MOIS DE SAINT JOSEPH – XVe JOUR
Saint Joseph associé aux souffrances de Jésus-Christ
pendant la fuite en Égypte.
I
BOSSUET
« Voici encore un mystère plus excellent. Partout où entre Jésus, il entre avec ses croix et toutes les contradictions qui doivent l’accompagner. « Levez-vous, lui dit l’Ange, hâtez-vous de prendre l’Enfant et sa mère, et fuyez a en Égypte. » Pesez toutes les paroles, vous verrez que tout inspire de la frayeur.
« Levez-vous, ne tardez pas un moment ; il ne lui dit pas : Allez, mais fuyez. L’Ange paraît lui-même alarmé du péril de l’Enfant ; et il semble, disait un ancien Père, que la terreur ait saisi le ciel avant que de se répandre sur la terre. Pourquoi? si ce n’est pour mettre à l’épreuve l’amour et la fidélité de Joseph, qui ne pouvait pas n’être pas ému d’une manière fort vive, en voyant le péril d’une épouse si chère et d’un Fils si cher.
« Étrange état d’un pauvre artisan qui se voit banni tout à coup ; et pourquoi? parce qu’il est chargé de Jésus, et qu’il l’a en sa compagnie. Avant qu’il fût né, lui et sa sainte épouse vivaient pauvrement, mais tranquillement, dans leur ménage, gagnant doucement leur vie par le travail de leurs mains; mais aussitôt que Jésus leur est donné il n’y a point de repos pour eux.
« Cependant Joseph demeure soumis, et ne se plaint pas de cet Enfant incommode qui ne leur apporte que persécution. Il part, il va en Égypte, où il n’a aucune habitude, sans savoir quand il reviendra dans sa patrie, à sa boutique et à sa pauvre maison. L’on n’a pas Jésus pour rien; il faut prendre part à ses croix.
« Pères et mères chrétiens, apprenez que vos enfants vous seront des croix : n’épargnez « pas les soins nécessaires non-seulement pour leur conserver la vie, mais, ce qui est leur véritable conservation, pour les élever dans la vertu. Préparez-vous aux croix que Dieu vous prépare dans ces gages de votre amour mutuel ; et, après les avoir offerts à Dieu comme Joseph et Marie, attendez-vous, comme eux, à en recevoir, quoique peut-être d’une autre manière, plus de peines que de douceur. »
(Bossuet, Élévations sur les mystères, XIXe semaine.)
II
SAINT ALPHONSE DE LIGUORI
« Que dire des angoisses de saint Joseph durant ce voyage ? Il voyait souffrir sa sainte épouse, qui était peu faite à la marche, et avec elle le cher Enfant qu’elle et lui se passaient tour à tour pour le porter entre leurs bras. Et dans cette fuite précipitée, au milieu de l’hiver, par le froid et la neige, quelle appréhension constante de rencontrer à chaque pas les soldats d’Hérode!…
« De quoi pouvaient-ils se nourrir pendant le jour, si ce n’est du morceau de pain qu’ils avaient emporté avec eux ou qu’ils avaient reçu en aumône? Où pouvaient-ils se reposer pendant la nuit, si ce n’est dans quelque méchante hutte, sous l’abri de quelque arbre, et plus souvent encore en rase campagne et à découvert?
« Saint Joseph adorait les desseins du Père céleste, qui voulait que Jésus souffrît dès sa venue dans le monde pour expier les péchés des hommes. Mais le saint vieillard avait son cœur paternel déchiré quand il entendait le divin Enfant pleurer de froid et de fatigue, sans qu’il lui fût possible de soulager ses souffrances. »
(Bossuet, Élévations sur les mystères, XIXe semaine.)
III
FLÉCHIER
« Figurez-vous cet homme de la Providence de Dieu fuyant devant la face du tyran qui avait occupé le trône de ses pères, chargé de Jésus-Christ et du christianisme; portant les mystères de la religion et l’Église errante dans son origine; sur la tête duquel roulent le salut général du genre humain et la vie du Sauveur des hommes ; marchant à la faveur de la nuit, sans secours, sans guide, sans assistance ; cherchant, comme un criminel, dans une terre étrangère la sûreté que son innocence ne lui donnait pas dans la sienne ; et traînant le Dieu d’Israël, pour aller éprouver dans la cruelle et barbare Égypte l’ancienne captivité de son peuple.
« C’est là que, dans une solitude qui n’était interrompue que par les soins qu’il prenait pour Jésus-Christ et pour sa mère, il possédait un trésor encore fermé pour tout le reste du monde. C’est là que, conduisant le Fils de Dieu de désert en désert, pour lui faire consacrer par sa présence ces lieux qui devaient être un jour habités par tant de pénitents et de solitaires, il se rendait comme leur chef sous Jésus-Christ, et traçait à ses anges, revêtus d’un corps mortel, ces fameux asiles contre la corruption du monde, qui n’est pas moins irrité contre la vertu que ne l’était Hérode. »(Fléchier, loc. cit.)
« Toutes les souffrances de ce voyage durèrent longtemps, remarque saint Bonaventure ; il fallait traverser le grand désert, où les Hébreux avaient passé quarante ans avant d’arriver à la terre promise ; et ce trajet, qui était de douze à quinze jours pour les courriers, dut être pour la sainte famille de plus de deux mois.» (Saint Bonaventure, Vie de Jésus-Christ, ch. XII)