Archives de catégorie : Méditation

sur un aspect de spiritualité : Christ, Vierge Marie, Église dans le monde…

Ils couraient tous deux ensemble.

Ils couraient tous deux ensemble.

SAMEDI DE PÂQUES

Pierre et Jean courant vers le tombeau
Pierre et Jean courant vers le tombeau

Dans le fait rapporté par l’évangile de ce matin on ne voit que des gens pressés qui courent : Marie-Madeleine, Pierre et Jean.

Il y a là le symbole des dispositions de l’âme à l’égard de Dieu, Dans un de ses opuscules saint Thomas commente les « dix degrés » attribués à saint Bernard pour arriver à l’amour parfait. Il en est deux auxquels fait penser la course haletante des deux apôtres :
1° Désirer impatiemment, 2° Courir de toutes ses forces.

1° Désirer impatiemment.— Nos deux personnages avaient hâte de voir, de là leur empressement à aller au sépulcre. Qu’il y ait mélange d’anxiété ou de curiosité en leurs cœurs, c’est possible, au fond, néanmoins, l’amour dominait.

Ce grand sentiment prend toute l’âme, absorbe toutes ses activités et premièrement le désir qui, intermédiaire entre la pensée et la volonté, joue un rôle prépondérant : « Mon âme s’épuise en soupirant après les parvis du Sei­gneur. » (Ps., 83, 3). Selon le plan de sa création, Dieu désire l’âme ; selon sa nature normale non viciée, ni pervertie, l’âme désire Dieu, comme la fleur, le soleil.

Quand, parce qu’elle est pure, l’âme est mue par ce senti­ment, elle est impatiente d’éliminer l’obstacle qui éloigne, de stimuler la vertu qui rapproche, de réaliser l’union des pensées et des vouloirs ; autrement dit, elle est remplie de zèle pour sa sanctification.

Ainsi doit être notre âme ; elle doit avoir la hantise de ses progrès spirituels, être attentive à employer tous les moyens qui les assureront. L’indifférence sur ce point serait une faute et un danger. Pour atteindre le nécessaire, il faut toujours désirer plus ; si on ne le fait pas, on décroît, on déchoit.

O Jésus, je dois m’interroger sérieusement à ce sujet. Peut-être que je me contente d’une petite vie à peu près correcte, sans songer à l’améliorer. Mon amour, alors, serait tiède. Avivez-le ; je sais que vous détestez la tiédeur.

2° Courir de toutes ses forces. — Pierre et Jean l’ont fait, chacun selon ses capacités. Jean, plus jeune, arrive le premier ; Pierre va moins vite parce qu’il est plus âgé, mais l’un et l’autre y mettent toute leur ardeur.

L’auteur de l’Imitation écrit bellement : « Celui qui aime court, vole, il est heureux ; il est libre, rien ne le retient ». C’est la réponse à l’amour de Dieu qui, pour venir à nous, a fait de « grandes enjambées » : « Il s’élance, joyeux, comme un géant pour fournir sa carrière. » (Ps., 18, 6) ; par la création, d’abord, par l’incarnation ensuite, et sans cesse, par le prolongement mystérieux de ces deux mystères.

Ayant compris que nous devons répondre, nous con­cluons que, dans notre mouvement vers Dieu, il ne faut ni arrêt, ni hésitation, ni dépit, ni découragement, mais plutôt une avance constante, une fixation définitive de la volonté, une sorte de bondissement du cœur qui met en jeu toutes les puissances.

Le Maître nous l’a dit en pro­mulguant le grand précepte : « Vous aimerez de tout votre cœur, de tout votre esprit, de toutes vos forces. » (Matt., 22, 31). Isaïe eut l’intuition de cette course de l’âme vers l’objet de son amour : « Ceux qui se confient en le Seigneur élèveront leur vol comme les aigles ; ils courront et ne se fatigueront pas. » (Isaïe, 40, 31).

Soyons pleins d’ardeur empressée pour nous donner à Dieu ; il y aura nécessai­rement quelque peine, mais nous connaissons le mot de saint Augustin : « Où l’on aime, il n’y a pas de peine ou s’il y a de la peine c’est une peine aimée ».

Mon Jésus, je viens à vous, je veux toujours ‘aller à vous : « Entraînez-moi après vous, courons à l’odeur de vos parfums » (Cant., 1, 3), vous êtes l’aimant qui attire mon âme.

Mgr Augustin Gonon, évêque de Moulins (+1942)

Allez, enseignez.

Allez, enseignez.

VENDREDI DE PÂQUES

Allez enseignez toutes les nations église de Bretteville sur Ay
Allez enseignez toutes les nations église de Bretteville sur Ay

Elle est magnifique et touchante cette scène de la dernière rencontre du Christ avec ses apôtres, sur cette montagne de Galilée où il leur donna rendez-vous avant de remonter à son Père. Est-ce sur le Thabor, sur le « mont des béatitudes », on n’est pas fixé.

Assez proba­blement c’était près du lac : l’horizon était large. Plus large encore, celui que le Maître découvre aux regards des siens qu’il investit là de leur mission. De celle-ci, dans les quelques lignes qui rapportent l’épisode, nous trouvons : 1° Le point d’appui, 2° L’objet, 3° L’assurance.

1° Le point d’appui. — Solennelle est la formule employée par Jésus : « Toute puissance m’a été donnée au ciel et sur terre ; allez donc, enseignez ! » (Matt., 28, 18). C’est parce que son Père l’a envoyé, doté de tous ses pouvoirs, qu’il a accompli son œuvre. Rien ne pouvait le faire trembler, ni l’arrêter, revêtu qu’il était de « toute-puissance », délégué officiel, sûr ainsi de l’assistance d’en-haut.

Voilà notre force. Nous ne nous ingérons pas dans l’œuvre de Dieu. Appelés à l’apostolat n’avons-nous pas reçu nous-mêmes, d’une certaine manière, la parole du Christ ? Nous sommes appuyés au roc inébranlable de la volonté divine qui nous a placés où nous sommes. Notre force, c’est notre désir de bien faire et notre obéis­sance.

Seigneur, quand j’ai pris la résolution d’être apôtre, je me suis mis entre vos mains. Parce que je ne m’en suis pas détaché, je suis tranquille.

2° L’objet. — Il est précisé : « Allez, enseignez », c’est l’enseignement. Nous sommes envoyés pour cela ; notre apostolat porte surtout sur ce point. L’Église a reçu de Jésus-Christ la mission d’enseigner et elle nous demande d’aider ses prêtres quand l’ignorance religieuse est si répandue, quand il s’agit de rappeler à tant d’âmes, même chrétiennes, les grandes vérités de la foi.

La foi est la base de tout et « la foi s’acquiert par l’enseignement entendu». Saint Paul y insiste : « Comment croira-t-on en Celui dont on n’a pas entendu parler ? Et comment en entendra-t-on parler s’il n’y a pas de prédicateurs, pas d’enseignants ? » (Rom., 10, 14).

Nous ne nous’ persua­derons jamais assez de l’importance capitale de ces fonc­tions d’instituteurs du peuple. Tout notre labeur doit graviter autour de cette obligation, d’instruire. Toutes nos œuvres ne doivent avoir d’autre but que de nous permettre de la remplir.

Seigneur, vous qui êtes la grande Parole, quelle grâce vous m’avez faite en me constituant votre écho : « qui vous écoute m’écoute », Faites que je prenne exactement le ton, bénissez mon travail intellectuel afin que je sois un lumineux semeur de votre divine parole.

3° L’assurance. — Le mandat que nous avons reçu ne nous met pas à l’abri de nombreuses difficultés. Semée d’embûches est notre route ; semeurs de vérité nous lut­tons contre le « prince des ténèbres », qui durement nous poursuit de ses attaques. Si nous sommes tremblants, si nous nous sentons faiblir, nous nous réconforterons en songeant que nous ne sommes pas seuls.

Écoutons encore saint Jérôme : « Celui qui promit à ses disciples de ne jamais les quitter, leur promit la victoire, et il assura de sa pré­sence ceux qui croiront en lui ». Impossible d’avoir meil­leure assurance. Allons donc toujours devant nous en dépit des secousses et des coups ; Jésus a eu le dernier mot ; parce qu’il est là, nous l’aurons avec lui.

Bon Maître, mon cœur se dilate en pensant à la réalité de votre présence. Fort de cette pensée que j’accomplis votre sainte volonté, je marcherai tranquille : « Le Seigneur est ma lumière et mon salut, qui craindrais-je ? » (Ps., 26,1),

Ils ont enlevé mon Seigneur et je ne sais où ils l’ont mis.

Ils ont enlevé mon Seigneur et je ne sais où ils l’ont mis.

JEUDI DE PÂQUES

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Marie-Madeleine-au-tombeau St Plogonnec

Alors que les apôtres sont partis, Marie-Madeleine, au cœur plus ardent, est revenue près du tombeau vide. Elle est malheureuse, exhalant sa plainte, aux anges d’abord, ensuite au bon Maître lui-même qu’elle ne recon­naît pas immédiatement. 1° On perd Jésus, 2° On retrouve Jésus.

1° On perd Jésus. — Madeleine avait assisté à la mort du Sauveur avec une âme déchirée ; elle l’avait, sans doute, vu mettre dans le sépulcre et 13, en ce matin de Pâques où avant le jour la ramène son amour, elle ne le voit plus ; la pierre est enlevée, le corps a disparu. Il ne reste pas même cette assurance d’une présence à laquelle sont rivées toutes ses puissances. Grande est sa déso­lation.

Voilà l’image d’une très dure épreuve de la vie spiri­tuelle : le sentiment que Jésus n’est pas là.

Cette âme fut généreuse ; elle a assisté à la passion, c’est-à-dire, qu’elle a consenti aux immolations imposées par un amour sincère, un service loyal ; elle a réalisé l’abneget semetipsum, le renoncement, le tollat crucem suam, elle porte sa croix (Matt., 16, 24), entraînée qu’elle était par sa ferveur, la joie intime du sacrifice, la paix du devoir accompli.

Et tout disparaît ; c’est la nuit, le vide, l’angoisse, l’anxiété, le doute. Elle souffre durement.

Qu’elle soit patiente et confiante, un merveilleux travail s’opère ainsi en’ elle. Le but de tout c’est l’union à Dieu ; or, le moindre atome d’humain est obstacle à la plénitude de cette union, la plus petite complaisance s’y oppose. Lorsque providentiellement, plus rien ne retient, n’arrête les facultés, on est apte au total investissement du divin : « Ne me touche pas, je ne suis pas encore remonté à mon Père. » (Joan., 20, 17).

Le moment présent n’est pas celui des joies, elles sont réservées pour plus tard. Sachons attendre, et il y aura toujours des heures de clartés passa­gères, mais suffisamment rassurantes.

Seigneur, ne sont-elles pas fréquentes en ma vie, les journées sombres et froides ? Fiat ! J’accepte tout ce que vous voulez. Travaillez-moi à votre gré, mais que je n’aie pas l’affreux malheur de vous perdre jamais réellement.

2° On retrouve Jésus. — Marie a fini par revoir Celui qu’elle cherchait ; saint Grégoire nous dit pourquoi : «L’ardeur de l’amour augmente celle de la recherche. Elle chercha, d’abord sans trouver. Elle s’obstina, et elle réussit. Ses désirs insatisfaits s’augmentaient, et leur intensité les fit aboutir. »

Parfaite indication des attitudes que doit adopter l’âme éprouvée. Quelle cherche avec empressement, avec obstination, avec amour.

Avec empressement : Madeleine est là avant le jour ; soyons vigilants, diligents, dans notre orientation vers Jésus. Qu’il soit notre première, notre instinctive, notre principale préoccupation : « Mon Dieu, mon Dieu, je vous cherche dès l’aurore. » (Ps., 62, 2).

Avec obstination : la vraie vie intérieure d’union à Dieu ne se réalisé pas en un jour ; c’est un travail de longue haleine, on y consacre tout son temps, sans interruption qui risquerait de faire perdre le bénéfice des efforts pré­cédents. D’ailleurs, jamais ne cessent de jouer les motifs péremptoires d’acquérir, de développer cette union.

Avec amour : tout est conditionné par la charité ; il n’en peut être autrement, « Dieu est charité » (1 Joan., 4,8), on ne va à lui qu’en s’harmonisant sur lui, qu’en obéis­sant au précepte résumant tous les autres : Tu aimeras ! Sans l’amour, il ne paraît pas possible de soutenir le labeur imposé : « Vous n’avez point reçu un esprit de servitude pour être encore dans la crainte, mais vous avez reçu un Esprit d’adoption. » (Rom., 8, 15).

Seigneur, je suis à vous, je veux être à vous de plus en plus ; je vous appellerai partout ; répondez-moi en m’appelant à votre tour, comme vous l’avez fait pour Made­leine, par mon nom ; je saurai vous répondre : Rabboni ! « Maître ! »

MgrAugustin Gonon, évêque de Moulins (+14 avril 1942)