LE MOIS DU SAINT NOM DE JÉSUS – XIVe JOUR.

LE MOIS DU SAINT NOM DE JÉSUS – XIVe JOUR.

TRANSFIGURATION DE JÉSUS-CHRIST.

Et post dies sex, assumens Jesus Petrum et Jacobum, et Joannem fratrem ejus, et ducit illos in montem excelsum, et transfiguratus est ante eos.

Six jours après, Jésus prit avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et les mena sur une haute montagne où il fut transfiguré devant eux. Matthieu 17.

Ier Point.

IHS extrait des armes du Pape François
IHS extrait des armes du Pape François

Le Fils de Dieu venait d’entrer dans la troisième année de son ministère : déjà il voyait s’approcher l’époque où la puissance des ténèbres devait s’acharner contre lui, et où son amour devait con­sommer le grand ouvrage de notre rédemp­tion.

C’est pourquoi il voulut manifester encore une fois sa gloire à ses apôtres, pour fortifier leur croyance en sa divinité, et les empêcher de se troubler lorsqu’ils le verraient entrer dans la carrière des souf­frances et des humiliations.

Dans une instruction qu’il avait donnée à ses disciples, il leur avait prédit que plu­sieurs d’entre eux ne mourraient point, qu’ils n’eussent vu le Fils de l’homme dans son règne et dans l’éclat de sa gloire : il ne tarda pas à accomplir cette promesse.

Et, huit jours après, ayant pris avec lui les trois apôtres qu’il chérissait le plus, il les conduisit sur une montagne dont les évangélistes ne nous ont pas transmis le nom, mais qu’une tradition constante et universelle a enseignée être le Thabor.

Là, s’étant mis en prière, il voulut donner à ses apôtres une faible image de la gloire dont il jouit dans le Ciel ; c’est pourquoi, pendant qu’il priait, son visage, suivant l’expression du texte sacré, devint brillant comme le soleil, et ses vêtements blancs comme la neige.

En même temps, soit pour faire voir que Jésus était élevé au-dessus de tous les législateurs et de tous les prophètes, soit pour montrer qu’il n’était point un viola­teur de la loi de Dieu, ainsi que les Juifs l’en accusaient, Moïse et Eue parurent à ses côtés, s’entretenant avec lui de la mort qu’il devait souffrir à Jérusalem.

Représente-toi, ô mon âme ! cette scène ravissante; monte sur le Thabor, et vois son sommet devenu un nouveau Ciel, puisque la Divinité s’y manifeste dans tout son éclat ; contemple, si tu le peux, les traits de Jésus transfiguré ; écoute la voix du Père céleste qui fait entendre ces paroles : Voilà mon Fils bien-aimé, dans lequel j’ai mis toutes mes affections.

Quelle majesté ! quelle puis­sance ! quels torrents de lumière ! est-ce ici un lieu habité par les hommes ! non, il n’est point donné à la terre d’offrir un si auguste, un si glorieux spectacle : le Sei­gneur vient de transporter ses apôtres dans le séjour des intelligences célestes : il a fait ouvrir les portes de l’immortalité, et les a introduits dans son palais, ou plutôt, il a commandé au Ciel de descendre sur la ter­re.

Et le Ciel, reconnaissant la voix de son Souverain, s’est abaissé sur le Thabor ; il a déroulé aux yeux des apôtres toutes ses richesses, toute sa gloire, toute sa magni­ficence.

Aussi l’un d’eux se sentant inondé d’un torrent de délices, s’écrie dans le trans­port de son ravissement : Seigneur, nous sommes bien ici ! établissons notre demeure dans ces lieux enchanteurs ; dressons-y trois tentes : une pour vous, une pour Moïse, et une pour Élie.

Que dites-vous, apôtre privilégié ? vous ne voudriez donc pas que votre Sauveur sortît de l’état glorieux dans lequel vous le contemplez en ce moment ? vous seriez donc fâché qu’il vous éloignât de ces lieux où il se manifeste avec tant d’éclat et de majesté ?

Mais que deviendriez-vous, que deviendrions-nous, s’il bornait son minis­tère à cette auguste transfiguration ? ac­complirait-il les prophéties qui l’ont repré­senté comme une victime de propitiation, comme l’Agneau de Dieu, qui doit être immolé pour le salut des hommes ? Ne faut-il pas qu’il souffre ayant d’entrer dans sa gloire, et qu’il meure pour détruire l’empire de la mort ?

Oh ! combien de tristes images, combien de scènes déchirantes ont encore à se dévoiler à vos yeux avant que vous soyez témoin de son dernier triomphe, du triomphe de sa résurrection !

Cette face que vous voyez aujourd’hui aussi resplendissante que le soleil, il faut qu’elle reçoive le baiser de la perfidie; il faut qu’elle soit couverte de crachats ignominieux ; il faut qu’elle en­dure des soufflets barbares et sacrilèges ; et que le sang ruisselle en abondance sur toutes ses parties.

Ces vêtements dont l’éclat et la blancheur éblouissent vos regards, ils seront arrachés à votre divin Maître ; et celui qui a tendu le firmament autour du ciel, comme une toile, se verra honteusement dépouillé sans laisser échapper une plainte.

O mon âme ! si tu médites attentivement le mystère de cette glorieuse transfigura­tion, combien de salutaires leçons n’y pui­seras-tu pas ! Et d’abord, si Jésus-Christ a voulu, dans le cours de sa vie mortelle, manifester de temps en temps sa gloire aux hommes, n’est-ce pas pour nous enseigner qu’un chrétien ne doit point craindre de se produire au dehors, et de manifester sa foi, lorsque les intérêts de Dieu l’exigent ?

Mais considère en même temps que ces manifestations éclatantes de la Divinité ont été extrêmement rares, et que Jésus paraissait habituellement sur la terre sous les attributs de la simplicité. Cependant l’état dans lequel il se montra au moment de sa transfiguration devait, à proprement parler t être son état ordinaire, puisque la majesté divine résidait en lui.

Aussi saint Thomas donne-t-il à entendre que la transfiguration doit être moins regardée comme un miracle que comme la cessation d’un grand miracle: l’union de la nature divine avec la nature humaine devait, dit-il, répandre un grand éclat sur le corps de Jésus-Christ.

Et ce Dieu-homme ne voulut écarter de lui cet éclat pendant sa vie qu’afin d’accomplir les desseins éternels de Dieu, et de sauver les hommes par le supplice ignominieux, de la croix ; ce qui ne serait point arrivé, si Jésus ne se fût point abaissé jusqu’à paraître revêtu de toutes nos faiblesses.

Or, quel sujet de honte pourtant de chré­tiens qui ne peuvent s’accoutumer à la vie humble et retirée qui cherchent dans toutes leurs œuvres à se faire admirer et applau­dir du monde ; qui croient avoir fait inutilement une bonne action s’ils n’ont eu que Dieu pour témoin; qui se montrent, en un mot, semblables à ces hypocrites dont parle le Sauveur, qui affectent un air pâle, triste et sévère, afin que le monde s’aperçoive de leurs privations et de leurs pénitences !

IIe Point.

Considère encore, ô mon âme ! que Jésus-Christ n’admit que trois apôtres au spectacle de la transfiguration, quoique les autres ne se fussent point rendus indi­gnes de cette faveur, puisqu’ils se mon­traient constamment fidèles à suivre partout leur maître.

Reconnais ici un nouvel exem­ple de la conduite de Dieu à l’égard des jus­tes : quoique ces derniers soient tous agréa­bles à ses yeux, néanmoins il ne les favorise point également des dons et des consola­tions célestes : on en voit souvent dont le cœur est plein d’aridités et de dégoûts, tan­dis que d’autres nagent, pour ainsi dire, dans un torrent de délices spirituelles.

Les uns, quoique attachés bien sincèrement au service de Dieu, ont sans cesse à combattre contre la froideur et l’indolence, tandis que les autres éprouvent des transports presque continuels de ferveur et de dévotion : il semble que les premiers soient un objet d’horreur pour les regards du Ciel ; jamais ils ne reçoivent de témoignage sensible de la prédilection de leur Dieu.

Qn dirait qu’il réserve uniquement pour les seconds ses dons et ses faveurs ; enfin, s’il élève de temps en temps ses serviteurs jusqu’au troisième Ciel, il semble d’autres fois vouloir les abais­ser jusqu’au séjour des ténèbres, de la dé­solation et des douleurs.

Tu t’es peut-être trouvée, ô mon âme ! dans chacune de ces deux situations : or, ta conduite a-telle toujours été véritable­ment chrétienne ? Lorsque tu te sentais inondée de consolations spirituelles, en as-tu fait l’usage pour lequel Dieu te les envoyait? ne les as-tu point quelquefois attribuées à tes mérites?

Étais-tu bien persuadée que ce n’est point toujours parce que nous sommes fervents que le Ciel nous accorde ses dons, mais qu’il ne nous les prodigue qu’afin de nous rendre plus fervents ? As-tu été fidèle à témoigner au Seigneur ta reconnaissance ? et lorsque tu t’es vu privée de toutes ces consolations, as-tu réfléchi attentivement sur les causes qui pouvaient produire en toi ces froideurs et ces dégoûts qui t’assiégeaient?

As-tu songé que c’est souvent par notre faute que nous perdons les faveurs célestes, et que nous attirons sur nous ces chagrins, ces troubles et ces angoisses qui nous désespèrent ?

Par exemple, c’est à nos fautes que nous devons les attribuer, lorsque nous ne veillons pas assez à la garde de notre cœur, que nous donnons trop de liberté à nos sens, que nous nous dissipons parmi les créatures, ou que nous nous atta­chons trop à elles ; que nous nous répandons en paroles inutiles ; que nous n’apportons pas à nos prières assez de préparation, de res­pect et d’attention ; ou enfin toutes les fois que nous négligeons de correspondre aux grâces divines.

Il est vrai que la seconde cause de nos aridités et de nos désolations intérieures est Dieu, qui laisse quelquefois pour un temps, dit saint Grégoire, ceux qu’il aime pour l’éternité : mais alors me suis-je con­duit en enfant docile et soumis aux volontés de son Père ?

Ai-je dit comme Job : Dieu m’a­vait tout donné, Dieu ma tout ôté, que son saint nom soit béni ? n’ai-je point murmuré contre sa providence, et peut-être même déclaré hautement que je ne voulais pas porter plus longtemps le joug du Seigneur parce qu’il était trop pénible ?

Le mystère de la Transfiguration nous offre encore une leçon bien digne d’être recueillie : c’est le désir du Ciel que Jésus avait l’intention d’inspirer à ses apôtres en leur manifestant quelques rayons de sa gloire.

Comme il les destinait à un minis­tère pénible et laborieux, il voulut fortifier leur foi et ranimer leur courage, en leur retraçant sur le Thabor une légère image des voluptés incompréhensibles, des déli­ces pures et inexprimables qui leur étaient réservées dans le Ciel.

Entre donc, ô mon âme ! dans l’esprit du mystère glorieux que tu médites : tâ­che d’exciter en toi un désir vif et ardent d’être admise à la possession de Dieu : lève souvent les yeux en haut; et lorsque tu seras pénétrée de l’excellence et de la gran­deur des récompenses célestes, les exer­cices de la pénitence et les atteintes de la tribulation n’auront rien qui te décourage.

Ne perds jamais de vue cette grande vérité, que la terre est pour les vrais enfants de Dieu un séjour d’exil et de combats : ne crains point de mettre tout en œuvre pour briser les liens qui t’attachent encore aux objets sensibles, et écrie-toi de temps en temps avec le Prophète : Cité du Seigneur ! on m’a raconté de vous des choses magni­fiques : ou m’a dit que la joie la plus pure régnait dans votre enceinte, et que tous vos habitants nageaient dans des torrents de délices.

Céleste Jérusalem! quand aurai-je le bonheur de voir vos portes s’ou­vrir devant moi ? quand viendra-t-il le mo­ment heureux où je serai introduite dans les tabernacles du Dieu vivant ? Hélas ! que mon exil est long! serai-je donc éternel­lement battue par la mer orageuse de cette vie, sans pouvoir découvrir les rivages de l’immortalité où j’aspire ?

PRIÈRE.

Qu’il m’eût été doux, ô mon divin Ré­dempteur, d’être l’un des heureux témoins de votre glorieuse transfiguration ! quelle impression ce spectacle aurait faite sur mon âme ! comme il aurait ranimé ma foi et encouragé ma ferveur ! comme il m’aurait rendu fort contre celte froideur et cette indolence qui m’assiègent toutes les fois que je veux m’appliquer à quelque exercice de piété !

Mais quoi ! suis-je donc tellement insensible qu’il me faille un miracle pour me soutenir dans les routes de la vertu? Non, mon Dieu, ce n’est point un prodige de cette nature que je vous demanderai : si vous daignez m’accorder le secours de votre grâce, elle sera toujours suffisante pour me faire maîtriser mes mauvais pen­chants.

Parmi les trois apôtres que vous admettez aujourd’hui sur le Thabor, j’en vois un qui ne vous sera pas constam­ment fidèle : bientôt il dira qu’il ne vous connaît point, et qu’il n’a jamais eu rien de commun avec vous ; tant il est vrai, ô mon Dieu ! que les prodiges les plus écla­tants frapperont inutilement nos regards, si vous ne parlez vous-même à notre cœur !

Aussi tout ce que je veux vous demander aujourd’hui, divin Jésus! c’est que vous m’empêchiez d’abuser des grâces et des con­solations spirituelles que votre miséricorde daignera m’envoyer ; c’est que vous m’inspiriez l’usage que j’en dois faire pour ne point m’en rendre indigne ; c’est enfin que vous me souteniez dans les épreuves aux­quelles il vous plaira de me soumettre, afin que toute ma vie soit un acte continuel d’obéissance et de résignation à votre ado­rable volonté.

RÉSOLUTIONS.

1.° Je n’hésiterai jamais à manifester ma foi lorsque la gloire de Dieu ou l’intérêt du prochain l’exigera : je recevrai avec recon­naissance les consolations spirituelles que le Ciel daignera m’envoyer, et je les regar­derai comme des faveurs précieuses que Dieu m’accorde pour m’empêcher de tomber dans le découragement.

2.° Je m’exciterai souvent au désir du Ciel ; et lorsque je me verrai livré à des tribulations et à des angoisses intérieures, je m’entretiendrai dans la pensée conso­lante des récompenses immortelles qui me sont promises.