la voracité compromet l’avenir de tous

la voracité compromet l’avenir de tous

«Le péché de ceux qui cèdent devant une part de gâteau ne fait pas grand mal, mais la voracité avec laquelle nous nous déchaînons sur les biens de la planète, compromet l’avenir de tous». Le Pape l’a affirmé au cours de son cycle de catéchèse mercredi sur les vices et les vertus, s’attaquant à la gourmandise, le vice le plus dangereux qui est en train de faire périr la planète. Il exhorte à se «laisser guérir de la gloutonnerie personnelle et sociale par l’Évangile».

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Salle Paul VI
Mercredi 10 janvier 2024

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Catéchèse – Les vices et les vertus – 3. La gourmandise

Résumé

Chers frères et sœurs,

Dans notre parcours sur les vices et les vertus, nous nous arrêtons aujourd’hui sur la gourmandise. Que Nous dit l’Évangile à son sujet ? Tout d’abord que Jésus est très différent du Baptiste et de son ascèse. Jésus est souvent vu à table, son premier miracle aux noces de Cana nous révèle sa sympathie pour les joies humaines.

Vis-à-vis de la loi juive, Jésus fait tomber la distinction entre aliment pur ou impur, en enseignant que c’est ce qui sort du cœur de l’homme et non ce qui entre dans son corps qui le rend impur.

Dans nos sociétés du bien-être, qui voient tant de pathologies de l’alimentation, le rapport serein que Jésus a établi vis-à-vis de l’alimentation devrait être valorisé et redécouvert. Notre alimentation manifeste notre intériorité : équilibre ou démesure, action de grâce ou prétention d’autonomie arrogante, empathie du partage ou égoïsme de l’accumulation.

D’un point de vue social la voracité vis-à-vis des biens de la planète met en danger l’avenir de tous. Soyons des personnes eucharistiques, capables de remercier et discrètes dans l’usage de la terre, et non des prédateurs. Que l’Évangile nous guérisse de toute gourmandise.

Je salue cordialement les personnes de langue française, en particulier:  les séminaristes du séminaire de Paris, le Collège Saint Joseph d’Aumale, et l’Aumônerie nationale des Artisans de la Fête. Que le Seigneur soit notre unique véritable faim. Que Dieu vous bénisse.

Catéchèse

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans notre parcours de catéchèse que nous faisons sur les vices et les vertus, nous nous concentrons aujourd’hui sur le vice de la gourmandise.

Que nous dit l’Évangile à ce sujet ? Regardons Jésus : son premier miracle, aux noces de Cana, révèle sa sympathie pour les joies humaines : il veille à ce que la fête se termine bien et donne aux jeunes mariés une grande quantité de très bon vin.

Tout au long de son ministère, Jésus apparaît comme un prophète très différent de Baptiste : si on se souvient de Jean pour son ascèse – il mangeait ce qu’il trouvait dans le désert -, Jésus est plutôt le Messie que l’on voit souvent à table.

Son comportement provoque le scandale chez certains, car non seulement il est bienveillant envers les pécheurs, mais il mange même avec eux ; et ce geste démontrait son désir de communion et de proximité avec tous.

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Mais il y a aussi autre chose. Si l’attitude de Jésus à l’égard des préceptes juifs nous révèle sa pleine soumission à la Loi, il se montre cependant compréhensif avec ses disciples : lorsqu’ils se trompent, parce qu’ils ont faim et cueillent des épis de blé le jour du sabbat, Il les justifie en se rappelant que le roi David et ses compagnons, se trouvant dans le besoin, avaient eux aussi mangé le pain sacré (voir Marc 2 :23-26).

Et Jésus énonce un nouveau principe : les invités au mariage ne peuvent pas jeûner lorsque le marié est avec eux ; ils jeûneront quand l’époux leur sera enlevé. Or tout est relatif à Jésus : quand il est parmi nous, nous ne pouvons pas être en deuil ; mais à l’heure de sa passion, alors oui, jeûnons (voir Mc 2,18-20). J

Jésus veut que nous soyons joyeux en sa compagnie – Il est l’époux de l’Église – ; mais il veut aussi que nous participions à ses souffrances, qui sont aussi celles des petits et des pauvres.

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Un autre aspect important. Jésus abandonne la distinction entre les aliments purs et impurs, qui était une distinction faite par la loi juive. En réalité – enseigne Jésus – ce n’est pas ce qui entre dans l’homme qui le contamine, mais ce qui sort de son cœur. Et en disant cela, « il rendit purs tous les aliments » (Mc 7, 19). C’est pourquoi le christianisme n’envisage pas les aliments impurs.

Mais l’attention que nous devons avoir est interne : donc pas sur la nourriture elle-même, mais sur notre relation avec elle. Et là-dessus, Jésus dit clairement que ce qui fait la qualité ou le mal, pour ainsi dire, d’un aliment, ce n’est pas l’aliment lui-même mais la relation que nous entretenons avec lui.

Et on le voit, quand une personne a une relation désordonnée avec la nourriture, on regarde comment elle mange, elle mange précipitamment, comme si avec le désir d’être rassasiée et elle n’est jamais satisfaite, elle n’a pas une bonne relation avec la nourriture, il est esclave de la nourriture.

Cette relation sereine que Jésus a établie à l’égard de l’alimentation doit être redécouverte et valorisée, surtout dans les sociétés dites de bien-être, où se manifestent de nombreux déséquilibres et de nombreuses pathologies. Vous mangez trop ou pas assez. Nous mangeons souvent seuls.

Les troubles alimentaires se propagent : anorexie, boulimie, obésité… Et la médecine et la psychologie tentent de remédier au mauvais rapport à l’alimentation. Une mauvaise relation avec la nourriture produit toutes ces maladies.

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Ce sont des maladies, souvent très douloureuses, qui sont pour la plupart liées aux tourments du psychisme et de l’âme. La nutrition est la manifestation de quelque chose d’interne : la prédisposition à l’équilibre ou à la démesure ; la capacité de remercier ou la revendication arrogante d’autonomie ; l’empathie de ceux qui savent partager la nourriture avec les nécessiteux, ou l’égoïsme de ceux qui accumulent tout pour eux-mêmes.

Cette question est si importante : dis-moi comment tu manges, et je te dirai quelle âme tu as. Notre intériorité, nos habitudes, nos attitudes psychiques se révèlent dans notre façon de manger.

Les anciens Pères appelaient le vice de gourmandise du nom de « gastrimargia », terme que l’on peut traduire par « folie du ventre ». La gourmandise est une « folie du ventre ». Et il y a aussi ce proverbe : il faut manger pour vivre, pas vivre pour manger. La gourmandise est un vice qui se greffe sur l’un de nos besoins vitaux, comme la nutrition. Soyons prudents à ce sujet.

Si nous le lisons d’un point de vue social, la gourmandise est peut-être le vice le plus dangereux qui tue la planète. Car le péché de ceux qui cèdent devant une part de gâteau, tout bien considéré, ne cause pas de grands dégâts, mais la voracité avec laquelle nous nous déchaînons, depuis quelques siècles, vers les biens de la planète compromet l’avenir de chacun.

Nous nous sommes jetés sur tout, pour devenir maîtres de tout, alors que tout avait été remis à notre garde, non à notre exploitation ! Voilà donc le grand péché, la fureur du ventre : nous avons renoncé au nom d’homme pour en prendre un autre, celui de « consommateur ». Et aujourd’hui, on dit ainsi dans la vie sociale : « les consommateurs ».

Nous n’avons même pas remarqué que quelqu’un avait commencé à nous appeler ainsi. Nous sommes faits pour être des hommes et des femmes « eucharistiques », capables d’action de grâce, discrets dans l’utilisation de la terre, et au contraire le danger est de nous transformer en prédateurs, et maintenant nous nous rendons compte que cette forme de « gourmandise » a fait beaucoup de mal au monde.

Nous demandons au Seigneur de nous aider sur le chemin de la sobriété, et que les diverses formes de gourmandise ne prennent pas le dessus sur nos vies.

Salutations

Mes pensées vont enfin aux jeunes, aux malades, aux personnes âgées et aux jeunes mariés, ils sont nombreux !  : J’invite chacun à toujours œuvrer dans la nouveauté de vie que nous indique le Fils de Dieu, qui s’est incarné pour sauver l’homme.

Nous renouvelons notre proximité par des prières à la chère population ukrainienne si éprouvée et à ceux qui souffrent de l’horreur de la guerre en Palestine et en Israël, ainsi que dans d’autres parties du monde. Prions, prions pour ces gens qui sont en guerre et prions le Seigneur de semer la graine de la paix dans le cœur des autorités des pays.

Ma bénédiction à tous !


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