentre dans une prison je me demande : pourquoi eux et pas moi ? Jésus nous montre que Dieu ne se tient pas à l’écart de nos blessures et de nos impuretés. Il sait que nous pouvons tous faire des erreurs, mais personne n’est une erreur. Personne n’est perdu pour toujours.

Il est donc juste de suivre toutes les voies de la justice terrestre et les voies humaines, psychologiques et pénales ; mais la peine doit être un remède, elle doit conduire à la guérison. Il faut aider les personnes à se relever et à retrouver leur chemin dans la vie et dans la société.

Une seule fois dans la vie de chacun, il nous est permis de regarder quelqu’un de haut : pour l’aider à se relever. Seulement de cette manière. Souvenons-nous : nous pouvons tous faire des erreurs, mais personne n’est une erreur, personne n’est perdu pour toujours. Miséricorde, toujours, toujours miséricorde.

Sœurs et frères, je vous remercie. Et en vous saluant, je voudrais rappeler une œuvre de Magritte, votre illustre peintre, qui s’intitule “L’acte de foi”. Elle représente une porte fermée de l’intérieur, mais qui est percée au centre, elle est ouverte sur le ciel. C’est une ouverture qui nous invite à aller au-delà, à regarder vers l’avant et vers le haut, à ne jamais nous refermer sur nous-mêmes, jamais sur nous-mêmes.

C’est une image que je vous laisse comme symbole d’une Église qui ne ferme jamais ses portes – s’il vous plait, ne fermez jamais les portes –, qui offre à tous une ouverture sur l’infini, qui sait regarder au-delà. C’est l’Église qui évangélise, vit la joie de l’Évangile, pratique la miséricorde.

Sœurs et frères, marchez ensemble, vous et l’Esprit Saint, ensemble, et pratiquez la miséricorde pour être de cette manière Église. Sans l’Esprit, rien de chrétien n’advient. La Vierge Marie, notre Mère, nous l’enseigne. Qu’elle vous guide et vous garde. Je bénis chacun de tout cœur. Et s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi. Merci !

*

Écologie, femme, études…. Le Pape avec les étudiants de Louvain

Ce samedi 28 septembre, le Pape François avait rendez-vous avec les étudiants de l’Université catholique de Louvain, à l’occasion des 600 ans de l’Université, créée en 1425. Le Saint-Père est revenu sur le rôle de la femme dans l’Église et a rappelé que celle-ci est au cœur de l’événement salvifique grâce au «oui» de Marie. «Ce sont les relations qui expriment notre être à l’image de Dieu, homme et femme ensemble et non pas séparément!»

 

RENCONTRE AVEC LES ÉTUDIANTS UNIVERSITAIRES  

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

Aula Magna de l’Université Catholique de Louvain
Samedi 28 septembre 2024

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Chers frères et sœurs, bonjour !

Merci, Madame la Rectrice, pour vos aimables paroles. Chers étudiants, je suis heureux de vous rencontrer et d’écouter vos réflexions. Je sens dans ces mots de la passion et de l’espérance, du désir de justice, de la recherche de vérité.

Parmi les questions que vous abordez, j’ai été frappé par celle de l’avenir et de l’angoisse. Nous voyons bien combien le mal qui détruit l’environnement et les peuples est violent et arrogant.

Il semble ne pas connaître de frein. La guerre en est l’expression la plus brutale – vous savez que dans un pays, que je ne nommerai pas, les investissements les plus générateurs de revenus sont aujourd’hui les usines d’armement, c’est mauvais ! – et cela semble ne pas connaître de frein : la guerre est une expression brutale ; comme le sont aussi la corruption et les formes modernes d’esclavage.

La guerre, la corruption et les nouvelles formes d’esclavage. Parfois, ces maux polluent la religion elle-même qui devient un instrument de domination. Faites attention ! Mais c’est un blasphème.

L’union des hommes avec Dieu, qui est Amour salvifique, devient ainsi un esclavage. Même le nom du Père, qui est révélation d’attention, devient une expression d’arrogance. Dieu est Père, pas maître ; il est Fils et Frère, pas dictateur ; il est Esprit d’amour, et pas de domination.

Nous, chrétiens, nous savons que le mal n’a pas le dernier mot – et nous devons être forts à ce sujet : le mal n’a pas le dernier mot – comme on dit, que ses jours sont comptés. Cela n’enlève rien à notre engagement, bien au contraire l’augmente : l’espérance est l’une de nos responsabilités. Une responsabilité à prendre parce que l’espérance ne déçoit jamais, ne déçoit jamais. Cette certitude l’emporte sur la conscience pessimiste, le style de la Turandot… L’espérance ne déçoit jamais

Maintenant, trois mots : gratitude, mission, fidélité.

La première attitude est la gratitude car cette maison nous est donnée : nous n’en sommes pas les maîtres, nous sommes des hôtes et des pèlerins sur la terre. Le premier à en prendre soin est Dieu : nous sommes avant tout pris en charge par Dieu qui a créé la terre – dit Isaïe – “non pas comme un lieu vide, mais pour qu’elle soit habitée” (cf. Is 45, 18).

Et le psaume huitième est plein d’étonnante gratitude : « A voir ton ciel, ouvrage de tes doigts/ la lune et les étoiles que tu fixas, / qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui, / le fils d’un homme, que tu en prennes souci ? » (Ps 8, 4-5). Merci, ô Père, pour le ciel étoilé et pour la vie dans cet univers !

La seconde attitude est celle de la mission : nous sommes dans le monde pour préserver sa beauté et le cultiver pour le bien de tous, en particulier de la postérité, le prochain dans l’avenir. Voilà le “programme écologique” de l’Église. Mais aucun plan de développement ne pourra réussir si l’arrogance, la violence et la rivalité demeurent dans nos consciences, voire dans notre société. Il faut aller à la source du problème qui est le cœur de l’homme.

Du cœur de l’homme, vient aussi l’urgence dramatique de la question écologique : de l’indifférence arrogante des puissants qui privilégie toujours l’intérêt économique. Intérêt économique : l’argent. Je me souviens d’une chose que ma grand-mère me disait toujours : “Sois prudent dans la vie car le diable entre par les poches”. L’intérêt économique.

Tant qu’il en sera ainsi, tout appel sera réduit au silence ou ne sera entendu que dans la mesure où il convient au marché. Cette “spiritualité”, disons-le ainsi, du marché. Et tant que le marché restera au premier plan, notre maison commune subira l’injustice. La beauté du don exige notre responsabilité : nous sommes des hôtes, pas des despotes. À ce propos, chers étudiants, considérez la culture comme la culture du monde, et pas seulement des idées.

C’est là que réside le défi du développement intégral qui requiert la troisième attitude : la fidélité. Fidélité à Dieu et fidélité à l’homme. Ce développement concerne, en effet, tous les personnes dans tous les aspects de leur vie : physique, moral, culturel, sociopolitique ; et toute forme d’oppression et de rejet s’oppose à cela.

L’Église dénonce ces abus en s’engageant avant tout dans la conversion de chaque membre, de nous-mêmes, à la justice et à la vérité. En ce sens, le développement intégral fait appel à notre sainteté : il est une vocation à une vie juste et heureuse, pour tous.

Etmaintenant, l’option à prendre se situe donc entre manipuler la nature et cultiver la nature. Une option comme celle-ci : soit manipuler la nature, soit cultiver la nature. À commencer par notre nature humaine – pensons à l’eugénisme, aux organismes cybernétiques, à l’intelligence artificielle –. L’option entre manipuler ou cultiver concerne également notre monde intérieur.

Penser à l’écologie humaine nous amène à toucher un thème qui vous tient à cœur, plus encore à moi et à mes prédécesseurs : le rôle de la femme dans l’Église. J’aime ce que tu as dit. Les violences et les injustices pèsent lourd ici, ainsi que les préjugés idéologiques. C’est pourquoi il faut redécouvrir le point de départ : qui est la femme et qui est l’Église ? L’Église est femme,

L’Église est une femme, elle n’est pas “il” Église », elle est “la” Église, elle est l’épouse. L’Église est le peuple de Dieu, pas une entreprise multinationale. La femme, dans le peuple de Dieu, est fille, sœur, mère. Comme moi je suis fils, frère, père.

Ce sont les relations qui expriment notre être à l’image de Dieu, homme et femme ensemble et non pas séparément ! En fait, les femmes et les hommes sont des personnes, et non des individus ; ils sont appelés dès le “commencement” à aimer et à être aimés. Une vocation qui est mission. D’où leur rôle dans la société et dans l’Église (cf. S. Jean-Paul II, Lett. ap. Mulieris dignitatem, n. 1).

Ce qui caractérise la femme, ce qui est féminin, n’est pas déterminé par le consensus ou les idéologies. Et la dignité est garantie par une loi originelle, non pas écrite sur le papier, mais dans la chair. La dignité est un bien inestimable, une qualité originelle qu’aucune loi humaine ne peut donner ou enlever.

À partir de cette dignité, commune et partagée, la culture chrétienne élabore de manière toujours renouvelée, dans différents contextes, la mission et la vie de l’homme et de la femme et leur être mutuel, dans la communion. Non pas l’un contre l’autre, ce qui serait du féminisme ou du maculinisme et non pas dans des revendications opposées, mais l’homme pour la femme et la femme pour l’homme, ensemble.

Rappelons que la femme est au cœur de l’événement salvifique. C’est par le “oui” de Marie que Dieu en personne vient dans le monde. La femme est accueil fécond, soin, dévouement vital. C’est pourquoi la femme est plus importante que l’homme, mais il est mauvais que la femme veuille faire l’homme : non, elle est femme, et c’est “lourd”, c’est important.

Ouvrons les yeux sur les nombreux exemples quotidiens d’amour, de l’amitié au travail, de l’étude à la responsabilité sociale et ecclésiale ; de la vie conjugale à la maternité, à la virginité pour le Royaume de Dieu et pour le service. N’oublions pas, je le répète : l’Église est femme, elle n’est pas homme, elle est femme.

Vous-mêmes êtes ici pour grandir en tant que femmes et en tant qu’hommes. Vous êtes en marche, en formation en tant que personnes. C’est pourquoi votre parcours académique comprend différents domaines : recherche, amitié, service social, responsabilité civile et politique, expressions artistiques…

Je pense à l’expérience que vous vivez chaque jour, dans cette Université Catholique de Louvain, et je partage trois aspects simples et décisifs de la formation : comment étudier ? pourquoi étudier ? et pour qui étudier ?

Comment étudier : il n’y a pas seulement une méthode, comme dans toute science, mais aussi un style. Chacun peut cultiver le sien. En effet, l’étude est toujours un chemin vers la connaissance de soi et des autres. Mais il y a aussi un style commun qui peut être partagé dans la communauté universitaire.

On étudie ensemble : grâce à ceux qui ont étudié avant moi – les professeurs, les camarades plus avancés –, avec ceux qui étudient à mes côtés dans la salle de cours. La culture comme la prise en charge de soi implique une prise en charge mutuelle. Il n’y a pas de guerre entre les étudiants et les professeurs, il y a le dialogue, parfois c’est un dialogue un peu intense, mais il y a le dialogue et le dialogue fait grandir la communauté universitaire.

Deuxièmement, pourquoi étudier. Il y a une raison qui nous pousse et un but qui nous attire. Il faut qu’ils soient bons, car c’est d’eux que dépend le sens de l’étude, dépend la direction de notre vie. Parfois, j’étudie pour trouver tel genre de travail, mais je finis par vivre en fonction de tel autre. Nous devenons une “marchandise”, vivant en fonction du travail.

On ne vit pas pour travailler, mais on travaille pour vivre ; c’est facile à dire, mais il faut s’engager à le mettre en pratique de manière cohérente. Et ce mot cohérence est très important pour tout le monde, mais surtout pour vous les étudiants. Vous devez apprendre cette attitude de cohérence, être cohérent.

Troisièmement, pour qui étudier. Pour soi-même ? Pour rendre compte aux autres ? Nous étudions pour être en mesure d’éduquer et servir les autres, avant tout par le service de la compétence et de l’autorité. Avant de se demander si étudier sert à quelque chose, préoccupons-nous de servir quelqu’un. Une belle question qu’un étudiant peut poser : à qui est-ce que je sers, moi ? Ou bien, ai-je le cœur ouvert pour un autre service ? Le diplôme universitaire atteste alors d’une capacité pour le bien commun. J’étudie pour moi, pour travailler, pour être utile, pour le bien commun. Et cela doit être très équilibré, très équilibré !

Chers étudiants, c’est pour moi une joie de partager ces réflexions avec vous. Et ce faisant, nous percevons qu’il existe une réalité plus grande qui nous éclaire et nous dépasse : la vérité. Qu’est-ce que la vérité ? Pilate avait posé cette question. Sans vérité, notre vie perd son sens. L’étude a un sens lorsqu’elle cherche la vérité, L’étude a du sens lorsqu’elle cherche la vérité, lorsqu’elle essaie de la trouver, mais avec un esprit critique.

Mais la vérité, pour la trouver, a besoin de cette attitude critique, ainsi nous pouvons aller de l’avant. L’étude a du sens quand elle cherche la vérité, ne l’oubliez pas. Et en la cherchant, elle comprend que nous sommes faits pour la trouver. La vérité se laisse trouver : elle est accueillante, elle est disponible, elle est généreuse.

Si nous renonçons à chercher ensemble la vérité, l’étude devient un instrument de pouvoir, de contrôle sur les autres. Et je vous avoue que cela me rend triste quand je trouve, partout dans le monde, des universités uniquement pour préparer les étudiants à gagner ou à avoir du pouvoir. C’est trop individualiste, sans communauté.

L’alma mater est la communauté universitaire, l’université, ce qui nous aide à faire société, à faire fraternité. L’étude, sans (chercher la vérité) ensemble, ne sert à rien, elle ne sert pas, mais domine, mais domine. Au contraire, la vérité nous rend libres (cf. Jn 8, 32). Chers étudiants, voulez-vous la liberté ? Soyez des chercheurs et des témoins de la vérité !

En essayant d’être crédibles et cohérents à travers les choix quotidiens les plus simples. Ainsi, cette Université devient, chaque jour, ce qu’elle veut être, une Université catholique ! Et allez de l’avant, allez de l’avant, et n’entrez pas dans les luttes avec des dichotomies idéologiques, non. N’oubliez pas : l’Église est une femme et cela nous aidera beaucoup.

Je vous remercie de cette rencontre. Merci à toi d’avoir été douée ! Merci ! Je vous bénis de tout cœur, vous et votre chemin de formation. Et je vous demande s’il vous plaît de prier pour moi. Et si quelqu’un ne prie pas ou ne sait pas prier ou ne veut pas prier, qu’il m’envoie au moins de bonnes ondes, qui sont nécessaires ! Merci.


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VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS AU LUXEMBOURG

VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS
AU LUXEMBOURG

A son arrivée, le Saint-Père a été accueilli à l’extérieur du Cercle Cité par le Premier Ministre du Luxembourg, S.E. M. Luc Frieden, et la Maire de la Ville, Mme Lydie Polfer. Le Grand-Duc et la Grande-Duchesse l’attendaient plutôt à l’entrée principale du Palais. Le pape François arrive à la Grande Salle, au premier étage, où se trouvaient les autorités politiques et religieuses, les membres du corps diplomatique, les entrepreneurs et les représentants de la société civile et de la culture.

RENCONTRE AVEC LES AUTORITÉS, LES REPRÉSENTANTS
DE LA SOCIÉTÉ CIVILE ET LE CORPS DIPLOMATIQUE

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

Cercle Cité, Luxembourg
Jeudi 26 septembre 2024

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Altesses Royales,
Monsieur le Premier Ministre,
distingués représentants de la société civile,
illustres Membres du Corps Diplomatique,
Mesdames et Messieurs !
Éminences !

Je suis heureux de faire cette visite au Grand-Duché du Luxembourg ; je remercie vivement Votre Altesse Royale, et le Premier Ministre pour les cordiales paroles de bienvenue qu’elle m’a adressées. Et aussi pour la bienvenue si familière de votre famille, merci !

En raison de sa situation géographique particulière, à la frontière de différentes zones linguistiques et culturelles, le Luxembourg s’est souvent trouvé au carrefour des événements historiques européens les plus importants. À deux reprises, dans la première moitié du siècle dernier, il a dû subir l’invasion et la privation de liberté et d’indépendance.

Instruit par son histoire – l’histoire est maitresse de vie –, votre pays s’est distingué, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, par son engagement dans la construction d’une Europe unie et solidaire dans laquelle chaque pays, grand ou petit, aurait son rôle à jouer, laissant enfin derrière elle les divisions, les querelles et les guerres provoquées par des nationalismes exacerbés et des idéologies pernicieuses. Les idéologies sont toujours un ennemi de la démocratie.

Il faut également reconnaître que, lorsque la logique de la confrontation et de l’opposition violente prévaut, les lieux situés à la frontière entre les puissances en conflit finissent par être – malgré eux – fortement impliqués.

Mais lorsque les esprits retrouvent enfin les voies de la sagesse, et que les oppositions laissent place à la coopération, ces mêmes lieux deviennent alors les plus aptes à indiquer, pas seulement symboliquement, les exigences d’une nouvelle ère de paix et les chemins à suivre.

Le Luxembourg n’échappe pas à cette règle. Membre fondateur de l’Union Européenne et des Communautés qui l’ont précédée, il abrite de nombreuses institutions européennes dont la Cour de Justice de l’Union, la Cour des Comptes et la Banque d’Investissement. Et cela se fait toujours dans la paix, n’oublions pas que la guerre est toujours une défaite.

La paix – le Luxembourg a une histoire de construction de la paix – est nécessaire. Il est très triste qu’aujourd’hui, dans un pays d’Europe, les investissements qui rapportent le plus soient ceux des usines d’armement. C’est très triste.

À son tour, la solide structure démocratique de votre pays, qui a à cœur la dignité de la personne humaine et la défense de ses libertés fondamentales, est la condition indispensable pour un rôle aussi significatif dans le contexte continental.

En effet, ce ne sont pas la taille du territoire ni le nombre d’habitants à être la condition indispensable pour qu’un État joue un rôle important sur la scène internationale, ou pour qu’il devienne un centre économique et financier névralgique.

C’est plutôt la construction patiente d’institutions et de lois sages qui, en réglementant la vie des citoyens selon des critères d’équité et de respect de l’état de droit, mettent la personne et le bien commun au centre, en prévenant et en contrant les dangers de la discrimination et de l’exclusion. Le Luxembourg est un pays aux portes ouvertes, un beau témoignage de non-discrimination et de non-exclusion.

À cet égard, les paroles prononcées par saint Jean-Paul II lors de sa visite au Luxembourg en 1985 sont d’actualité : « Votre pays reste fidèle – disait-il – à sa vocation d’être, en ce carrefour important des civilisations, un lieu d’échanges et de coopération intenses entre un nombre croissant de pays.

Je souhaite ardemment que cette volonté de solidarité unisse toujours plus largement les communautés nationales et s’étende à toutes les nations du monde, notamment les plus démunies » (Discours à la cérémonie de bienvenue, 15 mai 1985).

En faisant miennes ces affirmations, je renouvelle tout particulièrement mon appel à l’établissement de relations de solidarité entre les peuples, afin que tous deviennent participants et protagonistes d’un projet ordonné de développement intégral.

La doctrine sociale de l’Église indique les caractéristiques de ce progrès et les voies pour y parvenir. Moi aussi je me suis inséré dans le sillage de ce magistère en approfondissant deux grands thèmes : la sauvegarde de la création et la fraternité.

En effet, pour être authentique et intégral, le développement ne doit pas saccager ni dégrader notre maison commune, et il ne doit pas marginaliser des peuples ou des groupes sociaux : tous, tous frères. La richesse – ne l’oublions pas – est une responsabilité. Je demande donc que l’on soit toujours attentif à ne pas négliger les nations les plus défavorisées, et même qu’on les aide à se relever de leurs conditions d’appauvrissement.

Il s’agit d’une voie maîtresse pour faire en sorte que diminue le nombre de ceux qui sont contraints à émigrer, souvent dans des conditions inhumaines et dangereuses.

Que le Luxembourg, avec son histoire particulière, avec sa situation géographique tout aussi particulière, avec un peu moins de la moitié de ses habitants venant d’autres parties de l’Europe et du monde, soit une aide et un exemple pour montrer la voie à suivre dans l’accueil et l’intégration des migrants et des réfugiés. Et vous êtes un modèle en cela.

Malheureusement, force est de constater la réapparition, même sur le continent européen, de fractures et d’inimitiés qui, au lieu d’être résolues sur la base de la bonne volonté mutuelle, de la négociation et du travail diplomatique, débouchent sur des hostilités ouvertes, avec leur cortège de destruction et de mort. Il semble que le cœur humain ne sache pas toujours garder la mémoire et qu’il s’égare périodiquement pour retourner sur les chemins tragiques de la guerre.

Nous sommes oublieux en ce domaine. Pour guérir cette dangereuse sclérose, qui rend les nations gravement malades, augmente les conflits et risque de les précipiter dans des aventures aux coûts humains immenses en renouvelant des massacres inutiles, il faut regarder vers le haut, il faut que la vie quotidienne des peuples et de leurs gouvernants soit animée par des valeurs spirituelles hautes et profondes.

Ce sont ces valeurs qui empêcheront la folie de la raison et le retour irresponsable aux mêmes erreurs du passé, aggravées de surcroît par la plus grande puissance technique dont dispose aujourd’hui l’être humain. Le Luxembourg est au cœur de la capacité à se faire des amis et à éviter ces chemins. Je dirais : c’est une de vos vocations.

En tant que Successeur de l’Apôtre Pierre, au nom de l’Église experte en humanité – comme le disait Paul VI –, je suis également envoyé ici pour témoigner que cette sève vitale, cette force toujours nouvelle de renouveau personnel et social, c’est l’Évangile. Celui-ci nous fait trouver de la sympathie chez toutes les nations, chez tous les peuples : de la sympathie, des sentiments égaux, des souffrances égales.

L’Évangile de Jésus-Christ qui est seul en mesure de transformer profondément l’âme humaine en la rendant capable de faire le bien, même dans les situations les plus difficiles, d’éteindre les haines et de réconcilier les parties en conflit.

Que tous, tout homme et toute femme, puissent connaître en pleine liberté l’Évangile de Jésus qui, en sa Personne, a réconcilié l’homme avec Dieu et qui, connaissant ce qu’il y a dans le cœur de l’homme, peut en guérir les blessures. Toujours positif.

Altesses Royales, Mesdames et Messieurs,

Le Luxembourg peut montrer à tous les avantages de la paix sur les horreurs de la guerre, de l’intégration et de la promotion des migrants sur leur ségrégation – et en cela je vous remercie beaucoup : cet esprit d’accueil des migrants et aussi leur donner une place dans votre société, cela enrichit -, les avantages de la coopération entre les nations sur les conséquences néfastes du durcissement des positions et de la poursuite égoïste et à courte vue – voire violente – des intérêts personnels.

Et permettez-moi d’ajouter une chose. J’ai vu le taux de natalité : s’il vous plaît, plus d’enfants, plus d’enfants ! C’est l’avenir. Je ne dis pas plus d’enfants et moins de chiens – je le dis en Italie – mais plus d’enfants !

Il est en effet urgent que ceux qui sont investis de l’autorité s’engagent avec constance et patience dans des négociations honnêtes en vue de résoudre les désaccords, dans un esprit disposé à trouver des compromis honorables qui ne portent préjudice en rien et qui peuvent, au contraire, construire la sécurité et la paix pour tous.

“Pour servir” : c’est avec cette devise que je suis venu parmi vous. Elle se réfère directement et éminemment à la mission de l’Église que le Christ, le Seigneur qui s’est fait serviteur, a envoyée dans le monde comme le Père l’avait envoyé. Mais permettez-moi de vous rappeler que cela, servir, est aussi pour chacun de vous le titre de noblesse le plus élevé.

Le service est pour vous aussi la tâche principale, le style à assumer chaque jour. Que Dieu vous donne de servir toujours avec un esprit joyeux et généreux. Et que ceux qui n’ont pas la foi travaillent pour leurs frères, pour leur pays, pour la société. C’est un chemin pour tous, toujours pour le bien commun !

Que Marie Mutter Jesu, Consolatrix Afflictorum, Patrona Civitatis et Patriae Luxemburgensis veille sur le Luxembourg et sur le monde et qu’elle obtienne de Jésus, son Fils, la paix et tout bien.

Que Dieu bénisse le Luxembourg ! Merci.

*

L’après-midi, le Saint-Père François s’est rendu à la Cathédrale Notre-Dame de Luxembourg où, à 16h30, il a rencontré la Communauté catholique de Luxembourg.

A son arrivée, le Pape a été accueilli – à l’entrée principale de la Cathédrale – par l’Archevêque de Luxembourg, Son Éminence le Cardinal Jean-Claude Hollerich, S.I., et par le Curé de la Paroisse qui lui a apporté la croix et l’eau bénite pour l’aspersion. . Deux enfants lui ont offert des fleurs. Puis le pape François a traversé la nef centrale et a atteint l’autel pendant que le chœur chantait un chant.

Après le salut de bienvenue du Cardinal Archevêque de Luxembourg et le témoignage du jeune Diogo Gomes Costa, a eu lieu un spectacle de danse, Laudato si’, inspiré de la vie de Saint François qui a été suivi des témoignages de Mme Christine Bußhardt, vice-présidente Présidente du Conseil pastoral diocésain et de Sœur Maria Perpétua Coelho Dos Santos représentant les communautés linguistiques. Puis le Saint-Père a prononcé son discours.

RENCONTRE AVEC LA COMMUNAUTÉ CATHOLIQUE

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

Cathédrale Notre-Dame, Luxembourg
Jeudi 26 septembre 2024

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PAROLES DU SAINT-PÈRE
après les témoignages

Je voudrais reprendre ce que vous avez dit sur le drame des migrations. N’oublions pas un refrain qui dans la Bible, dans l’Ancien Testament, revient, revient, revient : la veuve, l’orphelin et l’étranger.

Avoir compassion – dit le Seigneur, déjà dans l’Ancien Testament – de ceux qui sont abandonnés. À cette époque, les veuves étaient abandonnées, les orphelins aussi, ainsi que les étrangers, les migrants. Les migrants font partie de la révélation. Un grand merci au peuple et au gouvernement du Luxembourg pour ce qu’ils font pour les migrants, merci !

* * *

Votre Altesse Royale,
Monsieur le Cardinal et frères Évêques,
chères sœurs, chers frères !

Je suis très heureux d’être ici parmi vous, dans cette magnifique cathédrale. Je remercie le Grand-Duc et sa famille pour leur présence ; et je remercie le Cardinal Jean-Claude Hollerich pour ses paroles aimables, ainsi que Diogo, Christine et Sœur Maria Perpetua pour leurs témoignages.

Notre rencontre coïncide avec un important Jubilé marial par lequel l’Église luxembourgeoise commémore quatre siècles de dévotion à Marie Consolatrice des Affligés, Patronne du pays. Le thème que vous avez choisi pour cette visite correspond bien à ce titre : “Pour servir”. Consoler et servir sont, en effet, deux aspects fondamentaux de l’amour que Jésus nous a donné, qu’Il nous a confié comme une mission (cf. Jn 13, 13-17) et qu’Il nous a montré comme l’unique chemin vers la pleine joie (cf. Ac 20, 35).

C’est pourquoi, dans quelques instants, nous demanderons à la Mère de Dieu dans la prière d’ouverture de l’Année mariale de nous aider à être “des missionnaires, prêts à témoigner de la joie de l’Évangile”, en conformant notre cœur au sien “pour nous mettre au service de nos frères”. Nous pouvons alors nous arrêter pour réfléchir précisément sur ces trois mots : service, mission et joie.

Tout d’abord, le service. Il a été dit précédemment que l’Église luxembourgeoise veut être “l’Église de Jésus-Christ, venu non pour être servi mais pour servir” (cf. Mt 20, 28 ; Mc 10, 45). L’image de saint François embrassant le lépreux et guérissant ses plaies a également été évoquée.

S’agissant du service, je voudrais vous recommander un aspect très urgent aujourd’hui : celui de l’accueil. Je le fais ici parmi vous d’une manière particulière, parce que votre pays a – et maintient – vivante une tradition séculaire dans ce domaine, comme nous l’a rappelé sœur Maria Perpetua, et comme cela est apparu à plusieurs reprises dans les autres témoignages, à travers le cri : “todos, todos, todos !”, “tous, tous, tous !”, répété plusieurs fois.

Oui, l’esprit de l’Évangile est un esprit d’accueil, d’ouverture à tous, et il n’admet aucun type d’exclusion (cf. Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 47). Je vous encourage donc à rester fidèles à votre héritage, à cette richesse que vous avez, en continuant à faire de votre pays une maison d’amitié pour tous ceux qui frappent à votre porte en demandant aide et hospitalité.

Cela est plus encore un devoir de justice que de charité, comme le disait déjà saint Jean-Paul II rappelait les racines chrétiennes de la culture européenne. Il encourageait les jeunes Luxembourgeois à tracer le chemin pour « une Europe non seulement des marchandises et des biens, mais des valeurs, des hommes et des cœurs », dans laquelle l’Évangile serait partagé « dans la parole de l’annonce et dans les signes de l’amour » (Discours aux jeunes du Grand-Duché de Luxembourg, 16 mai 1985, n. 4).

Je le souligne parce que c’est important : une Europe et un monde dans lesquels l’Évangile serait partagé dans la parole de l’annonce et dans les signes de l’amour.

Et ceci nous amène au deuxième thème : la mission. Tout à l’heure, le Cardinal Archevêque a parlé d’une “évolution de l’Église luxembourgeoise dans une société sécularisée”. J’ai aimé cette expression : l’Église, dans une société sécularisée, évolue, mûrit, grandit. Elle ne se replie pas sur elle-même, triste, résignée, rancunière, non.

Mais, dans la fidélité aux valeurs de toujours, elle relève le défi de redécouvrir et de revaloriser de façon nouvelle les voies d’évangélisation, en passant de plus en plus d’une simple approche de l’attention pastorale à celle de l’annonce missionnaire – et il faut du courage.

Et pour ce faire, elle est prête à évoluer : par exemple – comme nous l’a rappelé Christine – en partageant les responsabilités et les ministères, en marchant ensemble comme une Communauté qui annonce et en faisant de la synodalité une “manière durable d’être en relation” entre ses membres.

Les jeunes amis qui ont interprété tout à l’heure quelques scènes de la comédie musicale Laudato si’ nous ont montré une très belle image de l’importance de cette croissance. Bravo, il ont fait très bien ! Merci pour le cadeau que vous nous avez fait ! Votre travail, fruit d’un effort communautaire impliquant de nombreuses personnes de l’archidiocèse, est pour nous tous un signe doublement prophétique !

Il nous rappelle d’abord nos responsabilités à l’égard de la “maison commune” dont nous sommes les gardiens, et non pas les despotes. Mais ensuite, il nous fait aussi réfléchir sur la façon dont cette mission, vécue ensemble, constitue en elle-même un merveilleux instrument choral pour dire à tous la beauté de l’Évangile.

Et cela est important, c’est important pour nous tous : ce qui nous pousse à la mission, en effet, ce n’est pas le besoin de “faire du nombre”, de faire du “ prosélytisme”, mais le désir de faire connaître au plus grand nombre possible de frères et de sœurs la joie de la rencontre avec le Christ. Et je voudrais rappeler ici une belle expression de Benoît XVI : l’Église ne grandit pas par prosélytisme mais par attraction.

Voilà donc, au-delà des difficultés, le dynamisme vivant de l’Esprit Saint à l’œuvre en nous ! L’amour nous pousse à annoncer l’Évangile en nous ouvrant aux autres, et le défi de l’annonce nous fait grandir en tant que communauté, en nous aidant à surmonter la peur de nous engager sur de nouveaux chemins et en nous incitant à accueillir avec gratitude la contribution de chacun. C’est une dynamique belle, saine et joyeuse qui nous fera du bien de cultiver en nous et autour de nous.

Venons-en ainsi au troisième mot : la joie. Diogo, en parlant de l’expérience des Journées Mondiales de la Jeunesse, rappelait le bonheur qu’il a ressenti à la veille de la fête, en attendant avec ses pairs de toutes provenances et de toutes nations le moment de notre rencontre, ainsi que l’émotion de se réveiller, le lendemain matin, entouré de nombreux amis ; et encore l’enthousiasme ressenti lors de la préparation, faite ensemble au Portugal, et la joie, un an après, à se réunir avec les autres, ici au Luxembourg.

Vous voyez ? Notre foi est ainsi : elle est joyeuse, “dansante”, parce qu’elle nous dit que nous sommes les enfants d’un Dieu ami de l’homme, qui nous veut heureux et unis, et ne peut être davantage réjoui que par notre salut (cf. Lc 15, 4-32 ; S. Grégoire Le Grand, Homélies sur les Évangiles, 34,3).

À ce propos, je vous en prie, ces chrétiens tristes, ennuyeux et à la triste mine font du tort à l’Église. Non, ce ne sont pas des chrétiens. S’il vous plaît, ayez la joie de l’Évangile : c’est ce qui nous fait tant croire et grandir.

À ce propos, je voudrais conclure en rappelant une autre belle tradition de votre pays, dont on m’a parlé : la procession de printemps – Springprozession – qui a lieu à Echternach à la Pentecôte en mémoire de l’infatigable travail missionnaire de saint Willibrord, évangélisateur de ce pays.

Toute la ville se déverse dans les rues et sur les places en dansant, avec de nombreux pèlerins et visiteurs qui accourent, et la procession devient une très grande et unique danse. Rappelons-nous que le Roi David dansait devant le Seigneur et c’était une expression de fidélité.

Grands et petits, tous dansent ensemble vers la cathédrale – cette année, même sous la pluie, paraît-il –, témoignant avec enthousiasme, en souvenir du saint pasteur, combien il est beau de marcher ensemble et de se retrouver tous frères autour de la table de notre Seigneur.

Et ici, juste un petit mot : s’il vous plaît, ne perdez pas la capacité de pardonner. Vous savez que nous devons tous pardonner, mais savez-vous pourquoi ? Parce que nous avons tous été pardonnés et que nous avons tous besoin de pardon.

Chères sœurs, chers frères, elle est belle la mission que le Seigneur nous confie : consoler et servir à l’exemple et avec l’aide de Marie. Merci à vous, personnes consacrées pour le travail que vous accomplissez, séminaristes, prêtres, tous ; et pour l’aide généreuse que vous avez voulu partager avec ceux qui sont dans le besoin. Là où se trouve un nécessiteux, là se trouve le Christ. Je vous bénis et je prie pour vous. Et vous aussi, s’il vous plaît, priez pour moi. Merci.

A la fin de son discours, après avoir transporté la Statue de la Consolatrice des Affligés au Saint-Père et un moment de réflexion devant la Statue, le Cardinal Hollerich a récité la prière d’ouverture du Jubilé marial (400e anniversaire). Après la remise de la Rose d’Or et après la bénédiction finale, l’Église luxembourgeoise a fait un cadeau au Pape.

Avant de quitter la Cathédrale, le Pape François a salué certains des évêques présents. Il a ensuite atteint la place devant l’entrée arrière de la Cathédrale pour saluer les fidèles et, après avoir traversé la cour intérieure pour la bénédiction des fidèles et un bref salut de quelques membres du Chapitre de la Cathédrale et du Conseil Épiscopal, il a quitté le Cathédrale pour la cérémonie d’adieu depuis Luxembourg.


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Aimer la Vierge selon Jean-Paul I

Aimer la Vierge selon Jean-Paul I

«J’ai commencé à aimer la Vierge Marie avant même de la connaître durant les soirées près du feu, sur les genoux maternels, la voix de maman récitant le rosaire…».

C’est ainsi qu’Albino Luciani*, pape pendant trente-trois jours du 26 août au 28 septembre 1978, a parlé de sa dévotion à la Vierge en commençant une homélie. C’était en 1975, lorsqu’il fut invité par le diocèse de Sainte Marie, dans le sud du Brésil, à l’occasion du pèlerinage marial et du centenaire de l’immigration d’habitants de la Vénétie dans ce pays.

Arrivé  là, il avait trouvé devant lui deux cent mille personnes. Il était écrit sur une banderole: «Quand vous rentrerez en Italie, dites aux habitants de la Vénétie que nous restons fidèles à la dévotion à la Vierge».

«Laissez-moi vous dire maintenant deux mots, poursuivait le futur pape, au sujet de Marie mère et sœur.»

«Mère du Seigneur, on la voit aussi aux noces de Cana; elle manifeste un cœur de mère pour les deux époux qui se trouvent dans un grand embarras. C’est Elle qui obtient le miracle! Il semble presque que Jésus se soit inventé une loi pour lui-même: “Je fais le miracle, mais c’est Elle qui doit le demander!”.

« Nous devons donc l’invoquer souvent en tant que mère, nous devons avoir une grande confiance en Elle, la vénérer profondément. Saint François de Sales l’appelle même avec tendresse “notre grand-mère” pour avoir la consolation de jouer le rôle du petit-fils qui se jette avec une confiance totale dans ses bras.»

«Mais Paul VI, qui a déclaré Marie Mère de l’Église, l’appelle souvent aussi sœur».

«Marie, continuait Mgr Luciani, quoique privilégiée, quoique mère de Dieu, est aussi notre sœur. “C’est vraiment notre sœur”, dit saint Ambroise. Elle a vécu une vie comme la nôtre. Elle a dû elle aussi émigrer en Égypte. Elle a eu besoin d’aide elle aussi. Elle lavait le linge et la vaisselle, elle préparait les repas, elle balayait le sol. »

« Elle a accompli toutes ces tâches communes mais d’une façon non commune parce que, dit le Concile, “quand elle vivait sur la terre la même vie que tous les autres, une vie remplie par les soucis de la famille et du travail, elle était toujours intimement unie à son Fils”.

« Si bien que la confiance, la Vierge nous l’inspire non seulement parce qu’elle est très miséricordieuse mais aussi parce qu’elle a vécu notre vie, elle a fait l’expérience de beaucoup de nos difficultés et nous devons la suivre et l’imiter spécialement dans la foi».

«Il est impossible de concevoir notre vie, la vie de l’Église, sans le rosaire, les fêtes mariales, les sanctuaires mariaux et les images de la Vierge», a écrit Albino Luciani lorsqu’il était patriarche de Venise. Et ce qui montre avec quelle vénération pleine de tendresse et de reconnaissance il s’adressait à la Vierge et combien il avait à cœur la pratique du rosaire, ce n’est pas seulement le rappel constant qu’il en fait dans ses interventions et ses homélies, mais sa vie tout entière.

Parlant, un jour, du rosaire à l’occasion d’une fête mariale à Vérone, il s’exclama : «Certains trouvent cette forme de prière dépassée, inadaptée à notre époque qui demande, dit-on, une Église qui soit tout entière esprit et charisme. »

« L’amour, disait Charles de Foucauld, s’exprime en peu de mots, toujours les mêmes, des mots qu’il répète toujours. En répétant avec la voix et le cœur les Ave Maria, nous parlons comme des enfants à notre mère. Le rosaire, prière humble, simple et facile aide à s’abandonner à Dieu, à être des enfants».

* Réputé pour sa douceur et sa sensibilité à l’égard de la condition ouvrière, le Pape était fils d’un travailleur saisonnier devenu verrier et d’une employée d’hospice.