MEDAILLE MIRACULEUSE ET ANGELUS 2

LE OUI DE MARIE

INTRODUCTION

Le mois dernier nous avons vu l’histoire de l’Angélus, ses composantes, son sens, sa pratique et les premiers éléments de cette prière, en regardant notre Médaille. Aujourd’hui nous reprenons le rôle de Marie, ses paroles, telles que nous les donne l’Évangile de Saint Luc :

« Voici la Servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta Parole. »

La Parole de Dieu est cette Parole qui se fait chair, comme nous le verrons la prochaine fois, cette grâce suprême venant de Dieu, que nous apporte Marie et qui a nom Jésus.

Dimanche 28 septembre 2008, il y a tout juste un mois, Benoît XVI, sur la place Saint Pierre à Rome, après l’Angélus, s’est exprimé sur le sens de cette prière : « Je vous salue, chers pèlerins, qui êtes venus pour réciter l’Angélus. Par cette prière, nous faisons mémoire de l’Incarnation du Fils de Dieu et nous contemplons le ‘oui’ immédiat et paisible de la Vierge Marie à la volonté de Dieu exprimée par l’Archange Gabriel… Que la présence de Marie à nos côtés donne à nos ‘oui’ d’être spontanés, généreux et sans retour ! Avec ma Bénédiction apostolique ».

C’est donc ce « oui » de Marie que nous nous proposons de bien saisir, de bien comprendre.

LES PAROLES DE MARIE

Mais que dit-elle au juste ? Bien peu de paroles qui nous soient rapportées. Et l’on doit supposer qu’elle a en effet peu parlé. Avons-nous assez pensé que cette parole, lumineuse pour nous quant à l’attitude habituelle de Marie, c’est elle qui l’a transmise ? Car tout l’évangile de l’enfance de Jésus, c’est plus spécialement « son » évangile. Ces détails et ces expressions, ils sont d’elle, c’est elle qui les a dictés à ceux qui devaient les faire connaître au monde.

Dès lors qu’on s’arrête à cette évidence, un jour nouveau se lève sur Marie. Elle a dit peu de chose, oui, mais la manière même dont elle a raconté aux apôtres ou évangélistes ce qu’elle seule pouvait transmettre, nous éclaire singulièrement sur son comportement habituel et sur ses pensées intimes.

Arrêtons-nous donc maintenant sur ce qu’a dit Marie dans l’Evangile, et à travers ses paroles trop rares, à travers ses silences aussi, continuons de contempler notre Idéal pour le reproduire.

«COMMENT CELA SE FERA-T-IL ?…»

C’est la première parole directe d’elle qu’on trouve dans l’évangile. Parole toute simple en soi. Parole qui ne revêt aucun caractère solennel. C’est une interrogation, une demande d’explication toute normale. Mais si l’on songe aux circonstances, quelle grandeur dans cette simplicité !

Et la réponse qu’elle fait à l’Ange : « Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais aucun homme ? » n’a de sen, que si elle est décidée à n’en jamais connaître, c’est-à-dire si, selon la foi de l’Église catholique, elle a fait vœu de Virginité. Les vœux jouaient un rôle important dans un peuple qui pratiquait sa religion d’une façon très stricte; dans le Deutéronome (XXIII, 22, 24), dans l’Ecclésiaste (V, 3, 5) et en maints autres passages de l’Écriture, il est question de vœux et de leur réglementation.

Marie est chez elle, en prière peut-être comme l’ont voulu penser beaucoup d’artistes. Pour moi j’aime mieux la voir vaquant aux soins de son ménage, sans extase et sans ravissement extraordinaire, mais unie par le dedans à son Dieu qu’elle ne quittait jamais  et faisant d’ailleurs par le fait même, de ses humbles activités la plus sublime des prières.

L’Ange est soudain devant elle. Il l’appelle « pleine de grâce ». — Il lui dit que « le Seigneur est avec elle ». Marie est « troublée de ces paroles » (c’est sûrement sa propre expression que nous rapporte saint Luc) et, silencieuse d’abord, elle se demande ce que peut signifier cette salutation.

Les grands éloges déconcertent son humilité, ceux que lui fait l’envoyé, à savoir qu’elle a la plénitude de la grâce et que Dieu est avec elle. Elle se tait, essayant de comprendre ce que cela veut dire. Car c’est un fait que les vrais humbles sont toujours surpris de recevoir des compliments. Ils ne pensent jamais en mériter. Et ils ont peine à croire que c’est pour eux. Gabriel la rassure. Pour lui donner confiance, il l’appelle maintenant par son nom, Marie.

Puis, comme nous l’avons déjà vu, il en vient à l’annonce qui fait l’objet de sa mission : « vous allez concevoir et enfanter un fils, Jésus »; et l’Ange de se complaire dans la description de la grandeur de ce fils, appelé « fils du Très-Haut ».

Mais l’énoncé de la gloire de cet enfant qui, lui dit-on, sera son fils en même temps que le Fils de Dieu, ne tourne pas la tête de la simple et prudente jeune fille. Celui qu’on lui annonce, c’est sans aucun doute le Messie; elle est trop versée dans les Écritures pour en douter. Et cependant, le bonheur et la fierté légitime d’avoir été choisie pour être la mère du Christ ne lui font pas un seul instant oublier sa promesse de virginité perpétuelle. Elle y tenait beaucoup. Elle l’avait faite pour répondre aux sollicitations divines. Et, la faisant, elle n’avait pas cru pouvoir un jour être féconde.

Elle avait même renoncé à un grand espoir, en faisant cette promesse. L’espoir que portait en elle toute fille de la race de David. Celui d’être la mère du Messie. C’est donc cela qui la frappe : « Tu me dis que je dois être mère, or j’ai voué au Seigneur ma virginité, renonçant pour jamais à cette union conjugale dont Dieu a fait jusqu’alors la condition expresse de la procréation. — Veux-tu donc m’expliquer comment les deux choses peuvent être alliées en moi ? ».

«…PUISQUE JE SUIS VIERGE !»

Qu’elle est admirable, notre Mère du ciel, et comme cette première parole nous la dépeint déjà toute ! Il y a une telle mesure, un tel solide bon sens aussi dans sa réponse. Pas plus qu’elle ne se laisse envahir par une joie intempestive qui lui ferait comme oublier son vœu de virginité, pas davantage elle ne crie à l’impossibilité créée par ce vœu.

C’est Dieu qui parle par son messager. Docile comme elle l’est depuis toujours, elle ne met pas en doute la puissance divine. Humblement, elle rappelle la promesse qu’elle a faite sur l’inspiration même du Saint Esprit : « Je ne connais pas d’homme » et sollicite une explication : « Comment cela se fera-t-il ? »

A l’humble question de Marie, Gabriel répond donc en fournissant l’éclaircissement demandé. C’est l’Esprit-Saint qui, survenant en elle, accomplira la merveille ; et c’est par la seule puissance divine que, demeurant vierge, elle deviendra mère. Cette puissance la « couvrira de son ombre » fécondante. Ainsi, l’enfant qui naîtra d’elle « sera saint et sera appelé Fils de Dieu ».

Raccourci saisissant des intentions divines. Tout est dit en quelques mots. Marie peut être satisfaite. Son intégrité virginale n’aura à subir aucune atteinte. Celui qui interviendra pour la rendre féconde, c’est celui-là même qui l’a créée, celui-là même auquel elle s’est consacrée : le Tout-Puissant. Jamais créature humaine n’a entendu de telles paroles. Elles pénètrent jusqu’au plus intime de l’âme de la Vierge, toute recueillie dans l’écoute de cette « annonciation ».

Eclairée par l’Esprit qui s’apprête à venir, elle comprend le dessein du Créateur, autant qu’il est possible à une créature. Elle admire la manière dont Dieu veut renouveler l’alliance avec son peuple. Assumant en elle toute l’attente d’Israël, elle sent que le jour est arrivé où le Seigneur vient enfin. Pour la réalisation de ce dessein, c’est donc elle qui est désignée.

Adorante, elle se tait. Gabriel, d’ailleurs, a encore quelque chose à lui annoncer. Comme pour authentifier son message, il lui fait part de la maternité miraculeuse d’Élisabeth « qu’on appelait stérile » et qui dans trois mois mettra au monde Jean, le Baptiste. « Car rien n’est impossible à Dieu », ajoute-t-il en manière de conclusion.

Il attend maintenant, l’ambassadeur du Tout-Puissant. Il doit rapporter une réponse à celui qui l’a envoyé. Non pas que le Seigneur ait douté un seul instant de la libre adhésion de Marie. Mais il désire qu’elle soit formulée. Des saints ont parlé ou écrit longuement sur cet instant unique dans l’histoire du monde. Ne semble-t-il pas en effet que, dans son silence recueilli, Marie tienne en haleine le ciel et la terre ?

«JE SUIS LA SERVANTE DU SEIGNEUR»

La sainte Trinité attend, penchée sur cette fille des hommes dont le « oui » va faire, par la puissance du Père et sous l’action du Saint-Esprit, la mère du Verbe incarné. La terre attend, tendue vers cette femme dont l’assentiment conditionne sa régénération. Le temps est comme suspendu. Certes, Marie va accepter. Mais sous quelle forme ?

Nous aurions trouvé normal qu’elle réponde, avec plus ou moins d’émotion heureuse, par un « oui » sans ambages, accompagné, peut-être, d’une expression de gratitude. C’est mal la connaître.

De même que, sans mettre en doute l’annonce qu’elle serait mère, elle se contentait, avec le minimum de mots, de demander l’explication de ce qui, pour elle, posait un problème, de même elle va répondre de la manière la plus simple, mais la plus opportune aussi. Dieu vient de lui faire connaître ce qu’il se propose, de faire en elle.

Or, Dieu, c’est le Seigneur qui a tous les droits. Il désire qu’elle devienne la mère du Messie. Elle a conscience des dimensions de la mission qui lui incombe. Cette mission entraînera pour elle, elle le sait, une joie plénière, mais une grande souffrance aussi.

Cela, toutefois, n’entre pas en ligne de compte. Dans sa psychologie profonde, elle est « au service du Seigneur Dieu. Elle l’est par toutes les puissances de son être — et l’annonce de Gabriel n’y change rien. D’où sa réponse : «Je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole».

On vient de la nommer Mère du Fils de Dieu. Elle-se déclare servante. On lui demande son acceptation ; elle formule seulement une humble soumission. En vraie servante, elle ne répond, ni « je veux bien », ni « je ne veux pas », mais seulement « faites de moi ce que vous avez dit, puisque je suis à votre service et que vous pouvez, par conséquent, disposer de moi ».

PRIÈRE

Vierge prudente, Vierge fidèle, donnez-nous, lors des annonciations des volontés divines sur nous, participation de votre sagesse et de votre humilité. Que jamais le trouble légitime qui peut s’emparer de nous lorsque Dieu change apparemment ses plans, ne nous fasse perdre votre généreuse fidélité. Rendez-nous plus souples à l’action divine et soucieux seulement d’adhérer pleinement à cette action, même si les voies du Seigneur ne sont pas nos voies à nous. Que pour nous comme pour vous une seule chose importe : faire ce que Dieu veut et de la manière dont Il le veut. O Marie, qui vous êtes dite la servante du Seigneur, enseignez-nous à consacrer toute notre vie et nos forces à son service.

« Si vous sentez, dit saint Vincent de Paul aux Filles de la Charité (Coste X, 537), que Dieu vous appelle aujourd’hui pour vous faire sortir d’un état si dangereux, écoutez-le ; si vous sentez qu’il vous appelle à espérer cette grâce, n’endurcissez pas votre cœur, accourez à la sainte Vierge, la priant qu’elle vous obtienne de son Fils la grâce de participer à son humilité, qui la fit dire la servante du Seigneur lorsqu’elle était choisie pour sa mère. Qu’est-ce qui fit que Dieu regarda la Vierge ? Elle le dit elle-même : « C’est mon humilité ». Je vous laisse à penser si nos sœurs ont recours à la sainte Vierge, qui a tant aimé cette vertu, comme elle obtiendra de Dieu qu’il leur fasse la grâce de la pratiquer. »

Première réflexion :

1. — Toutes les splendeurs — de filiation, de participation, de rapports intimes avec la Trinité — que la grâce produit dans nos âmes, nous les voyons réalisées en Marie avec un relief, une force, un réalisme tout particuliers. Si, par exemple, chaque âme en état de grâce est fille adoptive de Dieu et temple de l’Esprit Saint, la Sainte Vierge l’est par excellence et de la manière la plus totale, puisque la Trinité s’est communiquée à elle au degré le plus élevé possible pour une simple créature, au point que la dignité de Marie touche « le seuil de l’infini » (Saint Thomas d’Aquin). Cela se conçoit aisément lorsqu’on songe que, de toute éternité, Marie a été élue par Dieu pour devenir la Mère de son Fils.

Comme l’Incarnation du Verbe fut la première œuvre de la pensée divine, en vue de laquelle tout fut créé, ainsi Marie, qui devait avoir une si grande part en cette œuvre, fut également prévue et élue par Dieu avant toutes les créatures. C’est donc à bon droit que s’appliquent à elle les paroles de la Sainte Ecriture : « Le Seigneur m’a possédée au commencement de ses voies, avant ses œuvres les plus anciennes,… dès le commencement » (Prov. VIII, 22). Et lorsqu’Adam, destitué de l’état de grâce, est chassé du paradis terrestre, un seul rayon d’espérance illumine les ténèbres de l’humanité déchue : « Je mettrai une inimitié entre toi et la femme, — dit le Seigneur au serpent, — elle t’écrasera la tête » (Gn. III, 15).

Voici que Marie apparaît à l’horizon comme la fille bien-aimée de Dieu, elle qui jamais, même pas un seul instant, ne subit l’esclavage du démon, mais est toujours sans souillure, immaculée, toute de Dieu. Le Très-Haut peut la regarder toujours avec une souveraine complaisance et l’introduire dans le cercle de sa famille divine par les liens de la plus étroite intimité avec les trois Personnes divines : Fille du Père, Mère du Verbe incarné, Epouse de l’Esprit Saint.

Voici la servante du Seigneur (Luc, 1, 37) : C’est le seul titre que la Vierge Marie se donne dans l’Evangile (Lc 1, 38.48). C’est sans doute celui qui lui convient le mieux. Elisabeth la saluera comme la Mère du Seigneur (Lc 1, 39-56). Jésus lui donnera le titre de femme à Cana (Jn 2) et lorsqu’Il confie la Vierge Marie au disciple qu’Il aimait, c’est-à-dire à chacun de nous (Jn 19, 37-39).

Servir Dieu, c’est la vocation de l’homme sur la terre. Et Jésus nous montre le chemin. Il se fait serviteur par amour pour son Père, par amour pour nous. Le Fils de l’homme est venu pour servir et pour donner sa vie en rançon pour la multitude (Mc 10,45).

Engageons-nous “à servir de notre mieux Dieu, l’Eglise, notre monde. Comment comprendre cette parole de Jésus : “Je ne vous appelle plus serviteurs, je vous appelle mes amis” (Jn 15, 15) ? Voulons-nous vraiment devenir l’ami de Jésus Christ, en le servant de notre mieux chaque jour?

« QU’IL ME SOIT FAIT SELON TA PAROLE »

Aucun retour sur soi, aucune complaisance en elle-même. Nous ne saurons pas si elle est émue. Aujourd’hui elle ne pense qu’à servir. Il ne lui paraît pas opportun que « la servante » à qui vient d’être annoncé et expliqué le désir du maître, fasse montre d’autre sentiment que celui d’une adhésion totale.

– Marie, abîme d’humilité, qui avez pu attirer les regards du Seigneur jusqu’à le décider à faire de vous sa Mère, aidez-nous à lutter contre notre plus grand ennemi, l’orgueil.

« Dieu le Fils est descendu dans son sein virginal, comme le nouvel Adam dans son paradis terrestre, pour y prendre ses complaisances et y opérer en cachette des merveilles de grâce. Dieu fait homme a trouvé sa liberté à se voir emprisonné dans son sein ; il a fait éclater sa force à se laisser porter par cette petite fille ; il a trouvé sa gloire et celle de son Père à cacher ses splendeurs à toutes les créatures d’ici-bas, pour ne les révéler qu’à Marie ; il a glorifié son indépendance et sa majesté à dépendre de cette aimable Vierge… » (Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, Traité de la vraie dévotion à la sainte Vierge. n° 18)

PRIÈRE

Que les « annonciations » des volontés divines nous trouvent, si étonnantes ou si douloureuses qu’elles puissent être, humblement soumis comme vous. Qu’à votre exemple et par la grâce que vous nous obtiendrez, grandisse en nous l’esprit de service. Ainsi pourrons-nous, à notre mesure et selon notre vocation, étendre le règne de Dieu dans le monde.

Seconde réflexion :

2. — Marie a vécu sa filiation divine dans un profond sentiment d’humble dépendance, d’amoureuse adhésion à toutes les volontés de Dieu. Nous en avons le plus beau témoignage dans sa réponse au message de l’Ange : « Voici la servante du Seigneur » (Luc. 1, 38). Marie est consciente de sa situation de créature vis-à-vis du Créateur et, bien que Celui-ci l’ait élevée à une dignité si haute qu’après celle de Dieu, elle est la plus grande qui puisse se concevoir, elle ne trouve rien de mieux, pour exprimer ses rapports avec le Seigneur, que de se déclarer sa « servante ». Ce mot traduit l’attitude intérieure de la Vierge envers Dieu, et il ne s’agit pas d’une attitude passagère, mais permanente, constante dans toute sa vie, semblable à celle de Jésus qui, en venant au monde, déclara : « Voici que Je viens, ô Dieu, pour accomplir ta volonté » (Hebr. 10, 7).

De même, Marie, qui devait être l’image la plus fidèle du Christ, s’offre à la volonté du Père céleste en disant : « Voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole ». Et, fidèle à sa parole, elle acceptera sans réserve non seulement toute volonté manifeste de Dieu, mais aussi n’importe quelle circonstance permise par Lui : elle acceptera le long voyage incommode qui la portera loin de sa demeure, précisément aux jours où elle devait donner au monde le Fils de Dieu ; elle acceptera l’humble et pauvre abri d’une étable, la fuite nocturne en Égypte, les privations et les incommodités de l’exil, le travail et la fatigue d’une vie pauvre, la séparation d’avec son Fils lorsqu’il s’éloignera d’elle pour s’adonner à l’apostolat, les persécutions et les injures adressées à Jésus et auxquelles son cœur maternel fut si sensible ; enfin, elle acceptera les opprobres de la Passion et du Calvaire, et la mort de son Fils bien-aimé.

Nous avons tout lieu de croire qu’en chaque circonstance, ses dispositions intérieures auront été celles du jour de l’annonciation : « Voici la servante du Seigneur ». Quel exemple, pour nous, d’humble dépendance envers Dieu, de fidélité absolue à sa volonté et de persévérance dans notre vocation, malgré les difficultés et les sacrifices que nous pouvons rencontrer sur notre chemin.

LE OUI DE MARIE

« Le « Oui » de Marie est l’expression d’un désir, et non d’une dernière hésitation. En disant ces mots : « qu’il me soit fait selon ta parole ! » (Lc 1, 38), Marie exprime la vivacité de son désir plutôt qu’elle n’en demande la réalisation, à la façon de quelqu’un qui garderait des doutes. Rien n’interdit, toutefois, de voir dans ce « Fiat » une prière. Car personne ne prie sans être animé par la foi et l’espérance. Dieu veut que nous lui demandions même les choses qu’il nous promet. Il commence par nous promettre bien des choses qu’il a résolu de nous donner.

La Vierge l’a compris, puisqu’au présent de la promesse gratuite elle joint le mérite de sa prière. Que la parole fasse de moi ce que dit ta parole ! Que la parole qui dès l’origine était auprès de Dieu se fasse chair de ma chair selon ta parole. Que s’accomplisse en moi, je t’en supplie, non pas la parole proférée qui est transitoire, mais cette parole que j’ai conçue pour qu’elle demeure vie. Qu’elle ne soit pas seulement perceptible à mes oreilles, mais visible à mes yeux, palpable à mes mains, et que je puisse la porter dans mes bras. Que ce soit, non la parole écrite et muette, mais la parole incarnée et vivante,… non pas modelée par une plume sans vie, mais gravée par l’opération du Saint-Esprit. »

« Que me soit fait ainsi ce qui jamais n’advint ni n’adviendra à personne. Que ta parole soit mise dans mes entrailles, selon ta promesse. J’appelle la parole insufflée en moi dans le silence, incarnée dans une personne, corporellement mêlée à ma chair. Et que tout se fasse en moi, selon ta parole ! » Saint Bernard (1090-1153)

La réponse que prononcent les lèvres de la jeune fille à l’annonce déconcertante de l’ange, qu’est-ce, sinon la formulation parfaite de cette vertu, dont l’autre nom est l’espérance, qui réclame de nous la soumission à Dieu : « Qu’il me soit fait selon ta Parole ! » C’est l’équivalent de « Père,…que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne !» que Jésus murmurera au pire de la détresse humaine ou de ces mots bouleversants que chante, dans sa joie prophétique, le vieillard Siméon : « Je remets mon esprit, Seigneur, entre tes mains !»

Quelque chose d’extraordinaire était proposé à Marie, il s’agissait de faire un saut dans la nuit en se confiant à Dieu; elle l’a fait avec une grandeur qu’elle ignorait elle-même. Rien qui indique l’hésitation, la crainte devant ce « saut »; l’événement annoncé à peine connu, l’acceptation emplit cette âme. Pas un instant, elle ne songe à se dérober. La vertu d’espérance ici touche à un sommet presque inaccessible; c’est l’être entier qui se fond dans la volonté de Dieu.

PRIÈRE

O Marie, toute pure et toute sainte, paradis de Dieu, sa Fille bien-aimée, choisie par Lui de toute éternité pour être la Mère de son Fils Unique, préservée de toute ombre de péché, enrichie de toutes les grâces, que vous êtes grande, ô Marie, et que vous êtes belle ! « Vous êtes toute belle, ô Marie, et la tache du péché ne se trouve pas en vous. Vous êtes la gloire de Jérusalem, la joie d’Israël, l’honneur de notre peuple ».

Le Très-Haut vous a toujours regardée avec complaisance et Il a voulu se donner à vous d’une manière unique. « Le Seigneur est avec vous, ô Marie ! Dieu le Père est avec vous, Dieu le Fils, Dieu le Saint-Esprit, Dieu Trine et Un. Dieu le Père, dont vous êtes la très noble Fille, Dieu le Fils, dont vous êtes la très digne Mère, Dieu le Saint-Esprit, dont vous êtes la très gracieuse Epouse. Vous êtes vraiment la Fille de la souveraine Eternité, la Mère de la souveraine Vérité, l’Epouse de la souveraine bonté, la servante de la souveraine Trinité » (Conrad de Saxe).

Mais de tous ces titres, vous choisissez le dernier, le plus humble, le plus bas, et vous vous déclarez la servante du Seigneur. « Qu’elle est sublime, votre humilité, qui ne cède pas aux séductions de la gloire et, dans la gloire, ignore l’orgueil. Vous êtes élue pour devenir Mère de Dieu, et vous vous nommez servante ! O Notre-Dame, comment avez-vous pu unir en votre cœur une idée si humble de vous-même avec tant de pureté, d’innocence, et surtout avec une telle plénitude de grâce ? O bienheureuse, d’où vous vient tant d’humilité ? C’est vraiment par cette vertu que vous avez mérité d’être regardée par Dieu avec un amour extraordinaire, que vous avez mérité de charmer le Roi par votre beauté, d’attirer le Fils éternel du sein du Père » (Saint Bernard).

LA SAINTE ÉCRITURE

Comme le dit saint Bernard, chacun est suspendu au Oui de la Vierge. Remercions la Vierge Marie pour sa disponibilité. Comme Marie, cherchons à faire la volonté du Père. Pour cela, nous avons la sainte Ecriture lue, commentée et priée dans la tradition de l’Église, sous le regard du Magistère. L’Ecriture sainte, la Bible n’est pas un texte du passé. L’Esprit Saint conduit l’Église vers la vérité toute entière. Il nous enseigne toute parole du Seigneur Jésus (Jn 14, 26).

Lire l’Écriture, ce n’est pas faire collection de citations pour épater nos frères, mais c’est comme le dit sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, chercher le caractère du Bon Dieu. C’est chercher et découvrir le visage de ce Dieu qui nous appelle ses amis, qui nous veut à son service, car c’est notre bonheur. Lire l’Écriture, c’est entrer dans le monde et la pensée de Dieu.

Saint Jérôme, qui a travaillé à Bethléem sur la Bible, a cette formule percutante : “Sais-tu qu’ignorer les Écritures, c’est ignorer le Christ ?” N’oublions pas que la Parole de Dieu s’est faite chair. Le Christ Jésus est l’unique Parole du Père. Il faut l’écouter (Mt 17, 5).

PRIÈRE

O Marie, vous vous êtes proclamée la servante du Seigneur et avez vécu vraiment comme telle, toujours humblement soumise à ses volontés, toujours prête à ses appels, à ses invitations. Et qui plus que vous pourrait dire avec Jésus: « Ma nourriture est de faire la volonté de mon Père » ? (cf. Jn 4, 34).

O Marie, très douce Fille du Père céleste, imprimez dans mon cœur un peu de votre docilité, un peu de votre amour pour la sainte volonté de Dieu, afin que je puisse Le servir moins indignement.

LE CHRIST EN NOUS

Marie nous apprend d’abord que Jésus ne naît pas dans l’agitation de l’action extérieure. Elle rappelle par sa seule attitude au silence et à la vie intérieure. C’est dans le secret d’une maison quelconque, dans un village inconnu que le Fils de Dieu a été conçu et qu’il a grandi. Il faut toujours en revenir là : au primat de la vie intérieure, de la prière humble et continue, de l’innocence du cœur, sur tous les déploiements extérieurs d’énergie et de force.

Dans l’histoire de notre vie intérieure comme dans l’histoire du Monde, la Mère de Dieu et des hommes reste toujours la jeune fille tout humble qui répondit un jour à l’ange : « je suis la servante du Seigneur », et dont les mains pures nous poussent doucement vers le Fils.

Comme l’a dit Benoit XVI à Lourdes, « Marie nous montre ainsi la juste manière d’avancer vers le Seigneur. Elle nous apprend à nous approcher de lui dans la vérité et la simplicité. Grâce à elle, nous découvrons que la foi chrétienne n’est pas un poids, mais elle est comme une aile qui nous permet de voler plus haut pour nous réfugier entre les bras de Dieu. »

CONCLUSION

« Qu’il me soit fait selon ta Parole » (Lc 1, 38). Que de fois nous entendons cette réponse de Marie à la volonté du Père : à l’Annonciation et aussi en maintes occasions, pendant l’année liturgique ! Que de fois nous la disons dans la prière privée de l’Angélus, trois fois par jour !

Quel étonnant mystère que la volonté de notre Dieu Tout Puissant ait été de faire dépendre tout son dessein d’amour sur nous, tout son plan de salut, de l’acceptation en toute liberté d’une simple vierge ! Une simple vierge, oui, mais une vierge comblée de grâces par les mérites à venir de son Fils qui l’a rachetée en la préservant de tout péché, elle, l’Immaculée Conception.

Que nous traduisions la salutation angélique par « pleine de grâces » ou « comblée de grâces » ou « bien aimée du Père », nous croyons fermement que son consentement sans contrainte ne pouvait être donné qu’avec le don de la grâce divine, ce qui ne réduit en rien son degré de liberté, mais qui rend possible sa pleine collaboration.

En donnant son libre accord, Marie a signifié une adhésion du fond du cœur à la vocation que le Père formait pour elle d’être la Mère du Fils unique engendré par lui ; cet accord, elle devait le renouveler constamment et le faire même encore plus généreux au cours de son « pèlerinage de foi », selon l’expression si juste que Vatican Il utilise pour décrire son chemin spirituel.

Lorsqu’elle fut la femme debout au pied de la Croix, son « Fiat » silencieux se trouvait intimement lié au Tout est accompli (Jn 19, 30) dans la réalisation totale de la volonté du Père. Dans la chambre haute du Cénacle, à Jérusalem, sa persévérance dans la prière, en union avec les premiers disciples était une confirmation du perpétuel accueil qu’elle réserve à la volonté du Père, pour la préparation de la venue de l’Esprit de Pentecôte de son Fils ressuscité.

Mon âme exalte le Seigneur. (Luc, 1, 46)

Marie est partie « en hâte » vers le haut pays où demeure Élisabeth. C’est la charité qui la presse. Elle sait sa cousine âgée. Elle désire lui apporter, avec ses félicitations pour l’heureux événement attendu, l’aide de sa jeunesse. Sans doute désire-t-elle plus encore la faire mystérieusement bénéficier, par phénomène d’osmose, de cette divine Présence qui est en elle. C’est en tout cas ce qui se produit.

A peine Marie a-t-elle salué sa cousine, que celle-ci est « remplie du Saint-Esprit ». L’enfant qu’elle porte tressaille en elle, comme pour désigner déjà « l’Agneau de Dieu », dont il aura mission de préparer les voies. Sans que Marie ait rien révélé de l’Annonciation, Elisabeth comprend que le Messie tant attendu est enfin donné, qu’il est là, dans le sein virginal de cette jeune cousine qui se tient modestement devant elle.