LE MOIS DU SAINT NOM DE JÉSUS – XXIe JOUR.

LE MOIS DU SAINT NOM DE JÉSUS – XXIe JOUR.

JÉSUS ACCUSÉ DEVANT PILATE.

Et vinctum adduxerunt eum, et tradiderunt Pontio Pilato presidí.

Et l’ayant lié, ils l’emmenèrent, et le mirent entre les mains du gouverneur Ponce-Pilate. Matthieu 27.

Ier Point.

IHS extrait des armes du Pape François
IHS extrait des armes du Pape François

Nous avons eu dans l’avant-der­nière méditation, que Jésus, après avoir subi l’interrogatoire du grand-prêtre, fut remis entre les mains des soldats, pour être conduit chez le gouverneur romain, lorsque le jour serait venu. Ce jour qui devait ter­miner tant d’outrages et de sacrilèges, parut enfin.

Alors les princes des prêtres et les anciens du peuple tinrent conseil ensemble pour condamner Jésus à mort, et le con­duisirent eux-mêmes chez Pilate. On sait que les Romains, étant dans ce temps-là les maîtres de la Judée, envoyaient dans ce pays des gouverneurs qui commandaient en leur nom.

Or Pilate avait été choisi, depuis quel­ques années, pour remplir cette mission ; et comme il était romain, il professait le même culte que ce peuple, c’est-à-dire, qu’il était adonné à l’idolâtrie.

Aussi les princes et les magistrats des Juifs qui lui amenèrent Jésus, demeurèrent à la porte de son palais,craignant que l’entrée d’une maison occupée par un homme païen, ne les souillât et ne les rendit incapables démanger la Pâque. C’est pourquoi Pilate fut obligé de sortir pour leur deman­der quelles accusations ils portaient contre l’homme qu’ils venaient de lui amener.

O aveuglement du peuple juif ! il craint de se souiller en entrant dans la maison d’un homme païen, et il ne craint pas de se souil­ler en traitant Jésus comme un criminel, et en demandant sa mort ! il craint de sortir impur du prétoire, et il ne craint pas d’y faire entrer le Saint des saints, l’auteur de l’innocence et de la pureté !

Mais cette con­duite insensée ne trouve-t-elle pas des imi­tateurs parmi les chrétiens ? n’en voit-on pas souvent qui s’attachent avec une fidélité scrupuleuse à certains exercices, à certaines pratiques minutieuses, et qui ne rougissent pas d’enfreindre les préceptes les plus gra­ves ?

N’en voit-on pas qui s’acquittent avec exactitude des œuvres de surérogation ou de pur conseil, et qui ne veulent pas même s’informer de ce qu’ils doivent faire pour ac­complir les points les plus importants de la loi ?

N’en voit-on pas, par exemple, de ces chrétiens ignorants et coupables, qui fré­quentent sans crainte des assemblées crimi­nelles, qui entretiennent des commerces illicites, qui violent sans remords les lois du jeûne et de l’abstinence, et qui se font scrupule d’omettre la récitation de quelques prières qui d’ailleurs ne leur sont point pres­crites ?

Or est-ce là le véritable esprit de la religion? de cette religion souverainement charitable, qui, en nous imposant des de­voirs envers Dieu, nous trace aussi ceux que nous avons à remplir envers le prochain et envers nous-mêmes ?

Est-ce remplir ses devoirs envers Dieu, que de lui offrir des sacrifices qu’il n’exige pas, et de lui refuser ceux qu’il exige sous peine de damnation? Est-ce remplir ses devoirs envers le pro­chain, que de chercher à ternir sa réputa­tion, à ruiner sa fortune ; ou, en un mot, à lui occasionner des dommages qu’on ne voudrait pas éprouver soi-même?

Enfin rem­plissons-nous les devoirs qui nous sont pres­crits envers nous-mêmes, toutes les fois que nous nous livrons à des plaisirs défendus, sous prétexte que nous nous sommes privés de certaines jouissances qui nous étaient permises.

Toutes les fois que nous profanons nos corps par des voluptés criminelles, ou que nous refusons de nous soumettre à des pratiques de pénitence rigoureusement pres­crites ? Si la dévotion est aujourd’hui un sujet de raillerie et de sarcasme pour l’impiété, n’est-ce pas en grande partie parce que les mondains jugent de ses effets d’après des chrétiens qui ne la professent pas réel­lement ?

Mais revenons à Jésus qui vient d’être tra­duit devant le gouverneur romain pour être jugé. Lorsque Pilate demande aux princes des prêtres quels sont leurs chefs d’accusa­tion contre le Sauveur, ceux-ci se sentant incapables de rien préciser, répondent d’une manière générale : Si ce n’eut pas été un malfaiteur, nous ne l’aurions pas li­vré entre vos mains.

Quelle étrange manière de solliciter une condam­nation ! toutes les fois que des juges ont à prononcer sur le sort d’un accusé, n’ont-ils pas le droit d’exiger qu’on leur fasse con­naître en détail les griefs qui ont donné matière à le poursuivre ? Mais que pouvait-on reprocher à Jésus ?…..

Aussi Pilate s’apercevant que les Juifs ne consultaient que leur fureur, leur dit plutôt pour se défaire d’eux que parce qu’il reconnaissait Jésus coupable : Jugez vous-mêmes cet homme d’après les ordonnances de votre loi.

Mais ils lui répondirent qu’ils n’avaient le droit de faire mourir personne. En effet, les Ro­mains venaient d’ôter aux Juifs depuis peu de temps le pouvoir de condamner à mort ; et tout ceci était l’accomplissement des pa­roles que Jésus avait adressées à ses apôtres, en leur disant que le Fils de l’homme serait livré aux gentils.

Pilate rentra donc dans son palais; et ayant fait venir Jésus, il lui demanda qui il était, et s’il était vrai qu’il fût roi. Oui,lui dit Jésus, je le suis ; mais mon royaume n’est pas de ce monde : je suis venu pour rendre témoi­gnage à la vérité ; quiconque appartient à la vérité écoute ma voix.

Qu’est-ce que la vérité, répliqua Pilate? Mais Jésus ne le satisfit point sur cette question. En effet, était-il digne d’apprendre de la bouche du Sauveur ce que c’était que la vérité, ce juge déicide qui devait bientôt prononcer la sentence la plus injuste, quoique la vérité vint frapper ses regards de ses rayons éblouissants ?

IIe Point.

Transporte-toi, ô mon âme, dans f enceinte de ce prétoire ou le Fils de Dieu comparaît en ce moment, et sur lequel tous les regards du Ciel sont abaissés. Qu’aper­çois-tu? D’un côté se présente Jésus lié comme un criminel, obligé de se tenir de­bout devant ses juges, et d’entendre les ac­cusations ignominieuses dont il est l’objet.

D’un autre côté s’offre le gouverneur de la Judée, assis sur un trône éclatant, entouré de gardes, et accompagné de toute la pompe qui environne ordinairement les grands du siècle.

Si un homme privé des lumières de la foi avait été introduit dans ce palais au moment où le Sauveur s’y trouvait en état d’accusation, et qu’on lui eût dit en lui montrant Jésus et Pilate : L’un de ces deux hommes est roi ; serait-il jamais venu dans la pensée de cet infidèle que c’était à Jésus qu’il fallait attribuer cette dignité?

Cepen­dant que sont tous les royaumes de la terre auprès du royaume de Jésus-Christ? la puis­sance des Romains qui passaient alors pour le premier peuple du monde, avait-elle quelque chose de comparable à la puissance du Fils de Dieu ?

Que deviendrait ce même Pilate devant lequel Jésus parait en ce mo­ment dans l’attitude d’un criminel, si ce di­vin Sauveur priait son Père de retirer aux hommes le pouvoir qu’il leur a donné sur lui ? Mais qu’ils sont augustes et impénétra­bles les décrets de la justice éternelle !

Et qu’ils sont touchants les exemples de pa­tience et d’humilité que Jésus nous donne ! Le Fils du Très-Haut est livré à toute la ma­lice des hommes, et la cour céleste ne sort pas de son repos ! Jésus entend le peuple juif qui le traite de malfaiteur, et il ne laisse pas échapper le moindre murmure ! Il est au milieu de ses calomniateurs comme sourd et muet, ainsi qu’il le dit lui-même par son prophète.

Chrétiens, qui ne pouvez endurer avec patience les injures et les accusations calom­nieuses qui sont dirigées contre vous, ve­nez et voyez ! êtes-vous plus dignes de con­sidération ou de respect que le Saint des saints ? méritiez-vous moins d’éprouver des outrages que celui qui reçoit les adorations des célestes intelligences?

Que dis-je? les re­proches injurieux qu’on vous adresse, sont le plus souvent fondés sur la vérité ; mais le Fils de Dieu qu’a-t-il fait pour être rassasié d’opprobres ? Il a fait le bien, et il recueille des malédictions : il a exercé des œuvres de miséricorde, et l’esprit de vengeance épuise sur lui toutes ses fureurs : il a remis beau­coup de péchés, et il est lui-même chargé d’accusations comme un criminel.

De sem­blables exemples ne doivent-ils pas nous faire comprendre que la vertu ne saurait avoir sa récompense sur la terre, et que nous essuierons des persécutions d’autant plus violentes, que nous montrerons plus de zèle à défendre les intérêts de Dieu.

Après avoir interrogé Jésus, Pilate sor­tit une seconde fois de son palais, pour dire aux Juifs qu’il ne trouvait rien de cri­minel dans lhomme qu’ils avaient amené. Alors les princes des prêtres et les séna­teurs l’accusèrent de plusieurs crimes aux­quels le Sauveur ne répondit rien.

Et quoi­que Pilate lui dit : N’entendez-vous pas les dépositions qu’on fait contre vous ? il de­meura dans un silence profond qui étonna beaucoup le gouverneur, ainsi que le re­marque l’Évangile.

« Quelle merveille ! s écrie ici un illustre le docteur : quelle merveille que le Sauveur soit accusé, et qu’il se taise! Car le si­lence est pris quelquefois pour un consentement, et il semble qu’en ne disant rien sur les questions qu’on nous fait, nous confirmions les choses dont nous sommes accusés.

Est-ce donc que le Sei­gneur confirme par son silence ce que ses ennemis lui reprochent ? Non, cer­tes : il ne confirme pas l’accusation en se taisant ; mais il la détruit, et la méprise en ne la réfutant pas ; car celui-là se tait à propos, qui n’a pas besoin d’apologie.

Que ceux qui craignent de succomber et d’être vaincus, cherchent à se défendre et se hâtent de parler : pour Jésus-Christ, il est victorieux lorsqu’on le condamne ; il triomphe lorsqu’on le juge, selon ce que dit le Prophète. Qu’a­vait-il donc besoin de parler avant d’être jugé, puisque son jugement même était pour lui une victoire complète?

Car enfin, Jésus-Christ triomphe lorsqu’on le juge parce que son innocence est reconnue et autorisée par là ; de là vient que Pilate dit : Je suis pur du sang de ce juste. La cause donc qu’on ne défend point et qu’on gagne, est la meilleure : la justice la plus parfaite est celle, non que les paroles font valoir, mais que la vérité soutient.

Il faut que la langue se taise là où l’équité maintient elle-même ses propres droits ; que la langue se taise dans une affaire juste, elle qui a coutume de gagner des causes même mauvaises : je ne veux pas que l’équité soit défendue de la même manière que l’iniquité l’est ordinaire­ment. »

Le même Père ajoute : quelle chose pour­rait obliger le Fils de Dieu à parler, puis­que son silence tout seul suffisait pour le faire vaincre ? (S. Maxim. Homil. 1, de accusato et judicato Domino apud Pilalum.)

Admire encore, ô mon âme ! la conduite de Jésus dans cette occasion. Lorsque Pilate lui a demandé s’il était le Messie, il n’a pas fait difficulté de l’avouer, parce qu’il est venu, comme il le dit lui-même, pour ren­dre témoignage à la vérité.

Mais pourquoi répondrait-il maintenant aux accusations dont on le charge ? En confessant qu’il était le Messie, n’a-t-il pas détruit d’avance tous les reproches et toutes les calomnies qu’on pouvait diriger contre lui ?

PRIÈRE.

Oserai-je désormais me plaindre, ô mon Jésus! lorsque les hommes m’accableront d’insultes et d’outrages ? Quelque sanglants que soient les opprobres auxquels je pour­rai être exposé, auront-ils jamais rien de comparable à ceux que vous endurez par amour pour moi ?

Je me récrie quelquefois sur l’injustice des reproches qu’on me fait ; je m’abandonne à des sentiments de colère et de vengeance lorsque je me vois chargé d’imputations fausses et odieuses ; mais puis-je dire avec raison que je ne mérite pas d’être traité de la sorte ?

Si je ne suis pas coupable dans le sens qu’on m’attribue, ne le suis-je pas en mille autres manières ? Et quand même il serait possible que j’endu­rasse encore plus d’affronts, encore plus de calomnies, encore plus d’opprobres que vous n’en avez enduré vous-même, pour-rais-je me plaindre d’être persécuté injustement ?

O mon aimable Rédempteur ! rem­plissez-moi de cet esprit de patience et d’humilité que vous faites paraître aujour­d’hui devant Pilate. Ne permettez pas qu’à l’exemple des mondains, je repousse jamais les injures.

Mais faites que je suive toujours avec docilité ce précepte que vous m’avez donné vous-même : Faites du bien à ceux qui vous haïssent ; bénissez ceux qui vous accablent de malédictions, et priez pour ceux qui vous persécutent et vous calom­nient.

RÉSOLUTIONS.

1.° Je ne jugerai jamais des dispositions intérieures du prochain, sur le rapport d’autrui, ou sur d’autres apparences trom­peuses ; et lorsque j’entendrai proférer des médisances, je tâcherai de les faire cesser, si je le puis, ou je ne prendrai aucune part à la conversation.

2.° Toutes les fois que j’éprouverai quel­que affront, ou qu’on m’adressera des re­proches injustes, je me tiendrai intérieu­rement ce langage : si Jésus-Christ, quoi­que innocent, a été accusé comme un cri­minel, suis-je raisonnable, moi criminel, de vouloir être traité comme un innocent?