Apprendre l’art d’attendre le Seigneur

Apprendre l’art d’attendre le Seigneur

Dans la première lecture, nous avons entendu cette invitation : « Il est bon d’attendre en silence le salut du Seigneur » (Lm 3,26). Cette attitude n’est pas un point de départ, mais un point d’arrivée. En fait, l’auteur y arrive au bout d’un chemin, un chemin cahoteux, qui l’a fait mûrir. Il en vient à comprendre la beauté de faire confiance au Seigneur, qui ne manque jamais à ses promesses.

Mais la confiance en Dieu ne naît pas d’un enthousiasme momentané, ce n’est pas une émotion ou même juste un sentiment. Au contraire, elle vient de l’expérience et mûrit dans la patience, comme cela arrive à Job, qui passe d’une connaissance de Dieu « par ouï-dire » à une connaissance vivante et expérientielle.

Attende Domine
Attende Domine

Et pour cela, il faut une longue transformation intérieure qui, à travers le creuset de la souffrance, conduit à savoir attendre en silence, c’est-à-dire avec une patience confiante, avec une âme douce. Cette patience n’est pas de la résignation, car elle se nourrit de l’attente du Seigneur, dont la venue est certaine et ne déçoit pas.

*

Chers frères et sœurs, combien il est important d’apprendre l’art d’attendre le Seigneur ! L’attendant docilement, confiant, chassant les fantômes, les fanatismes et les clameurs ; préservant, surtout en temps d’épreuve, un silence plein d’espérance.

C’est ainsi que nous nous préparons à la dernière et plus grande épreuve de la vie, la mort. Mais il y a d’abord les épreuves du moment, il y a la croix que nous avons maintenant, et pour laquelle nous demandons au Seigneur la grâce de pouvoir attendre là, là, son salut à venir.

*

Chacun de nous doit mûrir dans ce domaine. Face aux difficultés et aux problèmes de la vie, il est difficile d’avoir de la patience et de rester calme. L’irritation s’installe et souvent le découragement arrive.

Il peut ainsi arriver d’être fortement tenté par le pessimisme et la résignation, de voir tout noir, de s’habituer à des tons découragés et plaintifs, semblables à ceux de l’auteur sacré qui dit au début : « Ma gloire a disparu, l’espoir qu’elle me venait du Seigneur » (v. 18).

Dans l’épreuve, même les bons souvenirs du passé ne peuvent pas consoler, car l’affliction conduit l’esprit à s’attarder sur des moments difficiles. Et cela augmente l’amertume, il semble que la vie soit une chaîne continue de malheurs, comme l’auteur l’admet encore : « Le souvenir de ma misère et de mon errance est comme du poison » (v. 19).

*

À ce stade, cependant, le Seigneur donne un tournant, précisément au moment où, tout en continuant à dialoguer avec lui, il semble toucher le fond. Dans l’abîme, dans l’angoisse du non-sens, Dieu s’approche pour sauver, à ce moment-là. Et quand l’amertume atteint son paroxysme, l’espoir refleurit soudain.

C’est mal d’atteindre la vieillesse avec un cœur amer, avec un cœur déçu, avec un cœur critique des choses nouvelles, c’est très dur. « J’ai l’intention de rappeler cela à mon cœur – dit la personne qui prie dans le Livre des Lamentations -, et pour cela je veux regagner l’espérance » (v. 21). Reprenez espoir dans le moment d’amertume.

Au milieu de la douleur, celui qui est proche du Seigneur voit qu’il dévoile la souffrance, l’ouvre, la transforme en une porte par laquelle entre l’espérance. C’est une expérience pascale, un passage douloureux qui ouvre à la vie, une sorte de travail spirituel qui dans l’obscurité nous fait revenir à la lumière.

*

Ce tournant ne se produit pas parce que les problèmes ont disparu, non, mais parce que la crise est devenue une mystérieuse occasion de purification intérieure. La prospérité, en effet, nous rend souvent aveugles, superficiels, fiers. C’est ainsi que nous conduit la prospérité.

D’autre part, le passage de l’épreuve, s’il est vécu dans la chaleur de la foi, malgré sa dureté et ses larmes, nous fait renaître, et nous nous retrouvons différents du passé. Un Père de l’Église a écrit que « rien de plus que la souffrance ne conduit à découvrir de nouvelles choses » (Saint Grégoire de Naziance, Ep. 34).

L’épreuve se renouvelle, car elle fait tomber beaucoup de déchets et nous apprend à regarder au-delà, au-delà des ténèbres, à toucher de première main que le Seigneur sauve vraiment et qu’il a le pouvoir de tout transformer, même la mort. Il nous laisse traverser les goulets d’étranglement non pas pour nous abandonner, mais pour nous accompagner.

Oui, car Dieu accompagne, surtout dans la douleur, comme un père qui fait bien grandir son fils en restant près de lui dans les difficultés sans le remplacer. Et avant de pleurer sur notre visage, l’émotion a déjà rougi les yeux de Dieu le Père. Il pleure le premier, j’ose dire.

La douleur reste un mystère, mais dans ce mystère nous pouvons découvrir d’une manière nouvelle la paternité de Dieu qui nous visite dans l’épreuve, et venir dire, avec l’auteur des Lamentations : « Bon est le Seigneur avec ceux qui espèrent en lui, avec celui qui le cherche » (v. 5).

*

Aujourd’hui, face au mystère de la mort rachetée, nous demandons la grâce de regarder l’adversité avec des yeux différents. Nous demandons la force de savoir vivre dans le silence doux et confiant qui attend le salut du Seigneur, sans se plaindre, sans grommeler, sans se laisser attrister. Ce qui semble être une punition se révélera être une grâce, une nouvelle démonstration de l’amour de Dieu pour nous.

Savoir attendre en silence – sans bavarder, en silence – le salut du Seigneur est un art, en route vers la sainteté. Cultivons-le. Elle est précieuse à l’époque que nous vivons : plus que jamais, nul besoin de crier, d’éveiller des clameurs, de s’aigrir ; chacun a besoin de témoigner de la foi, qui est une attente docile et pleine d’espérance de sa vie. La foi, c’est ça : une attente docile et pleine d’espoir.

Le chrétien ne diminue pas la gravité de la souffrance, non, mais il regarde vers le Seigneur et sous les coups de l’épreuve il se confie en lui et prie : il prie pour ceux qui souffrent. Il garde les yeux rivés sur le Ciel, mais ses mains sont toujours étendues sur le sol, pour servir concrètement son prochain. Même dans le moment de tristesse, d’obscurité, le service.

*

Dans cet esprit, prions pour les cardinaux et les évêques qui nous ont quittés l’année dernière. Certains d’entre eux sont morts du Covid-19, dans des situations difficiles qui ont aggravé la souffrance. Que nos frères goûtent maintenant la joie de l’invitation évangélique, celle que le Seigneur adresse à ses fidèles serviteurs : « Venez, bénis de mon Père, héritez du royaume qui vous est préparé depuis la création du monde » (Mt 25 : 34)

MESSE AU SUFFRAGE DES CARDINAUX ET ÉVÊQUES DÉCÉDÉE AU COURS DE L’ANNÉEHOMÉLIE DU SAINT-PÈRE FRANÇOISBasilique Saint-Pierre Jeudi 4 novembre 2021


Copyright © Dicastero per la Comunicazione – Libreria Editrice Vaticana

Texte traduit et présenté par l’Association de la Médaille Miraculeuse