Archives de catégorie : Méditation

sur un aspect de spiritualité : Christ, Vierge Marie, Église dans le monde…

Servir l’espérance signifie construire des ponts entre les civilisations

Le Pape François a consacré la catéchèse de l’Audience générale, place Saint-Pierre à Rome, au récent voyage apostolique au Maroc des 30 et 31 mars, sur le thème: « Serviteur de l’espérance ». Il remercie le roi Mohammed VI et les autres autorités marocaines « de leur accueil chaleureux et de leur collaboration« .

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 3 avril 2019


Frères et sœurs, je remercie le Seigneur pour mon voyage apostolique au Maroc, qui m’a permis de faire un pas de plus, à la suite de saint François d’Assise et de saint Jean-Paul II, sur le chemin du dialogue et de la rencontre avec les frères et sœurs musulmans, pour être « Serviteur de l’espérance ».

Servir l’espérance

Mais pourquoi le Pape va chez les musulmans et pas seulement chez les catholiques? Avec les musulmans nous sommes descendants du même père, Abraham». Nous ne devons pas avoir peur de la différence: Dieu a permis cela. Nous devons plutôt avoir peur si nous ne faisons pas ce travail de fraternité.

Servir l’espérance aujourd’hui signifie surtout jeter des ponts entre les civilisations. C’est ce que nous avons fait avec le Roi Mohammed VI, en réaffirmant le rôle essentiel des religions dans la défense de la dignité humaine et la promotion de la paix, de la justice et de la protection de la création.

Et, dans cette perspective, nous avons signé ensemble un Appel pour Jérusalem, pour que la Cité sainte soit préservée comme patrimoine de l’humanité et lieu de rencontre pacifique, notamment entre les fidèles des trois religions monothéistes.

Parler des «personnes» migrantes

A l’occasion d’une rencontre avec les migrants, j’ai pu remercier l’Église au Maroc qui, par son engagement à leurs côtés, manifeste, au-delà des programmes d’assistance, cette ouverture aux différences sous le signe de la fraternité humaine, en mettant en œuvre la parole du Christ : « j’étais un étranger et vous m’avez accueilli » (Mt. 25,35).

J’ai eu aussi la joie de visiter le Centre Rural des Filles de la Charité à Témara, qui offre divers services à la population locale, en accueillant notamment des enfants.

La messe de dimanche: une Épiphanie du Peuple de Dieu

Enfin, j’ai encouragé l’Église au Maroc, en soulignant que ce n’est pas la quantité qui compte, mais qu’il s’agit d’être un sel qui a de la saveur, une lumière qui brille. Cela ne vient pas de nous, mais de Dieu, de l’Esprit-Saint  qui nous rend témoins du Christ là où nous sommes, en vivant de son amour les uns avec les autres.

Et cette joie de la communion ecclésiale a trouvé son fondement et sa pleine expression dans la belle célébration eucharistique de dimanche, une singulière Épiphanie du Peuple de Dieu au cœur d’un pays musulman !

Appel pour la Journée mondiale du sport

À l’occasion de la Journée mondiale du sport pour la paix et le développement qui a lieu aujourd’hui :

Le sport est un langage universel qui embrasse tous les peuples et contribue à dépasser les conflits et à unir les personnes. Le sport est aussi source de joie et de grandes émotions, et c’est une école où se forgent les vertus pour la croissance humaine et sociale des personnes et des communautés. Je souhaite à tous de ‘se mettre en jeu’ dans la vie comme dans le sport.

Que le Seigneur nous aide à être des serviteurs de l’espérance, là où nous vivons, en devenant des constructeurs de ponts entre les hommes. Que Dieu vous bénisse !


© Copyright – Libreria Editrice Vaticana

la culture de la miséricorde

VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS AU MAROC
30-31 MARS 2019

MESSE

HOMÉLIE DU SAINT-PÈRE

Complexe sportif Prince Moulay Abdellah (Rabat)
Dimanche 31 mars 2019


« Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut saisi de compassion ; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers » (Lc 15, 20).

C’est de cette manière que l’Évangile nous place au cœur de la parabole qui montre l’attitude du père en voyant son fils revenir : touché au plus profond, il ne le laisse pas arriver à la maison, alors qu’il le surprend en courant à sa rencontre. Un enfant regretté et attendu. Un père ému lorsqu’il le voit revenir. Mais cela n’a pas été le seul moment où le père a couru. Sa joie serait incomplète sans la présence de son autre fils.

C’est pourquoi il sort aussi à sa rencontre pour l’inviter à participer à la fête (cf. v. 28). Mais, il semble que le fils aîné n’ait pas apprécié les festivités de bienvenue, que cela lui ait coûté de supporter la joie du père ; il ne salue pas le retour de son frère et dit : « ton fils que voilà » (v. 30). Pour lui, son frère demeure perdu, parce qu’il l’a déjà oublié dans son cœur.

Dans son incapacité à participer à la fête, non seulement il ne reconnaît pas son frère, mais il ne reconnaît pas non plus son père. Il préfère la situation d’orphelin à la fraternité, l’isolement à la rencontre, l’amertume à la fête.

Non seulement il lui est difficile de comprendre et de pardonner à son frère, mais il ne peut pas non plus accepter d’avoir un père capable de pardonner, prêt à attendre et à veiller afin que personne ne reste dehors ; en définitive, un père capable de ressentir de la compassion.

Sur le seuil de cette maison le mystère de notre humanité semble se manifester: d’un côté, il y a la fête pour le fils retrouvé, et, de l’autre, un certain sentiment de trahison et d’indignation provoqué par la fête de son retour.

D’un côté l’hospitalité pour celui qui a fait l’expérience de la misère et de la souffrance, et qui en était même arrivé à sentir et à vouloir se nourrir de ce que mangeaient les porcs ; de l’autre, l’irritation et la colère pour le fait d’avoir donné une telle accolade à qui n’en était pas digne ni le méritait. Ainsi, une fois de plus, est mise en lumière la tension vécue dans nos peuples et nos communautés, et aussi en nous-mêmes.

Une tension qui depuis Caïn et Abel nous habite et que nous sommes invités à regarder en face : qui a le droit de rester parmi nous, d’avoir une place à nos tables et dans nos assemblées, dans nos préoccupations et nos occupations, sur nos places et dans nos villes ? Cette question fratricide semble continuer à résonner : Est-ce que je suis le gardien de mon frère ? (cf. Gn 4, 9).

Sur le seuil de cette maison apparaissent les divisions et les affrontements, l’agressivité et les conflits qui frappent toujours aux portes de nos grands désirs, de nos luttes pour la fraternité et pour que toute personne puisse faire l’expérience dès maintenant de sa condition et de sa dignité de fils.

Mais dans le même temps, sur le seuil de cette maison brillera en toute clarté le désir du Père, sans élucubrations ni excuses qui lui enlèvent de la force : le désir que tous ses enfants prennent part à sa joie ; que personne ne vive dans des conditions inhumaines, comme le jeune fils, ni en orphelin, dans l’isolement ou l’amertume comme le fils aîné. Son cœur veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité (cf. 1 Tm 2, 4).

Certes, les circonstances qui peuvent nourrir la division et la confrontation sont nombreuses ; les situations qui peuvent nous conduire à nous affronter et à nous diviser sont indiscutables. Nous ne pouvons pas le nier. La tentation de croire en la haine et en la vengeance comme moyens légitimes d’assurer la justice de manière rapide et efficace, nous menace toujours.

Mais l’expérience nous dit que la seule chose qu’apportent la haine, la division et la vengeance, c’est de tuer l’âme de nos peuples, d’empoisonner l’espérance de nos enfants, de détruire et d’emporter avec elles tout ce que nous aimons. C’est pourquoi Jésus nous invite à regarder et à contempler le cœur du Père. C’est seulement à partir de là que nous pourrons, chaque jour, nous redécouvrir frères.

C’est seulement à partir de ce vaste horizon, capable de nous aider à dépasser nos logiques à courte vue qui divisent, que nous serons en mesure de parvenir à un regard qui ne prétend pas clore ni abandonner nos différences en cherchant éventuellement une unité forcée ou la marginalisation silencieuse.

C’est seulement si, chaque jour, nous sommes capables de lever les yeux vers le ciel et de dire Notre Père, que nous pourrons entrer dans une dynamique qui nous permet de nous regarder et de prendre le risque de vivre, non pas comme des ennemis, mais comme des frères.

Le père dit à son fils aîné : « Tout ce qui est à moi est à toi » (Lc 15, 31). Et il ne se réfère pas seulement aux biens matériels mais au fait de participer aussi à son amour même et à sa propre compassion. C’est l’héritage et la richesse les plus grands du chrétien.

Pour que, plutôt que de nous évaluer et de nous classifier à partir de notre condition morale, sociale, ethnique ou religieuse, nous puissions reconnaître qu’il existe une autre condition, que personne ne pourra supprimer ni détruire puisqu’elle est pur don : la condition d’enfants aimés, attendus et célébrés par le Père.

« Tout ce qui est à moi est à toi », également ma capacité de compassion, nous dit le Père. Ne tombons pas dans la tentation de réduire notre appartenance de fils à une question de lois et d’interdictions, de devoirs et de conformités.

Notre appartenance et notre mission ne naîtront pas de volontarismes, de légalismes, de relativismes ou d’intégrismes mais de personnes croyantes qui supplieront tous les jours, avec humilité et constance : que ton Règne vienne sur nous.

La parabole évangélique présente une fin ouverte. Nous voyons le père prier son fils aîné d’entrer et de participer à la fête de la miséricorde. L’Évangéliste ne dit rien sur la décision que celui-ci a prise. Se sera-t-il joint à la fête ?

Nous pouvons penser que cette fin ouverte a été écrite pour que chaque communauté, chacun de nous, puisse l’écrire avec sa vie, avec son regard et son attitude envers les autres. Le chrétien sait que dans la maison du Père, il y a beaucoup de demeures, seuls restent dehors ceux qui ne veulent pas prendre part à sa joie.

Chers frères, chères sœurs, je veux vous remercier pour la manière dont vous rendez témoignage de l’Évangile de la miséricorde en ces lieux. Merci pour les efforts réalisés afin que vos communautés soient des oasis de miséricorde.

Je vous encourage à continuer en faisant grandir la culture de la miséricorde, une culture dans laquelle personne ne regarde l’autre avec indifférence ni ne détourne le regard quand il voit sa souffrance (cf. Lettre apostolique  Misericordia et misera, n. 20). Continuez auprès des petits et des pauvres, de ceux qui sont exclus, abandonnés et ignorés, continuez à être des signes de l’accolade et du cœur du Père.

Que le Miséricordieux et le Clément – comme l’invoquent si souvent nos frères et sœurs musulmans – vous fortifie et rende fécondes les œuvres de son amour.


© Copyright – Libreria Editrice Vaticana

Le don de la Communion

Le don de la Communion

Chers frères et sœurs,

A travers le ministère apostolique, l’Église, communauté rassemblée par le Fils de Dieu qui s’est incarné, vit au cours du temps en édifiant et en nourrissant la communion dans le Christ et dans l’Esprit, à laquelle tous sont appelés et dans laquelle ils peuvent faire l’expérience du salut donné par le Père.

A l’origine

En effet, les Douze – comme le dit le Pape Clément, III successeur de Pierre à la fin du I siècle – eurent soin de se constituer des successeurs (cf. 1 Clém 42, 4), afin que la mission qui leur était confiée soit poursuivie après leur mort.

Tout au long des siècles, l’Église, organiquement structurée sous la direction de ses Pasteurs légitimes, a ainsi continué à vivre dans le monde comme un mystère de communion, dans lequel se reflète dans une certaine mesure la communion trinitaire elle-même, le mystère de Dieu lui-même.

L’Apôtre Paul mentionne déjà cette source trinitaire suprême en souhaitant à ses chrétiens:  « La grâce du Seigneur Jésus Christ, l’amour de Dieu et la communion du Saint Esprit soient avec vous tous! » (2 Co 13, 13). Ces paroles, écho probable du culte de l’Église naissante, soulignent que le don gratuit de l’amour du Père en Jésus Christ se réalise et s’exprime dans la communion réalisée par l’Esprit Saint.

participation et communion

Cette interprétation, fondée sur le parallèle étroit que le texte établit entre les trois génitifs (« la grâce du Seigneur Jésus Christ… l’amour de Dieu… et la communion du Saint Esprit »), présente la « communion » comme un don spécifique de l’Esprit, fruit de l’amour donné par Dieu le Père et de la grâce offerte par le Seigneur Jésus.

Par ailleurs, le contexte immédiat, caractérisé par l’insistance sur la communion fraternelle, nous pousse à voir dans la « koinonía » de l’Esprit Saint non seulement la « participation » à la vie divine presque individuellement, chacun pour  soi,  mais  également  de  façon logique  la  « communion »  entre  les croyants que l’Esprit lui-même suscite comme étant son artisan et son principal  agent (cf. Ph 2, 1).

On pourrait affirmer que grâce, amour et communion, se référant respectivement au Christ, au Père et à l’Esprit, sont des aspects différents de l’unique action divine pour notre salut, action qui crée l’Église et fait de l’Église – comme le dit saint Cyprien au III siècle – « un peuple qui tire son unité de l’unité du Père et du Fils et de l’Esprit Saint »  (cit. in Lumen gentium, n. 4).

vie trinitaire

L’idée de la communion comme participation à la vie trinitaire est éclairée avec une intensité particulière dans l’Évangile de Jean, où la communion d’amour qui lie le Fils au Père et aux hommes est, dans le même temps, le modèle et la source de la communion fraternelle, qui doit unir les disciples entre eux:  « Aimez-vous les uns les autres,  comme  je  vous  ai  aimés »  (cf. Jn 15, 12; cf. 13, 34).

« Que tous, ils soient un comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi » (Jn 17, 21.22). Donc, communion des hommes avec le Dieu trinitaire et communion des hommes entre eux. Au cours du pèlerinage terrestre, le disciple, à travers la communion avec le Fils, peut déjà participer à sa vie divine et à celle du Père:  « Et nous, nous sommes en communion avec le Père et avec son Fils, Jésus Christ » (1 Jn 1, 3).

Cette vie de communion avec Dieu et entre nous est la finalité propre de l’annonce de l’Évangile, la finalité de la conversion au christianisme:  « Ce que nous avons contemplé, ce que nous avons entendu, nous vous l’annonçons à vous aussi, pour que, vous aussi, vous soyez en communion avec nous » (1 Jn 1, 2). Cette double communion avec Dieu et entre nous est donc inséparable.

Là où se détruit la communion avec Dieu, qui est communion avec le Père, le Fils, et l’Esprit Saint, se détruisent également la racine et la source de la communion entre nous. Et là où la communion entre nous n’est pas vécue, la communion avec le Dieu trinitaire n’est pas non plus vivante et véritable, comme nous l’avons entendu.

le fruit de l’Esprit-Saint

A présent, franchissons un pas supplémentaire. La communion – fruit de l’Esprit Saint – est nourrie par le Pain eucharistique (cf. 1 Co 10, 16-17) et s’exprime dans les relations fraternelles, dans une sorte d’anticipation du monde futur.

Dans l’Eucharistie, Jésus nous nourrit, il nous unit à Lui-même, au Père, à l’Esprit Saint et entre nous, et ce réseau d’unité qui embrasse le monde est une anticipation du monde futur dans notre temps.

Précisément ainsi, étant une anticipation du monde futur, la communion est un don ayant également des conséquences très réelles, elle nous fait sortir de nos solitudes, de nos fermetures sur nous-mêmes, et nous fait participer à l’amour qui nous unit à Dieu et entre nous.

Il est facile de comprendre combien ce don est grand, si l’on pense seulement aux divisions et aux conflits qui touchent les relations entre les individus, les groupes et les peuples entiers. Et s’il manque le don de l’unité dans l’Esprit Saint, la division de l’humanité est inévitable.

le remède

La « communion » est vraiment la bonne nouvelle, le remède qui nous a été donné par le Seigneur contre la solitude qui aujourd’hui menace chacun, le don précieux qui fait que nous nous sentons accueillis et aimés en Dieu, dans l’unité de son Peuple rassemblé au nom de la Trinité; elle est la lumière qui fait resplendir l’Eglise comme signe dressé parmi les peuples:

« Si nous disons que nous sommes en communion avec lui, alors que nous marchons dans les ténèbres, nous sommes des menteurs, nous n’agissons pas selon la vérité; mais, si nous marchons dans  la  lumière,  comme  il  est lui-même dans la lumière, nous sommes en communion les uns avec les autres » (1 Jn 1, 6sq).

L’Église se révèle ainsi, en dépit de toutes les fragilités humaines qui appartiennent à sa physionomie historique, une merveilleuse création d’amour, faite pour rendre le Christ proche de chaque homme et de chaque femme qui désire vraiment le rencontrer, jusqu’à la fin des temps.

Et dans l’Église, le Seigneur demeure toujours notre contemporain. L’Écriture n’est pas une chose du passé. Le Seigneur ne parle pas dans le passé, mais parle dans le présent, il parle aujourd’hui avec nous, il nous donne la lumière, il nous indique le chemin de la vie, il nous donne la communion et ainsi, nous prépare et nous ouvre à la paix.

* * *

Que le Seigneur, qui s’est fait proche de vous, vous donne à tous de vivre en communion profonde avec lui et entre vous !

BENOÎT XVI, Pape émérite  – AUDIENCE GÉNÉRALE mercredi 29 mars 2006


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