La paix de Pâques
« Chaque guerre représente un outrage contre Dieu, une trahison blasphématoire du Seigneur de Pâques. » Lors de l’audience générale, le pape réfléchit sur la « manière » de Dieu de penser la paix, radicalement différente de la vision du monde qui tente de la construire par la force : la guerre est toujours « une action humaine pour conduire à l’idolâtrie du pouvoir.«
PAPE FRANÇOIS
>AUDIENCE GÉNÉRALE
Salle Paul VI
Mercredi, 13 avril 2022
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Résumé de l’Audience
Nous sommes au cœur de la Semaine Sainte, entre le dimanche des Rameaux et le dimanche de Pâques. Dimanche dernier, la foule acclamait Jésus comme un Messie puissant qui allait apporter une paix glorieuse en les libérant des romains.
Mais Jésus ne s’est jamais présenté en ces termes. Il apporte la paix par la douceur et la miséricorde, symbolisées par cet âne que personne n’avait encore jamais monté, comme pour signifier que la façon de faire du Seigneur est différente de celle du monde.
Le monde croit obtenir la paix en l’imposant par la violence. La paix du Seigneur, elle, s’obtient par la croix : en prenant sur lui notre mal, notre péché et notre mort, il nous libère. Les seules armes de l’Évangile sont la prière, la tendresse, le pardon, et l’amour du prochain. C’est pourquoi l’agression armée qui fait rage des jours-ci est un outrage à Dieu, une trahison blasphématoire du Seigneur de la Pâque.
Le mot Pâques signifie « passage » : c’est pour nous cette année l’occasion bénie de passer du dieu mondain au Dieu chrétien, d’une paix acquise par la force à la seule vraie paix apportée par Jésus dans l’offrande de sa vie. Mettons-nous aux pieds du Crucifié, source de notre paix, et demandons-lui la paix du cœur, et la paix dans le monde.
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Audience (texte intégral)
Chers frères et sœurs, bonjour!
Nous sommes au centre de la Semaine Sainte, qui s’étend du dimanche des Rameaux au dimanche de Pâques. Ces deux dimanches sont caractérisés par la fête autour de Jésus, mais ce sont deux fêtes différentes.
Dimanche dernier, nous avons vu le Christ entrer solennellement à Jérusalem, en fête, accueilli comme le Messie: et pour lui des manteaux sont étendus sur le chemin (cf. Lc 19,36) et des branches coupées aux arbres (cf. Mt 21,8). La foule exultante bénit d’une voix forte « celui qui vient, le roi », et acclame : « Paix au ciel et gloire au plus haut des cieux » (Lc 19, 38).
Ces gens y célèbrent parce qu’ils voient dans l’entrée de Jésus l’arrivée d’un nouveau roi, qui apporterait la paix et la gloire. Voilà la paix que ces peuples attendaient : une paix glorieuse, fruit d’une intervention royale, celle d’un messie puissant qui libérerait Jérusalem de l’occupation romaine.
D’autres rêvaient probablement de la restauration de la paix sociale et voyaient en Jésus le roi idéal, qui nourrirait les foules avec des pains, comme il l’avait déjà fait, et accomplirait de grands miracles, apportant ainsi plus de justice au monde.
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Mais Jésus n’en parle jamais. Il a devant lui une autre Pâques, pas une Pâques triomphale. La seule chose qui lui importe pour préparer son entrée à Jérusalem est de monter « un ânon attaché, sur lequel personne n’est jamais monté » (v. 30). C’est ainsi que le Christ apporte la paix au monde: par la douceur et la douceur, symbolisées par cet ânon attaché, sur lequel personne n’était monté. Parce que la manière de faire de Dieu est différente de celle du monde.
En effet, juste avant Pâques, Jésus explique aux disciples : « Je vous laisse la paix, je ne vous donne pas ma paix comme le monde la donne, je vous la donne » (Jn 14, 27). Il y a deux manières différentes : une manière comme le monde nous donne la paix et une manière comme Dieu nous donne la paix. Ils sont différents.
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La paix que Jésus nous donne à Pâques n’est pas la paix qui suit les stratégies du monde, qui croit l’obtenir par la force, avec des conquêtes et avec diverses formes d’imposition. Cette paix, en réalité, n’est qu’un entre-deux-guerres : nous le savons bien. La paix du Seigneur suit le chemin de la douceur et de la croix : c’est prendre en charge les autres.
En effet, le Christ a pris sur lui notre mal, notre péché et notre mort. Il a pris tout cela sur lui. Alors il nous a libérés. Il a payé pour nous. Sa paix n’est pas le résultat d’un compromis, mais vient du don de soi. Cette paix douce et courageuse est cependant difficile à accueillir. En fait, la foule qui a loué Jésus est la même qui après quelques jours crie « Crucifie-le » et, effrayée et déçue, ne lève pas le petit doigt pour lui.
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À cet égard, une grande histoire de Dostoïevski, la soi-disant Légende du Grand Inquisiteur, est toujours pertinente. On dit de Jésus qui, après plusieurs siècles, revient sur Terre. Il est immédiatement accueilli par la foule en liesse, qui le reconnaît et l’acclame. « Ah, tu es de retour ! Viens, viens avec nous ! »
Mais ensuite, il est arrêté par l’inquisiteur, qui représente la logique mondaine. Ce dernier l’interroge et le critique férocement. La dernière raison du reproche est que le Christ, bien qu’il le puisse, n’a jamais voulu devenir César, le plus grand roi de ce monde, préférant laisser l’homme libre plutôt que de l’assujettir et de résoudre ses problèmes par la force.
Il aurait pu établir la paix dans le monde, plier le cœur libre mais précaire de l’homme en vertu d’une puissance supérieure, mais il ne l’a pas voulu : il a respecté notre liberté.
« Toi – dit l’Inquisiteur à Jésus -, en acceptant le monde et la pourpre des Césars, tu aurais fondé le royaume universel et donné la paix universelle » (Les frères Karamazov, Milan 2012, 345) ; et d’une phrase cinglante il conclut : « S’il y a quelqu’un qui méritait plus que tout notre pieu, c’est toi » (348).
Voilà la tromperie qui se répète dans l’histoire, la tentation d’une fausse paix, basée sur le pouvoir, qui conduit alors à la haine et à la trahison de Dieu et à tant d’amertume dans l’âme.
Au final, selon ce rapport, l’Inquisiteur voudrait que Jésus « lui dise quelque chose, peut-être même quelque chose d’amer, de terrible ». Mais le Christ réagit par un geste doux et concret : « Il s’approche de lui en silence, et l’embrasse doucement sur les vieilles lèvres exsangues » (352).
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La paix de Jésus ne domine pas les autres, ce n’est jamais une paix armée : jamais ! Les armes de l’Évangile sont la prière, la tendresse, le pardon et l’amour gratuit du prochain, l’amour de tout prochain. C’est ainsi que la paix de Dieu est apportée au monde.
C’est pourquoi l’agression armée de nos jours, comme toute guerre, représente un outrage contre Dieu, une trahison blasphématoire du Seigneur de Pâques, préférant à son doux visage celui du faux dieu de ce monde. La guerre est toujours une action humaine pour conduire à l’idolâtrie du pouvoir.
Avant sa dernière Pâque, Jésus a dit à ses disciples : « Que votre cœur ne se trouble pas et n’ayez pas peur » (Jn 14, 27). Oui, car si la puissance mondaine ne laisse que destruction et mort – nous l’avons vu ces jours-ci – sa paix construit l’histoire, à partir du cœur de tout homme qui l’accueille.
Pâques est donc la vraie fête de Dieu et de l’homme, car la paix, que le Christ a conquise sur la croix par le don de lui-même, nous est distribuée. C’est pourquoi le Ressuscité, le jour de Pâques, apparaît aux disciples et comment les salue-t-il ? « Paix à toi! » (Jn 20,19.21). C’est la salutation du Christ victorieux, du Christ ressuscité.
Frères, sœurs, Pâques signifie « passage ». C’est, surtout cette année, l’occasion bénie de passer du dieu mondain au Dieu chrétien, de l’avidité que nous portons en nous à la charité qui nous libère, de l’attente d’une paix apportée par la force à l’engagement de témoignez concrètement de la paix de Jésus. Frères et sœurs, tenons-nous devant le Crucifix, source de notre paix, et demandons-lui la paix du cœur et la paix dans le monde.
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Salutations
Je salue cordialement les personnes de langue française présentes aujourd’hui, particulièrement les groupes de jeunes venus de France et de Belgique. Quand les jeunes sont là, il y a du bruit, hein ? Et çà, c’est beau !
Ce matin, demandons au Seigneur de nous préparer à vivre en union avec lui les jours de la Passion et de la Résurrection. Que notre prière accompagne en particulier tous ceux qui traversent ces jours saints dans l’abandon, la guerre ou la difficulté. Que Dieu vous bénisse !
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Enfin, comme d’habitude, mes pensées vont aux personnes âgées, aux malades, aux jeunes et aux jeunes mariés. En cette semaine sainte, répondez généreusement au Christ qui nous appelle à nous unir plus profondément à sa mort et à sa résurrection. Il veut nous remplir de sa vie, nous donner une « espérance qui ne déçoit pas ». Ma bénédiction à vous tous !
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