LE MOIS DU SAINT NOM DE JÉSUS – XVIIIe JOUR.

LE MOIS DU SAINT NOM DE JÉSUS – XVIIIe JOUR.

JÉSUS AU JARDIN DES OLIVES.

Tune venît Jesus in villam quœ dicitur Gethsemani, et dixit discipulis suis : sédete hic, donec vadam illùc et orem.

Alors Jésus vint dans un lieu appelé Gethsémani, et il dit à ses disciples : demeurez ici, jusqu’à ce que je sois allé faire ma prière. Matthieu. 26.

Ier Point.

IHS extrait des armes du Pape François
IHS extrait des armes du Pape François

Après avoir institué le sacre­ment de son amour, Jésus donna à ses apôtres ses dernières instructions, et ne songea plus qu’à accomplir son sacrifice. C’est pourquoi il se leva de table avec ses disciples, et se dirigea vers la montagne des Oliviers où il avait ^coutume de passer les nuits.

Il arriva bientôt sur les bords du torrent de Cédron, qui coule entre Jé­rusalem et cette montagne, et l’ayant tra­versé, il entra avec ses disciples dans un jardin appelé Gethsémani. Alors il leur dit de se tenir à quelque distance de lui, parce qu’il voulait aller prier son Père, et les exhorta à prier aussi eux-mêmes, afin d’être délivrés de la tentation.

 

Il prit en­suite avec lui ses trois apôtres Pierre, Jac­ques et Jean, auxquels il témoignait une confiance toute particulière, et qu’il avait déjà choisis parmi les autres disciples, pour leur manifester sa gloire au jour de sa transfiguration. Dès ce moment il com­mença à être saisi de frayeur, et il leur dit : mon âme est triste jusqu’à la mort ; demeurez ici et veillez avec moi.

L’âme de Jésus est triste jusqu’à la mort. Eh! d’où peut donc venir cette tristesse si profonde ? qui peut troubler ainsi cette âme divine, objet des complaisances du Père céleste ? O mon âme ! ce qui le trou­ble, cet aimable Jésus, ce qui le plonge dans cette tristesse mortelle, c’est l’image du péché qui se présente à lui dans toute sa laideur.

Il se voit obligé de prendre sur lui le fardeau immense de toutes les ini­quités du monde, et après s’être chargé de ce poids, il sait que son Père ne le re­garde plus que comme un objet de colère et de malédiction : Voilà ce qui le trou­ble ; voilà ce qui inonde son âme d’un fleuve d’amertume et de désolation.

Ce Père qu’il aime souverainement, il le voit infini­ment outragé par les hommes, et pour ven­ger cet outrage, pour réconcilier les hom­mes avec son Père, il faut qu’il prenne lui-même la place de l’homme.

C’est-à-dire, que l’Être infiniment parfait, infiniment saint, doit prendre sur lui toutes les imper­fections, toutes les iniquités de l’homme; c’est-à-dire, que le Fils du -Haut doit supporter lui seul tout le poids de l’indigna­tion céleste qui poursuivait une créature infidèle.

O quel spectacle pour l’âme d’un Dieu ! Et qu’elle dut être déchirante pour le cœur de Jésus, la certitude oii il était que, du moment où il se chargeait des péchés du monde, il n’était plus le fils bien-aimé du Père céleste, mais l’enfant de sa justice, l’enfant de sa colère !

L’âme de Jésus est triste jusqu’à la mort. Sais-tu, ô mon âme! ce qui réduit encore ton Sauveur à ces angoisses désespérantes ? Ah ! c’est la vue de l’insensibilité et de l’in­différence des hommes pour les mystères de sa passion et de sa mort.

Il sait que son sang sera répandu inutilement pour un grand nombre de chrétiens, il sait que les portes de l’enfer continueront de s’ouvrir pour une infinité de malheureux qui mé­connaîtront son amour. Voilà ce qui at­triste son cœur, ce cœur si tendre, si aimant, ce cœur mille fois plus désireux de notre salut que nous ne le sommes nous-mêmes.

L’âme de Jésus est triste jusqu’à la mort. Et que va-t-il faire, ce divin Sauveur, pour dissiper cette tristesse qui l’accable ? Où ira-t-il chercher des consolations ? O mon âme ! considère et n’oublie jamais la grande leçon que te donne aujourd’hui le Fils de Dieu : c’est à la prière qu’il a recours dans l’extrémité de sa douleur.

Il va se prosterner la face contre terre, et exposer à son Père le sujet de sa profonde affliction. Est-ce ainsi que se conduisent les chrétiens lorsque la tribulation les assiège ? les voit-on recourir à la prière et chercher leurs consolations auprès de Dieu ? N’est ce pas le plus souvent au milieu du monde et dans le tumulte des jouissances terrestres qu’ils s’efforcent de noyer leurs chagrins et leurs douleurs ?

Ne les voit-on pas raconter à tous ceux qui les entourent les peines auxquelles il sont en proie, et oublier d’en faire part au suprême consolateur ? Ah ! s’ils savaient combien la prière est efficace pour rétablir dans l’âme la paix et le contentement, comme on les verrait négliger toutes les autres consola­tions !

Comme on les verrait accourir aux pieds de nos tabernacles pour y déposer le fardeau de leurs afflictions et de leurs cha­grins ! Quelqu’un de vous est-il accablé de tristesse, dit l’apôtre saint Jacques, qu’il prie: Voilà Tu­nique et la véritable ressource des chrétiens ; toutes les autres doivent être laissées à ceux qui ne connaissent pas Jésus-Christ.

Le Prophète-roi en avait fait l’expérience lorsqu’il disait : Mon âme a refusé toute consolation ; mais aussitôt que je me suis souvenu de Dieu, j’ai été comblé de joie. Ps. 78.

IIe Point.

Entre maintenant, ô mon âme 1 avec Jésus dans le jardin des Olives ; il ne nous enseigne pas seulement à prier lorsque nous sommes affligés, mais il nous apprend encore par son exemple quelles sont les dispositions dans lesquelles nous devons prier. Et d’abord, ce divin Sauveur s’éloigne de ses apôtres et se retire à l’écart pour s’adresser à son Père.

Voilà la première disposition que nous devons apporter à la prière ; nous retirer à l’écart, c’est-à-dire nous placer dans un lieu où rien ne soit capable de nous distraire ; où nous puis­sions nous recueillir sans craindre d’être dissipés par les objets extérieurs ; où notre âme se trouve, pour ainsi dire, seule avec Dieu, et où elle puisse s’interroger elle-même sur ses misères et sur ses besoins.

Jésus se prosterne ensuite la face con­tre terre : voilà pour ce qui regarde la po­sition du corps durant la prière. Mais ici combien l’exemple du Sauveur devrait nous faire rougir, nous dont l’attitude est quel­quefois si immodeste lorsque nous prions, nous qui ne paraissons souvent dans le lieu saint que pour y être un objet de scandale par nos manières dissipées et nos gestes indécents !

À nous voir remplir le précepte de la prière, semble-t-il que nous nous adressions au Dieu qui n’a pour agréable que l’hommage d’un cœur contrit et hu­milié ? paraissons-nous bien pénétrés de notre misère, et bien désireux d’obtenir le secours du Ciel ?

Que penserait un ido­lâtre qui nous verrait occupés à cette sainte pratique ? quel serait son étonnement si on le conduisait dans une de nos églises aux jours où les chrétiens s’y portent en foule, et qu’on lui dit :

« Toutes les per­sonnes que vous voyez ici rassemblées, sont les sujets d’un grand roi : elles sont incapables de se procurer le bonheur par leur propre industrie, et tous les biens qu’elles possèdent, elles les ont reçus du monarque puissant qui les gouverne.

En leur prodiguant des marques de sa géné­rosité, ce roi leur a imposé l’obligation de s’adresser à lui toutes les fois qu’elles voudront conserver leurs richesses, ou en acquérir de nouvelles, et c’est pour solli­citer ces bienfaits que vous les voyez au­jourd’hui prosternées aux pieds de son trône. »

Pourrait-il ajouter foi à ce langage, l’infidèle dont nous parlons ? ne penserait-il pas plutôt qu’on a l’intention de se jouer de sa crédulité ?

Après s’être prosterné contre terre, le Fils de Dieu voulut nous enseigner, par les paroles qu’il adressa à son Père, les sen­timents qui doivent inspirer nos prières lorsque le poids de la douleur et des tri­bulations nous accable. Par un sentiment volontaire de l’infirmité de la chair, il supplia son Père de l’exempter de la mort qu’il lui avait ordonné de souffrir : mon Père lui dit-il, s’il est possible, éloignez de moi ce calice.

O mon âme! où en serais-tu si le Père céleste consentait à écarter de son Fils le calice qu’il lui prépare ? Hélas ! pourrais-tu jamais en soutenir l’amertume ? non, car il n’y a qu’un Dieu qui puisse le boire ; et si ce Dieu refuse de l’accepter, c’en est fait, tu es perdue sans ressource.

Mais l’a­mour que Jésus a pour nous lui fait bien­tôt corriger ces premiers mouvements de l’infirmité humaine : l’obéissance et la cha­rité reprennent le dessus, il se soumet à la volonté de son Père. Que votre volonté s’accomplisse, ô mon Père ! s’écrie-t-il, et non pas la mienne. Apprends de là, ô mon âme ! Qu’il ne t’est pas permis de demander au Ciel la cessation des maux et des épreuves temporelles que tu as à subir.

Mais que l’esprit de résignation à la volonté divine doit toujours animer ces sortes de prières : en effet, Dieu étant incapable par sa nature de vouloir autre chose que le bien, nous devons regarder toutes les misères et les afflictions terrestres qui nous accablent comme des accidents réglés avec une parfaite sagesse, et avec tant de justice que rien ne peut être mieux, suivant la pensée de saint Augustin.

Jésus ayant achevé sa prière, alla re­joindre ses trois disciples dont il s’était un peu écarté ; mais il les trouva endormis. C’est alors qu’il leur adressa ce tendre re­proche : Quoi, tous n’avez pu veiller une heure avec moi!

Puis, pour nous appren­dre que la prière doit être persévérante. et que l’abandon où nous nous trouvons quelquefois de la part des hommes doit nous faire recourir à Dieu avec plus de ferveur, il retourna vers son Père et con­tinua de lui adresser les mêmes paroles. Mon Père, lui dit-il, si ce calice ne peut passer sans que je le boive, que votre volonté soit faite. O que ce calice lui parait donc amer, à cet aimable Sauveur !

A quels rudes combats son amour est livré en ce moment ! Comme Dieu, il voudrait accom­plir son sacrifice, parce qu’il sait que notre salut ne peut s’opérer autrement, et que sa volonté ne fait qu’une avec celle de son Père; mais comme homme, il éprouve toute la faiblesse de notre nature.

Il s’ef­fraie à la vue des immenses douleurs qui lui sont réservées. Il voudrait pouvoir s’y soustraire ; et ce combat de la nature divine avec la nature humaine devient si violent, qu’à la troisième fois il tombe en agonie.

Mais, ô mon âme ! quelle agonie ! jamais il ne s’en est vu, jamais il ne s’en verra de semblable. Son sang fortement agité ne peut plus demeurer enfermé dans ses vei­nes : il s’échappe par toutes les parties de son corps ; Jésus en est tellement inondé, qu’il n’est plus reconnaissable.

O mon âme ! livre-toi à tous les sentiments qu’un pareil spectacle est capable d’inspirer : vois-tu ce sang qui humecte les vêtements de ton Sauveur, et se répand jusque sur la terre? Ce n’est point encore la rage des bourreaux qui le fait couler.

C’est la violence de l’amour que Jésus nous porte, qui opère ce prodige de douleurs. Oh ! quel cœur ne s’amollirait à cette vue ? qui ne détesterait le péché, en voyant que le Fils de Dieu le pleure avec des larmes de sang?

Aimable Jésus, doux Sauveur dé mon âme, à quelle extrémité je vous vois réduit! O qu’il faut que le péché soit quelque chose d’affreux, pour que sa vue opère en vous.

Mais que fait notre Sauveur dans cet état pitoyable ? Il continue de prier. Il redouble de fer­veur et d’instances auprès de son Père : et c’est alors qu’un ange est envoyé du Ciel pour le fortifier.

Ah ! qui de nous ne se serait pas cru dispensé de continuer sa prière, s’il s’é­tait vu réduit à de si douloureuses angois­ses ? Cependant Jésus n’interrompt point son oraison ; il y apporte encore plus de ferveur et de recueillement  pour nous apprendre que. plus nous sommes affligés, plus nous devons prier. Sommes-nous fidèles à suivre cet exemple ?

Un si fatal bouleversement ! Comment puis-je me résoudre à le commettre avec tant de facilité, sachant tout ce que son expiation vous a coûté de larmes et de sacrifices ? Pénétrez-moi du moins en ce moment, ô mon Dieu !

Pénétrez-moi d’une sainte horreur pour ce détestable péché : faites-moi com­prendre toute la grandeur des maux dont il est la source, afin que je ne me laisse plus surprendre par ses attraits séducteurs, et que je le craigne plus que la mort.

Inspirez-moi encore, divin Jésus, un saint amour pour la prière : qu’à votre exemple, je m’en acquitte avec recueillement, avec ferveur, avec persévérance ; qu’elle soit ma principale ressource dans l’affliction, et que je ne me laisse point aller au découragement lorsque je n’éprouverai pas les douceurs et les consolations intérieures que j’espérais retirer de ce saint exercice.

Enfin je suis fer­mement résolu, ô mon Dieu ! de me confor­mer en toutes choses à votre volonté : quoi qu’il m’arrive, je ne murmurerai jamais con­tre votre providence. Je sais que tout ce que vous ordonnez sur la terre, est réglé avec une sagesse infinie ; je sais que vous ne vou­lez point la perte, mais le salut de mon âme : m’en faut-il davantage pour me déterminer à la patience et à la résignation dans l’ad­versité?

Non, mon Dieu, c’est assez : je ne veux plus m’opposer à ce que vous exigerez de moi ; et lorsque j’éprouverai quelques-uns de ces combats de la chair contre l’es­prit je vous adresserai ces paroles d’un de vos dévots serviteurs.

O très-doux Jésus, mon Sauveur et mon Dieu ! si vous me don­niez le choix, et que vous me promissiez de m’accorder tout ce que je vous demande­rais, je ne vous demanderais autre chose, sinon que votre adorable volonté se fasse en moi, de moi et par moi en toutes choses.

RÉSOLUTIONS.

1.° Lorsque je serai dans l’affliction, je tournerai tous mes regards vers Dieu ; j’at­tendrai de lui me« consolations les plus ef­ficaces, et j’invoquerai son secours par des prières humbles et persévérantes.

2.° Je réciterai tous les jours cette oraison jaculatoire à laquelle sont attachées des indulgences : Que la très-juste, très-élevée et très-aimable volonté de Dieu soit accom­plie en toutes choses, et qu’elle soit louée et à jamais glorifiée.