L’Église, qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce qu’elle fait ?

L’Église, qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce qu’elle fait ?

Le Saint Pape Paul VI, peu de temps avant de quitter ce monde, a donné cette audience qui nous paraît vraiment actuelle et qu’il nous est bien profitable de lire ou de relire malgré le temps qui nous en sépare : 41 ans exactement aujourd’hui !

D’où venez-vous ? Qu’il nous soit permis de poser une question dont l’intention n’est certes pas de méconnaître la parenté spirituelle, mystique et réelle, de votre heureuse appartenance à l’Église de Dieu, à notre commune famille du Christ au sein de laquelle nous vivons et même pour laquelle, Frères et Sœurs voués à l’Église, votre témoignage exemplaire rayonne lumineusement.

C’est une question qui reconnaît la réalité profane de la société, dans laquelle nous sommes tous immergés et qui, en certaines de ses expressions, non seulement s’est distinguée de l’Église, mais s’est également séparée d’elle, a déclaré pouvoir se suffire à elle-même et, même parfois, a démontré, par certaines affirmations, qu’elle lui était hostile, ennemie.

Ces affirmations, nous les connaissons trop bien pour ne pas en avoir gardé le souvenir imprimé dans nos âmes; un souvenir agressif et radical qui se prononce comme une contestation sans réplique: l’Église pourquoi ?

Une mentalité laïque, aveugle, intransigeante et harcelante : l’Église n’est-elle pas superflue aujourd’hui ? N’est-elle pas un résidu inutile désormais pour l’homme moderne ? Son bagage de civilisation n’est-il pas archaïque, dépassé, encombrant pour la civilisation des temps nouveaux ?

Lorsque vous entrez dans cette maison où la voix des siècles passés semble couvrir celle du siècle présent, partagez-vous, cette psychologie, ce sentiment d’être en dehors, qui, certes, n’empêche pas cette curiosité de l’étranger, du touriste, de l’observateur amusé mais passager, indifférent au fond, au monde religieux qui, ici, n’est pas seulement représenté, mais bien vivant: c’est-à-dire l’Église victorieuse dans le temps ?

Est-il peut-être importun, le discours que nous faisons ici ? Non, il n’est pas irrévérencieux et encore moins superflu ! Nous voudrions stimuler votre attention, certainement stupéfaite et pleine d’admiration devant le complexe monumental, artistique, historique et surtout religieux où vous vous trouvez en ce moment.

La pousser à méditer profondément les réponses à une question que vous avez certainement déjà formulée dans vos âmes : L’Église, qu’est-ce que c’est ? Oui, posez-vous cette question qui exige de nombreuses réponses ; et même, pour formuler quelques réponses, adoptez la manière la plus facile, celle que Jésus lui-même a proposée à ceux qui le contestaient : « Quand bien même vous ne me croiriez pas, croyez en mes œuvres » (Jn 10, 38).

En tant que disciples extérieurs — c’est ainsi que nous nous considérons à présent — il nous est permis de distinguer dans notre recherche deux ordres de questions relatives à l’Église : qu’est-elle ? que fait-elle ?

Nous renoncerons en ce moment à l’examen de la première question qui exige une réponse doctrinale, théologique que nous connaissons tous plus ou moins, mais qui, certes, n’est ni simple ni brève ; dans le Credo nous trouvons matière d’étude et de connaissance.

Fixons plutôt notre attention sur la seconde question: l’Église, que fait-elle ? Ici, la réponse est évidemment plus facile, parce qu’elle nous est suggérée par des éléments qui se peuvent observer immédiatement.

Voyons alors: que fait l’Église ? La première réponse, à laquelle nous nous arrêterons en ce moment, est merveilleuse mais aussi vaste qu’un océan : l’Église prie ! Sa première tâche, son premier devoir, sa première raison d’être c’est la prière. Chacun le sait.

Mais essayez seulement de donner la définition de cet acte spécifique de l’Église et vous verrez quelle immensité, quelle profondeur, quelle beauté contient la prière. Elle est la première et opérante raison d’être de l’Église. Son nom même définit l’Église: le terme Église ne dérive-t-il pas en effet d’un mot qui signifie « assemblée en prière » ?

Et ne se confond-il pas avec celui qui qualifie l’édifice où les fidèles se réunissent pour prier ? Et l’Église n’est-elle pas une société religieuse dont la raison d’exister est le culte de Dieu ? (cf. St Thomas II-II, 81) Et le fait même de la prière n’implique-t-il pas toute une conception de la vie, une philosophie de l’être qui distingue chez les hommes une première catégorie fondamentale, la catégorie religieuse précisément ?

Et la première affirmation du récent Concile ne fut-elle pas justement celle concernant la Liturgie ? Puis, la liturgie, est-ce autre chose que le culte public de l’Église ? Est-ce autre chose que sa voix communautaire tournée vers le mystère de Dieu le Père, par le Christ, dans l’Esprit Saint ?

Toutefois la liturgie ne mobilise pas l’entière activité de l’Église, pas plus qu’elle n’exprime en totalité les voix individuelles des fidèles ; il reste à ceux-ci l’obligation et la possibilité d’avoir un dialogue personnel propre avec Dieu (cf. Constitution Sacrosanctum Concilium, n. 13).

Le discours pourrait se prolonger sans fin. Mais que ces quelques accents brefs et rapides, suffisent à vous donner une première image de l’Église : celle d’une humanité qui prie; donc qui croit, qui s’élève en vol au-dessus de la terre, qui chante et pleure et implore et espère, qui déploie sa capacité d’infini et trouve dans ses aspirations vers le ciel une direction et une force pour accomplir dignement son voyage terrestre.

Qu’il en soit ainsi pour nous tous ! Avec notre bénédiction apostolique !

PAUL VI AUDIENCE GÉNÉRALE mercredi 12 avril 1978


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