LE MOIS DU SAINT NOM DE JÉSUS VIIe JOUR

LE MOIS DU SAINT NOM DE JÉSUS VIIe JOUR

JÉSUS JEÛNE ET EST TENTÉ.

Et cùm jejunàsset quadraginta diebus et quadraginta noctibus, posteà esuriit.

Après avoir jeune quarante jours et quarante nuits, il eut faim. Matthieu 4.

D’après LE MOIS DE JÉSUS – Malines 1839

Ier Point.

IHS extrait des armes du Pape François
IHS extrait des armes du Pape François

Lorsque Jésus eut reçu le bap­tême de saint Jean, il s’éloigna du Jourdain, rempli du Saint-Esprit, et fut aussitôt conduit par cet Esprit dans le désert. C’est là qu’il pratiqua ce long jeûne de quarante jours et quarante nuits, après lequel il voulut éprouver les atteintes de la faim.

Jeûne que l’Église a consacré dans la suite des siècles, en imposant à ses enfants l’obligation de l’imiter, quoique d’une manière bien imparfaite. Jeûne qui était beaucoup plus rigoureux chez les premiers fidèles qu’il ne l’est aujourd’hui (dans les premiers siècles de l’Église, les fidèles ne rompaient le jeûne qu’après le coucher du soleil) : et cependant c’est ce jeûne qui excite maintenant tant de plaintes et tant de murmures parmi les chrétiens.

Quelle foule de reproches s’élèvent peut-être en ce moment de ma conscience au sujet de ce jeûne ! combien de fois n’ai-je pas imité ces chrétiens lâches et efféminés qui, sous les prétextes les plus frivoles, se dispensent d’obéir à l’Église en ce point important ! combien de fois peut-être n’ai-je pas été jusqu’à décrier cette sainte pratique, ou à détourner mon prochain de l’observer, lorsqu’il manifestait quelque envie de s’y soumettre !

Oh ! que j’entends mal les intérêts de mon âme ! Quand je n’aurais, en pratiquant le jeûne, d’autre avantage que l’imitation du Fils de Dieu, ne devrais-je pas m’en faire honneur ? Celui qui ne commettait pas le péché, s’est soumis au jeûne, dit saint Ambroise, et vous qui péchez si souvent, vous voulez vous y soustraire ! Serm. 5.

Mais l’observation du jeûne nous est utile sous bien d’autres rapports, puisque, comme le chante l’Église, il est institué pour le salut du corps et de l’âme.

C’est à propos du bien que la pratique du jeûne procure au corps, que plusieurs Pères de l’Église et notamment saint Basile et saint Athanase ont enseigné qu’il entretient la santé, et guérit les maladies, en dissipant les humeurs qui les produisent.

Mais ce que nous devons désirer avec le plus d’ardeur, ce qui doit être le princi­pal objet de nos efforts, c’est de procurer le salut de notre âme. Nous sommes coupables devant Dieu en tant de manières ! que deviendrons-nous si nous n’avons soin de réparer par la pénitence les outrages que nous avons faits à sa majesté infinie ?

D’un autre côté, nous sommes si faibles, que nous devons accueillir avec empressement tout ce qui peut concourir à ranimer nos forces et notre courage : or le jeûne a toujours été regardé dans l’Église comme un des principaux moyens de perfection que les chrétiens puissent employer.

Voici, disait un grand docteur, en parlant du commencement du carême, voici les jours de la moisson arrivés; jours précieux par l’abondance de grâces qu’ils attirent sur nous. Et saint Ambroise traitant le même sujet, dit dans un de ses sermons : Voici un nouveau déluge de quarante jours, qui nous donne une pluie continuelle de grâces pour éteindre et submerger tous nos péchés, et conserver en nous la justice et les vertus.

O mon âme ! ne devrais-tu pas recourir avec joie, avec reconnaissance, à un moyen si facile d’acquitter les dettes que tu as contractées envers la justice éternelle ? Laisse parler les enfants du siècle, laisse-les tourner en ridicule une pratique à laquelle les plus grands saints se sont soumis avec humilité, et qu’ils ont souvent observée avec plus de rigueur que l’Église ne l’exigeait d’eux.

Sans doute les sectateurs du monde ne se croient pas condamnables lorsqu’ils rassemblent dans leurs greniers les provisions qui doivent nourrir leurs corps pendant une année, et ils prétendraient nous accuser de folie, parce que nous recueillons ici-bas les vivres qui doivent nourrir notre âme pendant toute l’éternité!

Veux-tu, mon âme, de nouvelles auto­rités et de nouvelles instructions sur l’utilité du jeûne? écoute saint Jean Chrysostome : Le jeûne, dit-il, est la nourriture des âmes, il les élève au-dessus des vo­luptés et des fausses délices de la terre, pour leur faire contempler les choses célestes : et comme on voit les navires légèrement chargés, traverser plus rapidement les mers que ceux qui ont à transporter des fardeaux pesants ; de même notre âme dégagée par le jeûne du poids des affaires temporelles, franchit plus légèrement la mer de cette vie. Hom. 1. in Gen.

Puissé-je enfin n’oublier jamais cette leçon de saint Augustin : Si le démon vous détourne de l’observation du jeûne, en disant : Pourquoi tant de privations ? cessez d’être le bourreau de votre corps et de votre âme; répondez-lui : Si tu étais monté sur un cheval fougueux qui t’entraînât vers un précipice, sans que tu pusses le retenir par la bride, n’essaierais-tu pas de le dompter par la faim ?

Eh bien ! le cheval sur lequel je suis monté, c’est ma chair corrompue : je me dirige vers Jérusalem ; souvent cette chair rebelle m’emporte, et s’efforce de m’écarter de mon chemin qui est Jésus-Christ. Ne puis-je pas espérer de la dompter par le jeûne ? (De utilit. jejunii, c. 3.)

IIe Point.

Mais c’est en vain que j’observerai le jeûne corporel dont Jésus me donne aujourd’hui l’exemple, si je n’y joins en même temps la pratique du jeûne spirituel, c’est-à-dire, l’abstinence du péché et la mortification des sens.

Avant de parler du jeûne de Jésus-Christ, l’évangéliste nous apprend que L’Homme-Dieu se retira dans le désert ; et quoique le texte sacré ne nous dise rien de plus des occupations de Jésus pendant ces quarante jours, nous devons croire qu’il les passa dans la prière, et dans des entretiens avec son Père au sujet du ministère qu’il allait exercer : d’où il suit que le Fils de Dieu joignit à son jeûne rigoureux la retraite et la prière.

Or est-ce ainsi que je me conduis aux jours où l’Église me prescrit le jeûne corporel? Remarque-t-on en moi plus de recueillement dans mes exercices de piété, plus d’éloignement pour le péché, plus d’amour pour la prière? ne m’est-il pas arrivé, au contraire, de me croire plus de choses permises parce que je n’étais pas infidèle à la loi du jeûne et de l’abstinence ?

Comme si l’observation d’un des commandements de Dieu ou de l’Église dispensait de l’obéissance qu’on doit à tous ces préceptes sans exception. Malheureux que je suis ! à quoi me sert de m’abstenir de certaines viandes dont l’usage est permis en d’autres jours, si je ne m’abstiens en même temps du péché qui n’est jamais permis ?

C’est la pensée de saint Augustin : « Toi qui t’obstines sur les viandes qu’il est permis d’utiliser les autres jours, comment peux-tu admettre des péchés qui ne sont jamais permis du tout. Qui obstines à carnibus, dit-il, quibus aliis diebus uti licet, quomodo peccata admittes quœ omnino nunquàm licent ? » Serm.. 64. de temp.

Aussi quel profit ai-je retiré le plus souvent de la pratique du jeûne ? J’ai châtié mon corps, sans purifier mon âme ; j’ai désobéi à Dieu après avoir obéi à l’Église, et par cette indigne compensation de pénitences et d’infidélités, je suis, parvenu à me priver de tous les mérites que j’aurais pu acquérir en veillant sur moi-même.

Semblable à ces aveugles dont parle le Prophète, je pourrais peut-être dire au Seigneur : Pourquoi ai-je jeûné sans attirer sur moi les effets de votre miséricorde ? Mais ce Dieu auquel rien n’est ca­ché, ne serait-il pas en droit de me répondre : Oui, il est vrai, vous avez jeûné ; mais quel motif vous y déterminait ?

Était-ce dans l’intention de vous conformer à ma volonté ? n’avez-vous point cherché, en vous soumettant à cette loi, votre propre satis­faction ? et n’étiez-vous point guidé par un secret sentiment d’amour-propre ?

Ne désiriez-vous point que vos privations fussent connues et publiées, afin qu’elles vous attirassent des éloges, ou bien n aviez-vous pas principalement en vue d’en faire autant que certaines personnes au-dessous desquelles vous ne vouliez pas être placé ?

Je vous le dis donc : Vos jeûnes ne m’ont point été agréables ; ils ne sauraient me réconcilier avec vous, parce qu’en les observant, vous n’avez pas fait abnégation de votre propre volonté. Isaïe 58.

Considère encore, ô mon âme ! Jésus dans le désert : après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il permet que le démon s’approche de lui pour le tenter. Oh ! qui oserait maintenant se plaindre et murmurer dans les tentations ? Que dois-je penser de ces dégoûts qui se sont emparés de moi, et du découragement qui m’a si souvent entraîné lorsque Dieu me soumettait à ces sortes d’épreuves ?

Et puis-je ignorer qu’un bon chrétien a de nombreux combats à soutenir, puisque, suivant Job, la vie de l’homme est une guerre continuelle. Mon fils, dit le Sage en s’adressant à tous les serviteurs de Dieu, si vous voulez servir le Seigneur, préparez votre âme à la tentation. D’ailleurs si Dieu permet que je sois tenté, ne m’accorde-t-il pas toujours les moyens nécessaires pour que je puisse résister ?

Oh ! si j’étais animé de l’esprit qui caractérise les véritables enfants de Dieu, bien loin de m’affliger lorsque je serais éprouvé par la tentation, n’y trouverais-je pas au contraire un sujet de joie et de contentement ? La marque la plus certaine, dit saint Jean Climaque, que nous sommes les vainqueurs du démon, c’est lorsque nous en sommes poursuivis avec acharnement.

PRIÈRE

Mon aimable Sauveur, combien je suis honteux de me voir si attaché à la terre et aux plaisirs sensuels ! Combien de reproches troublent et poursuivent mon âme, lorsque je considère le zèle avec lequel vous embrassez la pénitence, vous que le péché ne souilla jamais ! Du moins je devrais me faire gloire de vous imiter, et me soumettre avec joie aux légères privations que l’Église m’impose pour expier les fautes dont je suis coupable.

Mais, ô mon Dieu ! que je suis éloigné de cette docilité qui distingue vos véritables serviteurs ! quelle foule de prétextes n’ai-je pas toujours à faire valoir pour me dispenser de la soumission et de l’obéissance que je dois à votre sainte Église ! ou si j’observe avec assez de fidélité les jeûnes qu’elle m’ordonne, ai-je soin de pratiquer en même temps cette vigilance sur moi-même, sans laquelle le jeûne corporel devient inutile !

Mon divin Jésus, je me regarde quelquefois comme avancé dans les voies de la perfection ; souvent peut-être je me suis cru riche devant vous en mérites et en bonnes œuvres : ô que je serais étrangement surpris s’il m’était donné de considérer dans le miroir de votre vérité éternelle le hideux spectacle de mon indigence et de ma misère !

Pardon, ô mon Dieu ! mille fois pardon : dès ce moment je cesserai de me montrer indocile ; puissé-je racheter par une pénitence sincère et constante les longues années que j’ai passées dans la tiédeur et l’indifférence, dans l’oubli de mes devoirs et la désobéissance à vos commandements !

RÉSOLUTIONS.

  1. Je pratiquerai fidèlement les jeûnes et les abstinences ordonnés par l’Église ; j’éviterai de faire valoir, pour m’en dispenser, tout prétexte qui ne serait pas fondé sur une nécessité véritable, et je joindrai à ces pratiques d’autres œuvres de pénitence, telles que la fuite de certaines occasions, la privation de certains plaisirs.
  2. Je ne me laisserai point aller au découragement dans les tentations ; mais j’invoquerai avec confiance le secours du Ciel pour obtenir la grâce de n’être pas vaincu par le démon ; et je ne manquerai jamais de témoigner à Dieu ma reconnaissance, lorsqu’il m’aura fait éviter le danger.