LE MOIS DU SAINT NOM DE JÉSUS – IXe JOUR.

LE MOIS DU SAINT NOM DE JÉSUS – IXe JOUR.

JÉSUS INSTRUIT LA SAMARITAINE.

Venit mulier de Samaría haurire aquam ; dixit ei Jesus : da mihi bibere.

Une femme vint de Samarie pour puiser de l’eau ; Jésus lui dit.’ donnez-moi à boire. Jean 4.

D’après LE MOIS DE JÉSUS – Malines 1839

Ier Point.

IHS extrait des armes du Pape François
IHS extrait des armes du Pape François

Jésus ayant appris que son pré­curseur avait été conduit en prison par les ordres d’Hérode, ne voulut pas attirer sur lui la malice des pharisiens, qui le voyaient entouré d’un bien plus grand nombre de disciples que saint Jean ; c’est pourquoi il se décida à quitter la Judée pour retourner en Galilée.

Comme il traversait la Samarie, il arriva sur l’heure de midi dans une ville de cette province, nommée Sichar, et, se sentant fatigué, il s’assit sur le bord d’un puits qu’on appelait la fontaine de Jacob (ce patriarche avait donné autrefois cette terre à son fils Joseph). C’est là qu’il fit la rencontre de cette femme samaritai­ne, dans laquelle il voulut nous donner un exemple admirable de la conduite de la grâce à l’égard du pécheur.

Les Samaritains formaient un peuple sé­paré de la nation juive : ils en étaient re­gardés avec mépris, et pouvaient, à pro­prement parler, prendre le nom de Juifs schismatiques ; car ils avaient un temple, un autel à part, et des prêtres qui ne re­connaissaient pas l’autorité du grand-prê­tre des Juifs.

Quoique Jésus n’ignorât pas que ses dis­ciples seraient remplis d’étonnement lors­qu’ils le verraient s’adresser à une Sama­ritaine, il voulut nous apprendre, dans son entretien avec elle, que la charité ne doit point se borner à ceux avec lesquels nous vivons, mais qu’elle doit s’étendre même sur les hommes qui nous paraissent mé­prisables et criminels.

Comme Juif, il voit dans la Samaritaine une femme étrangère et infidèle à la loi de Moïse, mais comme Dieu, il voit dans elle une créature formée à son image, ‘ et digne d’une compassion d’autant plus grande que son erreur était plus grossière, puisque son salut entrait comme celui de tous les hommes, dans le plan ineffable de la rédemption.

Cette femme étant venue puiser de l’eau à la fontaine de Jacob, Jésus s’adresse à elle et lui demande à boire. Est-ce donc que le Fils de Dieu ait besoin, pour étancher sa soif, du ministère d’une Samari­taine ? non, sans doute : mais l’eau qu’il demande à cette femme pour le désaltérer, c’est l’attention aux: paroles qu’elle va en­tendre ; c’est la docilité aux instructions qu’il va lui donner.

Il la voit livrée à tous les préjugés de sa nation, et égarée par des croyances superstitieuses : sa miséri­corde s’en alarme, et la charité met sur ses lèvres le langage le plus capable d’é­branler un cœur endurci. A peine a-t-il été témoin du trouble de cette Samaritaine et de l’étonnement qu’elle manifeste en voyant un Juif réclamer un service auprès d’elle, qu’il lui adresse ces paroles dignes d’une éternelle méditation :

Si vous con­naissiez le don de Dieu, et qui est celui qui vous demande à boire, vous lui auriez demandé vous-même de l’eau vive, et il vous en aurait donné.

O mon âme ! une source de vie et de sa­lut a été ouverte pour toi; c’est du cœur même de Jésus qu’elle découle : as-tu été fidèle à y venir puiser? ne t’es-tu pas au contraire lassée dans les voies du menson­ge, pour y chercher des sources empoison­nées, dont les eaux t’ont donné la mort? n’as-tu pas souvent refusé l’eau vive que Jésus te présentait, pour aller boire dans la coupe amère des voluptés du siècle ?

Ah ! si tu connaissais le don de Dieu ! si tu sa­vais quels charmes et quelles douceurs sont réservés à ceux qui l’aiment, quelles joies et quelles consolations éprouvent ceux qui lui sont dévoués! Si tu connaissais le don de Dieu ! si tu savais comme on se sent fort et assuré lorsqu’on repose sous sa protection !

Si tu savais combien le secours de la grâce est puissant pour nous élever au-dessus de nous-mêmes, et nous faire triom­pher des ennemis qui nous environnent !Si tu savais avec quelle magnificence le Seigneur récompense les faibles efforts, les légers sacrifices que nous nous imposons par amour pour lui !

Si tu comprenais toute l’éten­due de la charité que Jésus a pour toi ; si tu savais combien il est riche en bienfaits et en miséricordes, et quel ardent désir il a de les verser sur toi ; comme tu serais reconnaissante de tant de bontés ! avec quel empressement tu abandonnerais les sources corrompues que le monde fait couler, pour venir t’abreuver aux eaux vivifiantes et salutaires qui arrosent les sentiers de la vérité et de la justice !

IIe Point.

Mais que faut-il faire pour les obtenir, ces dons divins dont la seule con­naissance nous remplit de courage et éteint en nous la soif des plaisirs sensuels? O mon âme ! ce qu’il faut faire ? Jésus te l’apprend aujourd’hui dans son entretien avec la Sa­maritaine : si vous connaissiez le don de Dieu, lui dit-il, vous lui auriez demandé vous-même à boire et il vous aurait donné de l’eau vive.

Il suffit donc de les demander à Dieu pour les obtenir, ces dons adorables. Oui, mon âme, voilà tout ce que Dieu exige de nous : demandez et vous recevrez, dit-il ailleurs ; mon Père ne refuse jamais ses bienfaits à ceux qui les lui demandent en mon nom.

Comme s’il nous eût dit : je sais que vous ne pou­vez mériter par vous-mêmes les dons pré­cieux de ma grâce ; mais je ne puis vous les accorder malgré vous : je veux que vous reconnaissiez votre faiblesse, et le besoin que vous avez de mon secours, en le solli­citant avec humilité.

O mon âme! le monde promet-il au même prix ses faveurs, toutes méprisa­bles qu’elles sont? suffit-il de les deman­der pour l’obtenir ? Hélas ! n’as-tu pas fait peut-être la malheureuse expérience des difficultés qu’on éprouve avant d’être ini­tié à ses jouissances amères ? Combien de refus n’a-t-on pas auparavant à essuyer!

Combien de mépris et d’humiliations ne faut-il pas dévorer avant d’obtenir la moin­dre de ses faveurs ! semblable à un usurier avide et exigeant, il ne se désiste de ce qui lui appartient, que lorsqu’il a la certitude d’obtenir ce qu’il n’a pas ; il ne dis­pense ses largesses qu’à ceux dont il en peut espérer.

Que sont cependant les vo­luptés qu’il promet! hélas! ses jouissances n’entraînent-elles pas toujours après elles l’amertume et le dégoût ? ses plaisirs hon­teux et fugitifs sont-ils bien efficaces pour rassasier les désirs de l’homme ? l’eau qu’il donne à boire est-elle bien propre à désal­térer ?

O qu’on pourrait lui appliquer avec raison ces paroles que Jésus-Christ conti­nue d’adresser à la Samaritaine : tous ceux qui boivent de cette eau ont encore soif!

Que voyons-nous, en effet, dans ceux qui paraissent si empressés à parta­ger les délices du monde ? L’usage des plai­sirs auxquels ils s’abandonnent satisfait-il tellement leurs désirs, qu’ils n’en forment plus de nouveaux? leur joie est-elle tou­jours sans mélange de douleur? les lar­mes n’inondent – elles jamais leur visage?

O aveuglement des enfants du siècle ! tra­vaillés par ce désir immense du bonheur qui est au fond du cœur de tous les hom­mes, ils s’en vont errant par des voies té­nébreuses, et cherchant quelque source dont les eaux puissent apaiser la soif qui les dévore.

Mais les sources de la vie ne se rencontrent point dans les routes du mensonge : ces infortunés ne trouvent dans leur chemin que des eaux empoisonnées, qui rongent leurs entrailles et rendent leur soif encore plus ardente.

Hélas! n’avons-nous pas vu quelquefois de ces malheureux qui ont bu dans la coupe des voluptés du siècle? ne les avons-nous pas vus inquiets et troublés au sein même des jouissances qui devaient leur paraître les plus douces ?

Ne les avons-nous pas vus courbés, pour ainsi dire, sous le poids de leurs excès, traînant une vie honteuse et languissante au milieu d’un monde qui ne les voit plus qu’avec horreur, et portant sur leur front l’image hideuse du feu qui dévore leurs entrailles ?

Ah ! s’ils étaient venus, avec les enfants du Seigneur, s’abreuver aux sources pures et vivifiantes qui découlent de son sein, leur soif serait aujourd’hui apaisée, puisque Jésus-Christ ajoute que tous ceux qui boiront de l’eau qu’il leur donnera, n’auront jamais soif.

Il est vrai que les justes éprouvent une sorte de soif incapable d’être satisfaite, tant qu’ils sont sur la terre ; c’est ce désir de la possession de Dieu qui ne peut être comblé que dans le Ciel. Mais cette soif ineffable est elle-même une jouissance qui ne peut entrer en comparaison avec les plaisirs du monde.

Les âmes fidèles qui l’éprouvent sont animées par l’espérance d’être un jour réunies au Seigneur : cette pensée les entretient dans une espèce de ravissement continuel ; et, ne croyant jamais acheter trop cher une faveur si pré­cieuse, elles se soumettent avec joie à toutes les épreuves qu’elles doivent subir avant d’être introduites dans les tabernacles éter­nels.

Semblables à un homme qui, re­tournant dans sa patrie dont il est absent depuis un grand nombre d’années, ne compte pour rien les difficultés du chemin qui doit le conduire à un terme si heu­reux. Qui n’admirerait, après cela, la fé­licité des âmes justes ? qui pourrait ne pas envier la sainte soif qu’elles éprouvent ?

PRIÈRE.

0 Dieu plein d’amour pour moi ! com­ment ai-je pu voir avec indifférence toutes les peines que vous vous êtes données pour m’attirer à vous? comment n’ai-je point été attendri en voyant vos pieds sacrés se lasser à me poursuivre à mesure que je me lassais à vous fuir?

Ah! du moins la Samaritaine s’arrêta pour vous écouter, lorsque vous lui adressâtes la parole ; elle manifesta le désir d’être instruite de vos divins oracles, et sa docilité fut récompen­sée par le don de la foi. Permettez donc, ô mon Dieu ! que je vous dise aujourd’hui avec elle : Seigneur, donnez-moi de vo­tre eau pour que je n’aie plus soif.

Donnez-moi de cette eau que le monde ne peut donner, et qui doit être en moi com­me une fontaine qui rejaillira jusqu’à la vie éternelle.

Donnez-moi de cette eau qui étanche en moi la soif des plaisirs sensuels, qui ne me laisse qu’un seul désir, celui de vous posséder un jour, et qui augmente mon courage et mes forces pour achever la route que j’ai encore à parcourir.

Don­nez-moi enfin de cette eau qui éteigne tou­tes les flammes impures que le démon pourra faire naître dans mon cœur, qui fertilise en moi la semence de mes méri­tes, et me rends de plus en plus digne des grâces et des faveurs que vous accordez à ceux qui se montrent dociles à vos saintes-inspirations.

RÉSOLUTIONS.

1.° Je demanderai humblement à Dieu les dons de sa grâce, je la regarderai comme un trésor précieux dont je ne dois point abuser, et je m’imposerai quelque prati­que de pénitence toutes les fois que je dé­couvrirai en moi une résistance volontaire à ses inspirations.

2.° Je m’éloignerai autant que je pour­rai, des divertissements du monde ; j’au­rai en horreur ses spectacles, ses bals, ses assemblées nocturnes, et je m’abstiendrai de temps en temps des plaisirs qui me pa­raîtront innocents et permis.