La Sainte Face

La Sainte Face

du saint Suaire
                                                         du saint Suaire

Tu ne saurais effacer de ton cœur une certaine image.

Et cette image n’est autre que celle imprimée sur le linge de la Véronique.

C’est une face fine et longue et la barbe entoure le menton d’une triple touffe.

L’expression en est si austère qu’elle effraie, et si sainte

Que le vieux péché en nous organisé

Frémit jusque dans sa racine originelle, et la douleur qu’elle exprime est si profonde

Qu’interdits, nous sommes comme des enfants qui regardent pleurer, sans comprendre, le père : il pleure !

Tu voudrais en vain, ô Ivers, déployer devant ces yeux la gloire et l’éclat de ce monde.

Ces yeux qui en se levant d’un regard ont créé l’Univers

Sont maintenant baissés, et de sévères larmes en descendent ;

Du front suintent des gouttes de sang.

Mais considère, ô mon fils, la bouche de ton Dieu, la bouche, ô mon fils, du Verbe.

Quelle amertume elle savoure,, quelle parole à elle-même ineffable elle goûte,

Car les lèvres au coin droit s’entr’ouvrent en un sourire atroce.

Comme il pleure de tout son être, laissant échapper la salive comme un enfant !

Il n’y a point de pain pour nous, ô mon fils, tandis qu’il nous restera cette douleur à consoler.

C’est la douleur du Fils de l’Homme qui a voulu goûter et revêtir notre crime,

C’est la douleur du Fils de Dieu

De ne pouvoir présenter à son Père tout l’homme dans le mystère de l’Ostension.

Paul CLAUDEL