LE MOIS DU SAINT NOM DE JÉSUS – XIe JOUR.

LE MOIS DU SAINT NOM DE JÉSUS – XIe JOUR.

parabole de l’enfant prodigue.

Dico vobis : gaudium erit coram angelis Dei super uno peccatore pœnitentiam agente.

Je vous le dis en vérité ; c’est un grand sujet de joie pour les anges du Seigneur, que de voir un pécheur faire pé­nitence. Luc. 15.

D’après LE MOIS DE JÉSUS – Malines 1839

Ier POINT.

IHS extrait des armes du Pape François
IHS extrait des armes du Pape François

Comme Jésus-Christ n’était point venu sur la terre pour perdre les pécheurs, mais pour les attirer à lui et les convertir, ses disciples avaient souvent sujet de re­marquer dans ses prédications, qu’il pré­sentait le service de Dieu sous des couleurs aimables et touchantes, et que le langage de la charité et de la miséricorde était celui qui se retrouvait le plus souvent sur ses lèvres.

Tantôt il se représentait comme un tendre pasteur qui se lasse à la poursuite de ses brebis, lorsqu’il en aperçoit quel­ques-unes qui s’écartent du troupeau ; tan­tôt comme un maître doux et compatis­sant qui est toujours disposé à accueillir et à soulager ceux qui viennent se réfugier entre ses bras. Venez à moi, dit-il, vous tous qui êtes fatigués, et je vous soulagerai.

Mais le discours où il nous donne l’idée la plus touchante de sa bonté pour les hom­mes, est, sans contredit, celui où il pro­pose la parabole de l’enfant prodigue. Là c’est un père qui chérit ses enfants avec toute la tendresse imaginable ; il ne vit que pour eux, il ne soupire que pour leur bonheur, il s’oublie lui-même pour ne son­ger qu’à leur conservation et à leur salut.

Et lorsqu’il voit un d’entre eux méconnaî­tre ses bontés et s’éloigner de sa maison, sa douleur est à son comble, il ne veut re­cevoir aucune consolation, il ne peut prendre aucun repos qu’il n’ait revu ce cher enfant, qu’il ne l’ait serré entre ses bras, et couvert des plus tendres baisers.

Le Fils de Dieu venait de dépeindre à ses disciples le chagrin d’une femme qui, ayant dix pièces de monnaie, vient à en perdre une : il la leur avait représentée allumant une lampe, et fouillant avec soin dans toutes les parties de sa maison, pour retrouver la pièce d’argent qu’elle a per­due, il la leur avait montrée ensuite comblée de joie lorsqu’elle voit que ses recher­ches n’ont pas été infructueuses, et qu’elle a trouvé ce qu’elle croyait avoir perdu sans ressource.

Mais comme si cette parabole n’exprimait pas d’une manière assez touchante l’amour que Dieu porte à sa créa­ture, Jésus ajoute : Un homme avait deux fils dont le plus jeune dit à son père : Don­ne-moi la part de l’héritage qui doit me revenir ; et ce père la lui donna aussitôt. Quelques jours après, ce fils était parti pour un pays éloigné, dissipa tout son bien en se livrant à la débauche.

O mon âme! admire dès le commence­ment de cette parabole l’ineffable bonté du Seigneur : il nous appelle toujours ses enfants alors même que nous lui sommes infidèles ; et si notre ingratitude nous fait si souvent méconnaître les devoirs de la piété filiale, il conserve toujours à notre égard les entrailles d’un père.

Vois ensuite avec quelle condescendance ce bon père se rend à la prière de son fils : lorsque ce jeune insensé lui demande la part de l’hé­ritage qui lui revient, ce père ne fait point difficulté de la lui donner ; il prévoit, sans doute, le mauvais usage qu’il en veut fai­re ; mais, n’importe : il ordonne qu’on lui remette cette somme, sans lui demander même à quoi il a l’intention de l’employer.

Voilà l’image de la conduite de Dieu en­vers le pécheur : lorsque ce dernier témoi­gne le coupable désir d’abandonner la mai­son paternelle, c’est-à-dire, de se sous­traire à la pratique de la vertu; ce Dieu plein de bonté ne veut pas qu’il soit entiè­rement privé de son assistance : il conti­nue de lui accorder le secours de sa grâce.

Mais il modère ses dons, et l’infortuné qui s’éloigne de lui ne reçoit précisément que ce qu’il lui faut pour pouvoir reconnaître son erreur et confesser ses torts ; aussi s’avance-t-il à grands pas dans les voies de la perdition ; il oublie bientôt toutes les fa­veurs, toutes les libéralités du père qu’il abandonne.

Il s’en va dans un pays éloigné, d’où il n’aperçoit plus la maison qu’il ha­bitait, où rien ne lui retrace l’image de Dieu, où il peut secouer tout frein sans être inquiété par cet œil vigilant dont les regards suffisaient autrefois pour l’arrêter au milieu de ses passions les plus impétueuses, là il se livre à toute la dépravation de son cœur ; il consume en excès et en débauches tous les trésors qu’il a reçus.

Non content d’ou­trager tout seul la miséricorde de son Dieu, il s’associe des compagnons de désordre, et se sert avec eux des dons que le Père céleste lui accorde, pour multiplier ses in­gratitudes envers lui.

O mon âme! n’est-ce pas là trop sou­vent l’image de ta conduite envers Dieu ? Combien de fois n’as-tu pas quitté la mai­son de ton père pour aller te joindre à cette multitude d’enfants ingrats et corrompus qui errent avec les habitants de Cédar dans des régions éloignées de Jérusalem ! com­bien de fois n’as-tu pas employé les dons de Dieu à outrager et faire outrager sa mi­séricorde !

IIe Point.

Mais que devient l’enfant pro­digue après qu’il s’est éloigné de la maison paternelle ? En s’affranchissant de la surveillance tendre et charitable de l’au­teur de ses jours, il ne reçoit plus de ces conseils salutaires qui le guidèrent tant de fois à travers des routes difficiles; il ne peut plus s’instruire à l’école des vertus dont le toit paternel lui offrait autrefois les plus touchants exemples.

Abandonné à lui-même, il passe du joug aimable de l’obéissance filiale à l’esclavage honteux de ses passions: il consume, pour les satisfaire, tout le patrimoine qui lui a été assigné ; et bientôt il se voit réduit aux extrémités de la plus affreuse indigence.

O mon âme ! n’est-ce pas là ce qui t’est arrivé lorsque tu as eu le malheur de t’éloigner de Dieu ? n’est-il pas vrai que tu as rencontré l’esclavage le plus humiliant, lorsque tu as voulu te soustraire à l’aima­ble servitude de la vertu ?

Au lieu des ri­chesses et des biens dont tu jouissais dans la maison de ton père; au lieu de toutes ces attentions, de toutes ces tendres solli­citudes dont tu y étais l’objet, tu n’as trouvé que des ennemis perfides qui, après t’avoir dépouillée de tout ce que tu possédais, se sont fait de ta misère un sujet de raillerie. En ce moment même n’est tu-point réduite à toutes les horreurs de la pauvreté ?

S’il te fallait paraître à cette heure au tribu­nal du souverain Juge, oserais-tu te pré­senter avec confiance? ne chercherais-tu point, comme le premier homme, un lieu éloigné de la présence de Dieu, où tu pus­ses ensevelir ton affreuse nudité ?

Lorsque l’enfant prodigue s’aperçut que tous les excès auxquels il s’était livré l’a­vaient conduit au plus affreux dénuement, il commença à rentrer en lui-même, et à considérer toute l’énormité de sa faute.

Quoi donc ! disait-il, je meurs ici de faim, et les serviteurs qui sont dans la maison de mon père ont du pain en abondance ! Ah ! si mon infidélité n’était pas si criante, j’irais le retrouver, ce tendre père, je lui demanderais pardon, et je suis bien sûr que j’obtiendrais ma grâce. Mais, coupable comme je le suis, oserais-je paraître en sa présence ?

N’importe : je ne puis endurer plus longtemps la misère qui me dévore : je vais me lever, je vais me rendre vers ce père ; il est si bon, si miséricordieux ! je me prosternerai à ses pieds, je lui dirai : Mon père, je me suis rendu coupable de la plus noire ingratitude ; j’ai péché contre le Ciel et contre vous ; je ne mérite plus que vous m’appeliez votre fils ; mais daignez, je vous en conjure. Daignez me donner place parmi les derniers de vos serviteurs.

Remarque ici, ô mon âme, une nouvelle preuve de la vérité dont tu t’es occupée dans la méditation précédente. Tant que l’enfant prodigue trouve dans son patri­moine de quoi entretenir ses débauches, il ne songe point à revenir à de meilleurs sentiments : il s’enfonce de plus en plus dans l’amour des plaisirs ; et ce n’est que lorsque la pauvreté l’assiège avec toutes ses hor­reurs, qu’il commence à reconnaître la grandeur de ses torts.

C’est ainsi que la tribulation opère sur nous les plus salutaires effets ; elle nous éclaire sur nos infidé­lités, nous détermine à confesser nos fau­tes, et à rentrer dans les routes de la justice. Cette conduite de Dieu à l’égard du pécheur a fourni à saint Jean Chrysostome le sujet d’une comparaison fort heu­reuse.

« L’eau, dit-il, qui coule par un terrain plat et uni, s’étend et ne s’élève jamais ; mais celle qui est resserrée dans des canaux bien étroits, s’élance en haut avec autant de vitesse qu’une flèche. Il en est de même du cœur humain qui se répand sur les choses basses et terrestres ; il rampe, il se dissipe par le plaisir, au lieu que la douleur le resserre et le pousse vers le Ciel. » Homil. 5. de in-comp. Bei.

Pénétré d’un sincère repentir, et plein de confiance en la bonté de son père, l’enfant prodigue abandonne sur-le-champ le théâ­tre de ses débauches, et prend le chemin de la maison paternelle. Mais il n’aura pas besoin de frapper à la porte de ce bien­heureux asile où il a vu s’écouler dans la joie les jours de son enfance.

Ddepuis qu’il a quitté ce toit, son père dévoré par la plus amère inquiétude, erre tristement sur tou­tes les avenues, pour voir si le fils ingrat qu’il a perdu, ne reviendra point à lui : il l’appelle par ses soupirs, et son visage ne cesse d’être inondé des larmes de la dou­leur.

Ah ! qui peut exprimer ce qui se passa au-dedans de lui lorsqu’il aperçut cet en­fant presque entièrement défiguré par la misère? Il me semble le voir, ce tendre père, courir, s’élancer au-devant de ce fils infidèle qui n’osait sa présenter à lui.

Avec quelle bonté il le reçoit entre ses bras ! comme il le presse sur son sein en lui prodiguant les baisers les plus tendres ! Il ne lui adresse pas le moindre reproche sur sa faute ; il n’est occupé que de la joie que lui procure son retour : il veut que toute sa maison la partage: il semble même oublier le fils qui lui est resté fidèle, pour ne songer qu’à celui qu’il vient de retrouver : Mon fils était mort, s’écrie-t-il, et il est ressuscité !

O mon âme, as-tu besoin qu’on pousse plus loin l’explication de cette touchante parabole? ne reconnais-tu pas dans ce père si tendre l’image de Dieu des chrétiens ? Ah ! si tu as le malheur d’être en ce moment éloignée de lui, qu’attends-tu pour sortir de ce funeste état ? Vois ce Dieu plein de miséricorde, qui te cherche, qui t’appelle, qui te tend les bras pour te recevoir : pour­rais-tu te refuser à son amoureuse sollicitude?

Viens donc consoler sa douleur; viens sécher ses larmes ; il te recevra au nombre de ses enfants ; il te rétablira dans tous tes droits ; il te rendra toutes les glorieuses prérogatives dont tu jouissais.

Viens déposer à ses pieds les haillons de la pauvreté qui te couvrent; il ordonnera qu’on te revête de tes premiers ornements : il te fera appor­ter cette robe précieuse de l’innocence dont tu t’es laissé dépouiller; et tu trouveras, en rentrant sous le joug aimable de son autorité paternelle, la véritable liberté que tu te flattais inutilement d’acquérir en te plaçant sous l’empire du démon.

PRIÈRE.

Il y a peut-être bien longtemps, ô mon Dieu! que votre charité me poursuit, et depuis bien longtemps peut-être je me dérobe à vos tendres recherches. Quel fu­neste aveuglement m’entretient donc dans mon infidélité ? Est-ce que je pourrais crain­dre de n’être pas bien accueilli, si je retour­nais vers vous ?

Ah ! vous me donnez au­jourd’hui une peinture trop touchante de votre miséricorde¿ pour que je puisse former le moindre doute à cet égard : non, vous ne me rebuterez pas, puisque vous êtes mon père. Eh bien, mon Dieu, je me lève dès ce moment, je retourne à vous avec confiance.

J’ai perdu, il est vrai, tous les sen­timents et tous les privilèges d’un fils : mais vous, vous n’avez rien perdu des bontés et de la tendresse d’un père. Souffrez donc que je me jette entre vos bras, en vous disant avec l’enfant prodigue :

Mon Père, j’ai péché contre le Ciel et contre vous; je ne suis plus digne d’être appelé votre fils; mais daignez me recevoir au nombre de vos serviteurs : trop heureux de pouvoir retrou­ver aujourd’hui une place dans votre mai­son ! trop heureux d’avoir ressenti, malgré mon infidélité, les effets de cette grâce miséricordieuse qui m’a inspiré la résolution de retourner à vous !

RÉSOLUTIONS.

1.° Si j’ai le malheur d’être en état de péché mortel, je vais travailler à en sortir au plus tôt : j’irai dévoiler mon funeste état au directeur de ma conscience, et je me soumettrai humblement à toutes les satis­factions qu’il jugera à propos de m’imposer.

2.° Lorsque je serai assez heureux pour être en grâce avec mon Dieu, je ferai tous mes efforts pour ne lui point déplaire de nouveau : je résisterai courageusement aux perfides suggestions du démon, et je ne cesserai d’implorer, pour y réussir, le se­cours du Ciel.