MOIS DE SAINT JOSEPH – XXVe JOUR

MOIS DE SAINT JOSEPH – XXVe JOUR

Saint Joseph détaché de la gloire.

Saint Joseph - Houchin - église St Omer
Saint Joseph – Houchin – église St Omer

BOSSUET

I

« Dieu, qui a établi son Évangile sur des contrariétés mystérieuses, ne se donne qu’à ceux qui se contentent de lui, et se détachent des autres biens. Il faut qu’Abraham quitte sa maison et tous les attachements de la terre avant que Dieu lui dise : « Je suis ton Dieu. » Il faut abandonner tout ce qui se voit pour mériter ce qui ne se voit pas ; et nul ne peut posséder ce grand tout s’il n’est au monde comme n’ayant rien.

« Si jamais il y eut un homme à qui Dieu se soit donné de bon cœur, c’est sans doute le juste Joseph, qui le tient dans sa maison et entre ses mains, et à qui il est présent à toutes les heures, beaucoup plus dans le cœur que devant les yeux. Voilà un homme qui a trouvé Dieu d’une façon bien particulière; aussi s’est-il rendu digne d’un si grand trésor par un détachement sans réserve. »

II

« Notre-Seigneur Jésus-Christ étant venu pour mourir et s’immoler, il a voulu mourir et s’immoler pour nous en toutes manières ; de sorte qu’il ne s’est point contenté de mourir de la mort naturelle ni de la mort la plus cruelle et la plus violente, mais il a encore voulu y ajouter la mort civile et politique. Et comme cette mort civile vient par deux moyens, ou par l’infamie ou par l’oubli, il a voulu subir l’une et l’autre.

« Victime pour l’orgueil humain, il a voulu se sacrifier par tous les genres d’humiliation, et il a donné à cette mort d’oubli les trente premières années de sa vie. Pour mourir avec Jésus-Christ, il nous faut mourir de cette mort, afin de pouvoir dire avec saint Paul : « Le monde est crucifié pour moi, et je suis crucifié pour le monde. »

« Saint Grégoire a donné de ce passage de l’Apôtre une belle interprétation : « Le monde, dit-il, est mort pour nous quand nous le a quittons; mais, ajoute-t-il, ce n’est pas assez : il faut, pour arriver à la perfection, que nous soyons morts pour lui et qu’il nous quitte; c’est-à-dire que nous devons nous mettre dans un tel état, que nous ne plaisions plus au monde, qu’il nous tienne pour mort, et qu’il ne nous compte plus pour être de ses parties et de ses intrigues, ni même de ses entretiens et de ses discours.

«C’est la haute perfection du christianisme; c’est là que l’on trouve la vie, parce que Ton apprend à jouir de Dieu, qui n’habite pas dans le tourbillon ni dans le tumulte du siècle, mais dans la paix et dans la solitude de la retraite.

« Ainsi était mort le juste Joseph. Enseveli avec Jésus-Christ et la divine Marie, il ne s’ennuyait pas de cette mort, qui le faisait vivre avec le Sauveur. Au contraire, il ne craint rien tant que le bruit et la vie du siècle viennent troubler ou interrompre le repos caché et intérieur.

« Mystère admirable : Joseph a, dans sa maison, de quoi attirer les yeux de toute la terre, et le monde ne le connaît pas : il possède un Dieu-homme, il n’en dit mot : il est témoin d’un si grand mystère, et il le goûte en secret, sans le divulguer.

« Les Mages et les pasteurs viennent adorer Jésus-Christ, Siméon et Anne publient ses grandeurs : nul autre ne pouvait rendre meilleur témoignage du mystère de Jésus-Christ, que celui qui en était dépositaire, qui savait le miracle de sa naissance, que l’Ange avait si bien instruit de sa dignité et du sujet de son envoi.

« Quel père ne parlerait pas d’un fils si aimable? et cependant, l’ardeur de tant d’âmes saintes qui s’épanchent devant lui, avec tant de zèle, pour célébrer les louanges de Jésus – Christ, n’est pas capable d’ouvrir sa bouche pour leur découvrir le secret de Dieu, qui lui a été confié.

« ‘Ils paraissaient étonnés’, dit l’Évangéliste, il semblait qu’ils ne savaient rien; ils écoulaient parler tous les autres, et ils gardaient le silence avec tant de religion, qu’on dit encore dans leur ville, au bout de trente ans: N’est-ce pas le fils de Joseph? sans qu’on ait rien appris, pendant tant d’années, du mystère de sa conception virginale.

« C’est qu’ils savaient l’un et l’autre que, pour jouir de Dieu en vérité, il fallait se faire une solitude; qu’il fallait rappeler en soi-même tant de désirs qui errent deçà et delà et tant de pensées qui s’égarent, qu’il fallait se retirer avec Dieu, et se contenter de sa vue. »

(Bossuet, 2e Panégyrique de saint Joseph.)

III

« Chrétiens, ne savez-vous pas que Jésus-Christ est encore caché ? Il souffre qu’on blasphème tous les jours son nom et qu’on se moque de son Évangile, parce que l’heure de sa grande gloire n’est pas arrivée. Il est caché avec son Père, et nous sommes cachés en Dieu avec lui, comme parle le divin Apôtre.

«Puisque nous sommes cachés avec lui, ce n’est pas en ce lieu d’exil que nous devons rechercher la gloire ; mais quand Jésus se montrera dans sa majesté, ce sera alors le temps de paraître.

« C’est là, fidèles, que vous verrez ce que je ne puis vous dire aujourd’hui; vous découvrirez les merveilles de la vie cachée de Joseph; vous saurez ce qu’il a fait durant tant d’années, et combien il est glorieux de se cacher avec Jésus-Christ.

« Ah! sans doute, il n’est pas de ceux qui ont reçu leur récompense en ce monde : c’est pourquoi il paraîtra alors, parce qu’il n’a pas paru ; il éclatera, parce qu’il n’a point éclaté. Dieu réparera l’obscurité de sa vie ; et sa gloire sera d’autant plus grande, qu’elle est réservée pour la vie future. »

(Bossuet, 1erpanégyrique de saint Joseph)