Né à Paris le 22 mai 1924 de parents arméniens, Charles Aznavour s’est éteint le 1er octobre à 94 ans. Il a vécu une carrière d’une richesse exceptionnelle, sur plus de sept décennies, se produisant dans plus de 80 pays, et chantant plus de 1400 chansons en six langues. Il avait aussi effectué une belle carrière au cinéma et au théâtre, débutant sur les planches dès les années 1930.
À partir de 1988, suite au séisme qui avait ravagé la ville de Gyumri, en Arménie qui faisait alors encore partie de l’URSS, Charles Aznavour s’était beaucoup investi pour la terre d’origine de sa famille, bien qu’il n’y ait jamais personnellement vécu. Charles Aznavour n’avait jamais souhaité jouer de rôle politique direct en Arménie, mais il était tout de même devenu une icône et un symbole de l’amitié franco-arménienne.
Il voulait impliquer la puissante diaspora des Arméniens de France dans la reconstruction de ce pays. Son aura dépassait largement le seul univers artistique, et en 2008, après avoir obtenu la nationalité arménienne, il avait été nommé ambassadeur d’Arménie en Suisse et représentant auprès de l’Onu, débutant ainsi une nouvelle carrière diplomatique… à 84 ans.
À travers les réseaux sociaux, il avait suivi avec attention les évènements du printemps dernier qui ont mené à un changement de régime. Une exposition faisant le parallèle entre les évènements de Mai 68 en France et ceux de Mai 2018 en Arménie vient d’ailleurs d’être inaugurée dans le Centre qui porte son nom, au centre de la capitale arménienne. Le président français Emmanuel Macron l’avait invité à participer au sommet de la Francophonie qui se tient la semaine prochaine à Erevan, et représente le plus grand évènement international organisé dans ce pays depuis l’indépendance.
Un artiste qui intercédait pour l’Arménie auprès des Papes
Charles Aznavour, de confession apostolique arménienne, abordait fréquemment des thèmes spirituels dans ses chansons.
Le 26 septembre 2001, il avait chanté devant le saint Pape Jean-Paul II à l’occasion de sa visite dans ce pays qui fêtait alors ses dix ans d’indépendance. Il avait interprété un Ave Maria, en présence du Pape polonais et du catholicos de l’Église apostolique arménienne Karékine Ier, lors d’une cérémonie au mémorial du génocide arménien, à Tzitzernakaberd, près d’Erevan.
La veille, Charles Aznavour avait été reçu par le Pape et le catholicos à Etchmiadzine, lors de la partie publique de la rencontre, et il avait également participé, dans la foule, à la célébration œcuménique en la nouvelle cathédrale Saint-Grégoire l´Illuminateur, à Erevan.
Quelques années plus tard, dans le contexte du centenaire du génocide arménien, Charles Aznavour avait salué les déclarations tenues par le Pape François lors de la célébration organisée à la basilique Saint-Pierre le 12 avril 2015, qui avait pour la première fois utilisé ouvertement dans un discours le terme de «génocide». «Je m’attendais à ce qu’il le fasse», avait alors déclaré le chanteur, exprimant son affection pour le Pape François en ces termes : «C’est un geste très fort. Mais le personnage est très fort ! Cela fait un moment qu’il est en train de tout bousculer. Il est en train de bousculer le Vatican… et la mafia ! C’est costaud ! J’apprécie les hommes forts quand ils travaillent dans le bon sens».
Le chanteur, très connu aussi en Argentine et dont le Pape François aimait écouter les chansons, selon ce que rapportent certaines agences de presse, avait même nourri le projet d’organiser un concert pour l’Arménie au Vatican. Ce projet n’a pas pu être mené à son terme. Charles Aznavour s’est finalement éteint avant d’avoir accompli tous ses projets encore nombreux, et avant son propre centenaire, pour lequel il espérait encore être capable de monter sur scène.