La force libératrice de Jésus
LUNDI (5e semaine de Carême) Dn 13,1…62 Jn 8,1-11
Que celui d’entre vous qui est sans péché lui jette la première pierre (Jn 8,7)
Parmi les textes évangéliques dans lesquels Jésus Christ s’affirme comme le libérateur, il en est un qui nous touche plus que les autres, c’est celui de la femme adultère. Une femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. Les Scribes et les Pharisiens l’ont poussée devant Jésus.
Elle est là, au centre d’un cercle qui vient de se fermer apparemment sur elle, en fait sur Jésus lui-même. Il va bien falloir maintenant qu’il se rende, c’est-à-dire participe à la sauvage répression à laquelle ces notables ont résolu de l’associer — ou qu’il avoue publiquement son mépris de la moralité et de la Loi de Moïse. Écoutez-les parler : Moïse, dans la Loi, nous a ordonné de lapider de telles femmes.
Toi donc, que dis-tu ? (Jn 8,5). A une telle mise en demeure, il semble qu’il n’y ait aucune échappatoire. Jésus, cependant, ne se laisse pas entraîner ; s’étant penché, il se met à écrire du doigt sur la terre. Ses interlocuteurs pourtant, ne relâchent pas leurs instances. Ils continuent à l’interroger.
C’est alors qu’éclate la force libératrice de sa parole. D’un mot, apparemment très simple, il brise les tenailles dans lesquelles on voulait enserrer non seulement cette femme et lui-même, mais aussi les cœurs de tous les assistants : Que celui d’entre vous qui est sans péché lui jette la première pierre (Jn 8,7). Puis, se penchant de nouveau, il se remit à écrire sur la terre.
Une seule parole et tout est changé : que s’est-il donc passé ? Jésus vient de faire réapparaître en chacun celui au nom de qui on voulait perpétrer cet acte atroce et qu’en fait, on avait oublié : Dieu. Dieu présent en chacun, au plus profond, Dieu auquel chacun des assistants a été si souvent infidèle en accomplissant en secret l’acte qu’il reproche publiquement à cette femme.
C’est comme si, dans une chambre obscure, une porte s’était soudain ouverte et que, par elle, ait jailli la lumière de la vérité. L’ombre qui aveuglait les regards des accusateurs se dissipe et avec elle leur bonne conscience. Ils reconnaissent leur condition d’homme, c’est-à-dire à la fois leur faiblesse et leur grandeur.
Ils découvrent qu’ils ont péché eux-mêmes, mais ils apprennent, en même temps, que leur péché peut être pardonné et que pour eux tout peut recommencer. Pour la première fois, peut-être, ils aperçoivent Dieu tel qu’il est vraiment : celui qui donne à l’homme sa loi, mais aussi lui pardonne et l’appelle à renaître.
Cette unique parole de Jésus opère donc un jugement : elle fait apparaître la vérité. Et pourtant, elle ne comporte ni sentence ni condamnation. Elle dissipe, pour ces âmes enténébrées, la force du groupe dont ils étaient captifs et leur révèle à la fois qui est Dieu et qui ils sont.
André Brien Le Christ libre dans un monde clos, Conférence de Notre-Dame de Paris, 7 mars 1971, Bayard-Presse, 1971, p. 23-25