Le Pape en Grèce : protéger la démocratie
Deuxième étape de ce 35ème voyage apostolique, le Saint-Père a quitté dans la matinée du 4 septembre le territoire chypriote, il est arrivé en fin de matinée à l’aéroport d’Athènes, la capitale grecque.

S’adressant aux autorités grecques, dans le premier discours qu’il a prononcé après son arrivée à Athènes, le Pape les a exhortées à ne pas céder aux séductions de l’autoritarisme et à protéger la démocratie. Il a également demandé à la communauté européenne d’être un moteur de solidarité dans l’accueil des personnes réfugiées.
La présidente grecque a d’abord pris la parole lors de la cérémonie de bienvenue qui s’est tenue au palais présidentiel d’Athènes dans la matinée du samedi 4 décembre.
Ekateríni Sakellaropoúlou a chaleureusement salué le Saint-Père, parlant du message «fort de foi et de fraternité» qu’il transmet, «En des temps difficiles, avec de grandes épreuves pour l’humanité, comme la crise migratoire avec les nombreux réfugiés, la pauvreté, le changement climatique et la pandémie, la contribution de la religion et de l’Église n’a pas seulement une importance existentielle et ne se limite pas aux seuls croyants», a-t-elle déclaré.
Le Pape François a ensuite rejoint le pupitre pour livrer un dense discours. «C’est un honneur pour moi d’être dans cette ville glorieuse. Je fais miennes les paroles de saint Grégoire de Nazianze : ’Athènes, ville d’or et dispensatrice de bienfaits… alors que je cherchais l’éloquence, j’ai trouvé le bonheur’. Je viens en pèlerin dans ces lieux riches de spiritualité, de culture et de civilisation, pour puiser à ce même bonheur qui enthousiasmait ce remarquable Père de l’Église : la joie de cultiver la sagesse et d’en partager la beauté.»
La Grèce, un pilier de l’humanité
«Sans Athènes et sans la Grèce, l’Europe et le monde ne seraient pas ce qu’ils sont. Ils seraient moins sages et moins heureux.» L’Acropole, visible de loin par les voyageurs, est «une référence incontournable à la divinité, un appel à élargir les horizons vers le haut.»
Piégés par «la frénésie de mille courses terrestres et par l’avidité insatiable d’un consumérisme dépersonnalisant», il faut «nous laisser émerveiller par l’infini, la beauté de l’être, la joie de la foi. Les chemins de l’Évangile sont passés par ici, unissant l’Orient à l’Occident, les Lieux Saints à l’Europe, Jérusalem à Rome.»
«La mer, qu’Athènes domine, nous le rappelle. Elle oriente la vocation de cette terre placée au cœur de la Méditerranée pour être un pont entre les peuples. De grands historiens ont ici raconté avec passion les histoires des peuples voisins ou éloignés.»
«Le berceau, des millénaires plus tard, est devenu une maison, une grande maison de peuples démocratiques : je pense ici à l’Union européenne et au rêve de paix et de fraternité qu’elle représente pour tant de peuples.»
Plaidoyer pour la démocratie
«On ne peut cependant que constater avec inquiétude un recul de la démocratie», s’est ensuite inquiété le Saint-Père, «et pas seulement sur le continent européen. La démocratie exige la participation et l’implication de chacun, elle demande donc des efforts et de la patience».
La démocratie est complexe, «alors que l’autoritarisme est expéditif et que les assurances faciles offertes par les populismes semblent tentantes.»
«Dans de nombreuses sociétés, préoccupées par la sécurité et anesthésiées par le consumérisme, la fatigue et le mécontentement conduisent à une sorte de « scepticisme démocratique ». Mais la participation de tous est une exigence fondamentale ; non seulement pour atteindre des objectifs communs, mais parce qu’elle répond à ce que nous sommes: des êtres sociaux, uniques et en même temps interdépendants.»
Le Pape a invité à «un changement de rythme», «alors que des peurs, amplifiées par la communication virtuelle, se propagent chaque jour davantage, et que des théories sont élaborées pour s’affronter aux autres», «aidons-nous à passer de l’esprit partisan à la participation; d’un engagement à soutenir uniquement son propre parti, à une implication active pour la promotion de tous».
Face aux nombreux défis actuels, de la pandémie au changement climatique, l’humanité a besoin d’«un multilatéralisme qui ne soit pas étouffé par des prétentions nationalistes excessives. La politique a besoin de cela pour faire passer les exigences communes avant les intérêts privés. Cela peut ressembler à une utopie, à un voyage sans espoir sur une mer agitée, à une odyssée longue et irréalisable».
Les fruits de l’olivier
«Il est triste de voir comment, ces dernières années, de nombreux oliviers centenaires ont brûlé, consumés par des incendies souvent provoqués par des conditions météorologiques défavorables, elles-mêmes causées par le changement climatique. Face au paysage meurtri de ce merveilleux pays, l’olivier peut symboliser la volonté de lutter contre la crise climatique et ses ravages.»
Après le déluge, l’olivier fut le symbole d’un nouveau départ, «En ce sens, j’espère que les engagements pris dans la lutte contre le changement climatique ne seront pas qu’une façade, mais qu’ils seront de plus en plus partagés, et sérieusement mis en œuvre.»
«Qu’aux paroles succèdent les faits, pour que les fils ne paient pas l’énième hypocrisie de leurs pères. C’est en ce sens que résonnent les paroles qu’Homère met sur les lèvres d’Achille: ’’Celui qui cache sa pensée dans son âme et ne dit point la vérité m’est plus odieux que le seuil d’Hadès’’ (Iliade, IX, 312-313).»
Pour continuer, l’olivier représente dans les Écritures une invitation à la solidarité, «’’Lorsque tu auras récolté tes olives, tu ne retourneras pas chercher ce qui reste. Laisse-le pour l’immigré, l’orphelin et la veuve’’ (Dt 24, 20). Ce pays, disposé à l’accueil, a reçu sur certaines de ses îles un nombre de frères et sœurs migrants plus élevé que celui des habitants eux-mêmes, augmentant ainsi leurs difficultés, alors qu’ils ressentent encore les conséquences de la crise économique.»
« La Communauté européenne, déchirée par les égoïsmes nationalistes, apparaît parfois bloquée et non coordonnée, au lieu d’être un moteur de solidarité. Si, à une certaine époque, les différences idéologiques ont empêché la construction de ponts entre l’Est et l’Ouest du continent, aujourd’hui, la question migratoire a ouvert des brèches entre le Sud et le Nord. »
Les personnes réfugiées sont «les protagonistes d’une terrible odyssée moderne». «J’aime rappeler que lorsqu’Ulysse débarqua à Ithaque, il ne fut pas reconnu par les seigneurs locaux, qui avaient usurpé sa maison et ses biens, mais par ceux qui avaient pris soin de lui. Sa nourrice comprit que c’était lui en voyant ses cicatrices. Les souffrances nous réunissent, et reconnaître que nous appartenons à la même humanité fragile nous aidera à construire un avenir plus intégré et plus pacifique.»
Que soit transformé «en une audacieuse opportunité ce qui semble être une épreuve malheureuse !»
La grande épreuve de la pandémie
Elle «nous a fait redécouvrir que nous sommes fragiles et que nous avons besoin des autres». «Au milieu de tant d’efforts, cependant, un remarquable sens de la solidarité a émergé, auquel l’Église catholique locale est heureuse de pouvoir continuer à contribuer, convaincue qu’il s’agit là d’un héritage à ne pas perdre, alors que la tempête se calme lentement.»
Selon le Serment d’Hippocrate, «le droit aux soins et aux traitements pour tous doit toujours être privilégié, afin que les plus faibles, notamment les personnes âgées, ne soient jamais rejetés. La vie est en effet un droit, et non la mort, qui doit être accueillie et non administrée.»
Bicentenaire de la Grèce
Les oliviers, centenaires et durables rappellent «l’importance de préserver des racines solides, irriguées de mémoire. Ce pays peut être défini comme la mémoire de l’Europe, et je suis ravi de le visiter vingt ans après la visite historique du pape Jean-Paul II, et à l’occasion du bicentenaire de son indépendance.»
«Le Christ a commandé l’amour du prochain. Mais qui est plus proche de nous que vous, nos concitoyens, même s’il y a quelques différences dans les rites ? Nous avons une seule Patrie, nous sommes d’un seul peuple ; nous, chrétiens, sommes frères par la Sainte Croix. »
« Être frères sous le signe de la Croix, dans ce pays béni par la foi et par ses traditions chrétiennes, est un appel pour les croyants au Christ à cultiver la communion à tous les niveaux, au nom de ce Dieu qui étreint chacun de sa miséricorde.»
«De cette ville, de ce berceau de la civilisation, un message a surgi et surgira toujours, un message qui oriente vers le Haut et vers l’autre ; qui répond aux séductions de l’autoritarisme par la démocratie ; qui oppose à l’indifférence individualiste l’attention à l’autre, au pauvre et à la Création, qui sont les pierres angulaires essentielles d’un humanisme renouvelé, dont notre époque et notre Europe ont besoin.»
«O Theós na euloghi tin Elládha ! (Que Dieu bénisse la Grèce !)», a conclu le Pape François en langue grecque, avant de signer le livre d’or du palais présidentiel puis de rejoindre la nonciature apostolique.
Suite de la journée
À 16h, le Pape effectue une visite à Sa Béatitude Ieronymos II, archevêque orthodoxe d’Athènes et de toute la Grèce, qui l’avait accompagné à Lesbos en 2016. Les deux tiendront ensuite à 16h30 une rencontre publique accompagnés de leurs délégations respectives, en la Salle du Trône de l’archevêché orthodoxe, avec un discours du Pape.
La fin de journée a été pour la minorité catholique, avec à 17h15 la rencontre avec les évêques, prêtres, religieux et religieuses, séminaristes et catéchistes en la cathédrale catholique saint Denys-l’Aréopagite, toujours à Athènes. Le Saint-Père a évoqué l’important témoignage que la petite communauté catholique offre en Grèce. «Être une Église petite fait de nous un signe éloquent de l’Évangile.»
À 18h45, le Pape reçoit les jésuites de Grèce à la nonciature apostolique.
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