Miroir du Salut éternel

Miroir du Salut éternel

Bienheureux Jean de Ruysbroeck
Bienheureux Jean de Ruysbroeck

Si vous voulez recevoir le corps de Notre-Seigneur dans le Sacrement, d’une façon qui soit glorieuse pour Dieu et salutaire pour vous-même, vous devez posséder quatre qualités, qui étaient en Marie, la Mère de Dieu lorsqu’elle conçut Notre-Seigneur.

Soyez-lui donc disciple et asseyez-vous à ses pieds, afin que par ses exemples, elle puisse vous enseigner comment il faut vivre, car elle est la souveraine maîtresse de toute vertu et de toute sainteté.

La première qualité que possédait Marie et que vous devez avoir, c’est la pureté; la seconde est une vraie connaissance de Dieu; la troisième est l’humilité, et la quatrième un désir qui naît de la libre volonté.

Et d’abord regardez dans votre miroir, qui est Marie, cette première qualité de la pureté. Au moment même où elle fut conçue, Marie fut pure de toute tache et de toute inclination au péché… Aussi l’envoyé de Dieu, l’ange Gabriel, put-il lui dire : « Je te salue, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi. » (Lc 1, 28)

Tout ce qui est plein de grâce est pur et tout ce qui est pur est plein de grâce. Si donc vous voulez être plein de grâce et recevoir Notre-Seigneur, vous devez être pur avec Marie. Pour cela, éprouvez et examinez ce qui apparaît en votre conscience, et tout ce que vous y trouverez qui puisse déplaire à Dieu, accusez-le et confessez-le d’un cœur humble ; devant Dieu et votre confesseur…

De tout ce qui est péché ayez grande contrition et regret de cœur, avec une ferme volonté de faire toujours le bien et de vous mettre en garde contre toute faute… Ayez, par-dessus tout, grande foi et amoureuse confiance en Dieu, car c’est là ce qui fait pardonner les péchés, ainsi que Notre-Seigneur l’a dit en maint endroit de l’Évangile : « Ta foi t’a sauvé. » (Mt., 9, 22; Mc, 5, 3, 10, 52; Lc, 7, 50; 8, 48; 17, 42 et 18, 42) C’est la première qualité pour être pur et recevoir avec Marie Notre-Seigneur.

La seconde qualité, que nul ne peut posséder s’il n’a une conscience pure, c’est la vraie connaissance de Dieu. Marie l’avait plus que tout autre, après son Fils qui est la Sagesse même de Dieu.

Cependant, lorsque l’ange lui apporta son message, elle fut remplie de crainte et elle se demandait ce que pouvait être cette salutation. L’ange lui dit alors : « Ne crains pas, Marie, car tu as trouvé grâce devant le Seigneur. Voici que tu concevras et enfanteras un Fils, et tu l’appelleras Jésus. Il sera grand devant le Seigneur, et il sera nommé le Fils du Très-Haut. Et le Seigneur, le Père céleste, lui donnera le trône de David son père, c’est-à-dire la puissance de David, et il règnera sur la maison de Jacob pour l’éternité, et son règne n’aura pas de fin » (Luc, I,30-33).

Alors Marie dit à l’ange : « Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais pas d’homme et que je veux demeurer vierge ? » (Luc, I,34)  Et l’ange lui répondit : « Le Saint-Esprit descendra d’en-haut sur toi et la force du Très-Haut te couvrira de son ombre. Aussi le Saint qui naîtra de toi sera-t-il appelé le Fils de Dieu. Et voici qu’Élisabeth ta cousine a conçu un fils dans sa vieillesse ; et c’est le sixième mois de celle qui est appelée stérile, car rien n’est impossible à Dieu » (Lc 1, 35-37).

Marie entendait ces paroles et elle les comprenait, enseignée qu’elle était par l’ange et plus encore par le Saint-Esprit. Elle dit alors « Voici la servante du Seigneur » ( Lc 1, 38). Et ainsi, tandis que Dieu l’élevait souverainement, elle-même s’abaissait le plus possible, comme elle l’avait appris de la Sagesse de Dieu. Car ce qui est élevé ne peut demeurer stable que dans l’humilité ; la chute des anges précipités du ciel le montre bien.

Qu’y a-t-il de plus haut, en effet, que le Fils de Dieu ? Mais aussi qu’y a-t-il de plus humble que le serviteur de Dieu et de tous qui est le Christ ? Et qu’y a-t-il de plus élevé que la Mère de Dieu ? Et pourtant est-il rien de plus humble que d’être la servante de Dieu et de tout le monde, ainsi que Marie l’a été ? Elle remit aussi sa volonté tout entière au bon plaisir de Dieu, avec une grande ferveur, disant à l’ange : « Qu’il m’advienne selon ta parole ! » (Lc 1, 38)

L’Esprit-Saint l’entendit et Dieu en fut si touché dans son amour qu’il envoya sur l’heure dans le sanctuaire de Marie le Christ qui nous a rachetés de tous nos maux. Ainsi donc c’est de Marie et de l’ange que nous apprenons comment le Fils de Dieu est venu dans notre nature.

Bienheureux Jean de Ruysbroeck ((1293 – 2 décembre 1381) Miroir du Salut éternel, ch. IV