Présentation de Marie

DE B. VIRGINE IN TEMPLUM RECEPTA.

Le temple très pur du Sauveur, le trésor sacré de la divine gloire, la brebis et la Vierge inestimable est aujourd’hui amenée dans la maison du Seigneur ; elle y apporte la grâce de l’Esprit-Saint, les anges de Dieu la célèbrent dans leurs chants : c’est le tabernacle des cieux.

SALVATORIS TEMPLUM maxime mundum, illa tanti aestimanda avis et Virgo, sacra illa arca thesaurum divinae, continens gloriae hodie adducitur in domum Domini ; gratiam secum affert divini Spiritus, dum angelî Dei eam concelebrant : Ipsa palam est coeleste tabernaculum.

Quand je contemple dans la Vierge la grâce qui s’y révèle, le comble des ineffables et très sacrés mystères de Dieu, l’allégresse me transporte, et je ne puis comprendre l’étonnante et inexprimable manière dont cette élue, dont cette immaculée l’emporte à elle seule sur toute créature visible ou invisible. Lors donc que je veux l’acclamer, ma voix et mon esprit défaillent ; pourtant j’ose l’exalter et la glorifier comme étant le tabernacle des cieux.

Dei ineffabilium et sacrorum mysteriorum dum cerno in hac Vîrgine gratiam ostensam et aperte cumulatam, gaudeo, nec modos intelligere valeo insolitos et dictu difficiles, quibus electa illa immaculata, sola praestat super omnem creaturam , tam oculis quam mente perceptam ; ideo faustis vocibus volens illi plandere, stupeo vehementer animo et eloquio: audeo tamen eam praedicare, magnamque dicere. Ipsa siquidem est coeleste tabernaculum.

Le créateur, auteur et seigneur de toutes choses, s’est incliné vers nous dans son indicible miséricorde et mû par sa seule clémence; voyant tombé celui qu’il avait façonné de ses propres mains, il en a eu pitié ; dans sa bonté compatissante, il daigne, oeuvre plus divîne, le relever en s’anéantissant lui-même ; c’est pourquoi, dans le mystère où il a résolu de prendre notre nature, il s’assocîe Marie, la Vierge et l’immaculée : elle est le tabernacle des cieux.

Rerum omnium conditor, opifex et Dominus, ex arcana misericordia et sola clementia sua, se ad nos inclinons, cum lapsum eum videret, quem propriis compegit manîbus, misertus est, eumque restituere dignatus est, opere sublimiore, quippe bonus quum esset et misericors, semet exinanivit ; propterea Mariam, uti Virginem et immaculatam, ascivit sibi participem mysterii, quo genus nostrum sponte assumpsit : îpso est coeleste tabernaculum.

Le rédempteur et Verbe du Très-Haut, voulant se manifester pour nous dans la chair, introduisit donc la Vierge sur terre, relevant par des honneurs inusités et admirables cette entrée de la toute pure en notre monde : il fit d’elle la récompense et le fruit de la prière, la promettant et l’annonçant par message aux justes Joachîm et Anne ; eux, ses parents, recevant avec foi l’oracle, firent avec amour et joie le voeu d’offrir au Seigneur l’immaculée : c’est le tabernacle des cîeux.

Pro nobis igitur redemptor et Verbum in carne cum vellet ostendi, tum Virginem in terram induxit, et novo adventu stupendoque incremento intemeratam illam honestavit ; precibus enîm hune fructum concessit, eamque nuntio et praeconio promisit justes Joachim et Annae : receptoque cum fide oraculo, parentes cum amore et lœtiti a voverunt, se illam Domino oblaturos esse : ipsa est coeleste tabernaculum.

Etant donc née par dîvine providence l’auguste Vierge, les saints époux, comme ils l’avaient promis, la conduisirent au temple à son auteur. Anne, dans son allégresse, interpellant le prêtre, s’écriait : Recevez-la, donnez-lui place au plus profond de l’inaccessible sanctuaire, entourez-la de soins; car c’est un fruit qui fut la récompense de mes prières ; avec joie, dans ma foi. j’ai promis de la rendre à Dieu son auteur : c’est le tabernacle des cieux.

Divino jam numine exorta alma Virgine, justi, prout spoponderant, eam creatori dandam adducebant in templum; laeta ergo Anna palam exclamavit, sacerdotern affata : Eccîllam recipito et întroduc ad inaccessa templi penetralia, et circumtuere eam mearum enim precum hic fructus dams est ; hanc Deo auctori cum laetitia et fide promisi dicandam : ipsa est coeleste tabernaculum.

«FÉLICITEZ-MOI, vous tous qui aimez le Seigneur, de ce que, lorsque j’étais petite, j’ai plu au Très-Haut (23). » C’est l’invitation que vous nous adressez dans les Offices chantés à votre honneur, ô Marie ; et quelle fête la justifie mieux que celle-ci?

Quand, plus petite encore par l’humilité que par l’âge, vous montiez si candide et si pure les degrés du temple, le ciel dut avouer que c’était justice si désormais les meilleures complaisances du Très-Haut étaient pour la terre.

Retirée jusque-là dans l’intimité de vos bienheureux parents, ce fut votre première démarche publique; elle ne vous montrait aux hommes que pour aussitôt vous dérober mieux encore à leurs yeux dans le secret de la face de Dieu ; mais en la manière que pour la première fois vous étiez officiellement offerte et présentée au Seigneur, lui-même sans nul doute, entouré des puissances de sa cour, vous présentait non moins solennellement à ces nobles esprits dont vous étiez la reine.

Dans une plénitude de lumière qui n’avait point lui précédemment pour eux, ils comprirent, en même temps que vos grandeurs incomparables, la majesté de ce temple où Jéhovah recueillait un hommage surpassant en dignité celui des neuf chœurs, l’auguste prérogative de cet ancien Testament dont vous étiez la fille, dont les enseignements et les directions allaient parfaire en vous durant douze années la formation de la Mère de Dieu.

La sainte Église, cependant, vous déclare imitable pour nous en ce mystère de votre Présentation comme dans tous les autres, ô Marie (24). Daignez bénir plus spécialement les privilégiés que la grâce de leur vocation fait dès ici-bas habitants de la maison du Seigneur : qu’ils soient eux aussi l’olivier fertile (25), engraissé de l’Esprit-Saint, auquel vous compare aujourd’hui saint Jean Damascène (26).

Mais tout chrétien n’est-il pas, de par son baptême, l’habitant, le membre de l’Église, vrai sanctuaire de Dieu, dont celui de Moriah n’était qu’une figure ? Puissions-nous, par votre intercession, vous suivre d’assez près dans votre Présentation bienheureuse au pays des ombres et des frimas, pour mériter d’être de même présentés à votre suite au Très-Haut dans le temple de sa gloire (27).

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NOTES :

– (1). PITRA, Analecta sacra Spicilegio Solesmensi parata,I, 275.
– (2). Menaea, ad diem hanc.
– (3). Ceci doit s’entendre seulement de la fête proprement dite; car le marbre de Berre, illustré par Le Blanc sous le n° 542 A des Inscriptions chrétiennes de la Gaule, démontre que le fait du séjour de Marie au temple de Jérusalem était reconnu et honoré en Occident au V° siècle. Voir Planche 72 du même, no 433.
– (4) 11 Juillet.
– (5) LAUNOY, Historia ]Navarre gymnasii, Pars I, L. I, c. 10.
– (6). Psalm XLIV, 11, 12.
– (7). Ibid. 13.
– (8). Ibid. 15, 16.
– (9). Ibid. 3.
– (10). Ibid. 4.
– (11). Ibid. 5.
– (12). Psalm. XL1V, 7.
– (13) Ibid. 8.
– (14). Ibid.9, 10.
– (15). Isaïe. XL1V, 8.
– (16). BERNARDIN. SEN. Pro festivitatibus V. Mariae, Sermo IV, art. 1, c. 3.
– (17). Isaïe LV, 10-11.
– (18). Vie intérieure de la T. Sainte Vierge, Présentation.
– (19). Aggée II, 10.
– (20). Exode, XL.
– (21). III Reg. VIII.
– (22). C’est aujourd’hui la mosquée El-Aksa.
– (23). Deuxième R/ du premier Nocturne à l’Office ordinaire de N.-D.
– (24). Lectio 2a. IIi Noct. ex Ambr. de Virginibus II.
– (25). Eccli. XXIV, 19.
– (26). Lectio Ia. IIi Noct. ex DAMASC. de Fide orthodoxa, IV.
– (27). Collecte du jour.