Septième Parole de Jésus sur la Croix

SEPTIÈME PAROLE durant les TROIS HEURES avant la mort de Jésus

Mon Père, je remets mon esprit entre vos mains.

Il a crié d’une voix forte et les rochers se sont ouverts à son cri ; la terre a tremblé et le voile de l’Ancien Testament s’est déchiré du haut en bas quand l’Ancienne Alliance a fait place à la nouvelle et que la sainteté renfermée dans le Saint des Saints a fait irruption dans le monde.

Et maintenant, le soleil brillant encore sous le voile noir des nuées, il murmure comme aux genoux de Marie à Nazareth l’ancienne prière de son enfance et remet son esprit entre les mains de son Père.

Le dernier Paradoxe est donc proféré. Celui qui sauve les autres ne peut se sauver lui-même ! Le Pasteur des âmes abandonne la sienne. Car, de même que nous ne pouvons sauver nos vies à moins de le perdre pour lui, ainsi lui aussi ne peut les sauver à moins de perdre la sienne pour nous.

I. — Voici donc simplement le résumé de tout ce qui fut fait jusqu’alors, le mot Fin à la dernière page de ce nouveau Livre de Vie qu’il écrivit avec son sang. C’est le silence de l’espace blanc à la fin de la dernière page, mais c’est aussi l’acte final qui donne leur valeur à tous ceux qui l’ont précédé. Si le Christ n’était pas mort, notre foi serait vaine.

Oh ! ces nouvelles théologies qui ne voient dans la mort du Christ que la fin de sa vie ! Mais c’en est le but même et le dernier mot, cet abandon qu’il en a fait ! Comme Samson lui-même, cet étrange prototype du fort armé, il a davantage anéanti d’ennemis de nos âmes par sa mort que par toute sa vie si pleine de miséricorde.

C’est pour cela qu’il est venu en ce monde car le Sacrifice qui est le cœur même du culte instinctif que l’homme rend à Dieu fut accompli là, impérissablement, afin de recevoir le témoignage et la ratification de l’unique offrande, la sienne, qui seule pouvait vraiment effacer les péchés.

Le nier ou l’obscurcir, c’est nier ou obscurcir toute l’histoire de la race humaine, depuis la mort d’Abel jusqu’à la mort du Christ, nier ou obscurcir la signification de chacun des agneaux dont le sang coula dans le Temple et de chaque offrande de vin répandu devant le Saint des Saints, nier ou obscurcir (si nous allons jusqu’à la racine des choses) la libre volonté de l’homme et l’amour de Dieu. Si le Christ n’était pas mort, notre foi serait vaine.

IL — Une fois de plus, tournons-nous donc vers l’événement qui dans nos vies les termine, vers cette mort qui unie à celle du Christ, est notre entrée dans la liberté et, séparée de lui, l’horreur suprême de l’existence:

1) Car sans le Christ, la mort est une violente interruption de la vie, nous introduisant dans une nouvelle existence dont nous ne savons rien, ou dans une non existence. Sans le Christ, si grandes que soient nos espérances, la mort est brusque, effrayante ; elle foudroie et elle disperse. La mort est tout cela dans la meilleure hypothèse ; dans le cas contraire elle n’offre d’autre paix que celle de la mort d’un animal.

2) Mais avec le Christ elle est harmonieuse et continue tout le passé puisqu’elle est le mouvement final d’une vie déjà morte avec le Christ, la dernière étape d’un voyage dans le temps et celle qui met fin à sa souffrance. Ce n’est qu’une phase de plus qui passe, par laquelle est changée la clef de cette musique que chaque vie sainte est toujours devant Dieu.

C’est donc ici qu’il faut choisir. Nous pouvons, si nous le voulons, mourir en luttant jusqu’au bout contre une force qui doit nous vaincre, quelles que soient notre lutte, notre résistance à l’irrésistible. Ou nous pouvons mourir dans une résignation léthargique, comme les chiens, sans espoirs ni regrets, puisque le passé sans le Christ n’a pas plus de signification que l’avenir.

Ou enfin nous pouvons mourir, comme le Christ, et avec lui, remettant un esprit qui vint du Père entre ses mains paternelles, heureux de savoir que Celui qui nous mit dans ce monde nous recevra quand nous en sortirons, ayant cette confiance que de même que la trame de son dessein est claire en cette vie terrestre, elle brillera d’une lumière autrement vive dans la vie de l’au-delà.

Un dernier regard sur Jésus nous montre donc adoucis les traits de son visage et disparue de ses yeux l’horreur de son agonie. Que nos âmes et les âmes des fidèles qui sont parties, par Sa Miséricorde, reposent en Lui !

Robert Hugh BENSON – Paradoxes du Catholicisme – Les Sept Paroles (1913)

Texte présenté par l’Association de la Médaille Miraculeuse