LE MOIS DE SAINT JOSEPH – VIe JOUR

LE MOIS DE SAINT JOSEPH- VIe JOUR

Les prérogatives de saint Joseph. — Son nom.

Après avoir examiné la généalogie de saint Joseph et établi l’illustration de sa naissance, le chancelier Gerson émet, à titre de pieuse croyance, une opinion qu’ont adoptée non-seulement un grand nombre d’auteurs mystiques, mais plusieurs docteurs de l’Église. (Voir la Theologia Mariana; — Cornélius a Lapide; — Suarès, t. II, Sur les Mystères.)

C’est que l’Époux de Marie dut être aussi favorisé dans l’ordre de la grâce qu’il l’avait été dans l’ordre de la nature, et que les titres de sa noblesse divine, pour ainsi parler, devaient être aussi exceptionnels que ceux de sa noblesse temporelle. La grandeur de son ministère justifie et même implique d’une certaine manière les prérogatives qu’on lui attribue, et que Gerson énumère ainsi dans son naïf et pittoresque langage.

I

JEAN DE GERSON (1363-1429)

Église Saint André de Mairieux, vitrail dédié à Saint Joseph (59). La lecture d'un vitrail se fait de gauche à droite et de bas en haut. Joseph artisan dans son atelier. L'ange lui apparut en songe et lui dit : « Ne crains pas de prendre chez toi Marie ton épouse » Joseph prit Marie chez lui Présentation de Jésus au Temple La fuite en Égypte Joseph et l’enfant Jésus Le Saint-Esprit
Église Saint André de Mairieux, vitrail dédié à Saint Joseph (59). La lecture d’un vitrail se fait de gauche à droite et de bas en haut. Joseph artisan dans son atelier. L’ange lui apparut en songe et lui dit : « Ne crains pas de prendre chez toi Marie ton épouse »
Joseph prit Marie chez lui
Présentation de Jésus au Temple
La fuite en Égypte
Joseph et l’enfant Jésus
Le Saint-Esprit

« Considérons, selon les prérogatives, que raison juge avoir été appartenues ou dues ou convenant à saint Joseph, que c’est bien à croire religieusement qu’il fut sanctifié au ventre de sa mère, comme saint Jean-Baptiste, comme Jérémie, comme son épouse, Notre-Dame, et comme autres plusieurs de moindre mérite. Entendons qu’il devait approcher souvent du Saint des saints, c’est-à-dire à Jésus, trop plus souvent que ne fit saint Jean-Baptiste. Il lui devait faire plus de services, et devait être, ce semble, moult purifié dès le commencement de sa formation, comme fut saint Jean-Baptiste.

« Considérons en outre que saint Joseph demeura vierge, comme Jérémie et Hélie, et saint Jean-Baptiste, et son épouse, sainte Marie. Le béni Fils de Dieu aima tant virginité, qu’il ne voulut point accomplir le mystère de son incarnation, sinon par une mère Vierge : c’est bien à croire aussi qu’il ne voulut point être gardé, nourri, traité, gouverné et porté sinon par celui auquel reluisait pure virginité; car, comme dit le Sage, qui aime la netteté du cœur, aura le roi pour ami; et qui est mieux ce roi que Jésus – Christ ?

« Considérons encore que tentation quelconque ne émut Joseph à ce qu’il s’inclinât et trébuchât à un péché mortel ; mais autrement , hélas ! autrement est de nous, qui n’avons pas telle abondance de grâce.

« Considérons aussi que saint Joseph eut l’esprit de prophétie en bien haut degré, plus que par visions imaginaires, et tant du passé, comme du présent et du futur, et, plus clairement que les prophètes anciens, voire que saint Jean-Baptiste, ce semble, quant en aucune manière; car saint Joseph ne montra mie seulement le Fils de Dieu au doigt, mais le porta, le nourrit, et le traita dès son enfance , et conversa plus prochainement, et plus souvent, avec la Sainteté des saintetés, laquelle le salua non mie une fois, mais plus de mille. Et, si à une salutation saint Jean tressaillit au ventre de sa mère sainte, et en fut remplie de l’esprit d’exaltation et de prophétie, concluons ce que nous pouvons penser de saint Joseph.»

Tout fut donc marqué d’un sceau spécial dans l’âme, dans la vie et dans la famille de saint Joseph. Tout ce qui lui appartient mérite d’être étudié avec respect. Il n’est pas jusqu’à son nom dont la signification mystique ne serve à caractériser le trait saillant de cette sainte figure, et ne justifie l’importance que les Juifs attachaient aux noms portés par les grands serviteurs de Dieu. Écoutons encore sur ce point les réflexions du même auteur.

II

Le Nom de saint Joseph.

JEAN DE GERSON

« Considérons en après que saint Joseph, puisqu’il fut né, fut circoncis le 8me jour, selon la loi, et lors lui fut imposé ce nom : Joseph, qui selon son interprétation signifie accroissement, ou augmentation. Et raisonnablement fut ainsi nommé celui qui devait croitre de vertus en vertus et d’honneurs en honneurs, jusques à une telle dignité qu’il fut appelé Père du béni fils Jésus, et qu’il est maintenant et glorieusement couronné là-haut..

« Nous lisons de plusieurs qu’ils eurent semblable nom : comme Joseph qui sauva l’Égypte contre la famine de sept ans ; mais notre Joseph fut plus parfait, qui gouverna le Sauveur de tout le monde, environ trente ans. Nous avons un autre Joseph d’Arimathie, qui était disciple occulte de Jésus, qui l’ensevelit hardiment et précieusement, comme dit l’Évangile; mais notre Joseph fut plus que disciple de Jésus, et lui fit trop plus de service en son vivant.

« Considérons en outre, selon le mystique entendement, que Joseph signifie l’homme contemplatif, qui s’élève au-dessus de soi et va de clarté en clarté, jusques à la vision des choses divines, de plus en plus : quoique ce soit ici comme en un miroir et en un ombrage. Le contemplatif est le fils de Jacob, qui signifie, selon son interprétation, supplanteur ou lutteur, par quoi nous entendons l’homme actif, qui supplante et met dessous les pieds de l’affection les vices, et lutte contre eux vigoureusement.

« Ce Jacob engendre Joseph; car la vie active engendre la vie contemplative, et vainement, comme dit saint Grégoire, un homme s’efforce de monter le mont de paisible contemplation, qui par avant ne s’est exercé au champ de laborieuse action : et c’est contre ceux et celles de notre temps, qui du premier saut veulent être mis en vie solitaire, ou en vie d’ermitage, ou demeurer au monde, et tantôt être ravis jusque au tiers ciel, sans avoir rien fait en discipline de la supplantation des vices, et mortification de leur charnalité, mais c’est en vain, et souvent tourne en leur dérision, scandale et perdition.

« Considérons encore que Joseph eut son père légal qui se nommait Hély, selon l’évangéliste saint Luc.

(Il y a deux généalogies de saint Joseph: la première lui donne pour père Jacob, la deuxième Héli. Les docteurs, et en particulier saint Augustin, pensent que Joseph naquit de Jacob et fut adopté par Héli. Saint Ambroise dit que Jacob et Héli étaient deux frères, et que le premier étant mort, le second épousa sa veuve, conformément à l’usage des Juifs. De ce second mariage naquit Joseph ; mais, d’après la loi de Moïse, il devait être considéré comme un rejeton du premier époux défunt de sa mère. Héli, conclut saint Ambroise, fut son père selon la nature, et Jacob fut son père selon la loi. ( Exposition de l’Évangile de saint Luc, par saint Ambroise, ch. i.)

« Hély veut dire donation de mon Dieu, et véritablement il n’est pas d’homme qui puisse être Joseph par contemplation, sinon par Dieu qui la donne, bien que l’humaine diligence en oraisons, en jeûnes, en aumônes, en bonnes opérations, dispose à recevoir cette grâce de congruité, non de nécessité. Ce serait ici une profitable et large matière de continuer nos considérations, à connaître la nature de dévote et élevée contemplation, en laquelle c’est bien à croire que saint Joseph profita moult, en la très-familière société de son aimée épouse, et du doux enfant Jésus. Mais à tant nous suffise de cela pour le présent.

(Gerson, Considérations sur saint Joseph.)