LE MOIS DU SAINT NOM DE JÉSUS – XXIVe JOUR.

LE MOIS DU SAINT NOM DE JÉSUS – XXIVe JOUR.

Jésus est condamné à mort.

 

Tunc dimisit illis Barabbam : Jesum autem flagellatum tradidit eis ut crucifigeretur.

Alors Pilate leur délivra Baràbbas: et ayant fait fouetter Jésus il le leur abandonna pour être crucifié. Matthieu 27.

Ier Point.

IHS extrait des armes du Pape François
IHS extrait des armes du Pape François

S’il parut jamais sur la terre un homme qui pût légitimement s’affran­chir de l’obéissance envers les puissances séculières, c’était sans contredit le Fils de Dieu. Mais comme sa vie devait servir de modèle à tous les chrétiens, il a voulu nous retracer pas son exemple la conduite que nous avons à tenir dans des circonstances pénibles et délicates.

Il a voulu nous faire voir d’abord que rien ne peut nous dispen­ser du respect qui est dû aux magistrats et aux grands du monde, et ensuite que nous ne devons jamais craindre de confes­ser notre foi devant eux et de soutenir les intérêts de la religion, même au péril de notre vie.

C’est le souvenir de cet exemple du Sauveur qui a fortifié depuis tant de chrétiens dans les occasions les plus diffi­ciles ; c’est ce souvenir qui a encouragé et soutenu cette foule de confesseurs intrépi­des qui ont rendu témoignage à Jésus-Christ au milieu des plus affreux tourments.

C’est ce souvenir enfin qui a adouci pour tant de martyrs les horreurs de la mort, et qui a transformé des vierges faibles et timides en autant de héros qui ont scellé de leur sang la vérité de l’Évangile.

Pilate avait espéré que les tourments de la flagellation calmeraient la fureur du peuple juif: mais ce supplice cruel, bien loin d’avoir apaisé ces malheureux, sem­blait au contraire les avoir irrités davan­tage contre le Sauveur : lorsque Pilate le leur montra tout couvert de plaies dans l’intention de les émouvoir, on les enten­dit s’écrier : nous voulons qu’il périsse : il mérite la mort ! qu’on le crucifie ! qu’on le crucifie !

Les entends-tu, ô mon âme ! ces effroya­bles paroles : Jésus mérite la mort ! grand Dieu ! est-il bien possible qu’un pareil langage soit sorti de la bouche des hom­mes ? Depuis le jour où le prince des ténè­bres fut précipité dans l’abîme, les voûtes de l’enfer ont-elles jamais retenti d’un si épouvantable blasphème? Jésus mérite la mort I

Ainsi donc la sagesse éternelle a été citée au tribunal des hommes, et le Verbe de Dieu vient de s’entendre dire qu’il est digne de mort par les mêmes créatures aux­quelles il a fait don de la vie î O égarement inconcevable d’un esprit qui cesse d’être éclairé par le flambeau de la foi !

Mais faut-il le dire, cet horrible langage est celui du pécheur : c’est le tien, ô mon âme ! il n’y a peut-être qu’un instant que tu l’as tenu î interroge-toi, et tremble !…

Pilate voyant la rage des Juifs s’augmen­ter de plus en plus, fit venir pour la der­nière fois le Sauveur devant son tribunal, et lui demanda d’où il était. Mais ce n’é­tait pas pour s’éclairer qu’il lui adressait cette question, puisque Jésus l’avait satis­fait plusieurs fois là-dessus, en lui disant qu’il était le Messie. Aussi ne put-il obte­nir aucune réponse du Fils de Dieu.

Ce silence ne laissa pas de l’irriter et il dit à Jésus : Vous ne me répondez rien : ne savez-vous pas que j’ai le pouvoir de vous faire attacher à la croix et de vous délivrer? Vous n’auriez aucun pouvoir sur moi, lui répondit Jésus, s’il ne vous avait été donné den-haut : c’est pourquoi ceux qui m’ont livré entre vos mains sont plus coupables que vous.

C’était assez lui faire compren­dre, dit ici saint Augustin, que le juge se­rait coupable s’il cédait par timidité à la passion injuste des accusateurs.

Mais pourrais-tu te lasser, ô mon âme ! d’admirer la patience du Fils de Dieu ? les paroles dures et outrageantes de Pilate mé­ritaient-elles une réponse si douce? Quoi, c’est devant la souveraine justice, c’est contre elle qu’un homme, qu’elle doit bien­tôt écraser, dit orgueilleusement qu’il est le maître de le crucifier ou de lui permettre de vivre!

Supposons un moment que ce n’est pas au Fils de Dieu que Pilate adresse ce langage : est-il donc bien vrai qu’un juge soit le maître de la vie ou de la mort d’un accusé ? Est-ce que la justice n’est qu’un nom sans réalité ? N’y a-t-il ni probité, ni devoir? La Providence n’est-elle rien ?

Cependant Jésus-Christ ne reproche point à Pilate la criminelle disposition où il est de le crucifier ou de le laisser vivre sui­vant son caprice : il se contente de l’instruire d’une vérité qu’il ignorait, en lui ensei­gnant ce que saint Paul nous a appris depuis, savoir, que toute puissance vient de Dieu.

Il semble même vouloir diminuer la gran­deur de son crime, en le comparant à celui des Juifs ; mais il veut en même temps lui donner à entendre qu’il ne doit point se croire innocent : Ceux qui m’ont livré entre vos mains, lui dit-il, sont plus coupables que vous.

Comme s’il lui eût dit : je sais que ce n’est pas vous qui avez excité les Juifs contre moi : je sais que ce n’est point par vos ordres que leurs soldats sont venus me prendre au jardin de Gethsémani, et qu’ils m’ont traîné par les rues de Jérusalem en m’abreuvant d’humiliations et d’outrages.

Mais depuis qu’ils m’ont fait comparaître devant vous, ne vous êtes-vous point écarté des règles de la justice ? ne m’avez-vous pas abandonné à leur fureur, quoique mon inno­cence vous fût connue? Sachez donc que vous avez amassé sur votre tête des trésors de colère, parce que vous avez manqué de fermeté, et que la faiblesse est un véritable crime dans un magistrat.

IIe Point.

Après avoir fait subir au Sau­veur son dernier interrogatoire, Pilate es­saya encore une fois de le délivrer des mains des Juifs, en représentant à ceux-ci l’inno­cence et le pitoyable état de leur victime. Mais toute la bonne volonté qu’il avait de sauver Jésus vint échouer contre ces fatales paroles : Si vous donnez la liberté à cet homme, vous n’êtes point l’ami de César.

Paroles qui étaient une conséquence de la conduite criminelle de Pilate : car le peuple juif reconnut bientôt, à ses démarches faibles et timides, qu’il était moins attaché à la justice qu’à ses propres intérêts. Aussi ne lui dit-il point : si vous délivrez cet homme, vous vous rendez coupable d’un grand crime, vous violez les lois les plus sacrées de la justice; mais : vous n’êtes point l’ami de César.

Il n’en fallut pas davantage pour ob­tenir de ce lâche gouverneur la condam­nation de Jésus ; la crainte de perdre les bonnes grâces de l’empereur lui fit trahir les intérêts de l’innocence et de la vérité.

Voilà une nouvelle image de la conduite de tant de chrétiens qui étouffent la voix de leur conscience et les inspirations de la grâce pour conserver l’estime des mé­chants.

Ils ne veulent point se faire en­nemis de César, c’est-à-dire, qu’ils ne veu­lent pratiquer des préceptes évangéliques que ceux qu’ils pourront suivre, sans dé­plaire à des amis impies ou libertins : ils craignent qu’en se conformant avec trop d’exactitude aux règles de la foi, ils aient à rendre compte au monde de leur con­duite.

Et ils ne redoutent pas le compte terrible qu’il leur faudra ^rendre au souve­rain Juge, lequel traitera^ comme coupable de désobéissance le violateur d’un seul de ses préceptes.

Aussitôt que Pilate se vit menacé par les Juifs de la disgrâce de César, s’il ne con­damnait Jésus, il sortit du Prétoire, s’as­sit sur son tribunal, et s’étant fait amener le Sauveur, il le leur montra, en leur di­sant : voici votre Roi.

Ces paroles qui sem­blent être inspirées, font voir clairement que Dieu se servait de Pílate, c’est-à-dire d’un gentil, pour rendre témoignage à son divin Fils devant la nation juive.

Mais ce malheureux peuple ferme encore une fois les yeux à la vérité : il méconnaît ce Messie qui lui avait été promis d’une manière particulière, et s’écrie dans le transport de sa fureur et de son aveuglement : Ôtez-le ! ôtez-le ! qu’on le crucifie.

Peuple infidèle, peuple ingrat, peuple déicide, sais-tu bien ce que tu de­mandes ! Ah! si tu pouvais entrevoir le déluge de calamités que ton obstination va pro­duire ! Mais non ; la lumière s’est retirée de toi, et les ténèbres de l’erreur t’ont déjà enveloppé. Tu veux que Jésus soit mis à mort.

Eh bien, ton vœu sacrilège va être satisfait, l’adorable victime va monter sur l’autel du sacrifice ; tu seras tout arrosé de son sang ; mais souviens-toi que ce sang précieux criera vengeance contre ceux qui l’auront répandu, et fera descendre sur leurs têtes les plus terribles malédictions.

Avant d’abandonner Jésus au pouvoir de ses ennemis, Pilate semble vouloir donner un nouvel éclat à l’injustice de sa conduite. 11 se fait apporter de l’eau, et se lavant les mains devant tout le peuple, je déclare, dit-il, que je suis innocent du sang de cet homme juste; puis s’adressant aux Juifs, il leur dit; c’est vous qui en répondrez.

Quel langage dans la bouche d’un juge qui est en même temps dépositaire du pouvoir ! Que Daniel eût dit, à l’occasion de l’injuste condamna­tion de Suzanne : c’est à ses accusateurs d’en répondre ; il le pouvait, parce qu’il n’était pas son juge, et qu’il n’avait qu’à rendre témoignage à son innocence.

Mais si le sang du juste est répandu, n’est-ce pas au juge qu’il sera redemandé ? Inutilement se lave-t-il les mains, pendant que sa conscience est souillée ; il est complice du crime, il en est le premier auteur, puisqu’il le laisse com­mettre, tandis qu’il pourrait l’empêcher : il est même plus coupable que ceux qui n’en connaissent pas l’injustice aussi clairement que lui.

C’est pourquoi, après avoir parti­cipé au crime des Juifs, il participera à leur réprobation temporelle. Il perdra l’ami­tié de César, qu’il espérait conserver en condamnant Jésus à mort ; il sera déchu de tous ses honneurs, de toute sa puissance, et relégué sur une terre étrangère où il pé­rira misérablement.

(Pilate fut dépouillé du gouvernement de la Judée par Caligula, l’an 40 de Jésus-Christ, et exilé par cet empereur dans les Gaules où il finit par se donner la mort).

Lorsque les Juifs entendirent Pilate qui les rendait responsables de la mort de Jé­sus-Christ, ils ne craignirent point de s’en glorifier, et prononcèrent contre eux-mê­mes cette horrible imprécation : Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants ?

O quelles suites effrayantes cette impréca­tion n’a-t-elle pas eues depuis ! Le sang du Fils de Dieu, au lieu de demander grâce, a crié vengeance comme celui d’Abel. La malédiction que les Juifs ont préférée, a pé­nétré dans leurs entrailles comme une eau brûlante ; elle est entrée dans leurs os com­me une huile enflammée, suivant le langage du Prophète, leur péché sera toujours pré­sent devant Dieu.

Depuis dix-huit siècles ce malheureux peuple est errant dans toutes les provinces de la terre sans prêtres, sans autels, sans sacrifices : il est soumis à toutes les dominations, excepté à la sienne. Ainsi son vœu s’accomplit encore maintenant d’une manière miraculeuse.

Enfin Pilate n’hésite plus : il condamne Jésus à la mort, et l’abandonne au pouvoir des Juifs. Mais remarque, ô mon âme ! que Barabbas est mis en liberté avant que Jésus soit emmené au lieu du supplice.

Apprends par là quels sont les fruits des souffrances et de la mort de Jésus-Christ par rapport aux hommes. Nous sortons de prison, et nous sommes mis en liberté dans le temps où notre Sauveur est condamné à mort.

PRIÈRE.

Voilà donc, ô mon aimable Jésus î voilà donc le sujet pour lequel vous êtes descendu sur la terre! C’était donc pour vous faire condamner à mort par les hommes que vous avez consenti à prendre une chair sembla­ble à la nôtre?

Ah ! vous offrez aujourd’hui à mon âme un spectacle si ineffable, si in­compréhensible, qu’elle ne sait ce qui doit l’étonner davantage ou de l’extrême malice des hommes à votre égard, ou de l’inconce­vable charité que vous nous témoignez.

Si, d’un côté, vos ennemis semblent épuiser contre vous tout ce que la haine et la fureur peuvent imaginer de plus atroce ; d’un au­tre côté vous semblez épuiser vous-même tout ce que l’amour peut inventer de plus merveilleux et de plus touchant.

Pendant que les hommes vous condamnent à mort, vous vous préparez à leur rendra la vie ; vous devenez pour eux une hostie de propitiation, et vous êtes en même temps leur salut et leur victime.

Divin Jésus, faites que mon cœur soit blessé par les traits d’un amour si excessif, qu’il se tourne enfin vers vous, ce cœur trop longtemps insensible ; qu’il s’a­mollisse, qu’il s’embrase, et qu’il réserve désormais pour vous seul toutes ses affec­tions.

RÉSOLUTIONS.

1,° Lorsque je serai humilié ou persécuté par les hommes, je me rappellerai l’ignomi­nieuse condamnation de Jésus, qui est trouvé aujourd’hui digne de mort, quoiqu’il soit véritablement l’auteur de la vie.

2.° Je vais m’exciter pendant toute cette journée à des sentiments d’admiration et de reconnaissance pour Jésus Christ qui a bien voulu se laisser condamner à mort par les hommes pour me délivrer de la mort éternelle à laquelle j’étais condamné.