LE MOIS DU SAINT NOM DE JÉSUS – XXVe JOUR.

LE MOIS DU SAINT NOM DE JÉSUS – XXVe JOUR.

JÉSUS EST CRUCIFIÉ.

Et postquàm venerunt in locum qui vocatur Calvaría, ibi crucifixerunt eum.

Lorsqu’ils furent arrivés vers un endroit appelé le Calvaire, ils attachèrent Jésus à la croix. Luc 23.

Ier Point.

IHS extrait des armes du Pape François
IHS extrait des armes du Pape François

Nous voici enfin arrivés au mys­tère qui renferme les plus étonnantes mer­veilles ; c’est aujourd’hui surtout que l’amour du Fils de Dieu va se manifester dans toute son étendue : l’auguste sacrifice qui doit abolir tous les sacrifices, est au moment de s’accomplir. Sois, attentive, ô mon âme, et ne crains point de t’abandonner à tous les sentiments que fera naître en toi l’incompré­hensible spectacle dont tu vas être témoin.

Aussitôt que les soldats se virent maîtres de la personne de Jésus, ils se hâtèrent de préparer tous les instruments nécessaires pour l’immolation de leur adorable victime. Ils lui ôtèrent d’abord le manteau d’écarlate qu’ils lui avaient mis par dérision, le revêti­rent de ses habits ordinaires, et le chargèrent de la croix sur laquelle ils devaient l’atta­cher.

Ainsi, dix-huit siècles auparavant, Isaac chargé du bois de son sacrifice, avait prédit et figuré cette circonstance de la passion du Sauveur.

Lorsque Jésus eut été chargé de ce pesant fardeau, les soldats lui firent prendre la route du Calvaire, petit montagne située hors de Jérusalem, sur laquelle Abraham reçut autrefois Tordre d’immoler son fils, et sur laquelle va s’offrir maintenant le grand sacrifice dont celui d’Abraham était la figure.

(D’après les relations faites par les pèlerins qui ont eu le bonheur de visiter les lieux sanctifiés par la présence de Jésus-Christ, le chemin que parcourut notre Rédemp­teur depuis le prétoire de Pilate jusqu’au Calvaire, est composé de 1561 pas : c’est ce chemin qui a été appelé depuis la voie douloureuse, et qui est aujourd’hui dans l’Église l’objet d’une dévotion particulière, connue sous le nom de Chemin de la Croix.)

L’apôtre saint Paul remarque que Jésus-Christ fut conduit hors des portes de Jé­rusalem pour y être immolé, parce que son sang devait purifier le monde, de même que la victime solennelle d’expiation of­ferte tous les ans par le grand-prêtre des Juifs, était immolée hors du camp.

Cette circonstance est aussi remarquée par saint Léon, qui y découvre de nouvelles pro­fondeurs. Il nous apprend qu’il fallait pour un sacrifice aussi auguste que celui du Fils de Dieu, un autre autel que celui du temple, dont le ministère borné aux figures était fini, et un autre lieu que Jérusalem, dont la ruine était déjà prédite et méritée par le comble qu’elle mettait à ses crimes en crucifiant son Dieu et son roi.

Il ajoute qu’une hostie universelle offerte pour tous les hommes et pour tous les siècles, ne pouvait être renfermée dans une enceinte particulière, et qu’il fallait que la croix de Jésus-Christ, exposée en spectacle au monde entier, fut l’autel public de l’uni­vers.

Pendant que Jésus traversait les rues de Jérusalem, accablé sous le poids de sa croix, le Ciel préparait à un homme obs­cur et inconnu jusqu’ici un triomphe plus glorieux que tous les triomphes de la terre, Simon le Cyrénéen sortait d’un champ qu’il venait de cultiver, lorsque tout-à-coup il se vit enveloppé dans la multitude qui ac­compagnait Jésus au Calvaire.

Dans le même moment, le Fils de Dieu succombant sous le fardeau de sa croix, semblait témoigner à ses bourreaux qu’il n’arriverait jamais au lieu du supplice, s’il ne recevait quel­que soulagement. C’est pourquoi Simon, le bienheureux Simon, fut aussitôt choisi par les soldats pour partager le glorieux fardeau du Sauveur.

Mais où êtes-vous donc, disciples de Jésus ? et que faites-vous-en ce moment ? Quoi, vous souffrez que votre maître réclame le secours d’un étranger pour soutenir sa faiblesse ! comment ne vous voit-on point accourir vers ce Dieu homme, pour solliciter l’honneur de le décharger du pesant fardeau qui l’accable ?

Un malfaiteur que vous verriez réduit dans le même état, aurait des titres à votre com­misération, et vous êtes insensibles ! C’est ainsi, ô mon âme ! que Dieu permet quel­quefois, pour punir l’orgueil et l’ingrati­tude de ses serviteurs, que les enfants du siècle donnent de plus grands exemples de charité que les enfants de la croix.

D’ail­leurs, en acceptant le secours du Cyrénéen, il ne veut pas être entièrement déchargé de son fardeau; il continue de supporter sa croix en marchant le premier, pour nous faire voir qu’il supporte toujours avec nous le fardeau de nos souffrances, et pour nous exciter par son exemple à marcher cou­rageusement dans la voie des douleurs et des humiliations.

En considérant le Sauveur dans ce pi­toyable état, il semblait qu’il dût être in­sensible à tout ce qui se passait autour de lui. Cependant il oublie en quelque sorte ses propres souffrances, pour consoler les personnes qui1 le suivent et qui paraissent s’attendrir sur leur sort.

Parmi la foule immense dont il est entouré, il se trouve quelques âmes compatissantes qui laissent éclater leur douleur ; on y voit aussi un grand nombre de pieuses femmes qui sui­vent la multitude, en versant des larmes et en se frappant la poitrine. Jésus se tour­nant vers elles, leur adresse ces admirables paroles : Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi, mais pleurez sur vous et sur vos enfants !

C’est ainsi, ô mon âme ! que Jésus-Christ t’enseigne à ne point rechercher, dans tes souffrances, la compassion < des hommes. Les douleurs qu’il va éprou­ver, cet adorable Sauveur, sont l’effet de son amour et de sa soumission à la volonté de son Père : voilà d’où découlent ses plus solides consolations ; il refuse toutes les au­tres.

Or est-ce ainsi, mon âme ! que tu te conduis dans la tribulation ? tes consolations les plus efficaces sont-elles alors dans la soumission à la volonté de Dieu ? 0 combien tu devrais trembler en écoutant les paroles que Jésus ajoute : Si le bois vert, dit-il, est traité de la sorte, que fera-t-on au bois sec ? c’est-à-dire si l’innocent est châtié avec tant de rigueur, que doivent attendre les coupables?

IIe Point.

Enfin le nouvel Isaac est arrivé au lieu du sacrifice ; déjà tout est disposé pour l’immolation, le bois, le glaive et la victime. Mais, ô mon âme, quelle victime !… Ranime ici toute la foi dont tu es capable : vois-tu cette croix, ces clous, ces marteaux, tous ces instruments de supplice ? c’est pour cru­cifier Jésus qu’on les a préparés!….

Mais Jésus n’est-il pas lè Fils de Dieu ? et comme Fils de Dieu n’est-il pas tout-puissant ? ne peut-il pas, d’un seul regard, tout disper­ser, tout anéantir ?…… Oui, mais il nous aime ; et par amour pour nous il va se soumet­tre à tous les tourments qu’on lui prépare !

C’était un usage parmi les Juifs de faire boire aux criminels qui allaient mourir, un vin composé de différentes liqueurs qui avait la propriété d’assoupir la douleur et de donner des forces.

Mais, par un excès inouï de cruauté et de malice, avant de faire boire de ce vin à Jésus, on y mêla du fiel pour le rendre plus amer. Ainsi la première action du Sauveur sur le Calvaire a pour but d’expier l’intempérance qui fut la cause de la chute du premier homme.

Les bourreaux se saisirent ensuite de Jé­sus pour le dépouiller de ses vêtements ; et c’est alors que tous les tourments de la fla­gellation se renouvelèrent pour cet adora­ble Sauveur.

Car son corps ayant été horri­blement meurtri par suite de ce supplice, le sang qui en découlait en abondance avait collé sa robe contre sa chair ; en sorte qu’on fut obligé, pour lui ôter ses vêtements, de les arracher avec violence, ce qui rouvrit toutes les plaies dont il était couvert.

Après ce cruel et honteux dépouillement, l’au­guste victime fut étendue sur le bois de son sacrifice. On introduisit de gros clous dans ses pieds et dans ses mains ; et les bourreaux, frappant à coups redoublés, firent jaillir de ces blessures nouvelles des flots de sang, dont la terre fut inondée.

Tu frémis, ô mon âme ! Eh bien, ce n’est pas encore là l’instant le plus douloureux pour ton Sauveur. Sois toujours attentive ; considère cette croix au moment où on l’élève : quelles secousses, et par conséquent, quelles horribles souffrances pour le Fils de Dieu, lorsque les bour­reaux laissent tomber l’instrument de son supplice dans l’ouverture qui lui avait été préparée !

Mais toutes les prophéties n’ont pas encore reçu leur accomplissement : il faut que le Messie soit mis au rang des scé­lérats, suivant la prédiction d’Isaïe ; c’est pourquoi deux voleurs qu’on avait amenés à la suite de Jésus, sont crucifiés à ses côtés.

Le voilà donc exposé aux regards du monde, le Rédempteur divin dont le sacrifice doit briser les liens de notre captivité ! La voilà enfin sur l’autel, dit saint Léon, la victime qui doit réconcilier le Ciel avec la terre ! On place entre l’un et l’autre l’unique médiateur. On le propose en spectacle à tout l’univers.

On attire sur lui les regards de ceux qui sont voisins et de ceux qui sont éloignés : il semble qu’on n’ait choisi un bois élevé, que pour lui découvrir toute l’étendue de l’empire qu’il se doit soumettre. Au-dessus de sa tête, une inscription écrite en trois langues, annonce qu’il est le roi des Juifs ; et quoique les princes des prêtres en aient témoigné leur mécontentement au gouverneur,

Dieu ne permet pas qu’on change quelque chose à ce titre, dit saint Augustin, pour faire connaître que le royau­me de Jésus-Christ doit s’étendre sur tous les peuples de la terre désignés par ces trois langues.

Pendant que le peuple de Dieu était sous la conduite de Moïse, il se vit attaqué par une armée formidable d’Amalécites, à la­quelle il désespérait de pouvoir résister. Mais Moïse qui avait toute sa confiance dans le bras du Seigneur, donna à Josué le com­mandement de sa troupe, et se retira sur une montagne voisine pour y invoquer le secours du Ciel.

Pendant toute la durée du combat, il ne cessa de tenir les bras élevés vers le Ciel en forme de croix, et sa persé­vérance dans cette position fut cause que les Israélites obtinrent la victoire. Quelle admirable figure, ô mon âme ! du spectacle dont tu es en ce moment témoin !

Jésus placé sur une montagne, et les bras éten­dus vers le Ciel, nous obtint aussi par cette position le triomphe sur nos ennemis. Mais sur quels ennemis ? sur le démon, sur la mort, ennemis terribles au pouvoir des­quels nous étions déjà tombés.

Ainsi donc, le voilà arrivé, le moment où l’ouvrage de notre rédemption doit s’accomplir : cette croix que le Fils de Dieu arrose de son sang est véritablement un autel sur lequel le Père céleste vient promettre à la terre que les jours de malédiction sont finis, qu’il oublie l’injure faite à sa majesté, et que les hommes seront désormais l’objet de ses misé­ricordes.

Mais, ô mon âme! considère à quel prix Jésus acquiert le titre de Rédempteur. Monte sur le Calvaire : lève les yeux vers l’adorable victime ; regarde-la suspendue par des clous sur lesquels repose tout le poids de son corps.

Chacun de ses mouvements, en élargissant ses plaies, redouble ses dou­leurs : sa tête couronnée d’épines ne se peut reposer nulle part sans éprouver les plus horribles souffrances : son sang qui s’échappe à gros bouillons par toutes ces blessures, ruisselle sur la terre, et ses entrailles des­séchées par l’effusion de ce sang précieux, lui font éprouver une soif dévorante.

En­core si au milieu de ses tourments ce divin Sauveur rencontrait quelques âmes sensibles et compatissantes ! Mais non ; tous ceux qui l’environnent l’abreuvent d’humiliation ; ils vomissent contre lui mille blasphèmes ; ils foulent aux pieds ce sang adorable qui coule pour leur salut.

Pécheurs endurcis ! chré­tiens sans foi et sans charité ! approchez-vous : venez et voyez; ce spectacle est-il suffisant pour vous émouvoir? L’amour de Jésus vous parle-t-il d’une manière assez éloquente? voulez-vous encore mêler vos insultes à celles du peuple juif, et vos blas­phèmes à ses blasphèmes? Interrogez votre cœur, et ne croyez pas, dit saint Augustin, que la malice des hommes soit aujourd’hui consommée.

Non, la vôtre est encore plus grande, si vous continuez d’anéantir le fruit de la croix par vos infidélités ; si vous mé­prisez dans sa gloire celui que les Juifs n’ont méprisé que dans sa bassesse ; si vous la résurrection, celui qui était ressuscité pour ne plus mourir.

PRIÈRE.

Qu’avez-vous donc commis, adorable Jé * sus, pour être ainsi traité ? Quel est votre péché ? quelle est la cause de vos souffran­ces ? Ah ! c’est moi, c’est moi qui suis la cause de toutes les douleurs qu’on vous fait éprou­ver.

O jugement incompréhensible ! le mé­chant offense, et le juste en est puni : le criminel pèche, et l’innocent en porte la peine. Ce que doit le méchant, le bon le paie : ce que commet le serviteur, le maître l’endure ; ce que mérite l’homme, Dieu le souffre. O amour î ô amour ! qui pourra ja­mais te comprendre ?

Mon divin Sauveur, je ne suis pas en état de vous rendre tout ce que vous avez fait pour moi : mais du moins avec le secours de votre grâce, j’en­trerai, autant qu’il me sera possible, dans l’esprit de cet adorable mystère.

Je cruci­fierai avec vous mes penchants déréglés; je vous ferai le sacrifice de toutes mes pen­sées, de toutes mes paroles, de toutes mes œuvres; et lorsque j’éprouverai les com­bats de la chair contre l’esprit, lorsque je me verrai soumis à des épreuves pénibles à ma nature, je viendrai les tremper dans votre sang précieux qui inonde aujourd’hui le Calvaire.

Je viendrai les déposer an pied de votre croix que je prends aujourd’hui pour mon guide, pour mon soutien, pour ma consolation et pour mon espérance.

RÉSOLUTIONS.

l.° Je pratiquerai aujourd’hui et pendant les quatre jours qui suivront, la dévotion du chemin de la croix, en demandant à Jé­sus-Christ qu’il daigne augmenter en moi la charité et m’appliquer les mérites de ses souffrances.

2.° J’éviterai de me laisser aller pendant ce jour à une trop grande dissipation : je m’interdirai toute visite inutile, et je cher­cherai la société de quelques personnes pieuses avec lesquelles je puisse m’entre-tenir de l’amour immense que Jésus nous a témoigné.